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Urteil Kantonsgericht (VD)

Zusammenfassung des Urteils Jug/2023/432: Kantonsgericht

Die Administration Bundes der Steuern hat gegen das Urteil des Bezirksgerichts La Côte vom 22. Dezember 2022 in einem Fall gegen S.________ und B.________ Berufung eingelegt. Das Bezirksgericht hatte S.________ vom Vorwurf der vorsätzlichen Veruntreuung von vorbehaltenen Steuern freigesprochen und den Sequester, der von Y.________ AG durchgeführt wurde, aufgehoben. Es entschied, dass die Verfahrenskosten von 2'960 Franken für S.________ und 3'060 Franken für B.________ von der Bundessteuerverwaltung getragen werden sollen. S.________ und B.________ haben gegen die Berufung der Bundessteuerverwaltung Einspruch erhoben. Die Präsidentin des Strafappellationsgerichts hat entschieden, dass die Berufung zulässig ist und den Parteien Zeit gegeben, ihre Stellungnahmen abzugeben.

Urteilsdetails des Kantongerichts Jug/2023/432

Kanton:VD
Fallnummer:Jug/2023/432
Instanz:Kantonsgericht
Abteilung:
Kantonsgericht Entscheid Jug/2023/432 vom 24.08.2023 (VD)
Datum:24.08.2023
Rechtskraft:
Leitsatz/Stichwort:
Schlagwörter : été; Impôt; ’impôt; ’AFC; érêt; édure; ’il; Intérêt; énal; ’intérêt; ’au; était; éciable; énale; ’ACI; édé; Appel; ’appel; èces; écis; éciables; énario; ’est; écision
Rechtsnorm:Art. 100 BGG;Art. 107 StPo;Art. 11 StPo;Art. 139 StPo;Art. 14 VwVG;Art. 382 StPo;Art. 389 StPo;Art. 398 StPo;Art. 399 StPo;Art. 400 StPo;Art. 403 StPo;Art. 426 StPo;Art. 5 VwVG;Art. 6 VwVG;Art. 73 VwVG;Art. 78 VwVG;Art. 82 VwVG;Art. 95 VwVG;Art. 97 BGG;Art. 97 VwVG;Art. 99 VwVG;
Referenz BGE:-
Kommentar:

Entscheid des Kantongerichts Jug/2023/432

TRIBUNAL CANTONAL

408

PE22.002105-//LGN



COUR D’APPEL PENALE

________________

Séance du 24 août 2023

___________

Composition : Mme Bendani, présidente

Greffière : Mme Maire Kalubi

*****

Parties à la présente cause :

ADMINISTRATION FEDERALE DES CONTRIBUTIONS AFC, représentée par A.____, Division affaires pénales et enquêtes, appelante,

et

S.____, prévenu, représenté par Me Gilles Monnier, défenseur de choix à Pully, et par Mes Nicole Fragnière Meyer et Alexandre Steiner, conseils de choix à Genève, intimé,

B.____, prévenu, représenté par Mes Stefan Disch et Pierre-Marie Glauser, conseils de choix à Lausanne, intimé.


La Présidente de la Cour d’appel pénale statue à huis clos sur l’appel formé par l’Administration fédérale des contributions AFC contre le jugement rendu le 22 décembre 2022 par le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte dans la cause dirigée contre S.____ et B.____.

Elle considère :

En fait :

A. Par jugement du 22 décembre 2022, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte a libéré S.____ du chef de prévention de soustraction d’impôt anticipé (I), a libéré B.____ du chef de prévention d’instigation à la soustraction d’impôt anticipé (II), a levé le séquestre opéré en mains de Y.____ AG et portant sur les documents relatifs aux services fiscaux rendus et à la révision des comptes exécutée en faveur de la société E.____ AG et dit que ces documents seront restitués à Y.____ AG une fois le présent jugement devenu définitif et exécutoire (III), a dit que les frais de la procédure administrative dirigée contre S.____, par 2'960 fr., sont laissés à la charge de l’Administration fédérale des contributions AFC, respectivement de la Confédération suisse (IV), a dit que les frais de la procédure administrative dirigée contre B.____, par 3'060 fr., sont laissés à la charge de l’Administration fédérale des contributions AFC, respectivement de la Confédération suisse (V), a arrêté à 2'800 fr. les frais de la procédure judiciaire dirigée contre S.____ et B.____ et dit que ces frais sont mis à la charge de l’Administration fédérale des contributions AFC, respectivement de la Confédération suisse (VI), a dit que les prétentions de S.____ tendant à l’allocation d’une indemnité pour le préjudice causé par la procédure administrative et la procédure judiciaire feront l’objet d’une instruction et d’une décision séparée, conformément aux art. 99 à 101 DPA (loi fédérale sur le droit pénal administratif du 22 mars 1974 ; RS 313.0) (VII), et a dit que les prétentions de B.____ tendant à l’allocation d’une indemnité pour le préjudice causé par la procédure administrative et la procédure judiciaire feront l’objet d’une instruction et d’une décision séparée, conformément aux art. 99 à 101 DPA (VIII).

B. a) Par annonce du 3 janvier 2023, puis déclaration motivée du 31 janvier 2023, l’Administration fédérale des contributions AFC (ci-après : AFC), a formé appel contre ce jugement, concluant à sa réforme en ce sens que S.____ est reconnu coupable de soustraction d’impôt anticipé par dol éventuel pour les exercices 2013 et 2014, qu’il est condamné à une amende de 20'000 fr., que les frais de la procédure pénale administrative, par 2'960 fr., ainsi que les frais de la procédure judiciaire sont mis à sa charge, que B.____ est reconnu coupable d’instigation à la soustraction d’impôt anticipé pour les exercices 2013 et 2014, qu’il est condamné à une amende de 30'000 fr. et que les frais de la procédure pénale administrative, par 3'060 fr., et les frais de la procédure judiciaire sont mis à sa charge.

Elle a produit trente-six pièces, dont une ordonnance de séquestre du 2 septembre 2019 et l’ensemble des pièces séquestrées en mains d’Y.____ SA (ci-après : Y.____ SA).

b) Le 27 février 2023, dans le délai imparti en application de l’art. 400 al. 3 CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 ; RS 312.0), S.____ a déposé une demande de non-entrée en matière sur l’appel de l’AFC, concluant, sous suite de frais, à son irrecevabilité et à l’octroi d’une juste indemnité, à la charge de la Confédération, pour les frais liés à l’exercice de ses droits en procédure d’appel.

Le même jour, dans le même délai, B.____ a également déposé une demande de non-entrée en matière sur l’appel de l’AFC, concluant, sous suite de frais, à son irrecevabilité et à l’octroi d’une indemnité équitable, à la charge de la Confédération, pour la procédure d’appel.

c) Par courrier du 21 mars 2023, S.____ a indiqué partager intégralement les déterminations et conclusions présentées par B.____ dans le cadre de sa demande de non-entrée en matière.

Par lettre du 22 mars 2023, B.____ a déclaré adhérer à la demande de non-entrée en matière formulée par S.____.

d) Le 22 mars 2023, dans le délai imparti en application de l’art. 403 al. 2 CPP, l’AFC s’est déterminée sur les demandes de non-entrée en matière déposées par S.____ et B.____, concluant à leur rejet.

Elle a en outre produit deux pièces.

e) Le 6 avril 2023, B.____ a déposé des observations et a confirmé les conclusions prises au pied de sa demande de non-entrée en matière.

Le 11 avril 2023, S.____ a également déposé des observations, se référant pour le surplus à sa demande de non-entrée en matière du 27 février 2023, dont il a indiqué confirmer les conclusions.

f) Par avis du 12 avril 2023, la Présidente de la Cour de céans a informé les parties que la cause relevait de la compétence d’un juge unique et que l’appel serait d’office traité en procédure écrite. Elle a imparti à l’appelante un délai au 3 mai 2023 pour déposer un éventuel mémoire complémentaire.

g) Le 21 avril 2023, l’AFC a produit une pièce complémentaire, soit sa propre analyse de prix de transfert du 28 novembre 2022.

h) Par avis du 16 mai 2023, la Présidente de la Cour de céans a indiqué que l’appel de l’AFC était recevable et a imparti à S.____ et B.____ un délai au 5 juin 2023 pour déposer leurs déterminations.

i) Le 28 juin 2023, dans le délai prolongé à sa demande, S.____ s’est déterminé sur l’appel déposé par l’AFC, concluant, sous suite de frais et dépens, à son irrecevabilité. A titre subsidiaire, dans la mesure de sa très faible recevabilité, il a conclu au rejet de l’appel et à la confirmation du jugement de première instance, les frais de la procédure d’appel étant mis à la charge de l’AFC, respectivement de la Confédération suisse et un montant de 36'800 fr. lui étant alloué à titre d’indemnité pour l’exercice de ses droits en procédure d’appel.

A la même date, dans le délai prolongé à sa demande, B.____ s’est également déterminé sur l’appel formé par l’AFC, concluant à son rejet et à l’octroi d’une juste indemnité, à la charge de la Confédération, pour l’exercice raisonnable de ses droits en procédure d’appel.

C. Les faits retenus sont les suivants :

1.

1.1 Ressortissant suisse, S.____ est né le [...] 1977 à Genève. En [...], il a obtenu un diplôme en Hautes Etudes Commerciales (HEC) à l’Université de [...]. De 2006 à 2010, il a travaillé comme comptable au sein de la [...] SA, à Genève. Le 1er février 2010, il a été engagé par O.____ SA (ci-après : O.____), à [...], en qualité d’operation manager, pour un salaire brut de 7'000 fr. par mois, versé treize fois l’an. Le 1er novembre 2011, il a été promu en qualité de business controller, avec les responsabilités suivantes : « Controlling and reporting : Responsive for initiating proactive controlling/monitoring activities in order to detect savings and financial opportunities. Responsible for collecting, consolidating, controlling and forwarding financial reports according to [...] Group/Documents/Policies ». S.____ a disposé de la signature collective à deux pour représenter O.____ dès le 25 avril 2013 et jusqu’en 2016. A la suite d’une restructuration au sein du groupe international de sociétés « I.____ », il a donné son congé pour le 28 février 2019. Après une période de chômage, il a été engagé comme comptable au sein d’une société financière sise à Genève dès le 1er décembre 2022. Il est marié et père de trois enfants âgés de 4, 9 et 12 ans. Il vit avec sa famille dans une maison dont il est propriétaire, en France voisine.

Son casier judiciaire suisse est vierge de toute inscription.

1.2 Originaire de [...] (SZ), B.____ est né le [...] 1956. Titulaire d’une licence en droit de l’Université de Berne, du brevet d’avocat bernois et du brevet fédéral d’expert fiscal, il a travaillé comme conseiller fiscal depuis 1985 et jusqu’à sa retraite, en 2021. Il a notamment œuvré au sein du cabinet d’audit financier et de conseil Y.____ SA entre 1994 et 2016, avec le rang de partner.

Son casier judiciaire suisse ne comporte aucune inscription.

2. Préambule

2.1 La société O.____ SA, devenue par la suite E.____ SA, dont le siège est à [...], a pour but social « Détenir et gérer des biens immobiliers destinés à servir d’établissement stable pour faire le commerce, exploiter une fabrique ou exercer en la forme commerciale quelqu’autre industrie au sens de l’art. 2, al. 2, litt. A de la LFAIE ». Cette société exploite sur plusieurs sites en Suisse des surfaces commerciales dans lesquelles sont situés des magasins de la marque « I.____ » et d’autres enseignes.

Les 6 et 7 avril 2011, la société W.____ Ltd, sise à Dublin (Irlande), a accordé à O.____ un prêt de 93'000'000 fr. au taux d'intérêt de 3.15 % par an pour une période de cinq ans. W.____ Ltd est une société faisant partie du groupe international de sociétés « I.____ » (pièce 800.100.240).

Pour les exercices 2011 à 2015, O.____ a comptabilisé dans ses comptes annuels les charges d’intérêts suivantes en relation avec ce prêt :

En CHF

2011

2012

2013

2014

2015

Total

Taux d’intérêt appliqué

3.15 %

3.15 %

3.15 %

3.15 %

3.15 %

Charges d’intérêts

2'140’163

2'929’500

2'929’500

2'929’500

1'546’126

12'474’789

2.2 Au printemps 2014, l’Administration cantonale des impôts du Canton de Vaud (ci-après : ACI) a procédé à un contrôle des comptes d’O.____ pour les années 2010 à 2012. Le 1er juillet 2014, elle a informé lors d’une séance le prévenu S.____ et le réviseur R.____, collaborateur au sein de la société Y.____ SA, de l’existence de « risques fiscaux liés au capital propre dissimulé et aux intérêts payés sur les prêts intergroupes ».

Par contrat du 10 juillet 2014, O.____ a conclu avec Y.____ SA un contrat de services aux termes duquel la seconde s’est engagée à analyser « les risques fiscaux (impôt sur le bénéfice, impôt sur le capital et impôt anticipé) liés au capital propre dissimulé et aux intérêts payés sur les prêts intra-groupes », à fournir des recommandations pour les comptes 2010 à 2013 et pour l’année en cours, à effectuer les recherches juridiques dans ce but et à discuter/négocier avec l’administration fiscale vaudoise ces questions.

Le 21 août 2014, Y.____ SA, représentée par le prévenu B.____ et G.____, a adressé à O.____, par S.____, un « Mémorandum concernant la situation de sous-capitalisation pour les années fiscales 2010-2013 », qui a la teneur suivante (pièce 800.100.353) :

« 1. Introduction et étendue de notre analyse

Nous avons été chargés d’analyser pour O.____ SA (ci-après « O.____ ») la situation de sous-capitalisation, la qualification des intérêts financiers sur les prêts intra-groupes comme prestations appréciables en argent ainsi que d’estimer leurs risques fiscaux pour les années fiscales 2010 à 2013.

Notre analyse fiscale est basée sur la circulaire n° 6 de l’AFC du 6 juin 1997 relative au capital propre dissimulé de sociétés de capitaux et de sociétés coopératives, sur les lettres-circulaires de l’AFC sur les taux d’intérêts admis fiscalement ainsi que sur les informations qui nous ont été transmises.

Nous avons effectué une estimation de la charge d’impôt supplémentaire selon les scénarios suivants :

- Scénario 1 : prise en compte des valeurs comptables des immeubles pour le calcul des fonds propres dissimulés et des taux admis aux crédits immobiliers pour les dettes intra-groupes ;

- Scénario 2 : prise en compte des valeurs fiscales des immeubles pour le calcul des fonds propres dissimulés, pour autant qu’elles soient supérieures aux valeurs comptables, et des taux admis aux crédits immobiliers pour les dettes intra-groupes ;

- Scénario 3 : prise en compte des valeurs vénales des immeubles pour le calcul des fonds propres dissimulés et des taux admis aux crédits immobiliers pour les dettes intra-groupes ;

- Scénario 4 : prise en compte des valeurs comptables des immeubles pour le calcul des fonds propres dissimulés et des taux admis aux crédits d’exploitation pour les dettes intra-groupes ;

- Scénario 5 : prise en compte des fiscales (sic) des immeubles pour le calcul des fonds propres dissimulés, pour autant qu’elles soient supérieures aux valeurs comptables, et des taux admis aux crédits d’exploitation pour les dettes intra-groupes ;

- Scénario 6 : prise en compte des valeurs vénales des immeubles pour le calcul des fonds propres dissimulés et des taux admis aux crédits d’exploitation pour les dettes intra-groupes.

Notre analyse est basée sur les éléments suivants :

- O.____ possède des immeubles d’exploitation dans le canton de Vaud et dans le canton du Tessin ;

- Les années fiscales 2010 à 2013 sont encore ouvertes dans le canton de Vaud ;

- L’administration fiscale du canton du Tessin a déjà taxé ces années fiscales mais c’est (sic) gardé le droit de ré-ouvrir ces périodes fiscales en cas de fait nouveau, notamment en cas de reprises fiscales par le canton du siège ;

- L’administration fiscale du canton de Vaud (ci-après « afc VD ») suggère de répartir différemment le bénéfice imposable pour les déclarations d’impôts 2010 à 2012 et les années fiscales suivantes. Cependant sur la base de notre conversation, nous comprenons que la répartition suggérée n’arrive pas à une situation plus avantageuse pour le canton de Vaud. En effet, selon cette répartition, la totalité du bénéfice est imposable dans le canton du Tessin ;

- La répartition entre le canton de Vaud et le canton du Tessin ne devrait pas varier suite aux discussions avec l’afc VD ;

- La valeur fiscale totale des immeubles pour les années fiscales 2010 à 2013 s’élève à CHF 113 mio ;

- La valeur vénale des immeubles s’élèvent (sic) à CHF 180'000'000 à fin 2013, selon vos calculs. Nous nous sommes basés sur cette valeur comme valeur vénale des immeubles pour les années fiscales 2010 à 2013 ;

- Le taux d’intérêt sur les dettes envers la société du groupe irlandaise s’élève à 3.15 %. Il s’agit du taux d’intérêt appliqué aux différents prêts intra-groupes ;

- O.____ est détenue à 100 % par la société du groupe [...].

2. Analyse fiscale

Nous avons déterminé, pour chacun des scénarios susmentionnés, le risque de fonds propres dissimulés, au sens de la circulaire de l’AFC n° 6, et nous avons estimé l’impôt sur le capital supplémentaire qui serait dû sur les fonds propres dissimulés.

Nous avons également estimé pour ces scénarios la reprise fiscale au niveau de l’impôt sur le bénéfice des intérêts excessifs et des intérêts sur les fonds propres dissimulés qualifiés de prestations appréciables en argent.

Nous vous prions de bien vouloir trouver ci-après les résultats de notre analyse fiscale des 6 scénarios au niveau de l’impôt sur le capital et niveau (sic) de l’impôt sur le bénéfice, dans le canton de Vaud et le canton du Tessin, pour les années fiscales 2010 à 2013 (voir calculs détaillés en annexe).

ndr : illisible

ndr : illisible

ndr : illisible

Scénario 1

171’099

497’429

668’527

Scénario 2

110’873

338’679

449’552

Scénario 3

0

243’905

243’905

Scénario 4

171’099

175’914

347’013

Scénario 5

110’873

94’644

205’518

Scénario 6

0

0

0

Pour l’année fiscale 2013, vu le montant de la perte de l’année de CHF 2'961'268, la reprise des intérêts excessifs n’a aucun impact au niveau de l’impôt sur le bénéfice. La reprise fiscale impacte uniquement le montant de la perte reportable au 31.12.2013, qui est réduite du montant de la reprise. A cet égard, nous vous prions de bien vouloir vous référer aux différents scénarios.

Sur la base de nos calculs, la scénario n’engendrant aucun impact fiscal pour O.____ est la cas où l’afc VD accepterait, pour le calcul des fonds propres dissimulés, la prise en compte des valeurs vénales des immeubles et accepterait d’utiliser les taux d’intérêt applicables aux crédits d’exploitation pour la détermination des intérêts excessifs qualifiés de prestations appréciables en argent (scénario 6).

L’économie d’impôt du scénario 6 au niveau des impôts directs par rapport au « worst case » scénario s’élève à environ CHF 670'000. Pour éviter le scénario 1, il faudrait alors démontrer auprès de l’afc VD que les valeurs vénales, étant supérieures aux valeurs comptables, doivent être prises en compte comme valeurs déterminantes pour les immeubles. Veuillez noter qu’en tenant compte des valeurs fiscales d’environ CHF 113 mio, le risque de fonds propres dissimulés n’est pas exclu.

Par ailleurs, il faudrait démontrer que le taux d’intérêt pour crédit d’exploitation tel qu’indiqué dans la Notice de l’AFC doit être pris en compte par l’afc VD pour déterminer le montant des prestations appréciables en argent pour les années fiscales 2010 à 2013.

Nous vous prions de bien vouloir trouver ci-après quelques arguments qui pourraient être apportés à l’afc VD concernant l’application du taux d’intérêt pour les crédits d’exploitation :

- Inexistence de garantie de prêt sur le bien fiancé (sic) ;

- L’acquisition des magasins était nécessaire à la conduite de l’activité commerciale ;

- L’activité d’O.____ s’éloigne de l’activité d’une société immobilière ; elle refacture des services aux sociétés du groupe (coûts accessoires liés aux immeubles) ;

- Une banque aurait prêté ces fonds à un taux applicable au crédit d’exploitation ;

- Le taux d’intérêt sur les dettes intra-groupes d’O.____ correspond aux taux d’intérêt appliqué par le groupe au niveau mondial. Pour cet argument, il faudrait alors fournir le calcul déterminant ce taux ainsi que les autres prêts du groupe prévoient (sic) ce même taux d’intérêt.

Finalement, veuillez noter que la lettre-circulaire de l’AFC relative aux intérêts admissibles permet au contribuable de prouver que le taux d’intérêt appliqué est conforme au prix du marché. Ainsi, dans le cas où l’afc VD rejette les arguments ci-haut mentionnés, il serait possible de fournir une étude de prix de transfert qui détermine, à l’aide de bases de donnée, le taux qu’un tiers aurait payé dans une situation comparable (pour autant que le taux déterminée [sic] soit supérieur aux taux appliqué [sic] par O.____).

Veuillez noter qu’il existe un risque que l’afc VD communique les prestations appréciables en argent à l’AFC. L’impôt anticipé de 35 % (environ CHF 1'167'000 selon le scénario 1 et environ CHF 286'000 selon le scénario 5) serait alors dû sur les prestations appréciables en argent calculés (sic) par l’afc VD. O.____ devrait alors payer l’impôt anticipé de 35 % à l’AFC. Sur la base de la convention de double imposition entre la Suisse et l’Irlande (ci-après « CDI CH-Irlande »), l’impôt résiduel pour des sociétés autres que la société mère directe s’élève à 15 % (charge fiscale définitive). Il faudrait alors analyser, sous l’angle de la CDI CH-Irlande et du droit fiscal suisse, si la société aurait droit au remboursement partiel de l’impôt anticipé en Suisse (c.à.d. remboursement de 20 %).

Nous vous prions de bien vouloir trouver ci-dessous l’impôt anticipé qui devrait être payé à l’AFC ainsi que le (sic) l’impôt résiduel de 15 % qui correspond à la charge fiscale non récupérable auprès de l’AFC.

ndr : illisible

ndr : illisible

Scénario 1

1'167’159

500’211

Scénario 2

954’676

409’147

Scénario 3

688’690

295’153

Scénario 4

395’299

169’414

Scénario 5

286’107

122’617

Scénario 6

0

0

Nous vous prions de bien vouloir noter que l’impôt anticipé a pour but de frapper non pas le débiteur mais son bénéficiaire. Ainsi, si l’AFC considère que l’impôt anticipé est dû sur les prestations appréciables en argent, l’impôt devrait être mis à la charge de la société irlandaise. Etant donné que les prestations sont déjà échues, O.____ devrait alors facturer l’impôt anticipé de 35 % à la société irlandaise. Cependant, dans le cas où la société irlandaise refuserait cette facturation, l’AFC pourrait estimer que le (sic) l’intégralité de la somme de la prestation représente en fait le montant net de la prestation imposable brute, c’est-à-dire après déduction de l’impôt anticipé (méthode du brut pour net). O.____ subirait donc l’entier de la charge de 53.85 %. A noter également, qu’au niveau d’O.____, l’impôt anticipé ne serait pas considéré comme une charge déductible fiscalement.

ndr : illisible

Scénario 1

1'795’757

Scénario 2

1'468’838

Scénario 3

1'059’599

Scénario 4

608’196

Scénario 5

440’197

Scénario 6

0

3. Conclusion

Sur la base de nos hypothèses et de notre analyse, le risque fiscal maximum au niveau des impôts directs s’élève à environ CHF 670'000. Cependant, en tenant comptes (sic) des valeurs vénales que vous avez calculées et en considérant que les dettes intra-groupes peuvent être qualifiées de dettes commerciales, le risque de reprise fiscale au niveau de l’impôt sur le bénéfice et de l’impôt sur le capital pourrait être éliminé.

Comme prochaine étape, les points suivants devront être négociés avec l’afc VD afin de limiter le risque de reprises fiscales :

- Afin de prouver que la valeur vénale des immeubles est supérieure à la valeur comptable, il faudrait présenter à l’afc VD le calcul de la valeur vénale des immeubles. Dans le cas où ce calcul ne convaincrait pas l’afc, il serait alors recommandé de soumettre à l’afc VD une estimation des immeubles effectuée par une société tierce.

- Concernant l’intérêt applicable aux dettes intra-groupes d’O.____, il faudrait utiliser les arguments mentionnés sous point 2 afin de prouver que ces dettes peuvent être qualifiées de crédit d’exploitation. Dans le cas où ces arguments ne seraient pas suffisants, il serait recommandé de fournir à l’afc VD une étude de prix de transfert.

Les arguments liés au crédit d’exploitation et mentionnés sous le point 2 doivent être analysés de manière plus détaillée afin de préparer une réponse pour l’afc VD. Nous vous transmettrons ultérieurement une demande d’information afin de préparer une telle argumentation.

Dans l’attente de vos nouvelles, nous vous prions d’agréer, cher Monsieur, l’expression de no (sic) salutations distinguées.

Y.____ SA

B.____ G.____ »

A la suite de cette première analyse, Y.____ SA a établi, en novembre 2014, une étude de prix de transfert visant à déterminer si le taux d’intérêt de 3,15 % convenu avec W.____ Ltd était conforme au principe de pleine concurrence (arm’s length) applicable aux prêts intra-groupes (pièce 800.100.010). Selon ce principe, les prix pratiqués pour des transactions entre sociétés liées doivent être établis par référence à ceux pratiqués pour des entreprises indépendantes sous peine de correction par les autorités fiscales. Selon les conclusions de cette étude, pour des prêts comparables au prêt accordé par W.____ Ltd, tout taux d’intérêt compris entre 3,07 % et 4,69 % doit être considéré comme conforme au principe de pleine concurrence. Ce rapport a été remis à l’ACI par Y.____ SA courant novembre 2014. En décembre 2014, l’ACI a informé téléphoniquement Y.____ SA qu’elle contestait les conclusions de l’étude de prix de transfert qui lui avait été présentée. Elle proposait toutefois d’appliquer un taux de 2,5 % pour toute la période considérée, à titre de compromis.

Par courriel du 14 janvier 2015 à S.____, B.____ et G.____ ont informé O.____ du résultat de leurs discussion avec l’ACI, en lui demandant de se déterminer sur la proposition de compromis des autorités cantonales. Par courriel du 29 janvier 2015, S.____ a communiqué à B.____ et G.____ l’accord d’O.____ avec la proposition de l’ACI.

Le même jour, Y.____ SA a fait savoir à l’ACI qu’O.____ acceptait d’appliquer pour le prêt de W.____ Ltd un taux de 2,5 % pour les années fiscales 2011 à 2016.

2.3 Courant 2015, l’AFC a procédé à un contrôle aléatoire des comptes d’O.____. Elle a considéré qu’une partie des charges d’intérêts comptabilisées par cette société dans les comptes des exercices 2011 à 2015 n’étaient pas commercialement justifiées. Selon l’ACI, O.____ avait versé des prestations appréciables en argent, au sens des art. 4 al. 1 let. b LIA (loi fédérale sur l’impôt anticipé du 13 octobre 1965 ; RS 642.21) en relation avec l’art. 20 al. 1 OIA (ordonnance du 19 décembre 1966 sur l’impôt anticipé ; RS 642.211), pour un total de 4'324'773 fr. 85 soumis à un impôt anticipé de 1'513'670 fr. 85 (35 %).

Le 28 septembre 2015, l’AFC a ordonné à O.____ de lui fournir des documents et des renseignements complémentaires en relation avec le prêt accordé par W.____ Ltd.

Le 11 janvier 2016, l’AFC a annoncé à O.____ qu’une révision des comptes 2011 à 2016 aurait lieu début février 2016.

Par courriel du 1er février 2016, S.____ a informé B.____ que l’AFC n’acceptait pas le taux d’intérêt de 3,15 % comptabilisé par O.____ mais qu’elle était disposée à prendre en considération le compromis basé sur un taux de 2,5 % retenu par l’ACI. Il demandait les recommandations d’Y.____ SA sur la procédure à suivre.

Par courriel du 2 février 2016, l’AFC a demandé à O.____ de lui faire part de sa position au sujet des « prestations appréciables en argent relatives aux conditions de financement du prêt intra-groupe ne respectant pas le principe « arm’s lenght »».

Par courriel du même jour, B.____ a recommandé à O.____ d’accepter la proposition de l’AFC.

Par courrier du 11 mars 2016, S.____ a informé l’AFC qu’O.____ ne voulait pas s’opposer à elle et désirait bénéficier du même compromis que celui établi avec l’ACI fixant le taux d’intérêt à 2,5% pour les années 2011 à 2015.

Par décompte du 20 mai 2016, l’AFC a réclamé à O.____ le paiement d’un intérêt anticipé de 983'886 fr. 05 dû pour des prestations imposables de 2'811'103 fr. (pièce 800.100.318). Ce décompte constatait par ailleurs que dans la mesure où O.____ avait signifié ne pas pouvoir transférer la charge d’impôt anticipé au bénéficiaire conformément l’art. 14 LIA, la prestation imposable soumise à l’impôt anticipé avait été calculée selon la méthode « brut pour net », soit une prestation imposable de 4'324'773 fr. 85 soumis à un impôt anticipé de 1'513'670 fr. 85 au taux de 35 %.

En date du 8 juillet 2016, O.____ s’est acquittée du montant demandé de 1'513'670 fr. 85.

2.4 Le 8 janvier 2018, l’AFC a ouvert une procédure pénale administrative contre inconnu, en application des art. 37 ss DPA, en raison de soupçons de soustractions d’impôt anticipé au sens de l’art. 61 let. a LIA commises dans la gestion d’O.____ pour les exercices 2013 à 2015.

Le 9 janvier 2018, l’AFC a adressé à O.____ SA une demande de renseignements. Le 21 juin 2018, elle a ordonné la production par Y.____ SA des documents relatifs aux services fiscaux rendus et à la révision des comptes exécutée en faveur d’O.____. Y.____ SA s’y est opposée et a remis les documents requis sous scellés. Sur requête de l’AFC, le Tribunal administratif fédéral a ordonné la levée des scellés. Cette décision a été confirmée le 13 février 2019 par le Tribunal fédéral et les documents ont été versés au dossier.

Le 8 novembre 2019, l’AFC a entendu Z.____, accounting manager d’O.____ jusqu’au 24 avril 2014, en qualité de personne appelée à donner des renseignements. Le 17 janvier 2020, elle a entendu, en la même qualité, R.____, collaborateur d’Y.____ SA jusqu’en 2015 et qui s’était occupé au moment de faits de la révision des comptes d’O.____.

Le 13 mars 2020, la procédure pénale administrative a été étendue à S.____ comme prévenu de soustraction d’impôt anticipé. Le 22 avril 2020, elle a été étendue à B.____ comme prévenu de complicité ou instigation à soustraction d’impôt anticipé. S.____ a été entendu le 13 mars 2020 et B.____ le 17 mai 2020.

Le procès-verbal final de la procédure pénale administrative a été adressé le 8 avril 2021 aux prévenus.

3. Procédure

3.1 Par mandat de répression du 16 septembre 2021, l’AFC a condamné S.____, pour soustraction d’impôt anticipé pour les exercices 2013 et 2014 d’O.____, à une amende de 30'000 fr. ainsi qu’aux frais de la procédure.

En date du 20 octobre 2021, S.____ a formé opposition au mandat de répression.

Par prononcé pénal du 8 novembre 2021, l’AFC a reconnu S.____ coupable de soustraction d’impôt anticipé par dol éventuel pour les exercices 2013 et 2014 et l’a condamné à une amende de 20'000 fr. ainsi qu’aux frais de la procédure, par 2'960 francs.

Le 18 novembre 2021, S.____ a demandé à être jugé par un Tribunal.

Le 22 décembre 2021, l’AFC a renvoyé S.____ en jugement devant le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte, en application de l’art. 73 al. 1 DPA.

3.2 Par mandat de répression du 16 septembre 2021, l’AFC a condamné B.____, pour instigation à la soustraction d’impôt anticipé pour les exercices 2013 et 2014 d’O.____, à une amende de 30'000 fr. ainsi qu’aux frais de la procédure.

En date du 20 octobre 2021, B.____ a formé opposition au mandat de répression.

Par prononcé pénal du 8 novembre 2021, l’AFC a reconnu B.____ coupable d’instigation à la soustraction d’impôt anticipé pour les exercices 2013 et 2014 et l’a condamné à une amende de 30'000 fr. ainsi qu’aux frais de la procédure, par 3'060 francs.

Le 18 novembre 2021, B.____ a demandé à être jugé par un Tribunal.

Le 25 février 2022, l’AFC a renvoyé B.____ en jugement devant le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte, en application de l’art. 73 al. 1 DPA.

3.3 Par décision du 2 mai 2022, la direction de la procédure a ordonné la jonction des causes.

Rendant son jugement le 22 décembre 2022, le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte a libéré S.____ et B.____ des chefs de prévention de soustraction d’impôt anticipé, respectivement d’instigation à la soustraction d’impôt anticipé.

4. Faits

4.1 Le 4 juin 2015, S.____ a, en sa qualité de responsable des questions comptables et fiscales d’O.____, omis de déclarer spontanément l’impôt anticipé dû pour l’exercice 2014 sur des prestations imposables, alors qu’il ne pouvait ignorer, du fait de sa formation et de la fonction qu’il occupait au sein de la société contribuable, que le taux d’intérêt appliqué au prêt consenti par W.____ Ltd ne respectait pas le principe de pleine concurrence et qu’il existait dès lors des prestations appréciables en argent soumises à l’impôt anticipé, agissant ainsi avec conscience et volonté, ou à tout le moins en acceptant le risque que l’impôt dû ne soit pas annoncé et payé. L’impôt anticipé ainsi soustrait s’élève à 211'575 francs.

4.2 B.____ a, en sa qualité de mandataire, incité S.____ à ne pas déclarer spontanément à l’autorité fiscale les prestations appréciables en argent fournies à W.____ Ltd et à ne pas payer spontanément l’impôt anticipé dû pour l’exercice 2014, qui se montait à 211'575 fr., en spéculant sur le caractère aléatoire d’un contrôle par l’AFC, alors qu’il était conscient que le taux d’intérêt du prêt n’était pas conforme au principe de pleine concurrence. Il a par ailleurs fait en sorte de diminuer le risque de découverte de prestations appréciables en argent en incitant son collègue R.____, réviseur d’I.____, à recommander à la société de ne pas enregistrer dans les comptes de provision pour le risque lié à l’impôt anticipé.

En droit :

1.

1.1 Selon l’art. 82 DPA, sauf dispositions contraires des art. 73 à 81, la procédure devant les tribunaux cantonaux et la procédure devant le Tribunal pénal fédéral sont régies par les dispositions pertinentes du CPP.

Les art. 73 ss DPA ne contiennent aucune disposition particulière sur la procédure d’appel, de sorte que celle-ci est régie par le seul CPP.

1.2 L’appel a été interjeté dans les délais légaux (art. 399 CPP), par une partie qui a la qualité pour recourir (art. 382 al. 1 CPP) contre le jugement d’un tribunal de première instance ayant clos la procédure (art. 398 al. 1 CPP).

1.3 S'agissant d'un appel dirigé contre un jugement ne portant que sur des contraventions, la procédure écrite est applicable d’office (art. 406 al. 1 let. c CPP) et la cause est de la compétence d'un juge unique (art. 14 al. 3 LVCPP [loi vaudoise d’introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009 ; BLV 312.01]).

2. Les pièces produites en appel

2.1 A l’appui de son appel, l’AFC a produit des pièces, indiquant que celles-ci faisaient déjà partie du dossier de procédure, à savoir les pièces annexées à sa déclaration d’appel (annexes 1-12), ainsi que l’ordonnance de séquestre du 2 septembre 2019 et l’ensemble des pièces séquestrées en mains d’Y.____ SA (annexes 13-36).

2.2 Conformément à l’art. 398 al. 4, 2e phrase, CPP, aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite lorsque, comme en l'espèce, seules des contraventions ont fait l'objet de la procédure de première instance. La partie appelante peut cependant valablement renouveler en appel les réquisitions de preuve formulées devant le premier juge et qui ont été rejetées (TF 6B_999/2019 du 6 novembre 2019 consid. 2.1 et les références citées ; TF 6B_362/2012 du 29 octobre 2012 consid. 8.4.1).

Selon l’art. 389 al. 1 CPP, la procédure de recours se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. L'art. 389 al. 3 CPP règle les preuves complémentaires. Ainsi, la juridiction de recours administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours. Le droit d’être entendu, consacré par l’art. 107 CPP, garantit aux parties le droit de déposer des propositions relatives aux moyens de preuves (al. 1 let. e). Conformément à l'art. 139 al. 2 CPP, il n'y a pas lieu d'administrer des preuves sur des faits non pertinents, notoires, connus de l'autorité ou déjà suffisamment prouvés. Cette disposition codifie, pour la procédure pénale, la règle jurisprudentielle déduite de l'art. 29 al. 2 Cst. (Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ; RS 101) en matière d'appréciation anticipée des preuves (TF 6B_322/2021 du 2 mars 2022 consid. 2.1 ; TF 6B_732/2021 du 24 février 2022 consid. 1.1 ; TF 6B_1189/2021 du 16 février 2022 consid. 2.1). Le refus d'instruire ne viole ainsi le droit d'être entendu des parties que si l'appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a procédé, est entachée d'arbitraire (ATF 144 II 427 consid. 3.1.3 ; ATF 141 I 60 consid. 3.3, JdT 2015 I 115 ; ATF 136 I 229 consid. 5.3).

2.3 Par courrier du 5 décembre 2022, l’AFC a notamment indiqué au Tribunal de police qu’une partie des pièces séquestrées le 2 septembre 2019 en mains d’Y.____ SA n’avait pas été transmise à l’autorité pénale, que les pièces les plus pertinentes avaient cependant été cotées et référencées dans la liste des actes par l’enquêteur et qu’au regard des remarques soulevées par la défense au sujet des actes déposés auprès du tribunal, elle envisageait de déposer l’ensemble des pièces séquestrées auprès d’Y.____ SA afin que le Tribunal de police disposât de l’intégralité du dossier.

Par courrier du 12 décembre 2022, l’AFC a déposé, auprès de l’autorité de première instance, plusieurs pièces référencées sous annexes 0 à 8.

Par décision incidente lors de son audience, le Tribunal de police a ordonné le retranchement du dossier de l’analyse de prix de transfert établie par l’AFC et produite le 12 décembre 2022 et le maintien au dossier des autres documents produits par l’AFC à cette date. Il a considéré que la production d’une analyse financière la veille d’une audience pourtant fixée plusieurs mois auparavant intervenait en temps inopportun et privait de facto la défense de la faculté de se déterminer sur un document hautement technique et d’exercer ses droits procéduraux en matière d’expertise. Il a estimé que cette analyse financière devait dès lors être retranchée du dossier, que l’extrait du périodique « Finanz & Wirtschaft » pouvait en revanche être maintenu au dossier et qu’il en allait de même des quelques documents tirés du séquestre opéré en mains d’Y.____ SA, dès lors qu’ils faisaient déjà partie du dossier et que la défense avait eu la faculté d’y accéder au cours de l’enquête.

2.4 Les pièces 1 à 4 produites par l’AFC dans le cadre de son appel constituent des pièces de forme recevables. Les annexes 5 à 9 sont des pièces qui ont été produites avant les débats de première instance, mais sous une autre numérotation ; elles sont par conséquent recevables. L’annexe 13 est l’ordonnance de séquestre du 2 septembre 2019 qui avait déjà été produite avant les débats, de sorte qu’elle n’est pas nouvelle et est par conséquent recevable.

Le solde des pièces, soit les annexes 10 à 12, puis 14 à 36, sont irrecevables, dans la mesure où elles ne figurent pas déjà au dossier de première instance, lequel inclut notamment deux clés USB contenant les pièces essentielles du dossier sous format numérisé. Dans son courrier du 5 décembre 2022, l’AFC a en effet indiqué qu’une partie des pièces séquestrées le 2 septembre 2019 auprès d’Y.____ SA n’avait pas été transmise et qu’elle envisageait de déposer l’ensemble des pièces séquestrées en mains de ladite société afin que l’autorité disposât de l’intégralité du dossier. Toutefois, elle n’a pas versé tous les documents précités et n’est pas autorisée à les produire, pour la première fois, en appel.

L’autorité de céans statuera donc sur la base du dossier de première instance, lequel contient notamment deux clés USB avec des pièces numérisées. Elle ne tiendra en revanche pas compte des pièces qui n’ont pas été produites devant le premier juge ou qui ont été retranchées par celui-ci, étant au surplus relevé que l’AFC ne démontre pas en quoi l’appréciation du Tribunal de police sur le retranchement de l’annexe 0, soit l’analyse de prix de transfert de l’AFC du 28 novembre 2022, serait arbitraire.

3. Les demandes de non-entrée en matière

3.1 S.____ et B.____ ont chacun déposé une demande de non-entrée en matière, faisant en substance valoir que l’AFC invoquerait uniquement l’art. 398 al. 3 CPP, qu’elle ne remettrait en cause que l’établissement des faits, que ses arguments seraient purement appellatoires et qu’elle se contenterait d’opposer sa propre version des faits à celle du Tribunal de police.

3.2 Selon l’art. 398 al. 4 CPP, lorsque seules des contraventions ont fait l’objet de la procédure de première instance, l’appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné ou que l’état de fait a été établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite. Il découle de cette formulation, qui correspond à celle de l’art. 97 al. 1 LTF (loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 ; RS 173.110), que le pouvoir d’examen de l’autorité d’appel est limité à l’arbitraire en ce qui concerne l’établissement des faits. Celle-ci peut, en revanche, revoir librement le droit (TF 6B_786/2020 du 11 janvier 2021 consid. 3.1 et les références citées). Une décision n’est pas arbitraire du seul fait qu’elle apparaît discutable ou même critiquable ; il faut qu’elle s’avère manifestement insoutenable, et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 145 IV 154 consid. 1.1 ; ATF 143 IV 241 consid. 2.3.1). En matière d’appréciation des preuves et d’établissement des faits, il n’y a arbitraire que lorsque l’autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu’elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 154 IV 154 précité ; ATF 143 IV 500 consid. 1.1 et les références citées).

La jurisprudence et la doctrine confirment que la restriction du pouvoir d’examen tel que prévue par la disposition précitée vaut également à l’égard des contraventions de droit pénal administratif (OG-Zoug, S 2021 31 du 2 juin 2022 ; OG-Zurich, SU200024 du 15 juin 2021 ; Capus/Beretta, Droit pénal administratif, Bâle 2021, § 974).

3.3 Certes, l’appelante a indiqué, de manière erronée, qu’elle se prévalait de l’art. 398 al. 3 CPP et d’une constatation incomplète et/ou erronée des faits. Il n’en demeure pas moins qu’elle a également mentionné que le jugement apparaissait arbitraire à divers égards, le premier juge ayant manifestement abusé de son pouvoir d’appréciation en épousant l’argumentation développée par la défense, sans examiner l’ensemble des pièces au dossier et sans discuter des arguments développés par l’accusation.

Peu importe la terminologie employée par l’appelante. Dans le cadre de son appel, l’AFC reproche notamment au Tribunal de police d’avoir ignoré plusieurs éléments de preuve propres à modifier la décision et à amener à une condamnation des prévenus. Elle fait notamment grief au premier juge d’avoir passé sous silence les pièces au dossier qui démontraient que S.____ avait conscience de l’existence de prestations appréciables en argent, d’avoir ignoré les échanges réguliers entre les conseillers fiscaux d’Y.____ SA et S.____ dont le risque de découverte des prestations appréciables en argent faisait l’objet, d’avoir omis de tenir compte du fait que S.____ avait remplacé Z.____ dès le départ de celle-ci, et d’avoir fait fi des pièces au dossier démontrant que B.____ avait incité S.____ à ne rien entreprendre à l’égard de l’AFC en attendant un éventuel contrôle. Elle lui reproche également d’avoir procédé à des constatations insoutenables sur la base de certains documents, notamment d’avoir interprété de manière erronée un paragraphe essentiel du mémorandum du 21 août 2014, d’avoir retenu de manière erronée qu’il ne ressortait ni dudit mémorandum, ni de l’étude de prix de transfert, que les intérêts versés à W.____ Ltd devaient être considérés comme des prestations appréciables en argent, d’avoir tiré de ces documents la conclusion erronée et insoutenable selon laquelle S.____ était fondé à considérer que le taux appliqué était conforme au principe de pleine concurrence, d’avoir tiré du décompte du 20 mai 2016 de l’AFC que le caractère excessif du taux d’intérêt n’était pas d’emblée évident même pour l’administration fiscale au motif qu’elle n’aurait pas réservé de suites pénales, et d’avoir fait une traduction erronée d’une déclaration de B.____. Ce faisant, l’appelante invoque l’arbitraire, tel que défini ci-dessus. Par ailleurs, elle invoque également une violation de l’art. 6 al. 1 DPA, soit une fausse application du droit, laquelle est revue librement par la juridiction d’appel.

L’appel est par conséquent recevable à cet égard.

4. Les principes ne bis in idem, de la confiance et de la bonne foi

4.1 Invoquant les principes ne bis in idem et de la bonne foi, B.____ soutient que les faits de la présente procédure auraient déjà fait l’objet d’une décision définitive sur les qualifications pénales et que le décompte motivé de l’AFC du 20 mai 2016 vaudrait non-lieu implicite. Il relève ainsi que, dans son décompte motivé du 20 mai 2016, l’AFC aurait indiqué que seule la prise en charge des charges salariales non justifiées serait constitutive d’une soustraction fiscale au sens de l’art. 61 LIA, soit d’une infraction pénale, que ce faisant elle aurait expressément fait comprendre à la société contribuable qu’elle n’avait pas à s’attendre à des suites pénales en relation avec les autres éléments indiqués dans le décompte, en particulier les intérêts du prêt entre sociétés apparentées dont le taux avait finalement été arrêté sur la base d’un accord, que l’AFC se serait par conséquent déjà prononcée de manière définitive sur les qualifications pénales dans son décompte motivé du 20 mai 2016, celui-ci valant non-lieu implicite s’agissant d’une éventuelle suite pénale autre que celle concernant les charges salariales non justifiées par l’usage commercial.

S.____ invoque également un empêchement définitif de procéder découlant du décompte délivré le 20 mai 2016, qui constituerait un non-lieu.

4.2 Principe ne bis in idem

4.2.1 Selon le principe ne bis in idem, qui est un corollaire de l'autorité de chose jugée, nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat. Ce droit est consacré à l'art. 11 al. 1 CPP et découle en outre implicitement de la Constitution fédérale. Il est par ailleurs garanti par l'art. 4 al. 1 du Protocole n° 7 à la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (RS 0.101.07) et par l'art. 14 al. 7 du Pacte-ONU II (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 ; RS 0.103.2) (ATF 144 IV 362 consid. 1.3.2 ; ATF 137 I 363 consid 2.1 ; TF 6B_157/2019 du
11 mars 2019 consid. 2). L'autorité de chose jugée et le principe ne bis in idem requièrent qu'il y ait identité de la personne visée et des faits retenus, soit que les deux procédures aient pour origine des faits identiques ou des faits qui soient en substance les mêmes. La qualification juridique des faits ne constitue pas un critère pertinent (ATF 144 IV 362 précité ; ATF 137 I 363 précité consid. 2.2). L'interdiction de la double poursuite constitue un empêchement de procéder, dont il doit être tenu compte à chaque stade de la procédure (ATF 144 IV 362 précité).

4.2.2 La LIA comporte une procédure administrative afin de percevoir l’impôt anticipé, laquelle est prévue aux art. 38 ss LIA. La procédure de contrôle de l’AFC, qui s’inscrit dans le cadre des art. 38 et 40 LIA, est de nature administrative. Conformément à l’art. 41 LIA, l’AFC rend toutes les décisions qui sont nécessaires à ce titre, notamment lorsque le contribuable ou la personne solidairement responsable ne paie pas l’impôt dû (let. c).

Parallèlement, la LIA contient des dispositions pénales. A cet égard, l'art. 61 LIA prévoit que celui qui, intentionnellement ou par négligence, à son propre avantage ou à celui d’un tiers, soustrait des montants d’impôt anticipé à la Confédération (let. a), ne satisfait pas à l’obligation de déclarer une prestation imposable (art. 19 et 20) ou fait une fausse déclaration (let. b), ou obtient un remboursement injustifié de l’impôt anticipé, ou quelque autre avantage fiscal illicite (let. c), encourt, pour soustraction d’impôt, une amende jusqu’à concurrence de 30’000 fr. ou, s’il en résulte un montant supérieur, jusqu’au triple de l’impôt soustrait, à moins que l’art. 14 DPA soit applicable.

Les procédures pénale et administrative sont indépendantes.

4.2.3 Le courrier adressé le 20 mai 2016 par la Division Contrôle externe de l’AFC à I.C.____ AG, par le biais de S.____ (annexe 2 ; pièce 800.100.318), a la teneur suivante :

« Monsieur,

Nous nous référons aux investigations fiscales entreprises en août 2015 et à la teneur de nos différents entretiens et échanges de correspondances et, conformément à ce qui a été convenu, nous vous confirmons ce qui suit :

En vertu de l’art. 4, al. 1, lettre b, de la Loi fédérale sur l’impôt anticipé du 13 octobre 1965 (LIA) et de l’article 20, 1er alinéa de l’Ordonnance d’exécution de la loi fédérale sur l’impôt anticipé du 19 décembre 1966 (OIA), l’impôt anticipé est dû sur toutes les prestations appréciables en argent qu’une société fait à ses actionnaires, sauf s’il s’agit du remboursement des parts au capital social. Quelles que soient donc sa nature et sa forme, la prestation est imposable dès qu’elle s’explique par le droit de participation de l’actionnaire. Une prestation s’explique par la participation au capital social notamment si elle a été faite sans contreprestation équivalente et si, dans les mêmes circonstances, elle n’aurait pas été accordée à un tiers, non associé.

Lorsqu’une société anonyme prend à sa charge des frais qui ne sont pas commercialement justifiés et que, dans ce contexte, ce sont en fait ses actionnaires ou des personnes proches de ceux-ci qui en bénéficient, sans qu’une contreprestation équivalente de leur part ne soit effectuée, la société leur consent une prestation appréciable en argent au sens des dispositions légales précitées. Il est en de même (sic) lorsqu’une société renonce à un produit qui lui revient de plein droit, au profit de son actionnaire ou d’une personne proche.

Lors de notre révision, nous avons constaté que votre société avait supporté partiellement des charges salariales, sans qu’elle ne bénéficie d’aucune contre-prestation. Ces charges n’ont pas été refacturées à son bénéficiaire. D’autre part, nous avons également constaté que votre société n’avait pas facturé certaines prestations de services intra-groupe au prix du marché ; dans le même ordre d’idée, elle avait renoncé partiellement à un taux d’intérêts de pleine concurrence sur un prêt accordé à une société apparentée. Il en résulte des prestations appréciables en argent soumises à l’impôt anticipé de 35 %, conformément aux dispositions précitées.

En ce qui concerne la prise en charge de charges salariales non justifiées par l’usage commercial, un tel état de fait constitue une soustraction fiscale au sens de l’art. 61 LIA.

Conformément aux données chiffrées en votre possession, nos prétentions s’établissent comme suit :

31 décembre

2011

2012

2013

2014

2015

Total

Charges non facturées

fr. 1'167.

fr. 4'374.

fr. 50'885.

fr. 73'349.

fr. 32'165.

fr. 161'940.

Insuffisances facturation

fr. 15'000.

fr. 15'000.

fr. 15'000.

fr. 15'000.

fr. 15'000.

fr. 75'000.

Insuffisances d’intérêts

fr. 441'621.

fr. 604'500.

fr. 604'500.

fr. 604'500.

fr. 319'042.

fr. 2'574'163.

Prestations totales

fr. 457'788.

fr. 623'874.

fr. 670'385.

fr. 692'849.

fr. 366'207.

fr. 2'811'103.

A 35 %, impôt anticipé

fr. 938'886.05.

Conformément à la teneur de l’article 14 LIA, l’impôt anticipé doit obligatoirement être mis à la charge du bénéficiaire de la prestation imposable. Comme cette disposition ne sera pas respectée dans le cas d’espèce (selon votre communication) et que l’impôt anticipé sera une charge définitive pour votre société, nous appliquons la méthode dite « brute/nette » pour le calcul de la prestation imposable. Ainsi, la prestation de fr. 2'811'103.est considérée comme une prestation nette, et l’impôt anticipé y relatif est déterminé selon la règle de 3 suivante :

fr. 2'811'103.- X 100 : 65 = fr. 4'324'773.85, à 35 % = fr. 1'513’670.85

Nous avons pris note de l’acceptation de nos prétentions par les organes de votre société et vous invitons à nous faire parvenir ce montant dans les trente jours au moyen du bulletin de versement annexé. Nous vous confirmons que le règlement de la présente taxation mettre (sic) un terme à notre contrôle et que nous n’aurons pas d’autres prétentions à faire valoir en matière de perception d’impôt anticipé.

(…) La présente taxation sera communiquée en temps opportun à l’administration cantonale de l’impôt fédéral direct.

Pour ce qui est de l’avenir, dès l’exercice 2016, nous avons pris note que la société déclarera spontanément au moyen d’un formulaire 102 les éventuelles prestations appréciables en argent (…) ».

4.2.4 Ce courrier constitue une décision de taxation et ne contient aucune sanction. Cette décision, rendue en application de l’art. 41 LIA, visait uniquement à réclamer l’impôt anticipé dû par la société concernée, impôt qui n’avait pas été spontanément déclaré et payé par celle-ci. Il ne s’agissait ainsi pas d’une amende ou d’une sanction infligée pour un comportement répréhensible, mais d’une décision constatant le montant encore dû au titre de l’impôt anticipé par l’entreprise en question. Contrairement à ce que soutiennent les intimés, il ne s’agit donc pas d’un jugement incluant un non-lieu implicite, ce courrier ayant été rendu à la suite des investigations fiscales entreprises dans le cadre de la procédure administrative. Ce décompte n’a ainsi aucune connotation pénale, que ce soit pour la société ou pour les prévenus.

En outre, si les deux procédures ont pour origine des faits qui sont identiques, force est de constater qu’il n’y a en l’espèce pas d’identité des personnes visées, la décision administrative visant la société contribuable redevable de l’impôt alors que la procédure pénale était dirigée contre inconnu dans un premier temps, puis contre S.____ et contre B.____.

On ne distingue donc aucune violation du principe ne bis in idem.

4.3 Principe de la bonne foi et de la confiance

4.3.1 Aux termes de l’art. 5 al. 3 Cst., les organes de l’Etat et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. De ce principe général découle notamment le droit fondamental du particulier à la protection de sa bonne foi dans ses relations avec l’Etat, consacré à l’art. 9 in fine Cst., dont le Tribunal fédéral contrôle librement le respect (ATF 147 IV 274 consid. 1.10.1 ; ATF 144 IV 189 consid. 5.1 ; ATF 138 I 49 consid. 8.3.1 et les références citées). Le principe de la bonne foi est également concrétisé à l’art. 3 al. 2 let. a CPP et concerne, en procédure pénale, non seulement les autorités pénales, mais, le cas échéant, les différentes parties, y compris le prévenu (ATF 147 IV 274 précité ; ATF 144 IV 189 précité ; ATF 143 IV 117 consid. 3.2).

Valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il place dans les assurances reçues des autorités, lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 131 II 627 consid. 6.1 et les arrêts cités). Ce principe, qui ne peut exercer qu’une influence limitée dans les matières – telles le droit pénal et le droit fiscal – dominées par le principe de la légalité lorsqu'il entre en conflit avec ce dernier, suppose notamment que celui qui s'en prévaut ait, en se fondant sur les assurances ou le comportement de l'administration, pris des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice (ATF 131 II 627 précité ; TF 2C_461/2021 du 19 janvier 2022 consid. 5.1 ; TF 2C_78/2019 du 20 septembre 2019 consid. 8.1 ; TF 6B_659/2013 du 4 novembre 2013 consid. 3.1).

4.3.2 A la lecture des pièces du dossier, on ne discerne pas de comportements contradictoires de l’appelante. Celle-ci n’a jamais donné aux prévenus ou à O.____ SA de garantie selon laquelle elle n’ouvrirait pas de procédures pénales. En particulier, elle ne s’est jamais engagée à renoncer à poursuivre les actes illicites, dans la mesure où un accord sur les prétentions administratives devait être conclu. Ainsi, elle n’a donné aucune assurance dans le cadre de sa taxation fiscale du 20 mai 2016. En effet, il y est uniquement mentionné que la prise en charge des charges salariales non justifiées par l’usage commercial constitue une soustraction pénale au sens de l’art. 61 LIA, mais non pas qu’elle allait renoncer à poursuivre pénalement les intéressés. Le fait qu’O.____ SA ait accepté les prétentions relatives aux impôts anticipés fixés par l’AFC a uniquement permis de régler le litige administratif.

On ne distingue donc aucune violation du principe de la bonne foi et de la confiance.

5. Les mesures d’instruction

5.1 S.____ requiert, à titre de mesures d’instruction, la mise en œuvre d’une procédure orale ainsi que l’audition de L.____ en qualité de témoin.

L’audition de L.____ a d’ores et déjà été requise par S.____ en première instance, et rejetée par le Tribunal de police au motif que la question des qualifications et des tâches effectives de l’intimé avait déjà fait l’objet d’une instruction étendue, comprenant notamment l’audition du prévenu et celle de sa supérieure directe, ainsi que la production de plusieurs pièces, de sorte que l’audition supplémentaire de la cheffe-comptable et subordonnée du prévenu ne se justifiait pas (cf. jugement, p. 12). Dès lors que l’intimé n’explique pas en quoi l’appréciation du premier juge serait arbitraire, cette requête est irrecevable.

S’agissant de la requête tendant à la mise en œuvre d’une procédure orale, il convient de relever que compte tenu du pouvoir de cognition limité de l’autorité de céans dans le cadre du présent appel, l’instruction ne saurait être complétée par de nouveaux éléments. Par conséquent, il n’y a pas lieu de tenir une audience d’appel, la procédure écrite étant applicable d’office en application de l’art. 406 al. 1 let. c CPP.

5.2 B.____ invoque des anomalies procédurales, soit la tenue d’une « séance secrète » le 19 juin 2018 dans les locaux de la Division des affaires pénales et enquêtes (ci-après : DAPE) de l’AFC, qui aurait réuni plusieurs cadres du groupe à la demande du mandataire d’O.____, à l’occasion de laquelle aucun procès-verbal n’aurait été établi, le fait que la DAPE ne se serait pas intéressée au processus de décision au sein du groupe I.____ dans le domaine fiscal, et plus particulièrement dans le domaine de l’impôt anticipé, et le fait que la DAPE se soit écartée, dans le prononcé pénal, du procès-verbal final du 8 avril 2021.

L’intimé ne requiert pas de mesure d’instruction particulière à cet égard. On ne distingue au demeurant pas l’administration de quelle preuve complémentaire relative à ces griefs serait nécessaire au traitement de l’appel, aucune nouvelle allégation ou preuve ne pouvant être produite à ce stade.

6. La prestation appréciable en argent

6.1 S.____ fait valoir que l’AFC n’aurait pas établi que la condition d’une prestation appréciable en argent, soit la disproportion manifeste du taux, reconnaissable par les organes d’O.____, serait satisfaite. Il relève notamment que le taux contractuel de 3.15 % aurait été justifié par l’analyse de prix de transfert établie par Y.____ SA en novembre 2014.

B.____ conteste qu’O.____ ait consenti une prestation appréciable en argent, faisant valoir que de nombreux indices – en plus du résultat de l’étude de prix de transfert – permettraient de considérer que le prêt était un prêt d’exploitation et que le taux convenu respectait celui de la circulaire de l’AFC. Il critique le raisonnement du premier juge, expliquant qu’il ne s’agissait pas de financer l’acquisition d’immeubles, déjà propriétés de la société I.____, mais de céder une exploitation à une autre société du groupe. Il souligne que les parties auraient été confortées dans la possibilité de défendre le taux convenu, dans la mesure où l’ACI elle-même n’aurait pas appliqué le taux de la circulaire correspondant à un prêt immobilier pour l’ensemble des années sous contrôle et qu’il se serait agi d’un compromis.

6.2

6.2.1 Selon l’art. 61 LIA, celui qui, intentionnellement ou par négligence, à son propre avantage ou à celui d’un tiers, soustrait des montants d’impôt anticipé à la Confédération (let. a), encourt, pour soustraction d’impôt, une amende jusqu’à concurrence de 30’000 fr. ou, s’il en résulte un montant supérieur, jusqu’au triple de l’impôt soustrait, à moins que l’art. 14 DPA soit applicable.

6.2.2 D’après l’art. 4 al. 1 let. b LIA, l’impôt anticipé a notamment pour objet les participations aux bénéfices et tous autres rendements des actions. Il découle de l’art. 20 al. 1 OIA que sont aussi imposables à ce titre les prestations appréciables en argent faites par la société aux possesseurs de droits de participation ou à des tiers les touchant de près. La notion de prestation appréciable en argent au sens de l’art. 20 al. 1 OIA se recoupe en principe avec celle de l’art. 20 al. 1 let. c LIFD (loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l’impôt fédéral direct ; RS 642.11) (ATF 143 IV 228 consid. 4.1 ; TF 9C_686/2022 du 14 mars 2023 consid. 4.1 ; TF 2C_498/2020 du 14 janvier 2021 consid. 6.1 ; TF 2C_382/2017 du 13 décembre 2018 consid. 5.1).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, est une prestation appréciable en argent toute attribution faite par la société, sans contre-prestation équivalente, à ses actionnaires ou à toute personne la ou les touchant de près et qu'elle n'aurait pas faite dans les mêmes circonstances à des tiers non participants ; encore faut-il que le caractère insolite de cette prestation soit reconnaissable par les organes de la société (ATF 143 IV 228 précité ; cf. aussi ATF 140 II 88 consid. 4.1 ; TF 2C_498/2020 précité). Il convient ainsi d’examiner si la prestation aurait été accordée dans la même mesure à un tiers étranger à la société, soit si la transaction a respecté le principe de pleine concurrence (« Drittvergleich » ; « dealing at arm's length » ; ATF 144 II 427 consid. 6.1; ATF 140 II 88 précité ; ATF 138 II 545 consid. 3.2 ; TF 9C_686/2022 précité). Le droit fiscal suisse ne connaissant pas, sauf disposition légale expresse, de régime spécial pour les groupes de sociétés, les opérations entre sociétés d’un même groupe doivent également intervenir comme si elles étaient effectuées avec des tiers dans un environnement de libre concurrence. En conséquence, il n’est pas pertinent que la disposition d’une prestation soit justifiée par l’intérêt du groupe (ATF 140 II 88 précité).

Lorsqu’une société anonyme accorde un prêt à son actionnaire, ce prêt ne respecte pas le principe de pleine concurrence si le taux d’intérêt appliqué est inférieur au taux du marché ou s’il est accordé sans intérêt. La prestation appréciable en argent se mesure alors par la différence entre le taux d’intérêt conforme au principe de pleine concurrence et le taux effectivement appliqué. L’Administration fédérale des contributions édicte chaque année des directives sur les taux d’intérêt déterminants pour le calcul des prestations appréciables en argent, publiées sous la forme de lettres-circulaires, destinées à simplifier la mise en œuvre du principe de pleine concurrence en relation avec les taux d’intérêt de prêts conclus en francs suisses entre des sociétés et leurs actionnaires ou associés. Faisant partie des instructions et directives internes à l’administration, les lettres-circulaires n’appartiennent pas au droit fédéral. Elles ne lient donc ni le contribuable, ni l’autorité de taxation, ni le Tribunal fédéral. Toutefois, dès lors qu’elles tendent à une application uniforme et égale du droit, il ne convient de s’en écarter que dans la mesure où elles ne traduisent pas une concrétisation convaincante des dispositions légales applicables (ATF 140 II 88 précité consid. 5).

Les taux d’intérêt déterminants fixés par l’AFC ne constituent que des « safe harbour rules » (également appelées « règles refuge »). Cela signifie d’une part qu’il est admis qu’il n’y a pas de prestation appréciable en argent si les contribuables respectent ces règles. D’autre part, la présomption réfutable de l’existence d’une prestation appréciable en argent s’applique lorsque les assujettis ne respectent pas ces règles. Le fardeau de la preuve se renverse au détriment de l’assujetti, qui doit prouver que la prestation en question résiste néanmoins à une comparaison avec des tiers (cf. ATF 144 II 88 précité consid. 7).

6.2.3 Dans ses lettres-circulaires pour les années 2011 à 2015, l’AFC prévoit les taux d’intérêt déterminants maxima suivants en cas de prêts accordés par les actionnaires ou associés, selon s’il s’agit de crédits immobiliers ou de crédits d’exploitation (pièce 530.100.005-014) :

2011

2012

2013

2014

2015

Crédits immobiliers

2,5%

2 %

2 %

2 %

1,5 %

Crédits d’exploitation

4,5 %

3,75 %

3,75 %

3,75 %

3 %

Les lettres-circulaires de l’AFC prévoient des taux d’intérêt maxima plus bas pour les crédits immobiliers que pour les crédits d’exploitation dès lors que, par rapport à une dette chirographaire, le taux appliqué à une dette garantie par gage est plus bas. Ainsi, lorsqu’elle en a la possibilité, une société qui emprunte de l’argent garantit normalement sa dette par le biais d’un gage, afin de profiter d’un taux d’intérêt plus favorable, sauf si elle a des raisons pour ne pas le faire.

6.2.4 L’obligation fiscale incombe au débiteur de la prestation imposable (art. 10 al. 1 LIA). Les prestations appréciables en argent à l’actionnaire d’une société anonyme ou aux personnes proches sont soumises à un impôt anticipé de 35 % (art. 13 al. 1 let. a LIA). Conformément à l’art. 12 al. 1 LIA, la créance fiscale prend naissance au moment où échoit la prestation imposable. Selon l’art. 16 al. 1 let. c LIA, l’impôt anticipé échoit trente jours après la naissance de la créance fiscale. L’art. 38 al. 2 LIA prévoit que le contribuable doit, à l’échéance de l’impôt (art. 16), remettre à l’AFC, sans attendre d’y être invité, le relevé prescrit accompagné des pièces justificatives, et en même temps payer l’impôt ou faire la déclaration remplaçant le paiement. Aux termes de l’art. 39 al. 1 LIA, le contribuable doit renseigner en conscience l’AFC sur tous les faits qui peuvent avoir de l’importance pour déterminer l’assujettissement ou les bases de calcul de l’impôt.

En l’absence de dépôt des comptes à l’AFC, le Tribunal fédéral considère que la société a renoncé au bénéfice en faveur de l’actionnaire ou d’un proche de l’actionnaire le jour où l’assemblée des actionnaires a approuvé les comptes et a ainsi consenti à une prestation appréciable en argent (TF 2C_638/2021 du 10 juin 2022 consid. 3.1.1). Le jour de la commission des soustractions poursuivies doit donc être fixé au 31e jour après l’approbation des comptes.

La créance fiscale est une obligation ex lege. Dès lors que l’état de fait visé par le législateur est réalisé, la créance d’impôt prend naissance, sans aucune autre intervention extérieure : la doctrine parle de la naissance immédiate de la créance fiscale (Locher, System des schweizerischen Steuerrechts, 6e éd., 2002, p. 308 ; TF 2C_620/2013 du 14 février 2013 consid. 3.4, in : RDAF 2013 II 197 ; TF 2C_116/2010 du 21 juin 2010 consid. 2.2). La taxation, de même que la décision rendue par l’AFC lorsque la créance est contestée, n’a donc pas un effet constitutif, mais déclaratif. Elle n’est en d’autres termes pas une condition de l’existence de la créance d’impôt anticipé (TF 2C_683/2013 du 13 février 2014 consid. 6.4).

6.3 A la lecture des pièces du dossier, on doit admettre, comme le premier juge, que la société W.____ Ltd a prêté, pour une période de cinq ans, le montant de 93 millions de francs à O.____ pour l’achat d’immeubles pour un montant total de 102'947’000 fr. auprès d’une société sœur, à la suite de la scission de la société I.____ AG survenue au mois de novembre 2010 (1), qu’O.____ n’avait aucun intérêt à souscrire un prêt à un taux d’intérêt supérieur au taux d’intérêt du marché pour un prêt immobilier (2), que le taux d’intérêt de 3.15 % ne trouve ainsi pas d’autre explication que l’apparentement entre O.____ et W.____ Ltd et qu’O.____ a ainsi consenti une prestation appréciable en argent à une société proche sous la forme d’intérêts excessifs, ce qui aurait dû être annoncé à l’administration fiscale (3). Ces faits sont établis au regard des éléments suivants :

1. Le prêt

La société O.____ SA, devenue par la suite E.____ SA, dont le siège est à [...], a pour but social « Détenir et gérer des biens immobiliers destinés à servir d’établissement stable pour faire le commerce, exploiter une fabrique ou exercer en la forme commerciale quelqu’autre industrie au sens de l’art. 2, al. 2, litt. A de la LFAIE ». Cette société exploite sur plusieurs sites en Suisse des surfaces commerciales dans lesquelles sont situés des magasins de la marque I.____ et d’autres enseignes.

Le contrat de scission conclu le [...] 2010 entre I.____ SA, à [...], et O.____ SA, à [...], prévoit le transfert de biens immobiliers pour un montant total de 102'946'706 fr., à savoir une parcelle d’immeuble à [...] (TI), deux autres terrains dans la même commune (une parcelle en copropriété par étage et une part de copropriété dans une autre parcelle en copropriété par étage), une parcelle en copropriété à [...] (TI), une parcelle de terrain à [...] (VD) et une autre à […] (VD), ainsi qu’une part de copropriété d'une parcelle de terrain à [...] (VD). Ce contrat de scission porte ainsi uniquement sur le transfert d’actifs sous la forme de biens immobiliers, la convention précisant expressément que tous les autres actifs non listés restent auprès d’I.____ SA et ne sont pas transférés à la société O.____. II ne s’agissait ainsi que de transfert de biens immobiliers, à l’exclusion de tout autre actif.

Les 6 et 7 avril 2011, la société W.____ Ltd a accordé à O.____ un prêt de 93'000'000 fr. au taux d’intérêt de 3.15 % par an pour une période de cinq ans, pour financer l’achat des biens immobiliers précités.

L’analyse des comptes d’O.____ pour les exercices 2009 à 2011 démontre que le prêt de 93 millions de francs souscrit auprès de W.____ Ltd a été octroyé pour financer l’acquisition d’immeubles auprès de la société sœur I.____ SA à [...] (cf. pièce 800.100.111-116).

2. Le taux d’intérêt supérieur

En l’espèce, O.____ a emprunté pour financer exclusivement l’acquisition de biens immobiliers. Le financement accordé, qui était par ailleurs d’un montant quelque peu inférieur à la valeur d’achat des immeubles, ne devait servir qu’à l’achat de ces biens et non pas à leur exploitation subséquente. Dans ces conditions, le prêt accordé doit bien être analysé comme un crédit immobilier et non pas d’exploitation.

O.____ disposait d’immeubles dont la valeur vénale pouvait servir de garantie. Il est évident qu’un acheteur cherche toujours les conditions les plus favorables dans le cadre de la conclusion d’un contrat de prêt. Il accepte généralement des taux plus bas en échange de garanties hypothécaires. Il est en effet d’usage de recourir à un prêt hypothécaire pour financer des biens immobiliers, les conditions de financement étant plus favorables grâce aux garanties liées aux immeubles. Comme l’a retenu à juste titre le premier juge, O.____ aurait pu mettre en gage ses immeubles et ainsi obtenir auprès d’un établissement bancaire un prêt à un taux d’intérêt largement inférieur au taux de 3.15 % appliqué par W.____ Ltd. Le 9 avril 2011, au moment de l’octroi du prêt, le taux swap à cinq ans s’élevait à 1.76 % (cf. pièce n° 800.100.008). En tenant compte d’une marge maximale de 10 % pour la banque (faible risque en raison de la valeur des immeubles), le taux d’intérêt aurait été inférieur à 2 %. D’ailleurs, à l’époque, des particuliers se voyaient accorder, par des banques suisses, des prêts à un taux d’intérêt de 2.5 % sur cinq ans avec des marges et des risques plus élevés (cf. annexe 1 à la lettre de l’AFC du 12 décembre 2022 : extrait du périodique « Finanz & Wirtschaft » du 9 avril 2011). Par ailleurs, sur le plan économique, O.____ n’avait aucun intérêt à souscrire un prêt à un taux d’intérêt supérieur au taux d’intérêt du marché pour un prêt immobilier. Enfin, la société contribuable n’a à aucun moment justifié son choix insolite de souscrire le prêt à des conditions moins favorables que celles du marché. Ainsi, il est évident que si O.____ avait conclu un prêt de 93 millions de francs auprès d’une banque, elle aurait accepté des hypothèques sur ses biens immobiliers et obtenu un taux d’intérêt bien plus bas que celui de 3.15 %.

Par ailleurs, on ne peut suivre l’analyse de prix de transfert établie par Y.____ SA en novembre 2014. D’une part, cette société a été mandatée par O.____ dans un but bien précis (cf. pièce 800.100.001-007). D’autre part, cette étude ignore l’élément déterminant et fondamental dans la présente affaire, à savoir que le prêt aurait pu prévoir des garanties sous forme d’hypothèques, dès lors qu’il a été accordé pour l’achat de biens immobiliers. Ce genre de garanties aurait eu pour effet de réduire les risques du prêteur et ainsi le taux d’intérêt pour l’emprunteur. Enfin, au mois de décembre 2014, l’ACI a indiqué qu’elle n’était pas d’accord avec cette étude au motif qu’elle était basée sur des sociétés étrangères, et O.____ n’a pas maintenu sa position, acceptant un taux d’intérêt à 2.5 % (cf. pièce n° 800.100.309).

Ce taux de 2.5% correspond au taux d'intérêt déterminant maximum arrêté par l’AFC pour les crédits immobiliers dans sa circulaire pour l’année 2011, date à laquelle W.____ Ltd et O.____ ont conclu le contrat de prêt. Contrairement à ce que soutient B.____, l’ACI ne s’est donc en aucun cas écartée du taux fixé par l’AFC dans ses lettres-circulaires, mais a uniquement accepté d’appliquer le taux maximum pour l’année 2011, date à laquelle le contrat de prêt a précisément été conclu entre O.____ et W.____ Ltd, pour une durée de cinq ans, pour les années à reprendre fiscalement.

3. Conclusion

En conclusion, au regard des éléments précités, c’est sans arbitraire que le premier juge a admis que le taux d’intérêt de 3.15 % ne trouvait pas d’autre explication que l’apparentement entre O.____ et W.____ Ltd, et qu’O.____ avait ainsi consenti une prestation appréciable en argent à une société proche sous la forme d’intérêts excessifs, qui aurait dû être annoncée à l’administration fiscale.

La question de savoir si la prestation appréciable en argent avait un caractère insolite et était par conséquent reconnaissable par les organes de la société sera examinée ci-dessous.

7. L’aspect subjectif

7.1 L’appelante soutient que S.____ aurait agi avec conscience et volonté et considère que l’aspect subjectif de l’infraction serait par conséquent réalisé. En bref, elle reproche au premier juge d’avoir ignoré de nombreuses pièces au dossier démontrant que S.____ avait conscience de l’existence des prestations appréciables en argent. Elle fait en outre valoir que le Tribunal de police aurait interprété de manière erronée et ainsi modifié le sens d’un paragraphe essentiel du mémorandum du 21 août 2014. Enfin, elle critique l’appréciation du premier juge et expose l’ensemble des éléments tendant à démontrer la réalisation de l’aspect subjectif de l’infraction.

S.____ conteste pour sa part les éléments relevés par l’AFC relatifs à l’aspect subjectif de l’infraction. Il fait valoir que l’appelante ne ferait que rediscuter l’interprétation du mémorandum du 21 août 2014 sans en démontrer l’arbitraire. Il souligne que ce document devrait être interprété dans son ensemble, qu’une communication à l’AFC pour les besoins de l’impôt anticipé supposerait l’existence de prestations appréciables en argent constatée par l’ACI dans le cadre de la taxation d’impôts directs, que le mémorandum aurait consisté à réunir les arguments pour démontrer à l’ACI l’adéquation du taux d’intérêt pratiqué, et donc l’absence de prestation appréciable en argent, et que le risque de communication et de devoir payer l’impôt anticipé n’aurait donc été envisagé que pour le cas où il aurait été fait échec à cette démonstration. Il relève qu’O.____ aurait suivi les recommandations d’Y.____ SA visant à procéder à l’étude de prix de transfert proposée. S’agissant du risque prétendument thématisé depuis le début, l’intimé soutient que les pièces démontreraient que si l’AFC devait s’intéresser au taux d’intérêt pratiqué sur le prêt de W.____ Ltd, à la suite d’une communication de l’ACI ou lors d’un contrôle spontané, la preuve de sa justification devrait être apportée, que le mémorandum du 21 août 2014 ferait expressément état de la possibilité de confirmer l’adéquation du taux pratiqué au moyen d’une analyse de prix de transfert et que cette analyse aurait été réalisée et aurait confirmé le taux pratiqué, de sorte qu’il n’avait aucune raison de douter de l’adéquation du taux appliqué au prêt de W.____ Ltd et n’avait donc aucune conscience de l’existence d’une prestation appréciable en argent.

7.2 Agit intentionnellement quiconque commet un crime ou un délit avec conscience et volonté. L'auteur agit déjà intentionnellement lorsqu'il tient pour possible la réalisation de l'infraction et l'accepte au cas où celle-ci se produirait (art. 12 al. 2 CP [Code pénal suisse du 21 décembre 1937 ; RS 311.0]). Il y a dol éventuel lorsque l'auteur envisage le résultat dommageable, mais agit néanmoins, même s'il ne le souhaite pas, parce qu'il s'en accommode pour le cas où il se produirait (ATF 137 IV 1 consid. 4.2.3). Parmi les éléments extérieurs permettant de conclure que l'auteur s'est accommodé du résultat dommageable pour le cas où il se produirait figurent notamment la probabilité, connue par l'auteur, de la réalisation du risque et l'importance de la violation du devoir de prudence. Plus celles-ci sont grandes, plus sera fondée la conclusion que l'auteur, malgré d'éventuelles dénégations, avait accepté l'éventualité de la réalisation du résultat dommageable (ATF 138 V 74 consid. 8.4.1 ; ATF 135 IV 12 consid. 2.3.3 ; TF 6B_435/2023 du 21 juin 2023 consid. 2.1.3). Ainsi, le dol éventuel peut notamment être retenu lorsque la réalisation du résultat devait paraître suffisamment vraisemblable à l'auteur pour que son comportement ne puisse raisonnablement être interprété que comme une acceptation de ce risque (ATF 137 IV 1 précité ; ATF 133 IV 222 consid. 5.3 ; TF 6B_435/2023 précité).

En outre, commet un crime ou un délit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, agit sans se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de son acte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle (art. 12 al. 3 CP), par quoi l'on entend sa formation, ses capacités intellectuelles et son expérience professionnelle. Si le contribuable a des doutes sur ses droits ou obligations, il doit faire en sorte de lever ce doute ou, au moins, en informer l'autorité fiscale (ATF 135 II 86 consid. 4.3 et les références citées ; TF 9C_678/2022 du 5 juin 2023 consid. 8.2.3 ; TF 2C_107/2020 du 17 juin 2020 consid. 2.2.4).

Déterminer ce qu'une personne a su, envisagé, voulu ou accepté relève des constatations de faits (ATF 142 IV 137 consid. 12 ; ATF 141 IV 369 consid. 6.3) ; est en revanche une question de droit celle de savoir si les éléments extérieurs retenus en tant que révélateurs du contenu de la conscience et de la volonté autorisent à admettre que l'auteur a agi par dol éventuel (ATF 137 IV 1 précité ; ATF 135 IV 152 consid. 2.3.2 ; TF 6B_435/2023 précité).

7.3 Le premier juge a considéré qu’il n’était pas possible de retenir que S.____ avait conscience qu’il lui appartenait de procéder à la déclaration d’une prestation appréciable en argent et qu’à défaut de conscience, l’élément subjectif de l’infraction n’était pas réalisé.

Il a tout d’abord relevé que S.____ n’était qu’un simple émetteur d’informations entre Y.____ SA et la direction d’O.____ et que ses compétences et attributions portaient essentiellement sur les aspects comptables et financiers et ne lui permettaient pas de reconnaître de manière évidente le caractère disproportionné de la prestation fournie à W.____ Ltd, et, partant, l’obligation de déclarer l’impôt anticipé à l’AFC.

Il a ensuite mentionné que S.____ avait eu connaissance de la remise en cause par l’ACI du taux d’intérêt appliqué au prêt de W.____ Ltd lorsqu’il avait pris contact avec cette autorité, qu’il avait alors communiqué la position de l’ACI à sa hiérarchie, qui l’avait chargé de solliciter un avis juridique et fiscal auprès du cabinet d’audit Y.____ SA, ce qu’il avait fait, qu’O.____ avait ensuite suivi les recommandations d’Y.____ SA en chargeant cette dernière de procéder à l’étude de prix de transfert proposé, que cette étude avait conclu que l’avance consentie par W.____ Ltd devait être considérée comme un prêt d’exploitation, un taux d’intérêt compris entre 3.07 et 4.69 % étant par conséquent conforme et qu’il ne ressortait ni du mémorandum du 21 août 2014, ni de l’étude de prix de transfert réalisée par Y.____SA que les intérêts versés à W.____ Ltd devaient être considérés comme des prestations appréciables en argent, et qu’à la lecture de ces documents, le prévenu était fondé à considérer que le taux appliqué était conforme au principe de pleine concurrence et que la position soutenue par O.____ était solide.

Le premier juge a finalement rappelé qu’au mois de juin 2014, l’ACI n’avait pas immédiatement procédé à une reprise des intérêts, qu’après avoir pris connaissance de l’étude de prix de transfert, elle avait renoncé à une reprise complète des intérêts en proposant un taux moyen de 2.5 % sur toute la période de taxation, que l’ACI n’avait pas communiqué à l’AFC l’existence d’une prestation appréciable en argent en application de l’art. 67 al. 2 LIA et que S.____ pouvait légitimement inférer de l’attitude de l’ACI que le caractère excessif du taux d’intérêt n’était pas d’emblée évident, même pour l’administration fiscale.

7.4 Les soustractions d’impôts reprochées par l’AFC aux prévenus ont été commises le 17 novembre 2014, soit le 31e jour après l’assemblée générale du 17 octobre 2014 s’agissant de l’exercice comptable 2013, et le 4 juin 2015, soit le 31e jour après l’assemblée générale du 4 mai 2015 s’agissant de l’exercice comptable 2014.

7.4.1 Compétences et qualités de S.____

Cette question sera examinée ci-dessous (cf. infra consid. 8).

7.4.2 Mémorandum du 21 août 2014 et étude de prix de transfert

L’appelante et S.____ font des interprétations différentes du mémorandum du 21 août 2014. En réalité, l’appréciation des deux pièces litigieuses faite par le premier juge en page 42 du jugement n’est pas arbitraire. En effet, il ne résulte pas expressément de ces documents que les intérêts versés à W.____ Ltd doivent être considérés comme des prestations appréciables en argent. De plus, il est vrai qu’à la lecture de ces seuls deux documents, S.____ était encore éventuellement fondé à considérer que le taux appliqué était conforme au principe de pleine concurrence.

Cette appréciation est toutefois limitée à une analyse incomplète de ces deux seuls documents et ne tient pas compte de l’ensemble des pièces du dossier. Il y a en effet lieu de relever que conformément à ses déclarations, S.____ a eu connaissance de la remise en cause par l’ACI du taux d’intérêt appliqué au prêt de W.____ Ltd lorsqu’il a pris contact avec cette autorité au mois de juin 2014, à la suite du départ de la société de Z.____, pour se renseigner sur les raisons pour lesquelles les taxations relatives aux impôts directs 2011 et 2012 n’avaient pas encore été rendues (cf. pièce 600.100.006). Lors d’une séance avec le fisc vaudois le 23 juin 2014, celui-ci a informé le prévenu que le taux d’intérêt du prêt appliqué ne pouvait être admis fiscalement (cf. P. 22, annexe 5). S.____ a communiqué la position de l’ACI à sa hiérarchie, qui l’a chargé de solliciter un avis juridique et fiscal auprès du cabinet d’audit Y.____ SA, ce qu’il a fait (cf. pièce 600.100.006). Le 21 août 2014, Y.____ SA a adressée à O.____ un mémorandum dans le cadre du mandat d’analyse fiscale qui lui avait été confié (cf. pièce 800.100.252-255). Dans le mémorandum du 21 août 2014, Y.____ SA a analysé la qualification des intérêts financiers sur les prêts intra-groupes comme prestations appréciables en argent et a estimé les risques fiscaux pour les années 2010 à 2013 (cf. pièce 800.100.353-363). Elle a procédé à l’estimation de la charge d’impôt supplémentaire selon six scénarios et a expliqué à son mandant qu’il faudrait tout d’abord convaincre l’ACI de prendre en compte le taux d’intérêt pour crédit d’exploitation tel qu’indiqué dans les circulaires de l’AFC en lui exposant les arguments donnés en page 3 du mémorandum. Elle a ensuite expliqué à son mandant que si l’ACI devait rejeter les arguments précités, il serait encore possible de fournir une étude de prix de transfert pour déterminer, à l’aide de bases de données, le taux qu’un tiers aurait payé dans une situation comparable. Le mémorandum mentionne également qu’il existe un risque que l’ACI Vaud communique les prestations appréciables en argent à l’AFC, que l’impôt anticipé de 35 % serait alors dû sur les prestations appréciables en argent calculées par l’ACI Vaud et qu’O.____ devrait alors payer l’impôt anticipé de 35 % à l’AFC. Le 29 août 2014, S.____ a notamment informé V.____ et B.____ du fait qu’il avait demandé à sa direction de lui fournir des renseignements au sujet de la fixation du taux d’intérêt pour le prêt et a indiqué que le taux était fixé comme suit : taux référence du marché 1.75 % + une marge de 1.4 % soit au total 3.15 %. Il a ajouté que la marge appliquée était décidée par le « Finance comitee I.____ » et O.____ trois fois par année et que l’explication de la marge n’était pas, selon lui, un argument défendable auprès de l’administration fiscale (cf. P. 22, annexe 6). Ce message atteste du fait que le prévenu avait compris toute la problématique du taux d’intérêt et qu’il ne savait comment l’expliquer, ce taux n’étant en réalité pas défendable auprès des autorités fiscales.

Les pièces démontrent qu’au plus tard en septembre 2014, O.____ savait que l’ACI n’admettait pas le taux de 3.15 % et que le scénario le plus probable était le scénario n° 3 du mémorandum, à savoir que l’ACI prendrait en compte la valeur vénale des immeubles pour le calcul des fonds propres dissimulés et les taux admis aux crédits immobiliers pour les dettes intra-groupes. La note manuscrite, rédigée par V.____ d’Y.____ SA à la suite d’un entretien téléphonique entre S.____ et le fisc vaudois, indique également que pour l’impôt anticipé, il n’était « pas certain que Vaud communique », mais que « si l’AFC vient », il y aura « 35 % d’impôt anticipé ou 53 % brut pour net » (cf. pièce 800.100.307-308). Ainsi, dès septembre 2014, les fiscalistes d’Y.____ SA et S.____ savaient que les arguments développés sous le chiffre 2 du mémorandum n’avaient pas convaincu l’autorité fiscale vaudoise, celle-ci considérant que le prêt accordé était un prêt immobilier et non pas d’exploitation et qu’il fallait donc passer à la seconde étape proposée dans le mémorandum, à savoir l’établissement d’une étude de prix de transfert.

Au mois de novembre 2014, Y.____ SA a établi une étude de prix de transfert visant à déterminer si le taux d’intérêt de 3.15 % convenu avec W.____ Ltd était conforme au principe de pleine concurrence (« arm’s length ») applicable aux prêts intra-groupes (pièce 800.100.010). Selon ce principe, les prix pratiqués pour des transactions entre sociétés liées doivent être établis par référence à ceux pratiqués entre des entreprises indépendantes sous peine de correction par les autorités fiscales. Selon les conclusions de cette étude, pour des prêts comparables au prêt accordé par W.____ Ltd, tout taux d’intérêt compris entre 3.07 % et 4.69 % devait être considéré comme conforme au principe de pleine concurrence. Ce rapport a été remis à l’ACI par Y.____ SA dans le courant du mois de novembre 2014. Il résulte toutefois des pièces du dossier que l’autorité fiscale vaudoise a rejeté cette analyse au motif qu’elle était fondée sur des facteurs de comparaison étrangers. En effet, en décembre 2014, l’ACI a informé téléphoniquement Y.____ SA qu’elle contestait les conclusions de l’étude de prix de transfert qui lui avait été présentée et proposait d’appliquer un taux de 2.5 % pour toute la période considérée, à titre de compromis. Une note manuscrite établie le 8 décembre 2014 après un entretien entre S.____ et V.____ indique que l’ACI n’était pas d’accord avec l’étude de prix de transfert, cette analyse étant basée sur des sociétés étrangères, qu’elle n’était pas prête à accepter une exception à l’application de la note-circulaire de l’AFC et qu’elle proposait pour la durée du contrat d’appliquer le taux de 2.5 % ; cette note indique également ce qui suit : « risque IA que si AFC fait un contrôle » (cf. pièce 800.100.309).

Dans un courriel du 10 décembre 2014, R.____ mentionne avoir parlé à S.____ et lui avoir indiqué oralement que l’enregistrement d’une provision pour risque lié à l’impôt anticipé ne serait nécessaire qu’à partir du moment où un contrôle de l’AFC serait annoncé, ce qui aurait pour effet que le risque de devoir payer l’impôt anticipé deviendrait probable (cf. pièce 800.100.277).

Par courriel du 14 janvier 2015 adressé à S.____, B.____ et G.____, V.____ a relevé que, selon l’entretien téléphonique de décembre 2014 avec l’ACI, en ce qui concernait le taux d’intérêt applicable au prêt accordé à W.____ Ltd, les autorités fiscales n’avaient pas accepté la référence fournie et avaient confirmé leur opinion sur les intérêts excessifs payés par O.____ sur le prêt Interco (3.15 %) par rapport au taux d’intérêt applicable au prêt immobilier conformément à la circulaire de l’AFC (entre 2 et 3 %). Elle a indiqué que l’ACI avait toutefois proposé un compromis en acceptant un taux d’intérêt de 2.5 % qui serait applicable à toutes les périodes fiscales en question, ce taux correspondant au taux maximal publié par l’AFC pour 2011 (cf. pièce 800.100.075). Contrairement aux allégations des intimés, le taux de 2.5 % correspond donc au taux d’intérêt maximal prévu dans la lettre-circulaire de l’AFC pour l’année 2011, étant précisé que le contrat de prêt avec W.____ Ltd, d’une durée de cinq ans, a précisément été conclu cette année-là, de sorte que le taux maximal aurait dû être de 2.5 % et non pas de 3.15 %.

Par courrier du 29 janvier 2015, la direction d’E.____ AG, par l’intermédiaire de S.____, a communiqué à Y.____ SA son accord quant à la proposition de l’autorité fiscale vaudoise (pièce 800.100.074). L’ACI Vaud a notifié les premières reprises fiscales pour les années 2011 et 2012 le 2 février 2015 (cf. pièce 800.100.081-087).

Au regard des éléments précités, on doit admettre, comme relevé par le premier juge, que S.____, à la lecture du mémorandum, puis de l’étude de prix, pouvait éventuellement encore penser que le taux appliqué était conforme au principe de pleine concurrence. Il n’en demeure pas moins qu’il ne pouvait plus se fier à cette étude et croire que le taux pratiqué était conforme une fois que l’ACI avait rejeté les arguments présentés, puis contesté les conclusions de l’analyse de prix et ainsi refusé le taux de 3.15 %. Il ne pouvait alors que comprendre, conformément à la lecture du mémorandum, que tout avait été tenté (arguments, puis étude), mais avait échoué, l’ACI appliquant les taux admis aux crédits immobiliers pour la dette en question. Il résulte des pièces précitées, et plus particulièrement des notes manuscrites, que S.____ et les fiscalistes d’Y.____ SA ont alors décidé de ne pas annoncer les prestations, spéculant sur le fait que l’AFC n’allait pas faire de contrôle.

Au regard de l’ensemble des éléments précités, S.____ ne pouvait plus avoir de doute, à tout le moins dès le mois de décembre 2014, sur l’existence de prestations appréciables en argent devant être déclarées à l’AFC. L’infraction de soustraction d’impôt doit donc être retenue, à tout le moins par dol éventuel, pour l’exercice comptable 2014, infraction commise le 4 juin 2015, soit le 31e jour après l’assemblée générale du 4 mai 2015. Elle ne saurait en revanche être retenue, au bénéfice du doute, pour l’exercice 2013, dès lors que l’élément subjectif n’est pas établi antérieurement au mois de décembre 2014.

7.4.3 Comportement de l’ACI Vaud

L’appelante considère que le fait que l’ACI n’ait pas immédiatement procédé à une reprise des intérêts serait sans influence sur la conscience de S.____, qui avait été rendu attentif au fait que le taux appliqué était excessif, les obligations des contribuables dans la procédure de taxation spontanée en matière d’impôt anticipé ne dépendant pas de la procédure de taxation mixte en matière d’impôts directs. Elle estime également sans pertinence le fait que l’ACI aurait ou non communiqué à l’AFC les prestations appréciables en argent constatées dans la procédure de taxation en matière d’impôts directs.

En l’espèce, c’est à juste titre que l’appelante soutient que l’appréciation du premier juge, selon laquelle S.____ pouvait légitimement inférer de l’attitude de l’ACI que le caractère excessif du taux d’intérêt n’était pas d’emblée évident, même pour l’administration fiscale, est arbitraire.

En effet, il y a lieu de relever, d’une part, que les procédures d’imposition en matière d’impôt anticipé et en matière d’impôts directs sont distinctes, et, d’autre part, que les communications faites entre autorités fiscales ne sont pas communiquées aux contribuables. On ne voit dès lors pas en quoi ces éléments pourraient jouer un rôle quant à la conscience et à la volonté du prévenu. Le premier juge ne l’explique d’ailleurs pas. De plus, ils ne sont pas de nature à modifier la connaissance que le prévenu avait des autres éléments à sa disposition, et plus particulièrement celle qu’il avait de la position de l’ACI.

Par ailleurs, la position de l’ACI est restée claire, y compris après l’établissement de l’étude de prix de transfert par Y.____ SA, dont elle a rejeté les conclusions pour des motifs qu’elle a d’ailleurs explicités. Dès lors, le prévenu ne pouvait que comprendre que le taux de 3.15 % était excessif et que le taux admis fiscalement était celui des taux d’intérêt pour les crédits immobiliers tels que figurant dans les lettres-circulaires de l’AFC pour 2011, soit à la date de la conclusion du contrat de prêt, ce que le prévenu savait également. Il résulte en outre des pièces au dossier que S.____ a rapidement compris toute la problématique du taux excessif, ne pouvant expliquer la fixation du taux de 3.15 % et, plus particulièrement la marge de 1.4 % (cf. P. 22, annexe 6). En outre, les lettres-circulaires de l’AFC indiquent les taux d’intérêt admis fiscalement, de sorte qu’il était aisé de comparer les taux pratiqués et leur caractère excessif. De même, les taux des crédits immobiliers appliqués par les banques sur le marché suisse sont des faits connus. Enfin, les premières décisions de taxation définitives de l’ACI ont été rendues, pour les périodes fiscales 2011 et 2012, le 2 février 2015, soit avant la soustraction d’impôts pour l’exercice comptable 2014, soustraction réalisée le 4 juin 2015. Dans ses décisions, l’ACI a annoncé la reprise des intérêts dus au titre d’intérêts non admis sur le prêt W.____ Ltd, conformément aux différents entretiens en présence du mandataire (cf. pièce 800.100.077-087). S.____ savait par conséquent que les reprises des intérêts étaient en cours pour toute la période du prêt.

7.4.4 Une prestation appréciable en argent évidente

S.____ conteste le caractère évident de la prestation appréciable en argent, compte tenu notamment de l’étude de prix de transfert établie par Y.____ SA et le conseil du réviseur s’agissant de l’absence de risque fiscal à provisionner. S’agissant de sa volonté, il explique avoir voulu faire les choses en règle, ce qui serait attesté par différentes pièces du dossier.

Comme déjà relevé ci-dessus, le prévenu ne pouvait se fier à l’étude précitée, une fois que celle-ci avait été rejetée par l’ACI. Il en va de même du refus du réviseur de provisionner le risque fiscal, auquel il ne pouvait se fier de bonne foi.

Au regard de l’ensemble des indices exposés ci-dessus, la nature du prêt en tant que prestation appréciable en argent ne pouvait être qu’évidente pour S.____. En effet, dès le mois de septembre 2014, celui-ci savait que l’ACI n’admettait que le taux d’intérêt applicable aux crédits immobiliers. Puis, dès le mois de décembre 2014, il savait que l’ACI ne changerait pas sa position, malgré l’étude de prix de transfert établie par Y.____ SA en novembre 2014. Il connaissait les lettres-circulaires de l’AFC ainsi que les taux usuels pratiqués par les banques suisses pour les crédits immobiliers, ayant lui-même expliqué que la marge pratiquée par le prêteur n’était pas justifiable pour les autorités fiscales. Par conséquent, l’existence d’une prestation appréciable en argent et la disproportion entre la prestation et la contreprestation était manifeste et reconnaissable pour la société O.____ et ses organes. S.____ ne pouvait donc qu’avoir conscience de la nature de la prestation acceptée par O.____ et de l’obligation de la déclarer à l’appelante.

En sa qualité de responsable des questions comptables et fiscales et par sa formation et profession, S.____ était conscient qu’il avait le devoir de contrôler les comptes et de procéder à la déclaration et au paiement de l’impôt anticipé dû dans la procédure de taxation spontanée, sans attendre un contrôle de l’AFC.

8. La qualité d’auteur de S.____

8.1 Reprochant au premier juge d’avoir ignoré des pièces déterminantes du dossier, l’appelante soutient qu’il résulterait de l’ensemble des éléments de preuve au dossier non seulement que S.____ était chargé des affaires fiscales et responsable du dépôt des déclarations fiscales de 2012 à 2015, mais qu’il s’était également effectivement occupé des questions fiscales durant les périodes concernées, en particulier en ce qui concerne les intérêts excessifs sur le prêt à l’égard de l’autorité fiscale cantonale vaudoise et de l’AFC. Elle estime qu’en tant que collaborateur chargé des affaires fiscales au sein de la société O.____ – qui plus est disposant d’un pouvoir décisionnel fondé sur sa procuration collective à deux (cf. art. 458 CO [Code des obligations ; RS 220]), qui lui aurait notamment permis de confier à la société Y.____ SA le mandat portant sur l’analyse des risques fiscaux liés au contrat de prêt litigieux – S.____ répondrait pénalement des infractions poursuivies au sens de l’art. 6 al. 1 DPA.

L’intimé relève qu’en tant que titulaire d’une procuration, il disposait d’un simple pouvoir de représentation, mais non d’un pouvoir de gestion. Il soutient en outre que le pouvoir de signature dont il disposait ne lui permettait, en droit, que d’exécuter les décisions prises au préalable par ses supérieurs, mais en aucun cas de prendre lui-même des décisions engageant la société et que, de plus, son pouvoir de représentation était collectif, dès lors qu’il ne pouvait signer qu’avec un membre du conseil d’administration. Il souligne qu’il n’aurait jamais été démontré, ni allégué, que le conseil d’administration aurait délégué tout ou partie de la gestion à une direction et soutient que le conseil d’administration d’O.____ serait resté seul compétent s’agissant de la gestion quotidienne de la société conformément aux art. 716 al. 2 et 716b al. 3 CO. Il prétend n’avoir joué qu’un rôle de coordinateur, faisant valoir qu’il n’avait aucun pouvoir de décision propre dans ce contexte et qu’il n’avait ni la tâche, ni les compétences pour gérer la problématique de l’impôt anticipé.

8.2 Conformément à l'art. 6 al. 1 DPA, lorsqu'une infraction est commise dans la gestion d'une personne morale, d'une société en nom collectif ou en commandite, d'une entreprise individuelle ou d'une collectivité sans personnalité juridique ou de quelque autre manière dans l'exercice d'une activité pour un tiers, les dispositions pénales sont applicables aux personnes physiques qui ont commis l'acte (al. 1).

Cette disposition poursuit un but comparable à celui de l’art. 29 CP. Ces deux dispositions permettent de rechercher les personnes physiques qu’elles visent, même si le devoir spécial qui fonde la typicité de l’infraction ne les lie pas personnellement, mais l’entité pour laquelle lesdites personnes ont agi (Garbarski/ Macaluso, La responsabilité de l’entreprise et de ses organes dirigeants à l’épreuve du droit pénal administratif, in : PJA 7/2008, p. 834).

Certes, l’art. 6 al. 1 DPA se réfère en premier lieu aux infractions commises dans la gestion de l’une des entités énumérées, ce qui suppose que l’intéressé jouissait d’une certaine autonomie dans l’exercice de ses attributions. Il en va ainsi notamment des organes formels, des associés, des dirigeants effectifs ou encore des collaborateurs qui bénéficient d’un pouvoir de décision indépendant dans le secteur d’activité dont ils ont la charge. Cela étant, le champ d’application de l’art. 6 al. 1 DPA va plus loin, puisqu’il envisage aussi l’hypothèse dans laquelle l’infraction est commise de quelque autre manière dans l’exercice d’une activité pour un tiers. Ainsi, le mandataire légal ou contractuel, voire, dans certains cas, le simple employé pourrait aussi tomber sous le coup de cette disposition. Il faut toutefois que la personne physique visée ait agi fautivement, intentionnellement ou par négligence, lorsque celle-ci est réprimée. Le représentant ou l’employé devraient donc, en principe, échapper à toute sanction pénale s’ils apparaissent comme de simples instrumentes aux mains d’un auteur médiat (Garbarski/Macaluso, op. cit., p. 835).

Il convient de rappeler que la notion d’organe comprise dans son acception fonctionnelle englobe non seulement l’organe au sens formel (par exemple un administrateur inscrit au registre du commerce), mais aussi l’organe au sens matériel et l’organe de fait, soit les personnes qui prennent en fait les décisions réservées aux organes, qui exercent un véritable pouvoir de gestion et qui influencent ainsi de manière déterminante la formation de la volonté sociale (ATF 128 III 29 consid. 3).

8.3

8.3.1 Le premier juge a en substance retenu que S.____ exerçait à l’époque des faits la fonction de controlling manager, qu’il était chargé d’effectuer le reporting périodique, d’élaborer le budget de la société et de présenter les comptes au conseil d’administration (pièce 600.100.004-005). Il a relevé qu’il avait notamment pour tâche de signer les comptes et de remplir la déclaration fiscale, qui était ensuite soumise pour approbation au country manager [...], et signée collectivement par celui-ci et le prévenu. Le premier juge a considéré comme crédible l’allégation de S.____, selon laquelle il n’était qu’un simple « émetteur d’information » entre Y.____SA et la direction d’O.____, cette affirmation étant corroborée par plusieurs éléments du dossier, soit les déclarations de Z.____ et de B.____, ainsi que les échanges de courriels entre Y.____ SA et S.____.

Le premier juge a ainsi retenu que S.____ n’était pas punissable, au motif qu’il devait être considéré comme un simple instrument aux mains d’auteurs médiats. Il a retenu qu’il n’avait pas la compétence de prendre les décisions d’O.____ sur le plan fiscal en Suisse, qu’il n’avait participé ni à la décision de conclure le prêt avec W.____ Ltd, ni aux discussions qui avaient eu lieu au sein de la société pour déterminer la manière dont celui-ci devait être traité fiscalement, et qu’il n’avait été que l’intermédiaire entre les autorités, respectivement la société mandataire Y.____ SA, et les véritables dirigeants de la société, lesquels décidaient effectivement des orientations fiscales à suivre. La signature collective à deux dont S.____ disposait ne visait ainsi manifestement qu’à lui permettre d’exécuter les décisions qui avaient été décidées au préalable par ses supérieurs.

8.3.2 L’appréciation selon laquelle S.____ n’aurait été qu’un simple « émetteur d’information » entre Y.____ SA et la direction d’O.____ et qu’un simple instrument aux mains d’auteurs médiats est arbitraire, au regard notamment de la formation et des activités de l’intéressé au sein d’O.____.

Il y a en effet lieu de relever que S.____ est diplômé de HEC. Selon les indications mêmes de la société, il a établi la comptabilité et l’a signée en vue de l’approbation de l’organe de révision pour les exercices 2014 et 2015 (cf. pièce 510.100.005). Il a effectué et signé les déclarations fiscales pour les exercices 2014 et 2015 aux côtés du country manager [...] (cf. pièce 600.100.006). Il s’occupait également de la présentation des comptes au conseil d’administration (cf. pièce 600.100.005). S.____ disposait en outre d’un droit de signature collective à deux, lui permettant de représenter la société E.____ AG du 25 avril 2013 au 8 septembre 2016 (cf. pièce 120.100.013-015), et il a été la seule personne active en Suisse pour les questions comptables et fiscales de la société au cours des exercices 2014 et 2015.

Comme en attestent les pièces au dossier (cf. pièces 800.100.303, 800.100.328 et P. 22, annexe 5), c’est lui qui a eu, au sujet des prestations appréciables en argent, les contacts avec l’ACI, qui le considère comme responsable financier de la société. C’est également lui qui avait des contacts avec les réviseurs et Y.____ SA, dans le cadre de la problématique fiscale des intérêts excessifs, ce qui est attesté notamment par les pièces 800.100.273 et 274, ainsi que 800.100.304. Il était aussi la personne de contact en lien avec la procédure de contrôle de l’AFC (cf. pièces 800.100.097-100, 800.100.280, 800.100.312 et diverses notes manuscrites qui attestent des contacts téléphoniques entre Y.____ SA et le prévenu [p. ex. pièce 800.100.268]). C’est également à lui que l’AFC a adressé le décompte du 20 mai 2016 (cf. pièce 800.100.318-320). C’est enfin notamment lui qui a signé les formulaires de déclaration adressés par le contribuable O.____ à l’AFC, notamment en matière d’impôt anticipé (cf. pièce 800.100.103).

L’appréciation du premier juge selon laquelle S.____ n’aurait été qu’un simple instrument aux mains d’auteurs médiats est également arbitraire pour les raisons qui suivent. Comme le relève l’appelante à juste titre, si le Tribunal de police a relevé que Z.____ avait déclaré qu’elle était responsable des questions fiscales pour la Suisse lors de son audition par l’AFC, le premier juge a omis de tenir compte du fait que S.____ avait remplacé celle-ci dès son départ de l’entreprise au mois de mars 2014. Il a en outre fait une traduction erronée des déclarations de B.____ (« […] er war nicht allein zuständig für die Entscheide ») en retenant qu’il aurait affirmé que S.____ n’était pas habilité à prendre les décisions en la matière, alors que B.____ a en réalité déclaré que S.____ n’était pas seul à prendre les décisions. D’autre part, le premier juge n’a pas examiné l’ensemble des courriels échangés entre Y.____ SA et l’intimé, mais s’est uniquement fondé sur quelques courriels, qui traitaient le cas échéant d’une autre problématique, pour retenir qu’il avait systématiquement sollicité l’accord de sa direction tant lorsqu’il s’était agi de confier à Y.____ SA le mandat d’analyse des risques fiscaux que lorsqu’il avait fallu prendre position sur les avis émis par les autorités fiscales. Or, il n’apparaît pas que l’ensemble des courriels échangés entre les conseillers fiscaux d’Y.____ SA et S.____ auraient été transmis aux supérieurs hiérarchiques de l’intimé.

Au regard de l’ensemble des éléments précités, il est arbitraire de considérer S.____ comme n’étant qu’un simple instrument aux mains d’auteurs médiats. On doit au contraire en conclure que le prévenu a géré avec une certaine autonomie les questions comptables et fiscales de la société durant les périodes concernées, et plus particulièrement la question des intérêts excessifs sur le prêt à l’égard des autorités fiscales vaudoise et fédérale. Il doit être considéré comme un organe et répond ainsi pénalement en application de l’art. 6 al. 1 DPA.

L’appel doit donc être admis sur ce point et S.____ condamné pour soustraction d’impôt anticipé pour l’exercice comptable 2014, infraction commise le 4 juin 2015.

9. La qualité d’instigateur de B.____

9.1 L’appelante conteste l’appréciation selon laquelle B.____ se serait limité à apprécier les risques. Elle considère que les pièces démontreraient que ce prévenu aurait incité S.____ à ne rien entreprendre à l’égard de l’AFC en attendant un éventuel contrôle, tout en sachant pertinemment, en tant qu’avocat et expert fiscal, que le contribuable avait l’obligation de déclarer spontanément les prestations imposables à l’AFC. Elle soutient que B.____ aurait clairement mesuré le risque de devoir payer l’impôt anticipé, qu’il aurait d’ailleurs cherché à savoir si l’ACI allait faire une communication à l’AFC, que la nécessité de provisionner l’impôt anticipé aurait été évaluée au regard de la probabilité d’un contrôle de l’AFC et que dès le moment où l’administration fédérale avait annoncé un contrôle, il aurait communiqué que le risque de devoir payer l’impôt anticipé était relativement élevé. Elle affirme que B.____ aurait recommandé à S.____ de ne pas déclarer la prestation imposable à l’AFC tant qu’un contrôle ne serait pas avéré.

B.____ explique qu’il n’aurait jamais cherché à savoir si l’ACI communiquerait à l’AFC, que la solution envisagée aurait été de défendre le taux appliqué face à l’AFC dans le cadre d’un contrôle, que la reprise fiscale avait été opérée sur la base d’un compromis et qu’il n’aurait fait que prévenir sa mandante que la question d’une remise en cause du taux appliqué pourrait se poser lors d’un potentiel contrôle selon la position de l’AFC. L’intimé conteste en outre sa qualité d’instigateur aux motifs que S.____ n’aurait pas eu de pouvoir de décision, que l’infraction aurait été commise avant même qu’Y.____ SA se soit vue confier un mandat de conseil fiscal en juillet 2014, de sorte qu’il n’aurait exercé aucune influence décisive sur la volonté des organes de la société contribuable. Il relève enfin qu’il n’avait pas de position de garant et soutient qu’il n’aurait jamais conseillé à sa cliente de ne pas déclarer les prestations appréciables en argent.

9.2

9.2.1 Aux termes de l’art. 5 DPA, l’instigation et la complicité en matière de contraventions sont punissables, sauf s’il s’agit d’inobservations de prescriptions d’ordre.

L'instigation est le fait de décider intentionnellement autrui à commettre une infraction intentionnelle. Elle suppose un rapport de causalité entre l'acte d'incitation de l'instigateur et la décision de l'instigué de commettre l'acte. L'instigateur doit exercer une influence psychique directe sur la formation de la volonté d'autrui. Il n'est pas nécessaire qu'il ait dû vaincre la résistance de l'instigué. La volonté d'agir peut être déterminée même chez celui qui est disposé à agir ou chez celui qui s'offre à accomplir un acte réprimé par le droit pénal et cela aussi longtemps que l'auteur ne s'est pas encore décidé à passer à l'action concrètement. L'instigation n'est en revanche plus possible si l'auteur de l'acte était déjà décidé à le commettre (ATF 128 IV 11 consid. 2a ; ATF 127 IV 122 consid. 2b/aa et la jurisprudence citée ; TF 6B_465/2017 du 21 mars 2018 consid. 1.1 ; cf. également ATF 124 IV 34 consid. 2c et les références citées). Par ailleurs, celui qui se borne à créer une situation dans laquelle une autre personne pourrait éventuellement se décider à commettre une infraction n'est pas un instigateur. L'instigation implique bien plutôt une influence psychique ou intellectuelle directe sur la formation de la volonté d'autrui (ATF 128 IV 11 précité).

Pour qu'une instigation puisse être retenue, il faut qu'elle soit intentionnelle. L'intention doit se rapporter, d'une part, à la provocation de la décision de passer à l'acte et, d'autre part, à l'exécution de l'acte par l'instigué (ATF 127 IV 122 précité consid. 4a). Le dol éventuel suffit. Il faut que l'instigateur ait su et voulu ou, à tout le moins, envisagé et accepté que son intervention était de nature à décider l'instigué à commettre l'infraction (ATF 128 IV 11 précité ; TF 6B_465/2017 précité).

Selon la doctrine majoritaire, une instigation par omission est en principe exclue. Elle peut cependant être retenue dans une situation particulière, à savoir celle dans laquelle une personne ayant l’obligation de surveiller un tiers laisse ce dernier réaliser les éléments constitutifs d’une infraction (Sträuli, in : Moreillon et al. [éd.], Commentaire romand, Code pénal I, Art. 1-110 CP, 2e éd. 2021, nn. 57 et 58 ad art. 24 et les références citées).

9.2.2 Aux termes de l’art. 73 DPA, si le jugement par le tribunal a été demandé ou si le département auquel l’administration est subordonnée estime que les conditions requises pour infliger une peine ou une mesure privative de liberté ou une expulsion au sens de l’art. 66a ou 66abis CP sont remplies, l’administration concernée transmet le dossier au Ministère public cantonal à l’intention du tribunal compétent. Le renvoi pour jugement n’a pas lieu tant que la prestation ou la restitution sur laquelle se fonde la procédure pénale n’a pas été l’objet d’une décision entrée en force ou n’a pas été reconnue par un paiement sans réserve (al. 1). Le renvoi pour jugement tient lieu d’accusation. Il doit contenir un exposé des faits et indiquer les dispositions pénales applicables ou se référer au prononcé pénal (al. 2).

Selon l’art. 82 DPA, sauf dispositions contraires des art. 73 à 81, la procédure devant les tribunaux cantonaux et la procédure devant le Tribunal pénal fédéral sont régies par les dispositions pertinentes du CPP.

L'acte d'accusation détermine l'objet de la procédure devant le tribunal (fonction de délimitation). L'accusation doit exposer les infractions retenues à charge du prévenu de telle manière que les soupçons soient suffisamment concrétisés d'un point de vue objectif et subjectif. De même, le principe d'accusation vise la protection des droits de la défense de la personne accusée et garantit le droit d'être entendu (fonction d'information). En vertu de l'art. 325 al. 1 let. f CPP, l'acte d'accusation désigne, le plus brièvement possible, mais avec précision, les actes reprochés au prévenu, le lieu, la date et l'heure de leur commission ainsi que leurs conséquences et le mode de procéder de l'auteur (ATF 141 IV 132 consid. 3.4.1).

9.3 Le premier juge considère que l’on ne discernerait pas clairement si un comportement actif ou une simple omission serait reproché à B.____. Il relève en substance que celui-ci se serait limité à communiquer qu’il y avait un risque de devoir payer l’impôt anticipé sur les prestations appréciables en argent, en cas d’éventuel contrôle de l’AFC, que les éléments au dossier ne permettraient pas de retenir que B.____ aurait « recommandé » à O.____ de ne pas déclarer l’impôt anticipé et qu’il se serait limité à apprécier les risques selon différentes hypothèses et à orienter sa mandante à ce sujet, comme n’importe quel mandataire diligent.

9.3.1

9.3.1.1 L’acte de renvoi pour jugement du 25 février 2022 renvoie, s’agissant de la réalisation des actes de participation reprochés au prévenu et de leur imputabilité, au prononcé pénal du 8 novembre 2021 (pièce 120.110.139-174), ce qui est conforme à l’art. 78 al. 2 DPA. Ledit prononcé reproche à B.____ « d’avoir incité l’auteur de la soustraction – en parfaite connaissance du système de taxation spontanée de l’impôt anticipé – à ne pas déclarer l’impôt anticipé sur la prestation appréciable en argent avant un éventuel contrôle de l’AFC, en faisant dépendre la probabilité de devoir payer l’impôt anticipé à la découverte par l’AFC de la prestation appréciable en argent » (cf. pièce 120.110.154) ou encore d’avoir « conseillé d’omettre de déclarer les prestations imposables, fondé notamment sur le fait que l’administration fiscale vaudoise n’allait pas communiquer à l’AFC les intérêts excessifs constatés » (cf. pièce n° 120.110.168-169).

Ainsi, contrairement à l’appréciation du premier juge, c’est clairement un comportement actif, et non pas une omission, qui est reproché à l’intimé.

9.3.1.2 A la lecture de l’ensemble des éléments du dossier, l’appréciation selon laquelle B.____ se serait limité à apprécier les risques selon différentes hypothèses et à orienter sa mandante à ce sujet, comme n’importe quel mandataire diligent, est arbitraire.

En effet, par courrier du 10 juillet 2014, Y.____ SA a adressé à la société O.____ le contrat d’engagement portant sur les services fiscaux liés aux prêts intra-groupes (cf. pièce 800.100.001-007). Il résulte de cet accord que le prévenu s’engageait à évaluer, pour le compte d’O.____, les risques fiscaux liés aux prêts intra-groupes après que l’ACI avait constaté le taux d’intérêt excessif appliqué au prêt entre O.____ et W.____ Ltd et à lui fournir des recommandations à ce sujet. B.____ a admis qu’il était responsable de ce mandat, dirigeant les conseillers fiscaux d’Y.____ SA, V.____ et G.____, avoir décidé lui-même comment exécuter ce mandat et en avoir communiqué le résultat à sa mandante (cf. pièce n° 600.200.010 et 011).

Dans le mémorandum du 21 août 2014 expédié par B.____, G.____ et V.____ à S.____, il est notamment indiqué ce qui suit : « (…) veuillez noter que la lettre-circulaire de l’AFC relative aux intérêts admissibles permet au contribuable de prouver que le taux d’intérêt appliqué est conforme au prix du marché. Ainsi, dans le cas où l’afc VD rejette les arguments ci-haut mentionnés, il serait possible de fournir une étude de prix de transfert qui détermine, à l’aide de bases de donnée, le taux qu’un tiers aurait payé dans une situation comparable (…). Veuillez noter qu’il existe un risque que l’afc VD communique les prestations appréciables en argent à l’AFC. L’impôt anticipé de 35 % (…) serait alors dû sur les prestations appréciables en argent calculés (sic) par l’afc VD. O.____ devrait alors payer l’impôt anticipé de 35 % à l’AFC. » (pièce 800.100.356). A ce stade et à la lecture de ce document, on constate que l’intimé a clairement identifié un risque de devoir payer l’impôt anticipé en cas de communication par le fisc cantonal à l’AFC en expliquant à son coprévenu que la possibilité d’y échapper consistait tout d‘abord à argumenter auprès de l’ACI à l’aide de certains éléments exposés dans le mémorandum, puis, en cas d’échec, à effectuer et à fournir à l’ACI une étude de prix de transfert tendant à démontrer à l’ACI que le taux appliqué et contesté était conforme au prix du marché. Les pièces au dossier démontrent que toutes ces démarches ont échoué auprès de l’ACI. Comme on l’a vu, il résulte en effet d’une note manuscrite rédigée par V.____ d’Y.____ SA à la suite d’un entretien téléphonique entre S.____ et le fisc vaudois que celui-ci n’acceptait pas le taux d’intérêt lié aux crédits d’exploitation et était favorable au scénario n° 3 indiqué dans le mémorandum, à savoir que les valeurs vénales des immeubles devaient être prises en compte pour le calcul des fonds propres dissimulés et des taux admis aux crédits immobiliers pour les dettes intra-groupes. Cette note indique également que pour l’impôt anticipé, il n’est « pas certain que Vaud communique », mais que « si l’AFC vient », il y a aura « 35 % d’impôt anticipé ou 53 % brut pour net » (cf. pièce 800.100.307). Par la suite, soit en novembre 2014, Y.____ SA a élaboré une étude sur le prix de transfert (cf. pièces 800.100.010-073) à laquelle l’ACI n’a pas adhéré (cf. pièce 800.100.309). En effet, une note manuscrite établie le 8 décembre 2014 après un entretien entre S.____ et V.____ indique que l’ACI n’est pas d’accord avec l’étude de prix de transfert, cette analyse étant basée sur des sociétés étrangères, qu’elle n’est pas prête à accepter une exception à l’application de la note-circulaire de l’AFC et qu’elle propose pour la durée du contrat d’appliquer le taux de 2.5 % ; cette note indique également ce qui suit : « risque IA que si AFC fait un contrôle » (cf. pièce 800.100.309). Les possibilités proposées par Y.____ SA ayant toutes échoué, cette note indique clairement que les fiscalistes ont expliqué à leur mandante que le risque de devoir payer l’impôt anticipé n’existait que si l’AFC procédait à un contrôle.

Les conseillers fiscaux, dont B.____, ont également discuté entre eux de la nécessité de provisionner un risque pour l’impôt anticipé, puis ont indiqué oralement à S.____ que l’enregistrement d’une provision pour risque lié à l’impôt anticipé ne serait nécessaire qu’à partir du moment où un contrôle de l’AFC serait annoncé, ce qui aurait pour effet que le risque de devoir payer l’impôt anticipé deviendrait probable (cf. pièce 800.100.277-279). Ces discussions attestent que les fiscalistes d’Y.____ SA savaient que les intérêts liés au prêt étaient excessifs et que l’AFC les qualifierait de prestations appréciables en argent si elle devait en avoir connaissance dans le cadre d’un éventuel contrôle. D’ailleurs, à la suite de la demande de renseignements de l’AFC au sujet du prêt accordé par W.____ Ltd, le prévenu a écrit à S.____ que le risque de l’impôt anticipé sur le taux d’intérêt excessif devait être considéré comme relativement élevé (« the risk of Swiss WHT on the excessive rate should be considered as relatively high ») (cf. pièce 800.100.281).

Au regard de l’ensemble des éléments précités, on doit admettre que B.____ a incité sciemment S.____ à ne pas déclarer spontanément à l’AFC les prestations appréciables en argent et à ne pas payer spontanément l’impôt anticipé, spéculant sur le caractère aléatoire d’un contrôle de l’AFC et sur le risque de découverte par celle-ci des prestations appréciables en argent.

Du fait de sa fonction d’expert fiscal mandaté pour analyser les risques, donner des recommandations pour les impôts directs et pour l’impôt anticipé pour les années 2010 à 2013 et fournir des recommandations pour l’année fiscale 2014 (cf. pièce 800.100.002), B.____ ne pouvait ignorer que ses recommandations seraient suivies par S.____. En mandataire diligent, s’il n’avait pas voulu décider S.____ à ne pas déclarer des prestations appréciables en argent et à ne pas payer l’impôt anticipé, B.____ lui aurait conseillé de prendre contact avec l’AFC. Au contraire, en recommandant à S.____ de ne rien entreprendre en matière d’impôt anticipé, il avait conscience qu’il l’incitait à ne pas déclarer les prestations imposables et à ne pas payer l’impôt anticipé les grevant. Il avait donc conscience que son intervention était de nature à décider S.____ à commettre une soustraction d’impôt et ne pouvait ignorer l’influence de sa recommandation sur le comportement de celui-ci. L’élément subjectif de l’instigation est donc réalisé.

9.3.2 L’intimé conteste sa qualité d’instigateur au motif que l’infraction aurait été commise avant même qu’Y.____ SA se voie confier un mandat de conseil fiscal en juillet 2014. En l’espèce, S.____ est reconnu coupable de soustraction uniquement en lien avec l’exercice comptable 2014, infraction commise le 4 juin 2015. Or, l’intimé s’est vu confier le mandat d’analyse de risque et de recommandation en 2014. De plus, la soustraction d’impôt n’est pas une infraction continue, mais répétée.

L’intimé conteste également sa qualité d’instigateur au motif qu’il n’avait pas de position de garant et qu’il n’aurait jamais conseillé à sa cliente de ne pas déclarer les prestations appréciables en argent. Il n’est pas contesté que B.____ n’ait pas eu une position de garant. En revanche, c’est bien un comportement actif qui lui est reproché, tel que décrit au considérant 9.3.1 ci-dessus.

L’appel doit donc être admis sur ce point et B.____ condamné pour instigation à la soustraction d’impôt anticipé.

10. Les peines

10.1 L’appelante requiert le prononcé d’une amende de 20'000 fr. à l’encontre de S.____ et le prononcé d’une amende de 30'000 fr. à l’encontre de B.____.

10.2

10.2.1 La soustraction d’impôt au sens de l’art. 61 LIA est punie d’une amende jusqu’à concurrence de 30'000 fr. ou, s’il en résulte un montant supérieur, jusqu’au triple de l’impôt soustrait.

Selon l’art. 24 al. 1 CP, si l'infraction a été commise, l'instigateur encourt la peine applicable à l'auteur de cette infraction.

La quotité précise de l'amende doit être fixée en tenant compte des dispositions de la partie générale du CP qui ont vocation à s'appliquer en droit pénal fiscal. Conformément à l'art. 106 al. 3 CP, l'amende doit être fixée en tenant compte de la situation de l'auteur, afin que la peine corresponde à la faute commise. Les principes régissant la fixation de la peine prévus à l'art. 47 CP s'appliquent. En droit pénal fiscal, les éléments principaux à prendre en considération sont le montant de l'impôt éludé, la manière de procéder, les motivations, ainsi que les circonstances personnelles et économiques de l'auteur (ATF 144 IV 136 consid. 7.2.2 ; TF 6B_488/2022 du 11 octobre 2022 consid. 2.1 ; TF 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 9.1).

10.2.2 En vertu de l'art. 48 let. e CP, le juge atténue la peine si l'intérêt à punir a sensiblement diminué en raison du temps écoulé depuis l'infraction et que l'auteur s'est bien comporté dans l'intervalle.

L'atténuation de la peine en raison du temps écoulé depuis l'infraction procède de la même idée que la prescription. L'effet guérisseur du temps écoulé, qui rend moindre la nécessité de punir, doit aussi pouvoir être pris en considération lorsque la prescription n'est pas encore acquise, si l'infraction est ancienne et si le délinquant s'est bien comporté dans l'intervalle. Cela suppose qu'un temps relativement long se soit écoulé depuis l'infraction. Cette condition est en tout cas réalisée lorsque les deux tiers du délai de prescription de l'action pénale sont écoulés. Le juge peut toutefois réduire ce délai pour tenir compte de la nature et de la gravité de l'infraction (ATF 140 IV 145 consid. 3.1 et les références citées ; TF 6B_590/2020 du 1er octobre 2020 consid. 1.1).

10.3

10.3.1 S.____ est reconnu coupable de soustraction d’impôt anticipé. Il s’expose, à raison des faits retenus à son encontre, à une amende pouvant s’élever au triple de l’impôt soustrait, soit à 634’725 francs.

Au vu des circonstances d’espèce, la culpabilité de S.____ doit être qualifiée de moyenne. D’un point de vue objectif, les actes commis sont relativement graves, dès lors que l’impôt soustrait pour l’exercice 2014 s’élève à 211’575 francs. Sa faute apparaît d’autant plus importante qu’il a soustrait un impôt dont la perception intervenait en procédure de taxation spontanée et reposait ainsi sur une base de confiance. Le fait que la société contribuable se soit acquittée après coup des montants qu’elle devait au fisc, s’il a permis au dommage d’être réparé, ne saurait être retenu comme une circonstance atténuante en faveur de l’intimé, sauf à confondre deux personnalités juridiques distinctes. Il y a en revanche lieu de tenir compte du fait que B.____ a poussé S.____ à se fier à sa stratégie, alors qu’il aurait dû conserver un regard critique et s’en écarter. Il convient également de relever que S.____ a collaboré à l’enquête et qu’il n’a pas été avantagé par la commission de l’infraction. Son absence d’antécédents a un effet neutre sur la peine.

Titulaire d’un diplôme de HEC obtenu en [...], S.____ a travaillé comme comptable pour une société genevoise de 2006 à 2010, avant d’être engagé en 2010 en qualité d’operation manager par O.____ pour un salaire mensuel brut de 7'000 fr., versé treize fois l’an. Il a ensuite été promu en qualité de business controller, fonction qu’il a occupée de 2011 à 2019. Après une période de chômage, pendant laquelle il percevait une allocation mensuelle de 4'900 euros, il travaille depuis le 1er décembre 2022 comme comptable pour une société financière sise à Genève, emploi dont le salaire mensuel brut médian est de 7'357 francs. Il est marié, a trois enfants à charge et vit avec sa famille dans une maison dont il est propriétaire en France voisine. Au printemps 2020, hors immobilier, sa fortune se montait à 130'000 francs.

Compte tenu du fait que la soustraction d’impôt qui lui est reprochée a été commise il y a plus de huit ans et qu’il n’a donné lieu à aucune poursuite pénale dans l’intervalle, les conditions de l’art. 48 let. e CP sont remplies et justifient une atténuation de la peine.

En définitive, compte tenu de l’ensemble de ces éléments, le montant de l’amende sera fixé à 8’000 francs.

10.3.2 B.____ s’est rendu coupable d’instigation à la soustraction d’impôt anticipé. Il encourt la peine applicable à l'auteur de cette infraction, soit une amende de 634’725 francs.

Sa culpabilité n’est pas anodine. En sa qualité d’expert des questions fiscales, il a recommandé à S.____ de ne pas s’acquitter des obligations auxquelles la société contribuable était pourtant tenue et s’est accommodé du risque que celui-ci commette une soustraction d’impôt. Le montant soustrait est important, puisqu’il s’élève à 211’575 fr. pour l’exercice 2014. Les conséquences de son comportement sont donc relativement importantes, même si le dommage a finalement été réparé par la société contribuable.

B.____ a collaboré à l’enquête et n’a pas été avantagé par la commission de l’infraction. Son absence d’antécédents a un effet neutre sur la peine.

Titulaire d’une licence en droit, d’un brevet d’avocat et d’un brevet d’expert fiscal, B.____ a travaillé pendant plusieurs années comme conseiller fiscal dans l’un des principaux cabinets d’audit et de conseil fiscal de Suisse. Actif dans le domaine du droit fiscal depuis les années 1980, il a notamment œuvré en qualité de partner auprès d’Y.____ SA entre 1994 et 2016. Il est retraité depuis 2021.

Les faits qui lui sont reprochés ayant été commis il y a plus de huit ans et B.____ s’étant bien comporté dans l'intervalle, l'intérêt à le punir a sensiblement diminué en raison de l’écoulement du temps. Les conditions de l’art. 48 let. e CP sont ainsi remplies et justifient une atténuation de la peine.

Compte tenu de l’ensemble des éléments ci-dessus, le montant de l’amende sera fixé à 8’000 francs.

11.

11.1 L’appelante conclut à ce que les frais de la procédure pénale administrative et les frais de la procédure judiciaire soient mis à la charge des intimés.

11.2

11.2.1 Aux termes de l’art. 95 DPA, en règle générale, dans la décision de l’administration, les frais sont mis à la charge du condamné ; pour des motifs d’équité, ils peuvent lui être remis en tout ou en partie (al. 1). S’il y a plusieurs inculpés, ils répondent solidairement des frais, à moins que le mandat de répression ou le prononcé pénal n’en dispose autrement (al. 3).

11.2.2 En vertu de l’art. 426 al. 1 CPP, applicable par renvoi de l’art. 97 al. 1 DPA, le prévenu supporte les frais de la procédure pénale s'il est condamné.

11.3 En l’espèce, S.____ est condamné pour soustraction d’impôt et B.____ pour instigation à soustraction d’impôt.

Il y a dès lors lieu de mettre les frais de première instance à leur charge, chacun d’eux supportant sa part des frais de la procédure pénale administrative, à raison de 2'960 fr. à la charge de S.____ et de 3'060 fr. à la charge de B.____, ainsi que la moitié des frais de la procédure pénale de première instance, arrêtés à 2'800 fr. au total.

12. Dès lors que les intimés sont condamnés pour soustraction d’impôt, respectivement instigation à soustraction d’impôt, aucune indemnité ne leur est allouée (art. 99 DPA a contrario).

13. En définitive, l’appel de l’Administration fédérale des contributions AFC doit être admis et le jugement entrepris réformé dans le sens des considérants qui précèdent.

13.1 Vu l’issue de la cause, les frais de la procédure d’appel, constitués du seul émolument de jugement, par 5’130 fr. (art. 21 al. 1 TFIP [tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; BLV 312.03.1]), seront mis par moitié, soit par 2’565 fr., à la charge de chacun des intimés, qui succombent (art. 428 al. 1, 1re phrase, CPP).

13.2 Il n’y a par ailleurs pas matière à l’allocation en leur faveur d’indemnités pour leurs frais de défense dans le cadre de la procédure d’appel.

Par ces motifs,

la Présidente de la Cour d’appel pénale,

statuant pour S.____ en application des art. 61 let. a LIA ; 6 al. 1, 95, 97 al. 1 DPA ; 48 let. e, 106 al. 3 CP ; 398 al. 4, 406 al. 1 let. c, 426 al. 1, 428 al. 1 CPP,

statuant pour B.____ en application des art. 61 let. a LIA ; 5, 95, 97 al. 1 DPA ; 24 al. 1, 48 let. e, 106 al. 3 CP ; 398 al. 4, 406 al. 1 let. c, 426 al. 1, 428 al. 1 CPP,

prononce :

I. L’appel est admis.

II. Le jugement rendu le 22 décembre 2022 par le Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte est modifié comme il suit aux chiffres I, II, IV, V, VI, VII et VIII de son dispositif et par l’ajout de chiffres Ibis et IIbis, le dispositif étant désormais le suivant :

" I. constate que S.____ s’est rendu coupable de soustraction d’impôt anticipé ;

Ibis. condamne S.____ à une amende de 8'000 fr. (huit mille francs), la peine privative de liberté de substitution étant de 60 (soixante) jours en cas de non-paiement fautif dans le délai imparti ;

II. constate que B.____ s’est rendu coupable d’instigation à la soustraction d’impôt anticipé ;

IIbis. condamne B.____ à une amende de 8'000 fr. (huit mille francs), la peine privative de liberté de substitution étant de 60 (soixante) jours en cas de non-paiement fautif dans le délai imparti ;

III. lève le séquestre opéré en mains de Y.____ AG et portant sur les documents relatifs aux services fiscaux rendus et à la révision des comptes exécutée en faveur de la société E.____ AG et dit que ces documents seront restitués à Y.____ AG une fois le présent jugement devenu définitif et exécutoire ;

IV. dit que les frais de la procédure administrative dirigée contre S.____, par 2'960 fr. (deux mille neuf cent soixante francs), sont mis à sa charge ;

V. dit que les frais de la procédure administrative dirigée contre B.____, par 3'060 fr. (trois mille soixante francs), sont mis à sa charge ;

VI. arrête à 2'800 fr. (deux mille huit cents francs) les frais de la procédure judiciaire dirigée contre S.____ et B.____ et dit que ces frais sont mis par moitié, soit par 1'400 fr., à la charge de S.____ et par moitié, soit par 1'400 fr., à la charge de B.____ ;

VII. rejette les prétentions de S.____ tendant à l’allocation d’une indemnité pour le préjudice causé par la procédure administrative et la procédure judiciaire ;

VIII. rejette les prétentions de B.____ tendant à l’allocation d’une indemnité pour le préjudice causé par la procédure administrative et la procédure judiciaire."

III. Les frais d'appel, par 5’130 fr., sont mis par moitié, soit par 2’565 fr., à la charge de S.____ et par moitié, soit par 2’565 fr., à la charge de B.____.

IV. Le présent jugement est exécutoire.

La présidente : La greffière :

Du

Le jugement qui précède, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié, par l'envoi d'une copie complète, à :

- Administration fédérale des contributions AFC,

- Me Gilles Monnier, avocat (pour S.____),

- Me Nicole Fragnière Meyer, avocate (pour S.____),

- Me Alexandre Steiner, avocat (pour S.____),

- Me Stefan Disch, avocat (pour B.____),

- Me Pierre-Marie Glauser, avocat (pour B.____),

et communiqué à :

M. le Président du Tribunal de police de l’arrondissement de La Côte,

- M. le Procureur du Ministère public central, cellule for et entraide,

- Service pénitentiaire, Bureau des séquestres

par l'envoi de photocopies.

Le présent jugement peut faire l'objet d'un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral au sens des art. 78 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral ; RS 173.110). Ce recours doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète (art. 100 al. 1 LTF).

La greffière :

Bitte beachten Sie, dass keinen Anspruch auf Aktualität/Richtigkeit/Formatierung und/oder Vollständigkeit besteht und somit jegliche Gewährleistung entfällt. Die Original-Entscheide können Sie unter dem jeweiligen Gericht bestellen oder entnehmen.

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