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Urteil Kantonsgericht (VD)

Zusammenfassung des Urteils Entscheid/2021/675: Kantonsgericht

Eine Person, O.________, hat Beschwerde gegen die Entscheidung des Ministeriums für öffentliche Angelegenheiten von Lausanne eingelegt, die Strafanzeige gegen ihren Sohn und ihre Schwiegertochter abzulehnen. Sie beschuldigt ihren Sohn des Missbrauchs von Geldern aus dem Verkauf des Familienhauses und seiner Frau, ein Apartment mit dem Geld erworben zu haben. Das Ministerium hat die Beschwerde zunächst abgelehnt, aber nach einem Berufungsverfahren wurde die Angelegenheit zur weiteren Untersuchung zurückverwiesen. Es wird festgestellt, dass die Gelder auf den Konten der Mutter und des Sohnes nicht eindeutig zugeordnet werden können. Das Ministerium entscheidet schliesslich, dass die Beschuldigten nicht wegen Veruntreuung oder unlauterer Verwaltung angeklagt werden können. Die Mutter legt erneut Beschwerde ein, um die Entscheidung anzufechten.

Urteilsdetails des Kantongerichts Entscheid/2021/675

Kanton:VD
Fallnummer:Entscheid/2021/675
Instanz:Kantonsgericht
Abteilung:
Kantonsgericht Entscheid Entscheid/2021/675 vom 19.07.2021 (VD)
Datum:19.07.2021
Rechtskraft:
Leitsatz/Stichwort:
Schlagwörter : ’il; Usufruit; ’au; énal; était; ’usufruit; évenu; Ministère; énale; édure; édé; écembre; ’elle; établi; ’est; ération; érêt; étaient; Instruction; éposé; ’UBS; érêts; ’instruction; éré
Rechtsnorm:Art. 100 BGG;Art. 135 StPo;Art. 136 StPo;Art. 138 StPo;Art. 319 StPo;Art. 382 StPo;Art. 385 StPo;Art. 390 StPo;Art. 396 StPo;Art. 6 StPo;Art. 746 ZGB;Art. 748 ZGB;
Referenz BGE:-
Kommentar:

Entscheid des Kantongerichts Entscheid/2021/675

TRIBUNAL CANTONAL

661

PE17.013621-SOO



CHAMBRE DES RECOURS PENALE

______________________

Arrêt du 19 juillet 2021

__________

Composition : Mme Byrde, vice-présidente

Mme Fonjallaz et M. Meylan, juges

Greffière : Mme Grosjean

*****

Art. 138 ch. 1 al. 2, 147 al. 1, 158 ch. 1 al. 1 CP ; 319 al. 1 let. a et b CPP

Statuant sur le recours interjeté le 16 avril 2021 par O.____ contre l’ordonnance de classement rendue le 6 avril 2021 par le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne dans la cause n° PE17.013621-SOO, la Chambre des recours pénale considère :

En fait :

A. a) Le 13 juillet 2017, O.____ a déposé plainte pénale contre son fils B.____ et sa belle-fille P.____ pour abus de confiance, escroquerie et toute autre infraction qui serait réalisée. En substance, elle a reproché à son fils d’avoir utilisé sans droit, à son propre profit et dans un dessein d’enrichissement illégitime la quasi-totalité du produit de la vente de leur maison familiale d’[...], sise chemin [...], et à l’épouse de celui-ci d’avoir profité des malversations pour acquérir, à son seul nom, un appartement sis à [...], [...].

O.____ a exposé que B.____ se serait chargé depuis de nombreuses années, soit depuis qu’il était encore étudiant, de ses affaires administratives et personnelles, de ses impôts et de ses comptes bancaires. En 1979, elle serait devenue propriétaire d’une maison au chemin [...], à [...], composé d’une partie principale et d’un appartement de deux pièces. En 1982, la propriété de cette villa aurait été transférée à son fils, et elle aurait conservé un usufruit dûment inscrit au Registre foncier. Depuis 1991, elle aurait vécu dans l’appartement de deux pièces situé dans la villa alors que B.____ et sa famille auraient occupé la partie principale jusqu’à leur départ en 2004. La partie principale de la villa aurait dès lors été mise en location. En 2013, O.____ aurait accepté la proposition de son fils de vendre la villa. B.____ se serait occupé de toutes les démarches relatives à cette vente, et elle avait pour sa part déménagé dans un appartement en location. O.____ a relevé qu’elle pensait alors « poursuivre [s]a fin d’existence avec les rentes vieillesse et le capital constitué à l’issue de [la] vente et correspondant à la valeur de [s]on usufruit » et que « [s]on fils [lui] avait garanti que la couverture financière serait suffisante ». Or, quelques mois plus tôt, elle n’aurait soudain plus pu retirer d’argent à la banque et son fils aurait refusé de répondre à ses sollicitations. Dans la foulée, elle aurait reçu un courrier du fisc lui demandant de confirmer la déclaration d’impôts 2015 déposée électroniquement par B.____ et aurait alors constaté, à la lecture de celle-ci, que sa fortune avait diminué. Elle aurait ainsi mandaté une société fiduciaire, [...] SA, afin d’obtenir des explications.

Le 13 janvier 2017 (P. 4/2), [...] SA a informé B.____ qu’elle avait constaté que les comptes UBS [...], [...] et [...], qui figuraient sur la déclaration d’impôts de 2014 pour un montant total de 183'743 fr., n’apparaissaient plus, de manière incompréhensible, sur celle de 2015, alors que leurs soldes au 31 décembre 2015 s’élevaient respectivement à 4'886 fr. 91, 30'006 fr. 50 et 30'006 fr. 50. Elle a également relevé que la dette de B.____ envers sa mère avait été amortie fiscalement de 50'000 fr., ce qui amenait à penser que la fortune d’O.____ avait diminué de 233'743 fr. durant l’année 2015.

Dans sa plainte, O.____ a également dénoncé le fait que son fils aurait caché un montant de 378'000 fr. sur le produit de la vente de la maison et qu’elle se serait toujours acquittée de la totalité des charges hypothécaires relatives à la villa familiale. Elle a reproché à B.____ d’avoir retiré un montant de 200'000 fr. sur son capital en juin 2014 (cf. P. 4/5), somme qui aurait été utilisée par sa bru P.____ pour acquérir un appartement à [...].

b) Par ordonnance du 17 juillet 2017, le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne a refusé d’entrer en matière sur la plainte d’O.____.

Par arrêt du 22 novembre 2017, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal a admis le recours interjeté par O.____, a annulé l’ordonnance de non-entrée en matière du 17 juillet 2017 et a renvoyé le dossier de la cause au Ministère public pour qu’il ouvre une instruction.

c) Le 17 octobre 2017, O.____ a déposé une nouvelle plainte pénale contre B.____ pour utilisation frauduleuse d’un ordinateur. En bref, elle a fait grief à son fils d’avoir utilisé, sans permission et à son insu, son accès Internet e-banking pour effectuer des opérations bancaires sur les quatre comptes dont ils étaient cotitulaires auprès de l’UBS (relation bancaire n° [...]), jusqu’à dépenser la quasi-totalité des fonds qui s’y trouvaient et finir par clore les comptes par messages Mailbox des 26, 31 mai et 14 septembre 2016, sans lui en parler avant.

A l’appui de cette plainte, O.____ a produit un courrier d’UBS Switzerland SA du 11 septembre 2017, qui l’informait que le compte [...] avait été ouvert le 10 décembre 2013 et clos le 28 septembre 2016, et les comptes [...] et [...] ouverts le 18 décembre 2014 et clos le 11 juin 2016. Il ressort au demeurant des autres documents produits par la plaignante qu’un ordre de clôture du compte [...], à son nom et à celui de son fils, a été adressé le 14 août 2015 avec pour motif « Fait double emploi », que, le 26 mai 2016, B.____ a adressé un message Mailbox demandant le bouclement des deux comptes épargne et le virement de leur solde en faveur du compte [...], ainsi que la suppression de la rubrique « Usufruit », que ces demandes ont été confirmées par message Mailbox du 31 mai 2016 provenant d’O.____ et que, le 14 septembre 2016, B.____ a envoyé un nouveau message Mailbox pour demander le bouclement de la relation bancaire n° [...] et le transfert du capital et des intérêts sur un autre compte à son nom, demande confirmée quatre minutes plus tard par un message Mailbox provenant d’O.____.

d) Le 21 décembre 2017, le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne a ouvert une instruction pénale contre B.____ et P.____ pour avoir, entre le 1er décembre 2013 et le 30 juin 2016 à [...], utilisé sans droit et à leur profit l’argent appartenant à O.____ et se trouvant sur des comptes bancaires auxquels B.____ avait accès par le biais d’une procuration, et contre B.____ pour avoir, dans ce but, utilisé sans droit l’accès Internet d’O.____ pour accéder aux comptes bancaires UBS de celle-ci.

e) O.____ a été entendue par la procureure le 8 mars 2018.

f) Il ressort des documents produits le 13 avril 2018 par UBS Switzerland SA (P. 39) sur ordre du Ministère public que B.____ et O.____ étaient cotitulaires de la relation bancaire n° [...] depuis le 11 décembre 2013, date de son ouverture. Le portefeuille était composé de quatre comptes, soit le compte « capital-usufruit » [...], le compte « intérêts » [...] et les comptes d’épargne [...] et [...]. P.____ disposait d’une procuration générale sur les comptes, qui l’autorisait à agir collectivement avec O.____. O.____ et B.____ étaient chacun autorisés à agir individuellement sur le compte [...], mais devaient agir collectivement sur le compte [...]. Tous deux disposaient d’un accès e-banking. B.____ avait retiré des montants de 22'000 fr. et 222'000 fr. du compte « capital-usufruit » le 11 juin 2014, avec l’accord écrit d’O.____. Le compte « intérêts » [...] avait été clos le 18 août 2015 et les comptes épargne [...] et [...] le 10 juin 2016. La relation n° [...] avait été définitivement close le 27 septembre 2016.

g) Le 23 août 2018, B.____ et P.____ ont été entendus – séparément – en qualité de prévenus.

h) Le 8 avril 2019, dans le délai de prochaine clôture prolongé à cet effet, O.____ a allégué que la valeur de son usufruit se serait élevée à 740'523 francs. Sur la base d’un examen des documents bancaires au dossier, elle a finalement fait grief à son fils d’avoir utilisé, à son profit et à celui de son épouse, sans droit, une somme totale de 609'641 fr. 52 entre le 23 décembre 2013 et le 26 septembre 2016. Elle a requis une série de mesures d’instruction complémentaires, consistant en la production de divers documents en mains de la Banque Cantonale Vaudoise, d’UBS SA et/ou d’UBS Switzerland SA et de l’Administration cantonale des impôts, ainsi qu’en la saisie de tout le matériel informatique de B.____.

B. Par ordonnance du 6 avril 2021, le Ministère public de l’arrondissement de Lausanne a ordonné le classement de la procédure pénale contre P.____ pour abus de confiance, subsidiairement gestion déloyale (I), et contre B.____ pour abus de confiance, subsidiairement gestion déloyale, et utilisation frauduleuse d’un ordinateur (II), a fixé l’indemnité allouée au conseil juridique gratuit d’O.____ à 1'687 fr. 25, débours et TVA compris (III), a alloué à P.____ une indemnité de 8'444 fr. 30, débours et TVA compris, pour ses frais de défense au sens de l’art. 429 al. 1 let. a CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 ; RS 312.0) (IV), et à B.____ une indemnité de 9'759 fr. 25, débours et TVA compris, au même titre (V), a refusé au surplus d’allouer à B.____ une indemnité pour tort moral au sens de l’art. 429 al. 1 let. c CPP (VI) et a laissé les frais de procédure, y compris les indemnités sous chiffres III à V, à la charge de l’Etat (VII).

Préalablement, la procureure a rejeté les réquisitions de preuves présentées par la plaignante O.____, au motif qu’elles n’étaient pas pertinentes pour le sort de la cause et, pour partie, sans objet vu les déclarations des parties. Sur le fond, elle a d’abord considéré que B.____ ne s’occupait pas des avoirs de sa mère en qualité de gérant de fortune professionnel, mais qu’il avait pris les choses en mains alors qu’il était encore jeune adulte, par commodité, en raison de la relation personnelle qu’il entretenait avec elle et non dans l’exercice de sa profession, quand bien même il était devenu par la suite conseiller financier et employé de banque. La confiance était ainsi fondée sur son statut de fils, et non de banquier. S’agissant de la villa familiale d’[...], la procureure a indiqué qu’il ressortait du dossier qu’elle avait été vendue pour un montant de 1'970'000 fr. en juin 2014 et que finalement, après déduction de l’impôt sur le gain immobilier, des commissions de courtage, du remboursement de l’hypothèque et du montant de 276'125 fr., directement versé à l’attention du notaire en charge de l’achat d’un appartement par P.____, le vendeur avait reçu une somme totale de 712'715 fr. 15, versée en deux fois, les 20 décembre 2013 et 3 juin 2014, sur le compte « capital-usufruit » ouvert le 10 décembre 2013 auprès de l’UBS. B.____ et sa mère O.____ avaient en effet ouvert, en raison de la vente de la maison familiale, la relation bancaire n° [...], composée du compte libellé « capital-usufruit », de deux comptes libellés « usufruit épargne » et d’un compte libellé « intérêts », dont ils étaient tous deux cotitulaires et qui supposaient une signature collective à deux pour procéder valablement aux opérations bancaires. La plaignante reprochait en dernier lieu à son fils d’avoir utilisé, à son profit et à celui de son épouse, sans droit, une somme totale de 609'641 fr. 52 entre le 23 décembre 2013 et le 26 septembre 2016, sur le montant de 712'715 fr. 15 qui lui avait été reversé au titre de paiement de la valeur de son usufruit, sur des comptes ouverts à cette fin, montant qui n’appartenait qu’à elle et que son fils avait pour tâche de gérer afin d’assurer ses besoins jusqu’à la fin de sa vie. A cet égard, le Ministère public a retenu ce qui suit :

« A l’issue de l’instruction, les versions sont contradictoires quant à savoir à qui appartiennent les fonds déposés sur les comptes litigieux et que B.____ a en grande partie utilisés entre le 23 décembre 2013 et le 26 septembre 2016. Cela étant dit, force est de constater qu’il n’existe aucun élément dans le dossier allant dans le sens d’un accord financier entre B.____ et sa mère O.____ au sujet de la renonciation de cette dernière à son usufruit. Tous deux, la plaignante et le prévenu, ont confirmé ne pas avoir passé d’accord, écrit ou oral, au sujet de la répartition du bénéfice de la vente de la villa, c’est-à-dire en d’autres termes sur la partie qui aurait pu revenir à l’usufruitière en contrepartie à la renonciation de son droit qui, elle, a été formalisée par acte notarié. Il est également établi, parce qu’elle l’a reconnu, qu’O.____ a vu en tout cas le notaire [...], à la demande de son fils, et tout porte à croire, même si celle-ci a prétendu avec une certaine mauvaise foi ne plus se souvenir de ce qui avait été discuté (PV 1, p. 7, lg 246 à 249), que l’objet de cette visite était justement la question de l’usufruit et le choix qui s’offrait à elle de le céder à titre onéreux ou gratuit. On discerne en effet mal ce que le notaire chargé de la vente de la villa aurait eu à lui dire, à l’époque de la vente, lors d’un entretien individuel. Pour mémoire, l'usufruit est un droit réel, plus précisément une servitude personnelle proprement dite, qui est indissolublement liée à la personne de son titulaire. Il est donc incessible et intransmissible (ATF 143 II 402 cons. 6.2 ; ATF 133 III 311 cons. 4.2.2 ; Steinauer, Les droits réels, tome III, 4e éd. 2012, n. 2403). L'usufruit relatif aux immeubles s'établit par l'inscription au registre foncier (art. 746 al. 1 CC). Il s'éteint par la radiation de cette inscription (art. 748 al. 1 CC). Les causes de l'extinction sont l'échéance du terme, respectivement la renonciation ou la mort de l'usufruitier (art. 748 al. 2 et 749 al. 1 CC). Ces causes d'extinction expriment le caractère intransmissible du droit d'usufruit et sont de droit impératif (ATF 143 II 402 cons. 6.2 ; Steinauer, op. cit., n. 2464). Si, en raison de son incessibilité, l'usufruit ne peut pas être objet de commerce et n'a par conséquent pas de valeur vénale (arrêt TF 2C_874/2010 du 12.10.2011 cons. 5.3 et la réf. citée), sa valeur pour l'usufruitier peut être établie en capitalisant, en fonction de la durée probable du droit, le montant produit par la jouissance de l'objet grevé pendant un an. Pour ce faire, on tient compte, si l'usufruit est viager comme c'est le cas en l'espèce, de la durée présumable qu'il aura au vu de l'âge de l'usufruitier (ATF 143 II 402 cons. 6.4 ; Steinauer, op. cit., n. 2406 ; Stauffer/Schaetzle, Tables de capitalisation 1, 5ème éd. Zurich, 2011, ad tables 1). Ainsi, la valeur de rachat de l’usufruit correspondant (sic) à la valeur capitalisée du rendement net de l’immeuble ([Valeur locative ./. frais d’entretien forfaitaires ./. intérêts] * coefficient de capitalisation). Toutefois, une telle prétention ne naît pas automatiquement. L’usufruitier peut en effet renoncer à son droit unilatéralement ou y mettre fin par contrat avec le nu-propriétaire, et peut tout à fait choisir de le faire gratuitement, sans aucune contrepartie, ce qui arrive souvent lorsqu’il s’agit de personnes héritières l’une de l’autre ou pour éviter de devoir être taxé.

En l’occurrence, la plaignante n’a pas apporté la preuve, ni même des indices suffisants, que la somme de CHF 712'715.15 correspondait à la valeur de rachat de son usufruit en 2013, ni qu’il aurait été convenu avec son fils qu’une telle somme lui reviendrait à la vente de la villa à titre de compensation pour la renonciation à son droit ; la plaignante n’a ainsi pas produit d’acte notarié ni même rapporté avoir été assujettie à l’impôt de 3,3% sur les droits de mutation nécessairement dû en cas d’abandon ou de renonciation de l’usufruit à titre onéreux. Par ailleurs, la somme de CHF 712'715.15 apparait d’emblée totalement disproportionnée par rapport à celle à laquelle, à suivre son raisonnement, aurait eu droit B.____, pourtant nu-propriétaire depuis 30 ans, une fois l’hypothèque, les impôts, les commissions et la valeur de l’usufruit payés, à savoir les seuls CHF 276'125.qu’il a donnés à sa femme pour qu’elle acquiert son appartement. Il s’ensuit qu’à l’issue de l’instruction, la direction de la procédure a acquis la conviction que la plaignante O.____ a effectivement renoncé gratuitement et en toute connaissance de cause à son droit d’usufruit, ce qui se fait au demeurant souvent dans les familles, et que B.____ était l’unique propriétaire des valeurs patrimoniales qui ont été déposées sur les comptes bancaires [...], [...] et [...], quand bien même sa mère en était cotitulaire et qu’ils portaient des libellés évocateurs. Il n’y a pas de raison de s’écarter des déclarations des deux parties selon lesquelles rien n’avait été prévu au sujet de l’argent que rapporterait la vente de la villa familiale, si ce n’est que le fils continuerait autant que faire se peut à payer les charges et l’entretien courant de sa mère, ce qu’il a fait (P. 39/2). De même, rien ne permet d’écarter de la version du prévenu à teneur de laquelle il aurait rendu attentif sa mère, à plusieurs reprises, à leurs difficultés financières et que celle-ci était mise au courant de chaque opération réalisée (PV 2, p. 3, lg 70 à 80). Partant, les CHF 609'641.52 que B.____ a utilisés ne constituent pas des biens appartenant à autrui et ne lui ont donc pas été confiés par sa mère à charge de les conserver et les administrer pour son compte à elle. Par conséquent, sous l’angle pénal, rien n’interdisait à B.____ de procéder comme il l’a fait, de dépenser et gérer son propre argent, sans qu’il soit nécessaire de discuter plus avant de la destination de certains fonds, en particulier des CHF 200’00.- (recte : 200'000.-) en espèces qu’il a retirés le 11 juin 2014. Il n’est en outre aucunement établi que le prévenu aurait agi intentionnellement pour nuire à sa mère et qu’il ait été conscient de s’enrichir indûment. Dès lors, tout renvoi de ce dernier pour répondre de l’infraction d’abus de confiance ou de gestion déloyale ne pourrait aboutir qu’à son acquittement (cf. CREP n°483 du 06.08.2013, cons. c). »

La procureure a encore considéré qu’il convenait d’exclure l’escroquerie, dès lors qu’aucun élément plaidant en faveur d’une tromperie astucieuse n’avait été mis en évidence. Les mouvements de fonds opérés par le prévenu ne revêtaient en effet aucune complexité particulière et n’avaient pas été effectués et/ou dissimulés par le biais d’une construction comptable opaque ardue à comprendre, la lecture des relevés de comptes suffisant à les objectiver.

S’agissant de P.____, le Ministère public a relevé que l’achat de l’appartement à son nom avait été financé par ses propres deniers à hauteurs de 350'000 fr., ainsi que par une participation de son mari de 276'125 francs. Quand bien même la prévenue aurait bénéficié de libéralités de son époux, il fallait rappeler que celui-ci devait être considéré comme l’ayant droit économique de l’argent et pouvait donc en disposer librement. Dans de telles circonstances, P.____ ne pouvait être accusée d’abus de confiance ou de gestion déloyale et devait par conséquent être mise au bénéfice d’un classement.

Enfin, la procureure a retenu qu’O.____ savait, pour avoir signé les documents, qu’une signature collective à deux était requise pour toute opération sur les comptes bancaires dont son fils et elle étaient cotitulaires, et que B.____ recevrait leurs accès respectifs au système e-banking parce qu’elle ne savait pas utiliser Internet. Elle savait également que son fils devait utiliser régulièrement les comptes pour payer ses factures. Ainsi, il n’y avait pas lieu de considérer qu’elle n’aurait pas consenti aux transactions réalisées. B.____ ne s’était dès lors pas rendu coupable d’utilisation indue de données, pas plus qu’il n’avait obtenu de transferts d’actifs au préjudice d’autrui, dès lors qu’il était le seul ayant droit économique des valeurs patrimoniales concernées. Partant, une décision de classement devait être rendue sur ce point également.

C. a) Par acte du 16 avril 2021, O.____ a recouru auprès de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal contre cette ordonnance, en concluant, avec suite de frais et dépens, à son annulation, le dossier de la cause étant renvoyé au Ministère public pour qu’il procède dans le sens des considérants de l’arrêt. Elle a produit un onglet de douze pièces sous bordereau, dont la plupart, à l’exception de l’ordonnance querellée et des messages Mailbox des 26, 31 mai et 14 septembre 2016, sont nouvelles.

Il n’a pas été ordonné d’échange d’écritures.

b) Le 30 août 2021, le conseil juridique gratuit d’O.____ a déposé une liste de ses opérations.

En droit :

1. Les parties peuvent attaquer une ordonnance de classement rendue par le ministère public en application des art. 319 ss CPP dans les dix jours devant l’autorité de recours (art. 322 al. 2 et 396 al. 1 CPP ; cf. art. 20 al. 1 let. b CPP), qui est, dans le canton de Vaud, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal (art. 13 LVCPP [Loi d’introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009 ; BLV 312.01] ; art. 80 LOJV [Loi d’organisation judiciaire du 12 décembre 1979 ; BLV 173.01]).

Déposé dans le délai légal et auprès de l’autorité compétente par une partie plaignante, qui a qualité pour recourir (art. 382 al. 1 CPP), et satisfaisant aux conditions de forme prescrites (art. 385 al. 1 CPP), le recours d’O.____ est recevable. Les pièces nouvelles produites à l’appui de son recours le sont également (art. 390 al. 4 in fine CPP ; Moreillon/Parein-Reymond, Petit commentaire, Code de procédure pénale, 2e éd., Bâle 2016, n. 8 ad art. 385 CPP ; CREP 9 juillet 2012/427 consid. 1b et les réf. citées). En revanche, la liste des opérations produite par son conseil juridique gratuit, déposée plus de quatre mois après son recours et alors que la Chambre de céans avait déjà statué le 19 juillet 2021, est tardive et, partant, irrecevable.

2. Selon l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure notamment lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a) ou lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b).

De manière générale, les motifs de classement sont ceux « qui déboucheraient à coup sûr ou du moins très probablement sur un acquittement ou une décision similaire de l'autorité de jugement » (Message du Conseil fédéral du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 pp. 1057 ss, spéc. 1255). La décision de classer la procédure doit être prise en application du principe in dubio pro duriore, qui signifie qu'en règle générale, un classement ou une non-entrée en matière ne peut être prononcé par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1, JdT 2017 IV 357 ; ATF 138 IV 86 consid. 4.1.2 et les réf. citées ; TF 6B_854/2020 du 19 janvier 2021 consid. 2.1). En revanche, le ministère public doit classer la procédure s’il apparaît, sur la base de faits assez clairs pour qu’il n’y ait pas lieu de s’attendre à une appréciation différente de l’autorité de jugement (ATF 143 IV 241 consid. 2.3.2), qu’un renvoi aboutirait selon toute vraisemblance à un acquittement.

Pour pouvoir constater légitimement que l’instruction ne corrobore aucun soupçon justifiant une mise en accusation (art. 319 al. 1 let. a CPP), le ministère public doit avoir préalablement procédé, conformément à la maxime de l’instruction (art. 6 al. 1 CPP), à toutes les mesures d’instruction pertinentes susceptibles d’établir l’existence de soupçons suffisants justifiant une mise en accusation (CREP 16 juillet 2021/607 consid. 2 ; CREP 10 mai 2016/305 et les réf. citées).

3.

3.1

3.1.1 Commet un abus de confiance au sens de l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP (Code pénal suisse du 21 décembre 1937 ; RS 311.0) celui qui, sans droit, aura employé, à son profit ou au profit d'un tiers, des valeurs patrimoniales qui lui avaient été confiées.

Sur le plan objectif, l'infraction suppose qu'une valeur ait été confiée, autrement dit que l'auteur ait acquis la possibilité d'en disposer, mais que, conformément à un accord (exprès ou tacite) ou un autre rapport juridique, il ne puisse en faire qu'un usage déterminé, en d'autres termes, qu'il l'ait reçue à charge pour lui d'en disposer au gré d'un tiers, notamment de la conserver, de la gérer ou de la remettre (ATF 133 IV 21 consid. 6.2 ; TF 6B_240/2020 du 28 avril 2020 consid. 1.2). Le comportement délictueux consiste à utiliser la valeur patrimoniale contrairement aux instructions reçues, en s'écartant de la destination fixée (ATF 129 IV 257 consid. 2.2.1 ; TF 6B_918/2019 du 28 novembre 2019 consid. 4.1). L'al. 2 de l'art. 138 ch. 1 CP ne protège pas la propriété, mais le droit de celui qui a confié la valeur patrimoniale à ce que celle-ci soit utilisée dans le but qu'il a assigné et conformément aux instructions qu'il a données ; est ainsi caractéristique de l'abus de confiance au sens de cette disposition le comportement par lequel l'auteur démontre clairement sa volonté de ne pas respecter les droits de celui qui lui fait confiance (ATF 129 IV 257 consid. 2.2.1 ; ATF 121 IV 23 consid. 1c, JdT 1996 IV 166 ; ATF 119 IV 127 consid. 2 ; TF 6B_972/2018 du 20 novembre 2018 consid. 2.1).

L'infraction est intentionnelle et suppose, même si le texte légal ne le dit pas expressément, l'existence d'un dessein d'enrichissement illégitime (ATF 118 IV 32 consid. 2a ; ATF 105 IV 29 consid. 3a).

3.1.2 Aux termes de l'art. 158 ch. 1 al. 1 CP, celui qui, en vertu de la loi, d'un mandat officiel ou d'un acte juridique, est tenu de gérer les intérêts pécuniaires d'autrui ou de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, aura porté atteinte à ces intérêts ou aura permis qu'ils soient lésés sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

Sur le plan objectif, l’infraction de gestion déloyale suppose la réalisation de trois éléments : il faut que l’auteur ait eu un devoir de gestion ou de sauvegarde, qu’il ait violé une obligation lui revenant en cette qualité et qu’il en soit résulté un dommage. Sur le plan subjectif, il faut qu’il ait agi intentionnellement. Le dol éventuel suffit, à la condition qu’il soit strictement caractérisé (Corboz, Les infractions en droit suisse, 3e éd., Berne 2010, n. 13 ad art. 158 CP).

L’infraction ne peut ainsi être commise que par une personne qui revêt la qualité de gérant. Selon la jurisprudence, il s'agit d'une personne à qui incombe, de fait ou formellement, la responsabilité d'administrer un complexe patrimonial non négligeable dans l'intérêt d'autrui (ATF 129 IV 124 consid. 3.1, JdT 2005 IV 112). La qualité de gérant suppose un degré d'indépendance suffisant et un pouvoir de disposition autonome sur les biens administrés. Ce pouvoir peut aussi bien se manifester par la passation d'actes juridiques que par la défense, sur le plan interne, d'intérêts patrimoniaux, ou encore par des actes matériels, l'essentiel étant que le gérant se trouve au bénéfice d'un pouvoir de disposition autonome sur tout ou partie des intérêts pécuniaires d'autrui, sur les moyens de production ou le personnel d'une entreprise (ATF 123 IV 17 consid. 3b ; ATF 120 IV 190 consid. 2b ; TF 6B_168/2019 du 18 avril 2019 consid. 2.1).

3.1.3 Selon la conception traditionnellement défendue, l’abus de confiance prime la gestion déloyale (TF 6B_446/2010 du 14 octobre 2010 consid. 4.5.1 ; Dupuis et al. [éd.], Petit commentaire, Code pénal, 2e éd., Bâle 2017, n. 56 ad art. 138 CP et les réf. citées). La question décisive est de savoir si l’auteur accomplit un acte qui, quoique déloyal et préjudiciable, demeure dans le cadre de ses prérogatives de gérant ou si, au contraire, l’auteur sort du périmètre qui lui est tracé et détourne les choses mobilières ou les valeurs patrimoniales qui lui ont été confiées. Dans cette dernière hypothèse, il faudra retenir l’abus de confiance, alors qu’il y aura gestion déloyale dans la première (dans ce sens, implicitement : ATF 111 IV 19 consid. 4, JdT 1985 IV 141).

3.2

3.2.1 La recourante soutient d’abord que le prévenu B.____ aurait agi en qualité de gérant de fortune. Elle relève que si, dans un premier temps et alors qu’il était encore jeune adulte, son fils ne faisait que payer certaines factures courantes et que leur relation était basée sur la confiance, cela n’aurait plus été le cas ensuite de la vente immobilière de près de 2'000'000 fr., instant depuis lequel on devrait admettre que la gestion du prévenu, qui exerçait par ailleurs la profession de gérant de fortune auprès de l’UBS, était devenue largement professionnelle. Elle fait valoir que, par sa formation, son expérience dans le milieu bancaire, les procurations signées et le fait qu’il procédait lui-même aux opérations et confirmations à sa place, B.____ aurait disposé d’une indépendance certaine ainsi que d’un pouvoir de disposition autonome sur les biens administrés, de sorte que la qualité de gérant de fortune devrait être reconnue.

3.2.2 Le moyen de la recourante tombe à faux. C’est en effet à juste titre que le Ministère public a constaté que le prévenu s’était chargé des affaires administratives et financières de sa mère en sa qualité de fils, et non en celle d’employé de l’UBS, même si les comptes concernés étaient ouverts auprès de cet établissement bancaire. Les déclarations faites par les parties confirment cette appréciation, la mère et le fils ayant tous deux admis que les choses s’étaient faites naturellement après le divorce de la recourante et le fait que celle-ci rencontrait quelques difficultés pour s’acquitter de ses factures. Le prévenu avait dès lors commencé à s’occuper des affaires de sa mère très jeune soit, selon O.____, alors que, bien que majeur, il était encore en formation (P. 4/1 ; PV aud. 1, lignes 38-39). Le fait que la mère et le fils soient cotitulaires d’une relation bancaire comportant plusieurs comptes auprès de l’UBS permet également de confirmer l’appréciation faite par la procureure et exclut que le prévenu disposât d’un pouvoir de disposition autonome sur ces comptes, toute opération y relative nécessitant un accord collectif (cf. notamment PV aud. 2, lignes 213-214 et 229-230).

3.3

3.3.1 La recourante conteste ensuite la gratuité de l’usufruit ; elle fait valoir qu’on ne pourrait admettre, sur la base des éléments au dossier, qu’elle ait accepté de céder la contre-valeur de son usufruit gratuitement. Elle relève en effet que certains comptes de la relation bancaire n° [...] porteraient la mention « usufruit », que déjà en 1982, lors de la donation de la villa familiale, elle se serait réservée pour elle-même, sa vie durant, l’usufruit de l’immeuble donné, et que le budget établi par B.____ figurant au dossier (P. 45) ferait état d’un apport par des retraits mensuels sur le capital de l’usufruit pour lui permettre de faire face à ses charges. La recourante soutient au demeurant que sa situation financière serait modeste depuis de nombreuses années et qu’il n’y aurait donc aucune raison pour qu’elle eût fait donation de son usufruit – dont la valeur aurait représenté sa principale source financière – à son fils. Elle aurait été consciente de ses propres difficultés financières, ce qui aurait été admis par le prévenu, qui l’a décrite comme économe et s’inquiétant depuis longtemps de la couverture financière de ses vieux jours. Le Ministère public ferait dès lors fausse route lorsqu’il retiendrait que B.____ l’aurait rendue attentive, à plusieurs reprises, à leurs difficultés financières et l’aurait informée de chaque opération réalisée. La recourante souligne enfin qu’on ne comprendrait pas pour quelle raison le prévenu aurait instauré une cotitularité ainsi qu’une signature collective sur les comptes, qui impliquaient de nombreuses contraintes, si l’argent lui aurait appartenu à lui seul.

3.3.2 Sur les quatre comptes composant le portefeuille UBS n° [...], seul un comporte en réalité le mot « usufruit » dans son libellé. Il s’agit du compte personnel « capital-usufruit » ([...]). La relation est composée d’un autre compte personnel, intitulé « intérêts » ([...]), ainsi que de deux comptes épargne ([...] et [...]) qui ne portent pas de libellé spécifique (cf. P. 39/2). De toute manière, le fait que des comptes portent la mention « usufruit » ne donne aucune indication sur les conditions de la renonciation à cet usufruit, qui est la question centrale en l’espèce.

La même appréciation doit être faite s’agissant de la mention figurant dans l’acte de donation notarié du 16 août 1982, selon laquelle « O.____ se réserve pour elle-même, sa vie durant, l’usufruit de l’immeuble donné » (P. 62/2/2), cette mention ne signifiant pas encore que la renonciation à l’usufruit doive nécessairement intervenir à titre onéreux.

Le budget dont fait état la recourante, établi à une date indéterminée par le prévenu (P. 45), mentionne, sous la rubrique « REVENUS », un poste « Transfert du capital usufruit » pour un montant annuel de 19'800 fr., soit 1'650 fr. par mois, et un poste « Avance capital » pour un montant annuel de 10'200 fr., soit 850 fr. par mois, ce qui représente, au total, 30'000 fr. par an. A cet égard, B.____ a exposé qu’il avait établi ce budget avec sa mère, qu’il pensait qu’il concernait l’année 2013, et que le poste « Transfert du capital usufruit » correspondait au loyer de l’appartement de sa mère et à son argent de poche (PV aud. 2, lignes 280-291). A l’instar de sa situation financière modeste, dont elle était consciente, il s’agit d’un indice en faveur de la thèse de la recourante, celle-ci ayant à tout le moins pu croire que ses dépenses demeureraient couvertes par les versements opérés du compte « capital-usufruit » en sa faveur. Cela étant, cela n’est pas encore suffisant pour retenir une infraction. L’instruction a en effet permis de démontrer l’absence de tout accord financier entre le prévenu et la recourante au sujet de la renonciation de cette dernière à l’usufruit à la suite de la vente de la villa, aucun élément ne laissant en particulier croire à une renonciation à titre onéreux. Les conclusions auxquelles est parvenu le Ministère public, particulièrement bien étayées et motivées, sont à cet égard convaincantes et doivent être suivies. Les déclarations des parties sont concordantes sur le fait que rien n’avait été prévu au sujet du produit de la vente de la maison familiale, si ce n’est que B.____ continuerait à payer les charges et l’entretien courant de sa mère tant qu’il le pourrait (cf. notamment PV aud. 1, lignes 73-74 ; PV aud. 2, lignes 117-121 et 129-153), ce qu’il a d’ailleurs fait. Rien ne permet de déterminer sous quelle forme et dans quelle mesure cet entretien, en « échange » de la renonciation de la plaignante à son usufruit, devait avoir lieu, étant également précisé que les parties ont toujours mélangé leurs patrimoines.

On relève encore qu’il est établi que la recourante a rencontré, à la demande de son fils, le notaire [...] à l’époque de la vente. Même si O.____ déclare aujourd’hui ne plus se souvenir de ce qui a été discuté à cette occasion, on ne voit pas, à l’instar du Ministère public, sur quel autre sujet que celui de la cession de l’usufruit l’entretien aurait pu porter. D’ailleurs, O.____ ne remet pas en cause cette appréciation dans le cadre de son recours. Elle n’a non plus jamais sollicité l’audition du notaire [...] afin qu’il puisse exposer le contenu et le but de leur entrevue. Ces éléments portent à croire que l’intéressée a renoncé à son usufruit sans contrepartie financière directe en toute connaissance de cause.

Ces considérations sont décisives et scellent le sort de la procédure. Dès lors qu’il ne peut être établi que l’usufruit devait être cédé à titre onéreux, il y a lieu de considérer que l’argent provenant de la vente de la villa revenait intégralement au prévenu, nu-propriétaire, qui était dès lors libre d’en disposer comme il l’entendait. Dans un tel contexte, il ne peut y avoir de manœuvres frauduleuses ou de tromperie, les fonds utilisés par le prévenu lui appartenant et n’étant pas constitutifs de « biens appartenant à autrui » qui lui auraient été confiés, à charge pour lui de les conserver et de les administrer pour le compte de sa mère.

Infondé, le moyen doit dès lors être rejeté.

3.4

3.4.1 La recourante prétend encore que la valeur de l’usufruit devrait être arrêtée à 740'523 fr., valeur confirmée par notaire et correspondant aux calculs usuellement admis, et que ce serait à tort que le Ministère public avait considéré qu’un tel montant était disproportionné au regard du fait que le prévenu était nu-propriétaire depuis trente ans et se serait acquitté de charges et d’impôts au moment de la vente de l’immeuble.

3.4.2 Le raisonnement de la procureure sur cette question est au contraire pertinent et peut être confirmé. Celle-ci a justement relevé que la somme de 712'715 fr. 25, représentant le montant que B.____ avait perçu, apparaissait « d’emblée totalement disproportionné » par rapport à celui auquel il aurait eu droit une fois l’hypothèque, les impôts, les commissions et la valeur de l’usufruit payés, à savoir les seuls 276'125 fr. qu’il avait donnés à son épouse pour qu’elle acquiert son appartement. On relève par ailleurs que dans un premier temps, la recourante a adressé un commandement de payer pour un montant de 600'000 fr. à son fils et à sa belle-fille à titre de « remboursement de la valeur de l’usufruit » (P. 4/7), puis a évalué la valeur de cet usufruit à 450'000 fr., sur la base d’une estimation qu’aurait effectuée sa fiduciaire (PV aud. 1).

Quoi qu’il en soit, et même si l’on peut supposer que la recourante n’a pas perçu, dans les faits, l’équivalent de la valeur de son usufruit, il n’est pas nécessaire de déterminer cette valeur avec précision, dès lors que l’on retient qu’il n’est pas établi que la renonciation à l’usufruit soit intervenue à titre onéreux. Le fait que la valeur alléguée par la recourante soit excessive et ne corresponde manifestement pas à la réalité n’est en fait qu’un élément supplémentaire qui démontre que l’usufruit a bien été cédé gratuitement.

4.

4.1 La recourante reproche enfin au Ministère public d’avoir prononcé un classement pour l’infraction d’utilisation frauduleuse d’un ordinateur. Elle ne conteste pas que B.____ et elle étaient convenus que le premier nommé utilise les deux cartes e-banking pour effectuer les paiements, mais soutient que cet accord tacite ne pouvait concerner que des versements qui étaient dans son propre intérêt, et non des financements pour des charges et frais personnels de son fils. A chaque fois que celui-ci aurait procédé à des opérations dans son seul intérêt, il aurait utilisé abusivement l’ordinateur.

4.2 Selon l’art. 147 al. 1 CP, se rend coupable d’utilisation frauduleuse d’un ordinateur celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura, en utilisant des données de manière incorrecte, incomplète ou indue ou en recourant à un procédé analogue, influé sur un processus électronique ou similaire de traitement ou de transmission de données et aura, par le biais du résultat inexact ainsi obtenu, provoqué un transfert d’actifs au préjudice d’autrui ou l’aura dissimulé aussitôt.

Les éléments constitutifs de cette infraction sont au nombre de trois : une utilisation incorrecte, incomplète ou indue des données, l’influence sur un processus électronique ou similaire de traitement ou de transmission de données de telle sorte qu’un résultat inexact soit obtenu, et un transfert d’actifs au préjudice d’autrui ou sa dissimulation (Dupuis et al., op. cit., nn. 1 ss ad art. 147 CP).

Il y a utilisation indue si l’auteur utilise des données correctes pour s’introduire dans le système, mais qu’il n’est pas autorisé à employer ; par exemple, l’auteur usurpe le code d’accès d’autrui (Corboz, op. cit., nn. 3 ss ad art. 147 CP). Pour ce qui est de l’influence sur le processus électronique, il s’agit du pendant de l’erreur provoquée par la tromperie. L’utilisation incorrecte, incomplète ou indue des données (ou un procédé analogue) doit avoir pour effet d’influencer le processus électronique ou similaire de traitement ou de transmission des données (ibid., n. 9 ad art. 147 CP). Enfin, la manipulation doit aboutir à un transfert d’actifs ou à sa dissimulation. Il y a transfert d’actifs lorsque l’argent passe d’un compte à un autre ou lorsque l’auteur retire l’argent d’autrui au bancomat. Il faut assimiler au transfert d’actifs le cas où l’auteur obtient sans bourse délier une prestation qui est automatiquement, par un processus électronique, facturée à une autre personne (ibid., nn. 11 et 12 et les réf. citées). Selon le Tribunal fédéral, ce qui compte n’est pas l’emploi de données de façon indue, mais plutôt le résultat de cet emploi, soit s’il aboutit à un traitement informatique qui déclenche un transfert d’actifs (ATF 129 IV 315 consid. 2.1 et 2.2, JdT 2005 IV 9).

4.3 En l’espèce, l’argumentation de la recourante tombe à faux dans la mesure où, faute de renonciation à l’usufruit à titre onéreux, le prévenu était l’ayant droit économique des montants transférés. B.____ n’a donc pas obtenu de transferts d’actifs au préjudice d’autrui. Au surplus, l’autre motif retenu par la procureure, à savoir qu’O.____ savait que son fils utilisait son accès e-banking pour procéder à ses paiements et qu’elle ne s’y est jamais opposée, est fondé. Le prévenu ne s’est dès lors pas rendu coupable d’utilisation indue de données. Partant, le raisonnement du Ministère public doit être confirmé et c’est à bon droit qu’il a considéré que les éléments constitutifs de l’art. 147 al. 1 CP n’étaient pas réunis.

5. Au vu de l’ensemble de ce qui précède, il apparaît manifeste qu’au terme de l’instruction minutieuse menée par le Ministère public, les chances d’un acquittement sont nettement supérieures à celles d’une condamnation, de sorte qu’il n’existe pas de violation du principe in dubio pro duriore et que le classement prononcé doit être confirmé.

A l’appui de son recours, O.____ a réitéré certaines des réquisitions de preuve formulées devant le Ministère public. Elle a ainsi sollicité, en mains d’UBS SA et/ou d’UBS Switzerland SA, pour chaque ordre bancaire effectué sur les quatre comptes communs UBS, l’indication notamment du numéro de l’utilisateur, du bénéficiaire du transfert, de la date et de l’adresse IP et, en mains de l’Administration cantonale des impôts, des déclarations d’impôts 2010 à 2013 de B.____ et 2014 à 2016 de B.____ et P.____. On ne voit toutefois pas en quoi la production de ces documents seraient susceptibles de modifier l’analyse qui précède. Les mesures d’instruction requises par la recourante doivent dès lors être rejetées.

6. En définitive, le recours, mal fondé, doit être rejeté sans échange d’écritures (art. 390 al. 2 CPP) et l’ordonnance querellée confirmée.

L’indemnité due au conseil juridique gratuit de la recourante sera fixée à 1'187 fr. en chiffres arrondis, ce qui correspond à des honoraires de 1'080 fr., soit 6 heures d’activité nécessaire d’avocat au tarif horaire de 180 fr. – durée qui tient équitablement compte du fait que le conseil avait connaissance du dossier puisqu’il assistait déjà la plaignante au cours de la procédure d’instruction, ainsi que du fait que la moitié de son écriture de recours consiste en un rappel des faits, les moyens de fond étant finalement développés sur huit pages –, des débours forfaitaires à concurrence de 2 %, par 21 fr. 60, et la TVA, par 84 fr. 80.

Les frais de la procédure de recours, constitués de l’émolument d’arrêt, par 2'200 fr. (art. 20 al. 1 TFIP [Tarif des frais de procédure et indemnités en matière pénale du 28 septembre 2010 ; BLV 312.03.1]), et des frais imputables à l’assistance judiciaire gratuite (art. 422 al. 1 et 2 let. a CPP), fixés à 1'187 fr., ne peuvent être mis à la charge de la recourante qui succombe (cf. art. 428 al. 1, 1re phrase, CPP), mais doivent être provisoirement laissés à la charge de l’Etat (Harari/Corminboeuf Harari, in : Jeanneret/Kuhn/Perrier Depeursinge [éd.], Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 51 ad art. 136 CPP), dès lors que celle-ci bénéficie de l’assistance judiciaire sous la forme de l’exonération des frais de procédure et de la désignation d’un conseil juridique gratuit (art. 136 al. 2 let. b et c CPP).

La recourante sera toutefois tenue de rembourser ces frais à l’Etat dès que sa situation financière le permettra (art. 135 al. 4 CPP, par renvoi de l’art. 138 al. 1 CPP ; ATF 143 IV 154 consid. 2.3, JdT 2017 IV 347 ; Harari/Corminboeuf Harari, op. cit., n. 11 ad art. 138 CPP).

Par ces motifs,

la Chambre des recours pénale

prononce :

I. Le recours est rejeté.

II. L’ordonnance du 6 avril 2021 est confirmée.

III. L’indemnité allouée au conseil juridique gratuit d’O.____ est fixée à 1'187 fr. (mille cent huitante-sept francs).

IV. Les frais d’arrêt, par 2'200 fr. (deux mille deux cents francs), ainsi que l’indemnité due au conseil juridique gratuit d’O.____, par 1'187 fr. (mille cent huitante-sept francs), sont provisoirement laissés à la charge de l’Etat.

V. Le remboursement à l’Etat de l’indemnité et des frais fixés aux chiffres III et IV ci-dessus ne sera exigible que pour autant que la situation financière d’O.____ le permette.

VI. L’arrêt est exécutoire.

La vice-présidente : La greffière :

Du

Le présent arrêt, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié, par l'envoi d'une copie complète, à :

- Me Olivier Boschetti, avocat (pour O.____),

- Me Alain Dubuis, avocat (pour B.____),

- Me Gilles Monnier, avocat (pour P.____),

- Ministère public central,

et communiqué à :

- Mme la Procureure de l’arrondissement de Lausanne,

- Office fédéral de la police, MROS,

par l’envoi de photocopies.

Le présent arrêt peut faire l'objet d'un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral au sens des art. 78 ss LTF (Loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 ; RS 173.110). Ce recours doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète (art. 100 al. 1 LTF).

En vertu de l’art. 135 al. 3 let. b CPP, le présent arrêt peut, en tant qu'il concerne l’indemnité d’office, faire l’objet d’un recours au sens des art. 393 ss CPP devant le Tribunal pénal fédéral (art. 37 al. 1 et 39 al. 1 LOAP [Loi fédérale sur l’organisation des autorités pénales de la Confédération du 19 mars 2010 ; RS 173.71]). Ce recours doit être déposé devant le Tribunal pénal fédéral dans un délai de dix jours dès la notification de l’arrêt attaqué (art. 396 al. 1 CPP).

La greffière :

Bitte beachten Sie, dass keinen Anspruch auf Aktualität/Richtigkeit/Formatierung und/oder Vollständigkeit besteht und somit jegliche Gewährleistung entfällt. Die Original-Entscheide können Sie unter dem jeweiligen Gericht bestellen oder entnehmen.

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