Zusammenfassung des Urteils MP/2022/4: Kantonsgericht
Die Eheleute B. und F., beide professionelle Reiter aus Russland, haben eine Reitschule in Europa. Die Organisation R. ist die einzige autorisierte Reitvereinigung und verlangt von Reitern, sich mit 18 Jahren für eine Nationalität zu entscheiden. Aufgrund des Konflikts zwischen Russland und der Ukraine wurden russische Reiter von internationalen Wettbewerben ausgeschlossen. Die Föderation der russischen Reiter legte Einspruch ein, wurde jedoch abgelehnt. Die Reiter baten darum, unter neutraler Flagge antreten zu dürfen, was vom Gericht abgelehnt wurde.
Kanton: | VD |
Fallnummer: | MP/2022/4 |
Instanz: | Kantonsgericht |
Abteilung: |
Datum: | 17.08.2022 |
Rechtskraft: |
Leitsatz/Stichwort: | |
Schlagwörter : | érant; Intimé; Intimée; ’intimée; érants; étition; ération; ètes; étitions; édération; ’il; éral; LCart; équestre; ésolution; étent; événement; édure; ègle; écision; èglement; étence; Ukraine; ’ils |
Rechtsnorm: | Art. 1 LCa;Art. 1 LDIP;Art. 10 LDIP;Art. 110 BGG;Art. 111 ZPO;Art. 129 LDIP;Art. 137 LDIP;Art. 16 LDIP;Art. 183 LDIP;Art. 2 ZPO;Art. 2 LCa;Art. 255 ZPO;Art. 261 ZPO;Art. 262 ZPO;Art. 28 ZGB;Art. 28a ZGB;Art. 374 ZPO;Art. 4 LCa;Art. 5 ZPO;Art. 55 ZPO;Art. 58 ZPO;Art. 7 LCa;Art. 72 ZGB;Art. 8 ZGB;Art. 90 ZPO;Art. 95 ZPO;Art. 96 ZPO; |
Referenz BGE: | - |
Kommentar: | Bucher, , Art. 28; Art. 16, 2006 |
TRIBUNAL CANTONAL | CM22.030726 |
COUR CIVILE
_________
Ordonnance de mesures provisionnelles dans la cause divisant B.____ et F.____, tous deux en [...], d'avec R.____, à [...].
___________________________________
Audience du 17 août 2022
___________
Composition : Mme KUHNLEIN, juge déléguée
Greffier : Mme Bron
*****
Statuant immédiatement à huis clos, la juge déléguée considère :
En fait :
1. Le requérant B.____ (ci-après le requérant), âgé de vingt et un ans, est un cavalier professionnel qui exerce la discipline de saut d’obstacles (« show jumping »). Il travaille avec un entraîneur belge qu’il rémunère lui-même.
La requérante F.____ (ci-après la requérante), âgée de vingt-cinq ans, est une cavalière professionnelle.
Les requérants sont mariés depuis le 25 janvier 2020 et habitent depuis huit ans en Europe. Tous deux de nationalité russe, ils vivent actuellement en [...], où ils sont au bénéfice d’un permis de séjour et de travail. Ils gèrent une écurie (« [...] Stables ») (…).
2. a) L’intimée R.____ (R.____ » ; ci-après l’intimée) est une association de droit suisse dont le siège se trouve à [...]. Sa mission est notamment d’être « la seule autorité pour les événements internationaux de dressage, de saut d’obstacles, de concours complet, d’attelage, d’endurance, de voltige, de para-équestre et de toute autre forme de sport équestre approuvée par l’assemblée générale (les « disciplines équestres ») ».
Elle est la seule fédération équestre reconnue par le Comité International Olympique.
Les cavaliers n’ont pas d’autre option que de s’affilier à l’intimée, par l’intermédiaire de leur fédération nationale, pour participer aux compétitions sportives internationales. Selon l’art. 119 du règlement interne de l’intimée, ils doivent élire une nationalité sportive à leurs 18 ans.
Il existe un seul classement mondial des cavaliers équestres internationaux unifié sous l’égide exclusive de l’intimée.
b) L’art. 2.1 des statuts de l’intimée prévoit ce qui suit : « R.____ is based on the principle of equality and mutual respect between all National Federations, without regard to race, sex, sexual orientation, language, ethnicity, political opinion or other opinion, national or social origin, religion, property, birth or other status. » (soit, en traduction libre : « la R.____ est basée sur le principe de l’égalité et du respect mutuel entre toutes les Fédérations Nationales, sans considération de race, de sexe, d’orientation sexuelle, de langue, d’ethnie, d’opinion politique ou autre, d’origine nationale ou sociale, de religion, de propriété, de naissance ou autre »).
Les membres de l’intimée sont les fédérations nationales et les fédérations associées (art. 5 des statuts).
S’agissant de la compétence du tribunal interne de l’intimée et du Tribunal Arbitral du Sport (« TAS »), les statuts prévoient ce qui suit :
« Article 38 – R.____ Tribunal
38.1 Subject to Articles 38.2 and 38.4, the R.____ Tribunal shall decide all cases submitted to it by or through the Secretary General, whether Appeals from or matters not otherwise under the jurisdiction of the Ground Jury or Appeal Committee. These cases may be :
i. Any infringement of the Statutes, General Regulations, Sport Rules, or Procedural Regulations of a General Assembly or of violation of the common principles of behaviour, fairness, and accepted standards of sportsmanship, whether or not arising during an R.____ meeting or Event ;
ii. Any issue of interpretation of the Statutes, General Regulations, and Sport Rules ;
iii. Notwithstanding anything to the contrary in this Article, the R.____ Tribunal may review and decide upon any matter involving abuse of horses.
38.2 Civil actions against the R.____ shall be brought before the courts of competent jurisdiction in Lausanne, Switzerland, subject to the matters which shall be referred to arbitration under the Statutes.
38.3 All disputes shall be settled in accordance with Swiss law.
(…)
Article 39 – Court of Arbitration for Sport (CAS)
39.1 The Court of Arbitration for Sport (CAS) shall judge all Appeals properly submitted to it against Decisions of the R.____ Tribunal, as provided in the Statutes and General Regulations.
39.2 Any dispute between National Federations or between any National Federation and the R.____, which falls outside the jurisdiction of the R.____ Tribunal shall be settled definitively by the CAS in accordance with the CAS Code of Sports-related Arbitration.
39.3 Provided both the R.____ and the other party or parties agree, any dispute (excluding violations of the R.____ Equine Anti-Doping and Controlled Medication Regulations) may bypass the R.____ Tribunal and be submitted directly to CAS and settled definitively by the CAS in accordance with the CAS Code of Sports-related Arbitration.
39.4 The parties concerned acknowledge and agree that the seat of the CAS is in Lausanne, Switzerland, and that proceedings before the CAS are governed by Swiss Law.
(…). »
Soit, en traduction libre :
« Article 38 – Tribunal de la R.____
38.1 Sous réserve des articles 38.2 et 38.4, le Tribunal de la R.____ statue sur toutes les affaires qui lui sont soumises par ou par l’intermédiaire du Secrétaire Général, qu’il s’agisse d’appels ou de questions qui ne relèvent pas autrement de la compétence du jury de terrain ou du Comité d’appel. Ces cas peuvent être :
i. Toute violation des statuts, du Règlement général, du Règlement sportif ou du Règlement concernant la procédure devant l’assemblée générale ou toute violation des principes communs de comportement, d’équité et des usages conformes à l’esprit sportif, qu’elle survienne ou non lors d’une réunion ou d’un événement de la R.____ ;
ii. Toute question d’interprétation des Statuts, du Règlement général et du Règlement sportif ;
iii. Nonobstant toute disposition contraire du présent article, le Tribunal de la R.____ peut examiner et statuer sur toute question impliquant la maltraitance de chevaux.
38.2 Les actions civiles contre la R.____ sont portées devant les tribunaux compétents à Lausanne, en Suisse, sous réserve des questions qui seront soumises à l’arbitrage en vertu des Statuts.
38.3 Tous les litiges sont réglés conformément au droit suisse.
(…)
Article 39 – Le Tribunal arbitral du Sport (TAS)
39.1 Le Tribunal arbitral du sport (TAS) juge tous les recours qui lui sont dûment soumis contre les décisions du Tribunal de la R.____, comme le prévoient les Statuts et le Règlement général.
39.2 Tout litige entre fédérations nationales ou entre une fédération nationale et la R.____, qui ne relève pas de la compétence du Tribunal de la R.____, sera définitivement réglé par le TAS conformément au Code d’arbitrage sportif du TAS.
39.3 À condition que la R.____ et l’autre partie ou les autres parties soient d’accord, tout litige (à l’exclusion des violations du Règlement de la R.____ sur l’antidopage équin et les médicaments contrôlés) peut être porté directement devant le TAS et réglé définitivement par le TAS conformément au Code d’arbitrage lié au sport du TAS.
39.4 Les parties concernées reconnaissent et conviennent que le siège du TAS est à Lausanne, en Suisse, et que les procédures devant le TAS sont régies par le droit suisse.
(…). »
Le réglement du tribunal de l’intimée prévoit ce qui suit en son art. 28.1 : « Without prejudice to any other measures that may be taken by the R.____ in accordance with the R.____ General Regulations, R.____ Statutes and or the relevant Sport Rules, in accordance with the powers conferred on the R.____ Tribunal, a Hearing Panel (or the R.____ Tribunal Chair, in urgent cases, before a Hearing Panel has been appointed) may, for good cause shown, grant an application for the Provisional Suspension of the Respondent (other than the R.____) or a Horse, or other interim relief, pending final determination of the matter. » (soit, en traduction libre : « Sans préjudice de toute autre mesure pouvant être prise par la R.____ conformément au Règlement Général de la R.____, aux Statuts de la R.____ et/ou aux Règles du Sport concernées, conformément aux pouvoirs conférés au Tribunal de la R.____, un comité d'audition (ou le Président du Tribunal de la R.____, en cas d'urgence, avant qu'un comité d'audition n'ait été nommé) peut, pour de bonnes raisons, faire droit à une demande de suspension provisoire du défendeur (autre que la R.____) ou d'un cheval, ou à toute autre mesure provisoire, en attendant la décision finale de l'affaire »).
En tout état, les art. 162.5 et 162.7 du Règlement général de l’intimée prévoient que d’éventuels appels, devant le tribunal interne de l’intimée ou devant le TAS, doivent être déposés devant ces autorités respectives dans un délai de vingt et un jours suivant la notification de la décision attaquée.
c) Il existe différents types de compétitions sanctionnées par l’intimée, à savoir :
- Les compétitions internationales commerciales standard, désignées dans la réglementation de l’intimée par les lettres « CI » ;
- Les compétitions internationales officielles, désignées par les lettres « CIO » ;
- Les compétitions mondiales telles que la Nations Cup ou les championnats du monde.
Les compétitions internationales sont classées par étoiles, allant de 1 à 5, selon leur niveau de prestige. Plus la compétition est prestigieuse, plus les prix en argent à remporter sont importants.
Les compétitions internationales « CI » sont le type de compétitions le plus commun et courant du sport équestre. Concernant ces compétitions internationales « CI », l’art. 102 du Règlement général de l’intimée prévoit notamment ce qui suit :
« 2. CIs are primarily for individual Athletes. However, Competitions for teams not representing a nation or country of not more than four (4) members may be organised, but they may never be described as « Nations’ Cups ». »
Soit, en traduction libre :
« 2. Les CI sont principalement destinées aux athlètes individuels. Toutefois, des compétitions pour des équipes ne représentant pas une nation ou un pays de quatre (4) membres au maximum peuvent être organisées, mais elles ne peuvent jamais être décrites comme des " Coupes des Nations ". »
Ces compétitions sont organisées par des entités privées et non pas par l’intimée. Cette dernière n’est que l’organisme de sanction de ces compétitions.
Lors des compétitions « CI », à l’inverse des compétitions internationales officielles (« CIO ») ou les compétitions telles que la Nations Cup ou les Championnats du Monde, les cavaliers ne concourent pas pour des équipes représentatives nationales.
S’agissant des récompenses, le règlement général de l’intimée prévoit notamment ce qui suit :
« Article 126 – Prizes
1. All money prizes are awarded to the Owners or lessees of Horses or Athletes. (…)
(…)
Article 129 – R.____ Medals
R.____ Medals shall be awarded to participating individuals and teams in order of merit at R.____ Championships according to the Sport Rules of the relevant Disciplines. »
Soit, en traduction libre :
« Article 126 – Prix
1. Tous les prix en argent sont attribués aux propriétaires ou locataires de chevaux ou d'athlètes. (…)
(…)
Article 129 – Médailles de la R.____
Les médailles de la R.____ seront attribuées aux individus et aux équipes participants par ordre de mérite aux Championnats de la R.____, conformément aux règles sportives des disciplines concernées. »
Ainsi, les points et les prix qu’obtiennent les cavaliers lors de compétitions équestres « CI » leur reviennent directement et individuellement. Ces points ne sont pas décernés directement aux fédérations nationales.
Les points qu’obtiennent les cavaliers dans le cadre du classement de l’intimée ne gardent leur validité que durant une année. En d’autres termes, les points obtenus par les athlètes par exemple durant le mois de janvier 2021 sont automatiquement effacés à la fin du mois de janvier 2022 et remplacés par les points obtenus durant le mois en cours. Il en va ainsi pour chaque mois de l’année.
3. Les requérants se sont affiliés à l’intimée par le biais de la Fédération équestre russe pour pouvoir concourir. Ils ont chacun versé un montant intitulé « annual fee for the year 2022 R.____ » à la Fédération équestre russe.
Du mois de janvier 2021 au 30 janvier 2022, les requérants ont gagné un total de 103'804.73 euros grâce à leurs participations et leurs résultats aux compétitions de l’intimée.
4. Durant l’hiver 2022, lors des Jeux paralympiques d’hiver de Pékin, des équipes et des athlètes ont menacé de ne pas y participer si les athlètes russes étaient autorisés à y concourir.
A cette même période, un gymnaste russe a arboré sur sa tenue la lettre « Z » symbole utilisé pour montrer un soutien à l’invasion russe de l’Ukraine lors de la cérémonie du podium à l’occasion de la Coupe du monde de gymnastique à Doha. Le gouvernement russe s’est également montré proche de certains sportifs, le président russe Vladimir Poutine s’étant affiché aux côtés d’athlètes olympiques russes arborant ce symbole « Z ».
5. Le 25 février 2022, après l’invasion de l’Ukraine par les forces militaires russes, la commission exécutive du Comité International Olympique a recommandé à toutes les fédérations sportives internationales (« FI ») de déplacer ou d’annuler leurs manifestations sportives en Russie et en Biélorussie.
Le 28 février 2022, la commission exécutive du Comité International Olympique a en outre recommandé aux fédérations internationales de ne pas inviter ou ne pas autoriser les athlètes et officiels russes et bélarusses à participer à des manifestations sportives internationales, « afin de protéger l’intégrité des compétitions sportives mondiales et pour la sécurité de tous les participants ».
Le 2 mars 2022, le conseil d’administration de l’intimée a adopté la résolution d’urgence suivante :
« Following the decision to remove all international equestrian events in Russia and Belarus from the R.____ Calendar, the R.____ Board today announced an Emergency Board Resolution to prohibit the participation of all Russian and Belarusian Athletes, Horses and Officials in international events.
Further to the recommendation of the IOC Executive Board on 28 February 2022, and in accordance with Article 20.3 of the R.____ Statutes, the R.____ Board agreed to :
prohibit Russian and Belarusian Athletes, Horses and Officials from participating in R.____ Events until further notice ;
exclude the possibility of Russian and Belarusian Athletes (equine and human) and Officials from participating in R.____ Events under the R.____ flag and/or in a neutral capacity.
The prohibition comes into effects as of midnight CET on Sunday, 6 March 2022 so that R.____ Events already in progress, or about to start, are not unduly disrupted.
The resolution also prohibits, with immediate effect, the display of Russian and Belarusian flags, or their anthems played at, or in connection with any R.____ Events.
The R.____ Board also condemned the invasion of Ukraine by Russian military forces and the support provided by the government of Belarus.
(…). »
Soit, en traduction libre :
« Suite à la décision de retirer tous les événements équestres internationaux en Russie et au Belarus du calendrier de la R.____, le Conseil de la R.____ a annoncé aujourd'hui une résolution d'urgence du Conseil afin d’interdire la participation de tous les athlètes, chevaux et officiels russes et bélarusses aux événements internationaux.
A la suite de la recommandation de la Commission exécutive du CIO du 28 février 2022, et conformément à l'article 20.3 des statuts de la R.____, le conseil d'administration de la R.____ a décidé :
- d'interdire aux athlètes, chevaux et officiels russes et bélarusses de participer aux événements de la R.____ jusqu'à nouvel ordre ;
- d'exclure la possibilité pour les athlètes (équins et humains) et les officiels russes et bélarusses de participer aux événements de la R.____ sous le drapeau de la R.____ et/ou à titre neutre.
L'interdiction entre en vigueur à partir de minuit CET le dimanche 6 mars 2022, afin que les événements de la R.____ déjà en cours, ou sur le point de commencer, ne soient pas indûment perturbés.
La résolution interdit également, avec effet immédiat, le déploiement des drapeaux russes et bélarusses, ou leurs hymnes joués lors de, ou en relation avec, tout événement R.____.
Le conseil d'administration de la R.____ a également condamné l'invasion de l'Ukraine par les forces militaires russes et le soutien apporté par le gouvernement du Belarus.
(...). "
La résolution ne vise que les compétitions internationales se déroulant sous l’égide de l’intimée et ne prononce pas le gel des points des athlètes de nationalité russe.
Le même jour, l’intimée a publié un document sous la forme d’une foire aux questions (« FAQ ») au sujet de la résolution prise. Le document précisait que l’interdiction de concourir s’appliquait à tous les athlètes dont la fédération nationale « mère » (« home ») était russe ou bélarusse, indépendamment du fait que ces athlètes soient en réalité administrés par d’autres fédérations nationales. Au contraire, les athlètes administrés par la Fédération équestre russe pouvaient continuer à concourir, à condition qu’ils ne soient pas de nationalité russe.
Le 5 mars 2022, la Fédération équestre russe a formé appel contre la résolution du 2 mars 2022 devant le tribunal interne de l’intimée.
6. Le 11 mars 2022, Thomas Bach, président du Comité International Olympique, a déclaré que, sans les mesures prises, les circonstances permettraient aux athlètes russes et bélarusses de continuer à participer à des compétitions alors que les athlètes ukrainiens ne le peuvent pas du fait de la guerre dans leur pays.
Le 16 mars 2022, Steve Simon, président de « Women’s Tennis Association », a déclaré ce qui suit : « I feel very strongly that these individual athletes should not be the ones that are being penalised by the decisions of an authoritarian leadership that is obviously doing terrible, reprehensible things. But if that happens… it won’t be something we support » (soit, en traduction libre : « Je suis convaincu que ce ne sont pas ces athlètes individuels qui devraient être pénalisés par les décisions d'une direction autoritaire qui fait manifestement des choses terribles et répréhensibles. Mais si cela arrive... ce ne sera pas quelque chose que nous soutenons. »).
7. Au mois de mars 2022, le TAS a rejeté les requêtes provisionnelles de la Fédération russe de football (Football Union of Russia, « FUR ») d’autoriser les clubs et équipes russes à concourir pendant la durée de la procédure au fond ouverte à l’encontre des décisions de la Fédération internationale des Associations de football (FIFA) et de l’Union des Associations européennes de football (UEFA) de suspendre tous les clubs et équipes russes de leurs compétitions.
8. Le 6 mai 2022, le conseil des requérants a interpellé l’intimée en demandant que les circonstances particulières de leur cas soient prises en considération et qu’ils soient autorisés à concourir éventuellement sous bannière neutre. Il a notamment fait valoir que les requérants étaient des résidents européens qui n’avaient plus de réelles attaches avec la Russie, de sorte qu’il ne se justifiait pas de les empêcher de concourir en raison de leur simple possession d’un passeport russe.
Par courriel du 9 mai 2022, le directeur juridique de l’intimée, [...], a informé les requérants que le conseil d’administration de l’intimée discuterait de cette requête lors de sa séance du 25 mai 2022.
9. Le 20 mai 2022, lors de la 139ème session du Comité International Olympique, Thomas Bach a notamment déclaré ce qui suit :
« (…)
Deuxième question : pourquoi nos sanctions se limitent-elles au gouvernement et aux symboles nationaux et ne s’appliquent-elles pas à tous les membres de la communauté olympique russe ?
Voici ce que nous répondons : conformément aux règles de droit international, les sanctions peuvent, et doivent, être imposées aux seules personnes portant une responsabilité. Cette guerre n’a été intentée ni par le peuple russe ni par les athlètes russes ni par le Comité National Olympique russe ni par les membres du CIO en Russie.
(…). »
10. Le 23 mai 2022, le tribunal interne de l’intimée a rejeté l’appel de la Fédération équestre russe (« FESR » dans le texte) et a confirmé la décision du conseil d’administration de l’intimée du 2 mars 2022. Il a notamment retenu ce qui suit :
« (…)
53. Article 1.6 of the Statutes discusses another R.____ objective, which is to foster harmonious collaboration among NFs, Athletes and Officials. The Panel agrees that the potential for boycotts could arise if FESR Athletes, Officials and teams were permitted to compete in R.____ Events. Boycotts were a potential reality at the Winter Paralympic Games and the 2022 World Championships until the IPC and FINA respectively reversed their decisions, which initially allowed Russian athletes and teams to compete.
54. Any boycott at R.____ Events would seriously challenge the goal of harmonious collaboration. If, for example, FESR Athletes, Horses and Officials were permitted to compete at the upcoming 2022 R.____ World Championships and other nations boycotted this Event, there would be no point to a world championship. The goal of harmonious collaboration would cease to exist and the Event’s integrity, significantly damaged. At the hearing, the FESR did not present any solutions on how the R.____ could handle boycotts if FESR Athletes and Officials were allowed to participate.
55. Safety is paramount. If there is a potential for protests should FESR Athletes and Officials be allowed to participate, this could put their safety as well as the safety of other Athletes and Officials at risk. Equestrian sport is unique in that we also have to consider the safety of the Horses. They are much less capable of defending themselves should a protest become violent. Therefore, the potential for boycotts and protests is enough for the Panel to find that there is indeed an emergency situation and agrees the Resolution provides a protective measure.
56. The Resolution further prevents the possibility that R.____ Events are used as a political platform. The FESR suggested the R.____ was mixing politics with sport when it adopted this Resolution. However, we have actual examples of prominent Russian athletes wearing the symbol Z as a sign of support for Russia’s invasion of Ukraine. This is mixing politics with sport with an enormous megaphone. This Panel states that R.____ Events cannot be used as a political platform.
57. (…) Although they cannot participate in R.____ Events, they can still continue to compete in national events in Russia.
(…)
66. (…) If Ukrainian Athletes cannot compete because they are focused on their survival, then FESR Athletes should not be allowed to compete. If there is the potential for boycotts and protests, then the Resolution properly protects the interests of the collective by preventing FESR Atletes and Officials from participating in R.____ Event.
67. The Resolution may not seem fair to FESR Athletes who condemn this war, but the Panel did not receive a straight answer from the FESR at the hearing on whether the FESR would allow these Athletes to compete.
(…). »
Soit, en traduction libre :
« (…)
53. L'article 1.6 des Statuts aborde un autre objectif de la R.____, qui est de favoriser une collaboration harmonieuse entre les FN, les athlètes et les officiels. Le groupe d'experts convient que le potentiel de boycotts pourrait survenir si les athlètes, les officiels et les équipes de la FESR étaient autorisés à participer aux événements de la R.____. Les boycotts ont été une réalité potentielle lors des Jeux paralympiques d'hiver et des Championnats du monde de 2022 jusqu'à ce que le CIP et la FINA respectivement reviennent sur leurs décisions, qui ont initialement permis aux athlètes et aux équipes russes de concourir.
54. Tout boycott lors des événements de la R.____ remettrait sérieusement en cause l'objectif de collaboration harmonieuse. Si, par exemple, les athlètes, chevaux et officiels de la FESR étaient autorisés à participer aux prochains Championnats du Monde R.____ 2022 et que les autres nations boycottaient cet événement, un championnat du monde n'aurait plus aucun sens. L'objectif d'une collaboration harmonieuse cesserait d'exister et l'intégrité de l'événement, significativement endommagée. Lors de l'audience, la FESR n'a présenté aucune solution sur la façon dont la R.____ pourrait gérer les boycotts si les athlètes et les officiels de la FESR étaient autorisés à participer.
55. La sécurité est primordiale. Il y a un potentiel de protestations si les athlètes et les officiels de la FESR sont autorisés à participer, et cela pourrait mettre en danger leur sécurité ainsi que celle des autres athlètes et officiels. Le sport équestre est unique en ce sens que nous devons également prendre en compte la sécurité des chevaux. Ils sont beaucoup moins capables de se défendre si une manifestation devient violente. Par conséquent, le potentiel de boycotts et de protestations est suffisant pour que le Panel trouve qu'il y a effectivement une situation d'urgence et accepte que la Résolution fournisse une mesure de protection.
56. La Résolution prévient en outre la possibilité que les événements de la R.____ soient utilisés comme une plate-forme politique. La FESR a suggéré que la R.____ mélangeait la politique et le sport lorsqu'elle a adopté cette résolution. Cependant, nous avons des exemples réels d'athlètes russes de premier plan portant le symbole Z en signe de soutien à l'invasion de l'Ukraine par la Russie. C'est mélanger la politique et le sport avec un énorme mégaphone. Ce Panel déclare que les événements de la R.____ ne peuvent pas être utilisés comme une plate-forme politique.
57. (…) Bien qu'ils ne puissent pas participer aux événements de la R.____, ils peuvent continuer à participer aux événements nationaux en Russie.
(…)
66. (…) Si les athlètes ukrainiens ne peuvent pas concourir parce qu'ils sont concentrés sur leur survie, alors les athlètes de la FESR ne devraient pas être autorisés à concourir. S'il existe un potentiel de boycott et de protestation, alors la résolution protège correctement les intérêts de la collectivité en empêchant les athlètes et les officiels de la FESR de participer aux événements de la R.____.
67. La résolution peut sembler injuste pour les athlètes de la FESR qui condamnent cette guerre, mais le Panel n'a pas reçu de réponse directe de la FESR lors de l'audience sur la question de savoir si la FESR autoriserait ces athlètes à concourir.
(…). »
L’intimée n’a pas suspendu la qualité de membre de la Fédération équestre russe, de sorte que cette dernière est toujours membre de l’intimée et peut participer au processus législatif de celle-ci.
La Fédération équestre russe n’a pas recouru contre la décision du
23 mai 2022 au TAS.
11. Le 25 mai 2022, le conseil des requérants a fait parvenir à l’intimée dix lettres de soutien de la part de diverses personnes de l’entourage professionnel des requérants qui ont mentionné les liens de ces derniers avec la Russie et leur position par rapport au conflit en Ukraine.
Le 27 mai 2022, [...] a informé les requérants que le conseil d’administration de l’intimée avait décidé de rejeter leur demande de reconsidération, y compris leur requête de concourir sous bannière neutre. Il a indiqué que le conseil d’administration avait notamment fait valoir que la résolution du 2 mars 2022 excluait la possibilité pour les athlètes de nationalité russe de concourir sous bannière neutre, de sorte qu’il ne se justifiait pas de prendre de nouvelle décision. Il a ajouté ce qui suit : « The Board also noted that the Appeal by the RUS NF to the R.____ Tribunal seeking to have the Emergency Board Resolution overturned was dismissed by the R.____ Tribunal and, subject to any potential appeal to CAS, is final and binding » (soit, en traduction libre : « Le Conseil a également noté que l'appel de la RUS NF auprès du Tribunal de la R.____ visant à faire annuler la résolution du Conseil d'urgence a été rejeté par le Tribunal de la R.____ et, sous réserve de tout appel potentiel auprès du TAS, est définitif et contraignant. »).
12. Il ressort d’informations librement accessibles sur les réseaux sociaux (le profil de leur écurie) que les requérants ont personnellement participé à plusieurs compétitions nationales depuis l’adoption de la résolution. Ils ont par exemple été autorisés à participer au championnat équestre national hollandais.
13. Par courrier du 22 juin 2022, les requérants ont demandé à l’intimée de procéder à un gel de leurs résultats et rangs dans le classement jusqu’à la levée de la résolution, faisant référence au gel des points qu’elle avait ordonné durant la crise du coronavirus.
Par courriel du 12 juillet 2022, l’intimée a refusé de revoir sa position et a indiqué aux requérants que l’impossibilité pour eux d’obtenir de nouveaux points n’était qu’une « conséquence automatique de la résolution ».
14. Le 15 juillet 2022, le TAS a rejeté les appels formés par quatre clubs russes de football contre la décision de l’UEFA de les suspendre de ses compétitions. Il ressort notamment ce qui suit de la décision du TAS :
« (…)
In all of these cases, the Panel determined that the escalation of the conflict between Russia and Ukraine, and the public and government responses worldwide, created unforeseen and unprecedented circumstances to which FIFA and UEFA had to respond. In determining that Russian teams and clubs should not participate in competitions under their aegis while such circumstances persisted, the Panel held that both parties acted within the scope of the discretion granted to them under their respective statutes and regulations. In so holding, the Panel found it unnecessary to characterise the nature of the conflict between Russia and Ukraine, but only to focus on the consequences of such conflict for the competitions affected. The Panel finds it unfortunate that the current military operations in Ukraine, for which Russian football teams, clubs, and players have themselves no responsibility, had, by reason of the decisions of FIFA and UEFA, such an adverse effect on them and Russian football generally, but those effects were, in the Panel’s view, offset by the need for the secure and orderly conduct of football events for the rest of the world.
(…). »
Soit, en traduction libre :
" (...)
Dans tous ces cas, le Panel a déterminé que l'escalade du conflit entre la Russie et l'Ukraine, et les réactions du public et des gouvernements dans le monde entier, ont créé des circonstances imprévues et sans précédent auxquelles la FIFA et l'UEFA ont dû répondre. En déterminant que les équipes et les clubs russes ne devaient pas participer aux compétitions sous leur égide tant que ces circonstances persistaient, le Panel a estimé que les deux parties avaient agi dans le cadre du pouvoir discrétionnaire qui leur était accordé par leurs statuts et règlements respectifs. En statuant ainsi, le Panel n'a pas jugé nécessaire de caractériser la nature du conflit entre la Russie et l'Ukraine, mais seulement de se concentrer sur les conséquences de ce conflit pour les compétitions concernées. Le Panel estime qu'il est regrettable que les opérations militaires actuelles en Ukraine, pour lesquelles les équipes, clubs et joueurs de football russes n'ont aucune responsabilité, aient eu, en raison des décisions de la FIFA et de l'UEFA, un tel effet négatif sur eux et sur le football russe en général, mais ces effets ont été, de l'avis du Panel, compensés par la nécessité d'assurer le déroulement sûr et ordonné des événements footballistiques pour le reste du monde.
(...). "
15. a) Au 30 septembre 2020, le requérant était classé au 592ème rang en saut d’obstacles du classement Longines ; le 28 février 2021, il était au 633ème rang ; le 31 juillet 2021, il était au 534ème rang ; au moment de l’entrée en vigueur de la résolution le 6 mars 2022, le requérant était classé au 223ème rang du classement Longines, avec 787 points et au 45ème rang mondial en saut d’obstacles dans la catégorie des moins de vingt-cinq ans (« U25 ») ; le 31 juillet 2022, il figurait au 365ème rang du classement Longines et au 409ème rang mondial en saut d’obstacles.
Quant à la requérante, le 31 décembre 2019, elle était classée au 622ème rang mondial dans la discipline de dressage ; le 31 décembre 2020, elle était au 260ème rang ; le 6 mars 2022, elle était au 176ème rang avec 1423 points ; le 31 juillet 2022, elle figurait au 294ème rang du classement.
b) La dernière compétition internationale de l’intimée à laquelle a pris part le requérant remonte au 30 janvier 2022. Quant à la requérante, elle remonte au 22 octobre 2021.
Pour toutes les compétitions de l’intimée auxquelles le requérant a participé du 8 janvier 2020 au 24 janvier 2022, soit 164 compétitions, il n’a été invité que deux fois en raison de son classement.
16. Selon la presse occidentale, les citoyens russes qui manifestent leur opposition à la guerre en Ukraine risquent d’être arrêtés et condamnés. En outre, les cartes Visa et Mastercard ont suspendu leurs opérations en Russie. Quant aux biens et services, leur exportation vers la Russie est considérablement limitée.
17. a) Par requête de mesures provisionnelles et superprovisionnelles du
28 juillet 2022, les requérants ont pris, avec suite de frais et dépens, les conclusions suivantes :
« Par la voie des mesures superprovisionnelles et provisionnelles :
I. Interdiction est faite à la R.____ d’interdire aux requérants de participer aux évènements équestres internationaux supervisés par la R.____.
II. Ordre est donné à la R.____ de communiquer à tous ses membres et à tous les organisateurs de compétitions équestres que les requérants sont éligibles à participer à toute compétition internationale, le cas échéant sous drapeau neutre.
III. Ordre est donné à la R.____ de prendre toute mesure afin de permettre aux requérants de participer à toute compétition internationale, le cas échéant en qualité d’athlète neutre.
Subsidiairement à II et III.
IIbis. Ordre est donné à la R.____ de communiquer à tous ses membres et à tous les organisateurs de compétitions équestres que les requérants sont éligibles à participer à toute compétition internationale (à l’exception des Championnats du monde et Championnats d’Europe et des compétitions relevant de la Nation Cup) en qualité d’athlète neutre.
IIIbis. Ordre est donné à la R.____ de prendre toute mesure afin de permettre aux requérants de participer à toute compétition internationale (à l’exception des Championnats du monde et Championnats d’Europe et des compétitions relevant de la Nation Cup) en qualité d’athlète neutre.
En tout état de cause
IV. Ordre est donné à la R.____ de rétablir le compte des points sportifs des requérants et le rang des requérants dans le classement international de la R.____ avec effet rétroactif au 6 mars 2022.
V. Ces injonctions sont rendues sous la commination de l’art. 292 du Code pénal suisse dont le contenu est le suivant : « Celui qui ne se sera pas conformé à une décision à lui signifiée sous la menace de la peine prévue au présent article, par une autorité ou un fonctionnaire compétent, sera puni d’une amende ».
VI. Ces injonctions sont notifiées à M. [...], Président de la R.____, p.a. R.____, [...]. ».
Par ordonnance du 2 août 2022, la juge déléguée a rejeté la requête de mesures superprovisionnelles et dit que les frais suivaient le sort des mesures provisionnelles.
Par déterminations du 15 août 2022, l’intimée a pris, avec suite de frais et dépens, les conclusions suivantes :
« Principalement :
I. Déclarer irrecevable la requête de mesures provisionnelles et superprovisionnelles déposée le 28 juillet 2022 par les requérants B.____ et F.____.
Subsidiairement :
II. Rejeter la requête de mesures provisionnelles et superprovisionnelles déposée le 28 juillet 2022 par les requérants B.____ et F.____. »
b) Lors de l’audience de mesures provisionnelles du 17 août 2022, les parties et le témoin D.____ ont été entendus. Ce dernier a déclaré que les requérants sont contre la guerre en Ukraine, qu’ils travaillent avec des Ukrainiens et que le requérant a prêté son cheval à un compétiteur ukrainien pour qu’il puisse se présenter aux Jeux Olympiques. Il a expliqué que la fédération nationale décide si le cavalier peut aller à un concours ou non, que le rang et les points d’un athlète jouent un rôle pour participer aux concours « 3-4-5 étoiles », que l’organisateur de l’événement peut inviter des cavaliers en fonction de leur rang au classement si la compétition est complète, et que si certains compétiteurs renoncent à un événement, cela laisse des places pour les cavaliers moins bien notés dans les classements.
En droit :
I. Les requérants se disent victimes d’une restriction illicite de la concurrence au sens de la loi fédérale sur les cartels et autres restrictions à la concurrence du 6 octobre 1995 (ci-après LCart ; RS 251), reprochant à l’intimée d’abuser d’une position dominante. Selon eux, cette restriction viole en outre leurs droits de la personnalité (28 ss CC [Code civil suisse du 10 décembre 1907; RS 210]). Ils font valoir que, ne pouvant pas concourir, ils sont privés de leurs revenus et de leurs perspectives de carrières, puisqu’ils ne peuvent ni évoluer professionnellement, ni accumuler des points qui leur permettraient d’accéder à des compétitions chaque fois plus prestigieuses. Selon eux, dans la mesure où la décision de l’intimée est prise pour une durée indéterminée, elle est susceptible de leur créer un préjudice irréparable. Ils soutiennent en outre que leur exclusion ne repose sur aucun motif, puisqu’ils n’ont de russe que le passeport, qu’ils sont opposés à la guerre en Ukraine, qu’il n’y a pas de risque qu’ils utilisent un événement sportif pour promouvoir l’action russe et qu’il n’y a pas de risque non plus que leur présence suscite des réactions. Selon eux, leur appliquer la résolution de l’intimée est dès lors abusive et contraire à la LCart, ainsi qu’à l’art. 28 CC.
L’intimée conclut à l'irrecevabilité de la requête de mesures provisionnelles, subsidiairement à son rejet. Elle invoque l'exception d'arbitrage et l'absence de réalisation des conditions pour l’octroi des mesures requises, tant sous l'angle des art. 261 ss CPC (Code de procédure civile du 19 décembre 2008 ; RS 272), que sous l’angle de la LCart ou des droits de la personnalité.
II. a) Le juge examine d'office sa compétence à raison de la matière et du lieu (art. 59 al. 2 let. b et 60 CPC). Les traités internationaux et la loi fédérale du
18 décembre 1987 sur le droit international privé (LDIP; RS 291) sont réservés (art. 2 CPC).
Le cas d’espèce présente un élément d'extranéité, puisque les requérants sont domiciliés en [...], qu’ils sont de nationalité russe et que leurs conclusions portent sur la participation à des événements internationaux. Dans un tel cas, la compétence des autorités judiciaires est en principe réglée par la LDIP (art. 1 al. 1er let. a). Toutefois, l'art. 1 al. 2 LDIP réserve les traités internationaux, notamment la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (CL ; RS 0.275.11), à laquelle tant la [...] que la Suisse ont adhéré.
L'art. 10 LDIP prévoit que les autorités judiciaires suisses peuvent ordonner des mesures provisoires même si elles ne sont pas compétentes pour connaître du fond. La Convention de Lugano contient une disposition semblable (art. 24 CL). Implicitement, ces dispositions acceptent la compétence de toute autorité compétente pour connaître du fond, que l'instance au fond soit déjà ou pas encore liée (Bucher, Droit international privé suisse, t. I/1, nn. 369-370).
En l’espèce, les requérants se fondent sur les dispositions de la LCart, ainsi que sur l’art. 28 CC. Les atteintes aux droits de la personnalité et au droit cartellaire sont considérées comme des actes illicites, notion qui revêt un sens large (Donzallaz, Commentaire de la loi fédérale sur les fors en matière civile, n. 9 ad art. 25 LFors; Poudret/Haldy/Tappy, Procédure civile vaudoise, 3e éd., note ad art. 25 LFors). Or, les tribunaux suisses du domicile du défendeur sont compétents pour connaître des actions fondées sur un acte illicite (art. 129 al. 1 LDIP; art. 2 et 5 ch. 3 CL). La compétence territoriale des tribunaux suisses, et plus précisément vaudois, est donc donnée, dès lors que le siège de l’intimée se trouve en Suisse, à [...].
b) L’art. 5 CPC impose aux cantons d’instituer une juridiction compétente pour statuer, en instance cantonale unique, notamment sur les litiges relevant du droit des cartels (al. 1 let. b); cette compétence s’étend aux mesures provisionnelles requises avant litispendance (al. 2). Dans le canton de Vaud, l’autorité compétente au sens de l’art. 5 CPC est la Cour civile (art. 74 al. 3 LOJV [loi vaudoise d'organisation judiciaire du 12 décembre 1979; BLV 173.01]), les affaires soumises à la procédure sommaire – savoir en particulier les mesures provisionnelles (art. 248 let. d CPC) - étant soumises à un juge unique (art. 43 al. 1 let. e CDPJ [Code de droit privé judiciaire vaudois du 12 janvier 2010; BLV 211.01]).
La doctrine considère que, dans les cas où le litige porte sur une seule prétention ayant plusieurs fondements dont l’un d’eux relève de l’instance cantonale unique, celle-ci peut être saisie pour l’intégralité de la prétention, ceci quand bien même il n’est pas possible en vertu de l’art. 90 let. a CPC de cumuler dans la même action des prétentions qui relèvent de l’instance cantonale unique et des prétentions qui ne relèvent pas de celle-ci (RDS II 2009 p. 240 ; Bohnet, Code de procédure civile commenté, n. 5 ad art. 5 CPC). En effet, il n’y a pas de cumul d’action au sens de l’art. 90 CPC lorsqu’une seule et même prétention repose sur plusieurs fondements. Dans ce type de situations, le droit fédéral impose la compétence d’un seul et même tribunal en vertu du principe de l’application du droit d’office (art. 110 LTF [Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral ; RS 173.110]). La cognition des tribunaux cantonaux ne saurait être plus étroite que celle du Tribunal fédéral chargé d’assurer l’application uniforme du droit fédéral. Les cantons ne peuvent pas diviser la prétention litigieuse en deux actions soumises à deux ordres de juridiction parallèles (ATF 125 III 82 consid. 3 ; ATF 92 II 63 consid. 4 ; ATF 89 II 337 consid. 2, JdT 1964 I 240 ; Bohnet, op. cit., n. 4 ad art. 90 CPC). En outre, en vertu du principe jura novit curia, la compétence d'un juge pour trancher le bien-fondé de la prétention litigieuse sous ses divers fondements possibles doit en principe être admise, indépendamment du fait que ceux-ci, considérés isolément, relèveraient de juridictions distinctes. Ceci vaut aussi bien ratione materiae que ratione loci (Tappy, Le concours d'actions dans le cadre de la nouvelle procédure civile suisse, in RDS 2012 I 523, spéc. pp. 534 ss).
c) S’agissant du droit applicable, l’art. 137 al. 1 LDIP prévoit que les prétentions fondées sur une entrave à la concurrence sont régies par le droit de l'Etat sur le marché duquel l'entrave produit directement ses effets sur le lésé. La LCart comprend en outre sa propre règle de conflit à son art. 2 al. 2. Selon cette disposition, cette loi est applicable aux états de fait qui déploient leurs effets en Suisse, même s’ils se sont produits à l’étranger. Les effets doivent en principe être directs, l’examen de cette question nécessitant la définition du marché pertinent sous les angles des produits et géographique (Martenet/Killias, CR-Droit de la concurrence, 2e éd., Bâle 2013, nn. 91 ss ad art. 2 LCart; Lehne, Basler Kommentar KartG, 2010, nn. 50 ss, ces auteurs ayant des avis différents quant à l’existence d’une condition supplémentaire relative à l’intensité des effets [contra : Martenet/Killias, op. cit., spéc. n. 92 ; pro : Lehne, op.cit., spéc. n. 53].
En matière de mesures provisionnelles, il a néanmoins été admis qu’il se justifiait d’appliquer le droit suisse (TF 5P.355/2006 du 8 novembre 2006 consid. 4.3; Juge unique du Tribunal cantonal du canton de Zoug, 19 avril 1990 consid. 3 in RSPI 1991 p. 253; Jeandin, CR-CC I, Bâle 2010, n. 13 ad art. 28 CC; Bucher, CR-LDIP, Bâle 2011, n. 11 ad art. 16 LDIP; Huber, in Sutter-Somm/Hasenböhler/Leuenberger [éd.], Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung [ZPO], Zurich/Bâle/Genève 2010, n. 46 ad art. 261 CPC; Gaillard, Les mesures provisionnelles en droit international privé in SJ 1993 pp. 141 ss spéc. n. 22).
En l'espèce, les requérants invoquent subir les effets d’une résolution qui déploie des effets mondialement. A priori, l’impossibilité pour eux de participer à toute compétition internationale a des effets à la même échelle. La loi exige toutefois un impact direct sur le lésé dans le marché concerné (cf. en particulier l’art. 137 al. 1 LDIP, plus explicite que l’art. 2 al. 2 LCart) et les requérants ne paraissent pas être directement touchés en Suisse. Il appartiendrait en principe aux requérants d’établir le droit étranger – conformément à l’ATF 140 III 456 –, puisque l’on se trouve en procédure sommaire. Or, il y a une multitude de droits étrangers potentiellement applicables à la présente cause. Pour ces motifs, à tout le moins au stade des mesures provisionnelles, il convient de s’en tenir au principe selon lequel le droit suisse est applicable, d’autant que chaque partie s’y est expressément référé dans ses écritures et que les statuts de I’intimée prévoient l’application du droit suisse (art. 38.3 des statuts).
III. a) L'intimée conteste la compétence matérielle du juge de céans pour connaître de la présente requête. Elle invoque, à cet égard, l'exception d'arbitrage. Selon elle, l’action des requérants est en réalité une contestation d’une décision prise par le comité de l’intimée, qu’ils auraient dû attaquer devant le tribunal interne de cette dernière, respectivement devant le TAS.
Bien qu’invoquant sur le fond le droit des cartels et le droit de la personnalité, les requérants, en leur qualité de membres indirects de l’intimée, contestent la résolution prise par celle-ci.
Il convient dès lors d’examiner en premier lieu si les requérants sont liés par la clause compromissoire, ratione personae (let. b) et ratione materiae (let. c).
b) Selon l’intimée, les requérants, comme membres indirects, auraient dû agir devant le tribunal interne institué par ses statuts, respectivement devant le TAS.
Les membres de l’intimée sont les fédérations nationales et les fédérations associées (art. 5 des statuts), à l’exclusion des athlètes, que les deux parties au présent litige considèrent comme membres indirects.
La résolution des litiges est prévue aux art. 38 ss des statuts. Les statuts ne définissent pas expressément la qualité des parties qui sont liées par la clause compromissoire, l’art. 38 ayant privilégié l’utilisation du passif (« Subject to Articles 38.2 and 38.4, the R.____ Tribunal shall decide all cases submitted to it by or through the Secretary General, whether Appeals from or matters not otherwise under the jurisdiction of the Ground Jury or Appeal Committee. These cases may be (…) »), si bien que l’interprétation littérale n’est d’aucun secours.
Il paraît néanmoins contraire à la sécurité du droit que les personnes physiques ou morales qui ne sont pas elles-mêmes membres de l’intimée soient liées par une clause compromissoire à laquelle elles n’ont pas adhéré. L’intimée se prévaut d’une jurisprudence du Tribunal fédéral dont il faudrait déduire que les sociétaires indirects sont liés par une clause compromissoire. Cependant, les précédents invoqués ne sont pas topiques, s’agissant de cas dans lesquels un tribunal arbitral a pu connaître de litiges opposants des fédérations à des personnes non affiliées, parce qu’elles avaient été exclues ou alors qu’elles prétendaient être membres associés (cf. l'affaire Kenya Football Federation vs FIFA (CAS 2008/O/1808) ; TF 4A_314/2017 du 28 mai 2018, consid 2.2.1).
Ainsi, au stade de la vraisemblance, il sera considéré que les requérants n’étaient pas tenus, ratione personae, de saisir le tribunal interne de l’intimée, respectivement le TAS. Quoiqu’il en soit, la question demeure sans incidence au vu du considérant qui suit.
c) Ratione materiae, il convient d’examiner si la clause compromissoire par laquelle les membres d’une fédération sportive renoncent à la compétence des tribunaux ordinaires est licite, ce qui est controversé en doctrine. Tandis que la doctrine majoritaire l'accepte (Rigozzi, L'arbitrage international en matière de sport, Bâle 2005, n. 1132; Kaufmann-Kohler/Rigozzi, Arbitrage international, 2ème éd., Berne 2010, nn. 573 ss et les réf. cit.), d'autres auteurs se montrent plus réservés (Zenhäusern, in Baker/McKenzie (éd.), Schweizerische Zivilprozessordnung (ZPO), Berne 2010, n. 8 ad art. 374 CPC; Habegger, Basler Kommentar, Bâle 2010, n. 19 ad art. 374 CPC, qui note que la conclusion d'un accord excluant, d'une manière toute générale, la saisine du juge étatique pour requérir des mesures provisoires peut, selon les circonstances, équivaloir à une renonciation inadmissible au droit de saisir le juge), voire clairement opposés (Summermatter, Einstweiliger Rechtsschutz im Sport nach der eidgenössischen Zivilprozessordnung – Unter Berücksichtigung der nationalen Schiedsgerichtsbarkeit, in Causa Sport [CaS] 2009 pp. 351 ss, spéc. 355; dans ce sens également: Brunner, in Brunner/Gasser/Schwander (éd.), Schweizerische Zivilprozessordnung, Zurich/St-Gall 2011, n. 4 ad art. 374 CPC). Certains auteurs admettent une compétence concurrente, en tous les cas lorsque le tribunal arbitral n’est pas encore constitué (Rigozzi, op. cit., n. 1123), d’autres se positionnent en faveur du principe de priorité, principe selon lequel le tribunal saisi en premier lieu est compétent, avec une dérogation en cas d’urgence particulière (Mabillard, Basler Kommentar zu Art. 183, 185, 193 IPRG, 3e éd., Bâle 2013, n. 5a ad art. 183 LDIP et les références citées). En particulier, selon Göksu (Schiedsgerichtsbarkeit, 2014, nn. 1908 ss, spéc. n. 1911), en arbitrage interne et international, la compétence concurrente entre le tribunal étatique et le tribunal arbitral perdure durant toute la procédure et est justifiée, dès lors que le tribunal arbitral ne peut pas toujours conférer la même protection que le tribunal étatique (cf. n. 1909 et la référence à Vischer, Zürcher Kommentar, n. 3 ad art. 183 LIDP). Cette compétence exclusive du tribunal étatique existe même en présence d’un tribunal arbitral institutionnel, dès lors que celui-ci doit d’abord être constitué, ce qui signifie que, nonobstant l’existence d’une convention d’arbitrage, les premières mesures peuvent régulièrement être ordonnées par les tribunaux étatiques (Göksu, op. cit., n. 1911). Certes, selon Bucher, la dérogation à la compétence du juge du provisoire doit être convenue spécifiquement (dans le même sens, cf. Boog, Die Durchsetzung einstweiliger Massnahmen in internationalen Schiedsverfahren, Thèse Zurich 2011, n. 63 et les réf. cit.). Il conviendrait toutefois de faire une exception lorsque l’instance arbitrale choisie pour ordonner exclusivement des mesures provisoires ou conservatoires se révèle inapte à se prononcer dans les conditions d’urgence et de nécessité applicables devant le tribunal étatique compétent, permettant ainsi de parvenir à une pratique équitable en matière sportive (Bucher, op. cit., n. 8 ad art. 183 LDIP; Kaufmann-Kohler/Rigozzi, op. cit., n. 578 ; Patocchi, Les mesures provisionnelles en arbitrage international, in International Sports law and jurisprudence of the CAS, pp. 55 ss, spéc. pp. 66 ss ; Haas/Donchi, Interim measures of protection in arbitration and state courts, in International Sports law and jurisprudence of the CAS, pp. 55 ss, spéc. pp. 66 ss, p. 95 et la réf. infra. à Osterwalder/Kaiser, p. 234).
En l’espèce, on l’a vu, les instances compétentes pour connaître des différends qui concernent l’intimée sont mentionnées aux art. 38 et 39 de ses statuts. Ainsi, un tribunal interne est compétent pour connaître de toute violation des statuts, du règlement général, du règlement sportif ou du règlement concernant la procédure devant l’assemblée générale ou pour connaître de toute violation des principes communs de comportement, d’équité, ainsi que de toute violation d’un usage conforme à l’esprit sportif lors d’une réunion ou d’un événement par exemple, et de toute demande d’interprétation des statuts, du règlement général et du règlement sportif, ainsi que de toute question concernant la maltraitance des chevaux (art. 38.1. ch. i à iii des statuts). Le TAS est, de son côté, compétent pour connaître des appels contre les décisions du tribunal interne, comme prévu dans les statuts et le règlement général (art. 39.1), des litiges entre fédérations nationales ou entre une fédération nationale et l’intimée qui ne relèvent pas de la compétence du tribunal interne, conformément au Code d'arbitrage en matière de sport du TAS (art. 39.2). Les parties peuvent en outre décider de soumettre un litige qui relèverait de la compétence du tribunal interne directement au TAS, à l’exclusion des violations du règlement de l’intimée relatif à la lutte contre le dopage équin et aux médicaments contrôlés (art. 39.3). Enfin, sous réserve des actions qui relèvent de l’arbitrage, les juridictions ordinaires de [...] connaissent des actions civiles contre l’intimée (art. 38.2).
Dans le cas présent, le 23 mai 2022, le tribunal interne, saisi d’une action de la Fédération équestre russe contre l’intimée, a considéré que la requête de la fédération russe déposée le 5 mars 2022 pour contester la résolution d’urgence prise par le comité de l’intimée le 2 mars 2022 était recevable mais devait être rejetée. Il s’est dès lors estimé compétent pour rendre une décision, et s’est ainsi constitué valablement et rapidement. Dans l’intervalle, le 6 mai 2022, les requérants ont interpellé l’intimée pour demander à être autorisés à concourir, éventuellement sous bannière neutre. Le directeur juridique de l’intimée a informé les requérants que le comité discuterait de cette requête. Celle-ci a été rejetée le 27 mai 2022. A aucun moment, le comité n’a estimé que cette requête devait être soumise au tribunal interne en application de la clause compromissoire. Il s’est simplement référé à la décision rendue par le tribunal interne le 23 mai 2022 pour refuser d’entrer en matière. Dès lors, de facto, les requérants n’ont pas eu la possibilité de soumettre leur cas, en particulier, à l’instance arbitrale. Par ailleurs, et surtout, l’art. 38.2 des statuts réserve expressément la compétence des juridictions ordinaires pour les actions civiles. Contrairement à ce que plaide l’intimée, le fait que la résolution du
2 mars 2022 soit à l’origine du dommage allégué n’exclut pas que le litige soit de nature civile, dès lors que les requérants invoquent un préjudice financier, une violation de la LCart et une atteinte aux droits de la personnalité. La réserve trouve ainsi pleinement application et la compétence de la juridiction ordinaire doit être admise, à tout le moins au stade des mesures provisionnelles.
Pour tous ces motifs, l’exception d’arbitrage doit être écartée et la Juge déléguée de la Cour civile est compétente pour connaître du litige.
IV. a) À la teneur de l’art. 261 al. 1 CPC, le tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire remplit les conditions suivantes : cette prétention est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être (let. a) et cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (let. b). Un fait ou un droit est rendu vraisemblable lorsque, au terme d’un examen sommaire, sur la base d’éléments objectifs, ce fait ou ce droit est rendu probable, sans pour autant qu’il soit exclu que les faits aient pu se dérouler autrement ou que la situation juridique se présente différemment (Bohnet, op. cit., n. 4 ad art. 261 CPC).
b) Le requérant doit d’abord rendre vraisemblable qu’il est atteint ou menacé dans ses droits (Hohl, Procédure civile II, 2e éd. Berne 2010, n. 1756). Il faut que la prétention matérielle mise apparemment en danger ou déjà violée soit vraisemblable. Le requérant est ainsi tenu de rendre vraisemblable la légitimité de sa demande principale (FF 2006 p. 6961), ce qui implique, d'une part, la vraisemblance des faits à l'appui de la prétention et, d'autre part, l'apparence du droit prétendu (ATF 131 III 473 consid. 2.3, JdT 2005 I 305). Comme l’ordonnance provisionnelle doit, de par sa nature, être prononcée rapidement, il n'est ni possible ni nécessaire d'apporter au juge la preuve que le procès est réellement fondé (Bohnet, op. cit., n. 7 ad art. 261 CPC).
c) Le requérant doit par ailleurs rendre vraisemblable qu’il subit ou risque de subir un préjudice difficilement réparable. Un tel préjudice existe lorsque la mise en œuvre des droits du requérant serait mise en péril s’il en était réduit à les faire valoir dans le cadre d’une procédure ordinaire (Schlosser, Les conditions d'octroi des mesures provisionnelles en matière de propriété intellectuelle et de concurrence déloyale in Sic! 2005, pp. 339 ss, spéc. p. 347). Le risque de préjudice difficilement réparable implique l’urgence, de sorte que si le requérant tarde trop, sa requête risque d’être rejetée, dans le cas où le tribunal conclut qu’une procédure introduite à temps aurait abouti à un jugement au fond dans des délais équivalents (Bohnet, La procédure sommaire, Cas clair – Mesures provisionnelles – Mise à ban in Procédure civile suisse, les grands thèmes pour les praticiens, Neuchâtel 2010, pp. 193 ss, spéc. p. 220 [ci-après : Bohnet, La procédure sommaire], Jeandin, Mesures provisionnelles en matière civile : première et seconde instance in Bohnet/Dupont (éd.), Les mesures provisionnelles en procédures civile, pénale et administrative, Bâle 2015, pp. 1 ss, spéc. n. 19 p. 12; Sprecher, Basler Kommentar ZPO, 2e éd., 2013, n. 71 ad art. 261 CPC, nn. 10 et 39 ss ad art. 261 CPC; Stucki/Pahud, Le régime des décisions superprovisionnelles et provisionnelles du code de procédure civile in SJ 2015 II pp. 1 ss, spéc. p. 3, qui contestent le caractère temporel de l’urgence et retiennent la notion – largement similaire à ce qui est décrit ci-dessus – de probabilité d’occurrence, sur la période de la procédure principale, d’un acte préjudiciable contre la prétention invoquée). Le préjudice difficilement réparable doit découler de l’atteinte subie, ce qui implique l’existence d’un lien de causalité adéquat entre les deux (Sprecher, op. cit., n. 10 ad art. 261 CPC).
d) Même au degré de la simple vraisemblance, les mesures provisionnelles restent soumises aux fardeaux de l’allégation (art. 55 al. 1 CPC) et de la preuve (art. 8 CC), chaque partie devant en principe prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit (art. 255 CPC a contrario; Jeandin, op. cit., n. 67).
e) Lorsque ces conditions sont réalisées, l’art. 262 CPC permet au tribunal d’ordonner toute mesure provisionnelle propre à prévenir ou à faire cesser le préjudice, notamment une interdiction (let. a), un ordre de cessation d'un état de fait illicite (let. b), un ordre donné à une autorité qui tient un registre ou à un tiers (let. c) la fourniture d'une prestation en nature (let. d) ou en argent, lorsque la loi le prévoit (let. d). Le tribunal est toutefois lié par la requête des parties (maxime de disposition [art. 58 al. 1 CPC]; cf. Jeandin, loc. cit.).
Les mesures requises doivent respecter le principe de la proportionnalité (Sprecher, op. cit., n. 10 ad art. 261 CPC; Jeandin, op. cit., n. 46). Il convient d’être particulièrement restrictif lorsque la mesure consiste en une exécution anticipée du jugement à venir. Dans un tel cas, les chances de succès du requérant dans la procédure au fond doivent être évaluées soigneusement et proportionnellement au préjudice encouru par le requis (Bohnet, La procédure sommaire, nn. 90 et 98). C’est en outre le lieu de rappeler que les mesures provisionnelles ont pour rôle de sauvegarder les intérêts du requérant en vue d’un procès au fond, et qu’elles ne doivent pas entraîner la disparition de l’intérêt à agir au fond (art. 59 al. 2 let. a CPC; ATF 138 III 728 consid. 2.7, où le Tribunal fédéral a jugé qu’en cas d’admission à titre provisionnel d’une reddition de comptes au sens de l’art. 400 CO [loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le code civil suisse, Livre cinquième: Droit des obligations; RS 220], il ne restait plus de place pour une procédure ordinaire sur le même objet).
V. Conformément à ce qui précède, il faut d'abord examiner si les requérants rendent vraisemblable l'atteinte à leurs droits protégés par la LCart.
a) Selon l’art. 1 LCart, cette loi a pour but d'empêcher les conséquences nuisibles d'ordre économique ou social imputables aux cartels et aux autres restrictions à la concurrence, et de promouvoir ainsi la concurrence dans l'intérêt d'une économie de marché fondée sur un régime libéral. L’art. 2 LCart prévoit l’application de cette loi aux entreprises de droit privé ou de droit public qui sont parties à des cartels ou à d'autres accords en matière de concurrence, qui sont puissantes sur le marché ou participent à des concentrations d'entreprises (al. 1), toute entreprise engagée dans le processus économique qui offre ou acquiert des biens ou des services y étant soumise, indépendamment de son organisation ou de sa forme juridique (al. 1bis). La recherche d’un profit n’est pas nécessaire (Lehne, in op. cit., n. 12 ad art. 2 LCart), seule la participation au processus économique étant requise, du côté de l’offre ou de la demande (Martenet/Killias, op. cit., nn. 22 ss ad art. 2 LCart).
Sur le principe, la jurisprudence admet que l’accès pour les athlètes ou pour des équipes sportives professionnels aux compétitions puisse relever de la législation sur les cartels (cf. l’arrêt du Tribunal cantonal valaisan du 20 octobre 2003, dans la cause opposant le Football Club Sion Association et la société Olympique des Alpes SA, en charge de son exploitation économique, à la Swiss Football League, RVJ 2004 pp. 249 ss, DPC 2003 pp. 972 ss; cf. ég. JICC Dehiba Chayhd c. Association Athletissima, 24 juin 2011/87, opposant une coureuse professionnelle à l’organisateur d’une étape du circuit d’athlétisme).
b) L’art. 4 LCart définit les accords en matière de concurrence comme les conventions avec ou sans force obligatoire ainsi que les pratiques concertées d’entreprises occupant des échelons du marché identiques ou différents, dans la mesure où elles entraînent une restriction à la concurrence (al. 1) et les entreprises dominant le marché comme une ou plusieurs entreprises qui sont à même, en matière d’offre et de demande, de se comporter de manière essentiellement indépendante par rapport aux autres participants du marché (concurrents, fournisseurs ou acheteurs) (al. 2).
La question de savoir si une entreprise domine ou non le marché doit être appréciée en rapport avec le marché matériellement et géographiquement déterminant (ATF 133 II 104 consid. 8.2; ATF 129 II 497 consid. 6.3.1 et réf. cit., SJ 2004 I 165; Reinert/Bloch, Basler Kommentar KartG, op. cit., n. 4 ad art. 4 al. 2 LCart; Clerc/Këllezi, CR-Droit de la concurrence, 2e éd., Bâle 2012, nn. 62 ss ad art. 4 al. 2 LCart ; critique Raass, Die Marktabgrenzung : bestenfalls überflüssig, schlimmstenfalls irreführend in Sic! 2011 p. 405). Pour définir le marché matériellement déterminant, ou marché des produits, il convient de se référer d'une part à la notion de marché issue du droit communautaire, et d'autre part à la définition de l'art. 11 al. 3 let. a OCCE (ordonnance sur le contrôle des concentrations d'entreprises du 17 juin 1996; RS 251.4), applicable par analogie (Clerc/Këllezi, op. cit., nn. 63 et 69 ad art. 4 al. 2 LCart). En vertu de cette dernière disposition, le marché des produits comprend tous les produits ou services que les partenaires de l'échange considèrent comme substituables en raison de leurs caractéristiques et de l'usage auquel ils sont destinés (Clerc/Këllezi, op. cit., n. 69 ad art. 4 al. 2 LCart). Ce critère de substituabilité figure également dans la jurisprudence communautaire, qui étend toutefois la notion de marché des produits à l'ensemble des produits qui, même sans être nécessairement substituables, sont en tous cas suffisamment interchangeables avec les produits proposés par l'entreprise en cause, en fonction non seulement de leurs caractéristiques propres, mais également des conditions de concurrence et de la structure de la demande et de l'offre sur le marché (CJCE aff. C-333/94 du 14 novembre 1996, Tetra Pak II c/ Commission, Rec. 1996 I-5951, n. 10).
Dans le domaine du sport, la question de la position dominante est délicate. Ainsi, il a été considéré par exemple que la supervision des Jeux Olympiques échoit par nature au CIO, qui détermine la participation à ces jeux par sa charte et par des décisions qu’il paraissait douteux qu’on puisse considérer qu’il domine ainsi un "marché" olympique, une telle approche paraissant pousser jusqu’à l’absurde les raisonnements visant à permettre le jeu de la concurrence et qu’on pourrait en effet, selon un raisonnement analogue, être amené à considérer que l’entreprise Coca-Cola domine le marché du Coca-Cola (JICC du 15 juillet 2016/28 qui arrive à la conclusion que le marché à prendre en considération est ainsi plutôt celui du sport international en général, comme retenu par le Tribunal fédéral dans l’arrêt 5A_21/2011 du 10 février 2012).
c) Aux termes de l'art. 7 al. 1 LCart, les pratiques d'entreprises ayant une position dominante sont réputées illicites lorsque celles-ci abusent de leur position et entravent ainsi l'accès d'autres entreprises à la concurrence ou son exercice, ou désavantagent les partenaires commerciaux.
L'existence d'une position dominante n'est pas interdite par la loi sur les cartels. Cette loi prohibe uniquement le comportement abusif d'une entreprise en position dominante (Clerc, CR-Droit de la concurrence, op. cit., nn. 1 et 58 ss ad art. 7 LCart). L'art. 7 LCart vise à empêcher qu'une entreprise dominant le marché limite de façon abusive la liberté d'action de ses concurrents ou partenaires commerciaux (fournisseurs, clients) et, par là-même, affaiblisse la concurrence (RVJ 2003 p. 257). L'application de cette disposition présuppose l'existence d'un lien entre la position dominante et le comportement prétendument abusif (Clerc, op. cit., n. 57 ad art. 7 LCart). Une entreprise abuse notamment de sa position dominante lorsqu'elle entrave l'accès à la concurrence ou son exercice par d'autres entreprises, sans que son comportement ne soit objectivement justifié par des considérations commerciales légitimes ("legitimate business reasons"; cf. Clerc, op. cit., n. 79 ad art. 7 LCart; DPC [Droit et politique de la concurrence en pratique] 1997 p. 501).
Les abus de position dominante se divisent en actes d'entrave et en actes d'exploitation, distinction qui repose sur la cible de la pratique abusive. L'entrave vise directement certains concurrents actuels ou potentiels déterminés, ou encore certains partenaires économiques déterminés (les cocontractants de l'entreprise dominante, soit les entreprises fournisseurs ou clientes ou les consommateurs). La volonté de l'entreprise dominante de freiner la concurrence est déterminante pour retenir la qualification d'entrave (Clerc, op. cit., nn. 94 ss ad art. 7 al. 1 LCart). La doctrine considère encore que, pour que l’on soit en présence d’un acte d’entrave, il faut que l’entreprise ou le groupe d’entreprises concerné cherche à utiliser sa position dominante pour maximiser ses profits, même si cette condition ne ressort pas du texte légal (Clerc, op. cit., n. 98 ad art. 7 al. 1 LCart). Les pratiques d'exploitation visent les partenaires commerciaux. Est déterminante pour la qualification d'exploitation la volonté de tirer parti de sa rente de position dominante, sans chercher à entraver des concurrents déterminés (Clerc, op. cit., n. 98 ad art. 7 al. 1 LCart). Le comportement de l'entreprise dominante est abusif, et partant illicite, lorsqu'il n'est pas objectivement justifié (Clerc, op. cit., n. 99 ad art. 7 al. 1 LCart).
Dans le domaine du sport, les motifs objectifs justifiant l'entrave ne sont pas seulement d'ordre commercial; de tels motifs, purement économiques, tiennent insuffisamment compte des spécificités du sport. Il s'agit donc de prendre également en considération les exigences qui sont propres à cette activité humaine, telles que les règles garantissant le déroulement régulier d'une compétition sportive, la sécurité des participants et l'égalité des chances entre concurrents (Philipp, Kartellerecht und Sport, Jusletter du 11 juillet 2005, n. 36).
S'agissant du fardeau de la preuve, il appartient au requérant, dans une action civile, de démontrer l'existence d'une position dominante et le caractère abusif du comportement incriminé, alors que l'entreprise dominante doit prouver que son comportement est objectivement justifié (Clerc, op. cit., n. 94 ad art. 7 LCart).
d) En l'espèce, l’intimée, en sa qualité de leader du mouvement équestre, occupe une position monopolistique dans le domaine du sport équestre. Elle est l’unique fédération équestre reconnue par le CIO et tout cavalier doit nécessairement s’affilier indirectement à l’intimée par le biais de sa fédération nationale pour pouvoir participer aux compétitions équestres internationales. L’intimée oppose que le marché sur lequel elle exerce sa position n’a pas été défini. Or, il est évident qu’il s’agit du marché du sport équestre. Contrairement à ce qu’elle plaide, le monopole qu’elle semble exercer dans ce domaine n’exclut pas l’application de la LCart. Il ne s’agit pas d’élargir le marché pour « éviter de considérer Coca-Cola comme dominant le marché du Coca-Cola », pour reprendre l’image adoptée par le juge instructeur dans le précédent mentionné supra. D’une part, l’élargissement du marché aurait pour conséquence que l’on considère qu’un sportif équestre peut changer de marché, et donc de sport, ce qui n’est pas admissible. D’autre part, il faut considérer qu’une situation monopolistique, en tous les cas dans le domaine du sport, n’a pas pour conséquence l’inapplicabilité de la LCart, parce que le monopole se révèle plus dangereux que la position dominante pour les autres acteurs du marché, en particulier les athlètes. L’art. 4 al. 2 LCart prévoit expressément d’ailleurs qu’il peut s’agir d’une ou de plusieurs entreprises. Il faut ainsi retenir que l’intimée exerce une position qui rentre dans le champ d’application de l’art. 4 al. 2 LCart.
VI. Reste ensuite à déterminer si l’entrave, qui découle de la résolution du 2 mars 2022, est objectivement justifiée.
De manière générale, un consensus s’est largement exprimé s’agissant d’exclure les sportifs russes des compétitions depuis l’invasion de l’Ukraine, même si les requérants ont produit, à l’appui de leurs écritures, quelques avis divergents. Ainsi, trois jours après l’invasion, le CIO, dans le but de protéger l’intégrité des compétitions sportives internationales et d’assurer la sécurité de tous les participants, a recommandé à toutes les fédérations internationales et à tous les organisateurs d’événements sportifs de ne pas inviter et ne pas permettre la participation d’athlètes russes et bélarusses à des compétitions internationales. Puis, saisi de plusieurs requêtes des différentes fédérations sportives et des sportifs individuellement, le TAS a eu l’occasion d’effectuer une pesée des intérêts en présence. Ainsi, dans une affaire portée devant lui par la « FUR » (Football Union of Russia), il a reconnu l’intérêt légitime à participer aux compétitions de la FIFA mais également l’intérêt légitime de maintenir la sécurité des joueurs pendant les matchs, de maintenir et d’assurer le bon déroulement des compétitions, certaines équipes ayant annoncé ne pas vouloir jouer contre l’équipe russe (affaire CAS 2022/A/8708 Football Union of Russia (FUR) v. Fédération Internationale de Football Association (FIFA) et al.). S’agissant du sport équestre, le tribunal interne de l’intimée a considéré en substance qu’il y avait une situation d’urgence créée par la guerre en Ukraine qui permettait au comité d’adopter une résolution, laquelle avait été prise dans le respect des formes prescrites par les statuts. S’agissant des arguments soulevés par la fédération russe, le tribunal interne a en particulier relevé que l’intimée poursuivait comme objectif que tous les athlètes devaient pouvoir concourir dans des conditions équitables et loyales, ce que la résolution assurait. Il fallait également favoriser une collaboration harmonieuse entre les fédérations nationales, les athlètes et les officiels, ainsi qu’éviter d’éventuels boycotts si les athlètes, officiels et équipes de la fédération russe étaient autorisés à concourir dans les événements supervisés par l’intimée. En outre, selon le tribunal interne, la sécurité était primordiale et les possibles protestations si les athlètes et les officiels de la Fédération équestre russe étaient autorisés à participer pourraient mettre en danger la sécurité de tous, y compris celle des chevaux, ceux-ci n’étant pas aptes à se défendre. Ainsi, pour le tribunal interne, le risque de boycotts et de protestations était suffisant pour que le comité estime qu'il y avait effectivement une situation d'urgence. Enfin, le tribunal interne a relevé que la résolution prévenait la possibilité que les événements supervisés par l’intimée soient utilisés pour soutenir l’invasion de l’Ukraine par la Russie, dès lors qu’existaient des exemples concrets d’athlètes russes qui portaient le symbole « Z » en signe de soutien à cette invasion.
Saisi de requêtes individuelles, il n’appartient pas à la Juge déléguée de la Cour civile d’examiner si les motifs mis en avant par le tribunal interne de l’intimée et par le TAS paraissent valables et suffisants pour restreindre le droit d’accès des sportifs russes à toute compétition. Il s’agit ici uniquement de déterminer si l’application de cette résolution aux requérants est constitutive d’une violation de la LCart, respectivement des droits de la personnalité.
Les requérants font valoir qu’ils ont des relations distendues avec la Russie, qu’ils résident depuis longtemps en [...] et qu’ils apportent tout leur soutien à l’Ukraine, si bien qu’ils doivent pouvoir être considérés différemment. Ils estiment également qu’ils devraient pouvoir concourir en qualité d’athlètes neutres. Certes, les requérants ne sont pas des perturbateurs par comportement. A cet égard, si le bon déroulement des compétitions équestres doit pouvoir être assuré en évitant des boycotts ou contestations des autres athlètes, cette agitation et les désagréments qui en découlent ne sauraient être imputés personnellement aux requérants. Au vu du résultat de l’instruction, il apparaît également peu vraisemblable que les requérants utilisent les concours et la publicité de ceux-ci pour faire passer un message politique, comme certains athlètes l’ont fait précédemment. Cependant, les requérants apparaissent néanmoins comme des perturbateurs de situation, à savoir que leur simple présence sur les concours équestres est susceptible de déranger. Le fait de concourir sous bannière neutre n’apparaît pas propre à supprimer les risques précités. Le drapeau neutre n’est pas prévu par le règlement de l’intimée qui exige de ses cavaliers qu’ils élisent une nationalité sportive à leurs 18 ans. Il va ainsi sans dire que des athlètes qui concourraient sans nationalité sportive seraient nécessairement identifiés comme ressortissants russes, si bien que les risques de perturbation des manifestations et leurs corollaires sécuritaires seraient identiques. Peu importe en définitive que les requérants n’aient plus d’attaches avec la Russie et qu’ils aient au contraire manifesté tout leur soutien au peuple ukrainien. En effet, les fédérations sportives ne sauraient être amenées à évaluer le profil de chacun de ses athlètes, questionner leur appartenance politique et déterminer lesquels sont idéologiquement aptes à concourir. Non seulement cela politiserait plus encore le sport mais surtout, cela ne réduirait pas le risque de perturbation évoqué.
Ainsi, au vu des motifs évoqués par les instances compétentes pour justifier les restrictions d’accès aux compétitions, il n’y a pas de place pour des exceptions à titre individuel. L’acte d’entrave qui résulte de l’application de la résolution du 2 mars 2022 aux requérants paraît dès lors justifié par des motifs objectifs au stade des mesures provisionnelles.
VII. a) Les requérants soutiennent encore que, de manière concurrente aux dispositions de la LCart, l’interdiction de concourir porte atteinte à leurs droits de la personnalité au sens des art. 28 ss CC. Ils requièrent en outre de conserver leur classement international avec effet rétroactif au 6 mars 2022.
b) Est illicite l'atteinte à la personnalité qui n'est pas justifiée par le consentement de la victime, par un intérêt public ou privé prépondérant ou par la loi (art. 28 al. 2 CC). Il s’agit donc d’une illicéité de principe, ou de résultat. L'art. 28a CC permet au demandeur de requérir l’interdiction d’une telle atteinte si elle est imminente (al. 1 ch. 1), sa cessation si elle dure encore (al. 1 ch. 2), la constatation de son caractère illicite si le trouble qu’elle a créé subsiste (al. 1 ch. 3), la communication à des tiers ou la publication d’une rectification ou du jugement (al. 2), ou encore l’octroi de dommages-intérêts ou d’une réparation du tort moral, ainsi que la remise du gain selon les dispositions sur la gestion d'affaires (al. 3).
La garantie de l'art. 28 CC s'étend à l'ensemble des valeurs essentielles de la personne qui lui sont propres par sa seule existence et peuvent faire l'objet d'une atteinte (Bucher, Personnes physiques et protection de la personnalité [ci-après Bucher, Personnes physiques], 4e éd. 1999, n. 457; Deschenaux/Steinauer, Personnes physiques et tutelle, 2001, n. 515). En matière de sport de haut niveau, elle englobe plus particulièrement le droit à la santé, à l'intégrité corporelle, à l'honneur, à la considération professionnelle, à l'activité sportive et, s'agissant de sport professionnel, le droit au développement et à l'épanouissement économique (ATF 134 III 193 consid. 4.5 et les références citées). Les droits de la personnalité comprennent ainsi la liberté – pour les personnes physiques – d'exercer une activité sportive et de participer à des compétitions réunissant des sportifs de même niveau (Bucher, Personnes physiques, n. 467; arrêt du Tribunal cantonal saint-gallois du 21 décembre 1990 consid. 4a, RSJ 1991 pp. 284 ss). Le sportif qui se trouve dans l'impossibilité d'exercer une activité sportive professionnelle notamment parce qu'il s'est vu refuser une licence ou un enregistrement par une fédération est victime d'une atteinte à sa personnalité, notamment économique (Baddeley, Le sportif, sujet ou objet? in RDS 1996 II 135 ss, spéc. pp 188-190; cf. ég. arrêt du Tribunal civil de la Sarine du 20 juin 1997 consid. 3b, RFJ 1998 pp. 51 ss). La liberté et l’autonomie d’une association est ainsi limitée par les droits de la personnalité du sportif (Kaiser, Sportrecht : vom (Spannungs-)Verhältnis von Sport und Recht in AJP/PJA2011 pp. 192 ss, spéc. p. 195).
Il a également été jugé que l'exclusion d'une association peut, dans certaines circonstances, constituer une atteinte à la personnalité de l'exclu, en particulier lorsque l'association occupe une position dominante dans son propre secteur d'activité, et que la portée économique, respectivement professionnelle, de la qualité de sociétaire d'une organisation professionnelle, corporative ou sportive exige une limitation de la liberté d'exclusion. Celle-ci n'est ainsi possible que s'il existe un juste motif, ce qu'il y a lieu de déterminer en procédant à une pesée des intérêts respectifs de l'association à exclure un membre et de ce dernier à rester sociétaire (TF 5A_21/2011 du 10 février 2012, non reproduit in JdT 2013 II 38; ATF 123 III 193 consid. 2c/cc; cf. ég. ATF 131 III 97 consid. 3; TF 5C.64/2006 du 3 juillet 2006 consid. 3; Riemer, Berner Kommentar, n. 47 ad art. 72 CC; Heini/Scherrer, Basler Kommentar, n. 12 ad art. 72 CC; Heini/Portmann, Das Schweizerische Vereinsrecht, in: Schweizerisches Privatrecht, tome II/5, 2005, n. 345; Perrin/Chappuis, Droit de l'association, 2008, pp. 147 ss; Baddeley, L'association sportive face au droit, p. 98; contra : Foëx, CR-CC, nn. 20 ss ad art. 72 CC). Il doit en aller de même, dans certaines circonstances, lorsqu'une personne se voit refuser son admission dans une association. En effet, comme en matière d'exclusion de l'association, le refus du sociétariat peut occasionner une atteinte à la personnalité du candidat lorsqu'il s'agit de l'adhésion à une association professionnelle, corporative ou économique, ou encore à une association sportive (TF 5A_21/2011 précité et réf. cit.). Le Tribunal fédéral a ainsi considéré que le rejet de la demande de reconnaissance en tant que Comité national olympique (CNO) par le CIO, c'est-à-dire le refus d'adhésion au Mouvement olympique, était, en soi, susceptible de causer une atteinte à la personnalité du recourant (même arrêt).
En pratique, on procédera à un examen en deux temps, afin de déterminer d’abord l’existence d’une atteinte à la personnalité, puis d’un motif justificatif (ATF 136 III 410 consid. 2.2.1 et réf. cit.; TF 5A_354/2012 du 26 juin 2014 consid. 3).
c) En l’espèce, l’existence de l’atteinte doit être admise s’agissant de l’impossibilité de concourir. Cette atteinte est néanmoins justifiée par les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus (consid. VI).
Demeure encore la question de la conservation du classement international avec effet rétroactif. A cet égard, il ressort de l’instruction, et notamment de l’interrogatoire des parties, que le classement du cavalier n’est pas le seul critère pour participer à des compétitions, certains cavaliers pouvant être invités à certains événements internationaux ou bénéficier de places vacantes. Les requérants peinent à démontrer que la conservation du classement est indispensable à la reprise de leur activité sportive, au niveau auquel ils peuvent prétendre, une fois l’interdiction levée. Quoiqu’il en soit, sur cet aspect du litige, il ne saurait être retenu que les requérants sont susceptibles de subir un préjudice irréparable s’ils perdent le rang qui était le leur avant la résolution du 2 mars 2022. En effet, dès lors qu’ils ne peuvent pas participer aux compétitions internationales en l’état, il n’y a aucune urgence à ce qu’ils récupèrent leurs points. La question pourra être examinée en même temps que le fond du litige ou cas échéant, au moment où l’intimée décidera de réintégrer les athlètes russes. Pour ces motifs, cette prétention doit également être rejetée.
VIII. Au vu de ce qui précède, les conclusions de la requête doivent être intégralement rejetées.
IX. Les frais, qui comprennent les frais judiciaires et les dépens (art. 95 al. 1 CPC), sont fixés par le droit cantonal (art. 96 CPC). Ils sont mis à la charge de la partie succombante, qui est la partie demanderesse lorsque le tribunal n’entre pas en matière (art. 106 al. 1 principio CPC). Les frais judiciaires sont compensés avec les avances fournies (art. 111 al. 1 CPC).
a) L’émolument forfaitaire de décision pour les contestations soumises à la procédure sommaire est fixé, devant la Cour civile, entre 900 fr. et
3'000 fr., montant que le juge délégué peut augmenter jusqu’à concurrence de 30'000 fr., lorsque la cause impose un travail particulièrement important (art. 28 et
31 TFJC [Tarif des frais judiciaires civils du 28 septembre 2010; BLV 270.11.5]). L’émolument forfaitaire pour le dépôt d’une requête de mesures superprovisionnelles s’élève, quant à lui, à 350 fr. (art. 30 TFJC). Pour l’audition de chaque témoin, l’émolument est fixé à 100 fr. (art. 87 al. 1 in initio TFJC).
En l’occurrence, au vu des conclusions prises et des opérations accomplies, les frais de justice doivent être arrêtés à 2’129 fr. 60 (soit 1'850 fr. pour les mesures superprovisionnelles et provisionnelles, 100 fr. pour l’audition du témoin et 179 fr. 60 pour les frais d’interprète).
Vu le sort des requêtes de mesures superprovisionnelles et provisionnelles, les frais sont mis à la charge des requérants, solidairement entre eux. Le solde de l’avance de frais versée à hauteur de 2’404 fr. 60, soit 275 fr., doit leur être restitué.
b) Les dépens comprennent les débours nécessaires et le défraiement d'un représentant professionnel. En matière patrimoniale, lorsque la valeur litigieuse ne peut pas être chiffrée, comme en l'espèce, le défraiement est fixé librement d'après l'importance de la cause, de ses difficultés, de l'ampleur du travail et du temps consacré par l'avocat (art. 3 al. 3 TDC [Tarif des dépens en matière civile du 23 novembre 2010 ; BLV 270.11.6]). Les débours sont estimés, sauf élément contraire, à 5% du défraiement du représentant professionnel (art. 19 al. 2 TDC).
En l'espèce, compte tenu de l'importance de la cause, de ses difficultés, de l'ampleur du travail et du temps consacré à son mandat par les conseils de l'intimé, les dépens doivent être arrêtés à 5’000 fr., débours compris, montant que les requérants, solidairement entre eux, doivent verser à l’intimée.
* * * * *
Par ces motifs,
la juge déléguée,
statuant à huis clos et
par voie de mesures provisionnelles :
I. Rejette la requête de mesures provisionnelles déposée le 28 juillet 2022 par les requérants B.____ et F.____ à l'encontre de l'intimée R.____.
II. Met les frais de la procédure provisionnelle et superprovisionnelle, arrêtés à 2’129 fr. 60 (deux mille cent vingt-neuf francs et soixante centimes), à la charge des requérants, solidairement entre eux, le solde de l’avance de frais par 275 fr. (deux cent septante-cinq francs) leur étant restitué.
III. Condamne les requérants, solidairement entre eux, à verser à l'intimée le montant de 5’000 fr. (cinq mille francs), à titre de dépens de la procédure provisionnelle.
La juge déléguée : La greffière :
C. Kühnlein M. Bron
Du
L'ordonnance qui précède, lue et approuvée à huis clos, est notifiée, par l'envoi de photocopies, aux conseils des parties.
La présente ordonnance peut faire l'objet d'un recours en matière civile devant le Tribunal fédéral au sens des art. 72 ss LTF et 90 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral - RS 173.110), cas échéant d'un recours constitutionnel subsidiaire au sens des art. 113 ss LTF. Ces recours doivent être déposés devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la présente notification (art. 100
al. 1 LTF).
La greffière :
M. Bron
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