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Urteil Kantonsgericht (GE)

Zusammenfassung des Urteils ACJC/379/2022: Kantonsgericht

Der Text handelt von einem Gerichtsverfahren zwischen verschiedenen Parteien, darunter A______ SA, bezüglich der Exposition eines Kindes im Mutterleib gegenüber einem Medikament namens F______. Es wird diskutiert, ob die Eltern des Kindes angemessen über die Risiken informiert wurden und ob die Herstellerfirma und der behandelnde Arzt für die gesundheitlichen Schäden des Kindes verantwortlich sind. Das Gericht ordnet die Trennung des Verfahrens in zwei separate Fälle an, was von A______ SA angefochten wird, da die Entscheidung ohne Anhörung der Parteien getroffen wurde. Aufgrund dieses Verstosses wird die Entscheidung aufgehoben und der Fall zur erneuten Prüfung an das Gericht zurückverwiesen. Es wird festgelegt, dass die Gerichtskosten von 1200 CHF vom Kanton Genf getragen werden. Es wird keine Entschädigung für die Parteien gewährt. Der Gerichtsbeschluss kann vor dem Bundesgericht angefochten werden.

Urteilsdetails des Kantongerichts ACJC/379/2022

Kanton:GE
Fallnummer:ACJC/379/2022
Instanz:Kantonsgericht
Abteilung:
Kantonsgericht Entscheid ACJC/379/2022 vom 15.03.2022 (GE)
Datum:15.03.2022
Rechtskraft:
Leitsatz/Stichwort:-
Schlagwörter : ASSURANCE; ORTPI/; Chambre; Monsieur; -fond; Cette; ACJC/; Pierre; GABUS; Gabus; Avocats; Tranch; CONFEDERATION; SUISSE; INVALIDITE; VEILLESSE; SURVIVANT; Comme; -indiqu; Selon; Elles; Aient; SCHWANDER; RENVOYE; Normes; PUBLIQUE; CANTON; POUVOIR
Rechtsnorm:-
Referenz BGE:-
Kommentar:
-

Entscheid des Kantongerichts ACJC/379/2022

ACJC/379/2022 du 15.03.2022 sur ORTPI/1242/2021 ( OO ) , RENVOYE

Normes : CPC.125.letb; CPC.327.al3.leta; Cst.29.al1+2
En fait
En droit
Par ces motifs
R PUBLIQUE ET CANTON DE GEN VE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/19246/2017 ACJC/379/2022

ARR T

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du mardi 15 mars 2022

Entre

A __ SA, sise __ [GE], recourante contre une ordonnance rendue par la 1 re Chambre du Tribunal de premi re instance de ce canton le 16 novembre 2021, comparant par Me Marc BALAVOINE, avocat, Jacquemoud Stanislas, rue Fran ois-Bellot 2, 1206 Gen ve, en l tude duquel elle fait lection de domicile,

et

1) Le Mineur B__, repr sent par ses parents, Madame C__ et Monsieur D__, domicili s __ (VD), intim , comparant par Me Pierre GABUS, avocat, Gabus Avocats, boulevard des Tranch es 46, 1206 Gen ve, en l tude duquel il fait lection de domicile,

2) Monsieur E__, domicili __ (VD), autre intim , comparant par
Me Michel BERGMANN, avocat, rue de Hesse 8-10, case postale 5715,
1211 Gen ve 11, en l tude duquel il fait lection de domicile,

3) CONFEDERATION SUISSE - ASSURANCE INVALIDITE ET ASSURANCE VEILLESSE ET SURVIVANT, soit pour elle lOffice f d ral des assurances sociales, repr sent par la Caisse cantonale vaudoise de la compensation AVS, rue des Moulins 3, 1800 Vevey (VD), autre intim e, comparant par Me Pierre GABUS, avocat, Gabus Avocats, boulevard des Tranch es 46, 1206 Gen ve, en l tude duquel elle fait lection de domicile.


EN FAIT

A . a . C__ et D__ sont les parents de B__, n le __ 2010.

De 1999 2013, C__ a t suivie sur le plan m dical par E__, m decin neurologue.

b. A__ SA (ci-apr s : A__ SA) est une soci t sise Gen ve qui a pour but lexploitation industrielle et commerciale de licences, notamment de produits pharmaceutiques, ainsi que la fabrication, le commerce, limportation ou lexportation de tels produits.

A__ SA est titulaire de lautorisation de mise sur le march suisse du m dicament anti pileptique "F__" et de son d riv "G__", dont le principe actif est le valproate de sodium.

c. Par demande introduite devant le Tribunal de premi re instance le 12 f vrier 2018, compl t e par r plique du 15 octobre 2018, le mineur B__, repr sent par ses parents, a assign A__ SA et E__, solidairement entre eux, en paiement dune somme de 3264305 fr., sous r serve damplification, avec int r ts 5% d s le 11 ao t 2010, comprenant une indemnit pour perte de gain hauteur dun montant minimal de 2155905 fr., une indemnit titre de pr judice m nager futur hauteur dun montant minimal de 808400 fr. et 300000 fr. titre de r paration du tort moral.

En substance, B__ a all gu que sa m re avait pris de la F__ l poque de sa conception et pendant toute sa gestation, sur prescription de E__ qui tait alors le m decin traitant de C__. En raison de son exposition in utero ce m dicament, il souffrait de graves atteintes sa sant physique et psychique, encore volutives, notamment des malformations, des retards de langage et de d veloppement, des troubles du comportement et des d ficiences intellectuelles. Il tait aujourdhui tabli et unanimement reconnu que le valproate de sodium tait une substance t ratog ne entra nant pour les enfants qui y taient expos s in utero un risque lev de malformations cong nitales (dans environ 10% des cas) et de troubles neuro-d veloppementaux (dans 30 40% des cas). Comme lindiquait sa notice de pr sentation et dutilisation dans sa teneur actuelle, la F__ tait contre-indiqu e chez les femmes enceintes en raison des risques susmentionn s, sauf si aucune alternative th rapeutique nentrait en ligne de compte et pour autant que la patiente ait re u une information d taill e sur les risques encourus pour lenfant na tre. La notice et la bo te demballage de la F__ comportaient en outre la mise en garde suivante : "VALPROATE + GROSSESSE = DANGER ! / ne pas utiliser chez les filles, adolescentes, femmes en ge de procr er ou enceintes, sauf en cas d chec dautres traitements". En 2009 et 2010, ces informations et cette mise en garde ne figuraient ni dans la notice ni sur la bo te demballage du m dicament. Au vu de la litt rature scientifique et m dicale, ainsi que de toutes les autres donn es disponibles d j bien avant lann e 2009, A__ SA et E__ connaissaient (ou devaient conna tre) tout le moins en 2009 lensemble des risques susmentionn s li s la prise de F__ pendant la grossesse.

Selon B__, les pr cit s navaient pas inform correctement ses parents ni communiqu ceux-ci l tendue des risques encourus par lenfant na tre en cas dexposition in utero la F__. Ils taient d s lors responsables des atteintes la sant dont il souffrait depuis la naissance et devaient r pondre du dommage caus . En sa qualit de producteur du m dicament, A__ SA avait engag sa responsabilit sur la base de la loi f d rale sur la responsabilit du fait des produits (art. 1 ss LRFP) et sur la base des art. 41 ss CO. En sa qualit de m decin traitant de C__, E__ qui avait viol les r gles de lart en continuant prescrire la F__ sa patiente avant et pendant sa grossesse , avait engag sa responsabilit d lictuelle (art. 41 ss CO) et contractuelle (art. 97 ss et 394 ss CO).

d. Dans sa r ponse du 11 juin 2018, compl t e par duplique du 10 d cembre 2018, A__ SA a conclu au rejet de la demande de B__ en tant que cette demande la concernait.

En substance, elle a contest lexistence : (i) dun d faut dinformation concernant la F__, exposant que sa notice de pr sentation et dutilisation, dans sa version en vigueur en 2009/2010, tait conforme l tat des connaissances scientifiques pr valant alors sagissant des risques datteintes la sant en cas dexposition in utero au valproate de sodium; (ii) dun lien de causalit naturelle entre lexposition in utero de B__ la F__ et les atteintes actuelles sa sant physique et psychique, celles-ci pouvant r sulter notamment dune pr disposition constitutionnelle g n tique et/ou de complications subies lors de laccouchement; (iii) dun pr judice conomique subi par B__, sous la forme dune incapacit de gain future et/ou dune atteinte son avenir conomique r sultant des atteintes actuelles ( volutives) et futures (pr visibles) sa sant physique et psychique.

e. Dans sa r ponse du 11 juin 2018, compl t e par duplique du 10 d cembre 2018, E__ a conclu au rejet de la demande de B__.

Il a contest lexistence : (i) dune violation des r gles de lart m dical, exposant quen 2009/2010, la prescription de la F__ des femmes enceintes n tait pas contre-indiqu e eu gard aux connaissances scientifiques pr valant cette poque et que l tat de sant de C__ justifiait cette prescription; (ii) dune violation de son devoir dinformation, tant pr cis que C__ ne lavait inform tre enceinte quau troisi me mois de grossesse et quil lavait aussit t avertie des risques t ratog nes encourus par lenfant na tre, tandis que les risques neuro-d veloppementaux li s la prise de la F__ taient l poque ignor s de la communaut scientifique; (iii) dun lien de causalit naturelle entre lexposition in utero de B__ la F__ et les atteintes actuelles sa sant physique et psychique; (iv) dun pr judice conomique subi par le mineur.

f. A titre de mesures dinstruction, les parties ont requis la production de divers titres (en particulier les dossiers m dicaux de B__ et de sa m re), laudition de E__ et de plusieurs t moins, ainsi que la mise en uvre dexpertise(s) judiciaire(s).

Elles ont r guli rement all gu des faits nouveaux, produit des pi ces nouvelles et compl t leurs offres de preuve (en particulier leurs r quisitions de pi ces).

g. Lors de laudience de d bats dinstruction du 28 f vrier 2019, les parties sont convenues de d buter la phase dadministration des preuves par la mise en uvre dune expertise judiciaire. A lissue de laudience, le Tribunal leur a fix un d lai "pour verser la proc dure leurs questions poser aux experts [ ] et se d terminer [ ] sur les qualifications des experts [propos s]".

En juin 2019, les parties ont d pos des conclusions sur expertise. B__ a conclu notamment ce que les questions suivantes soient soumises lexpert d sign :

"b) Etablir un relev de lensemble des publications qui mentionnent lexistence des risques associ s lexposition dun enfant in utero au valproate de sodium, en particulier de mani re non-exhaustive, les risques de troubles neuro-d veloppementaux et de retard du d veloppement, ce depuis la d couverte du valproate de sodium jusqu ce jour. ( )

d) ( ) pr ciser si en l tat des donn es de la science et de la connaissance du produit, linformation d livr e par [A__ SA] dune part, et par le m decin prescripteur, dautre part, tait compl te, ad quate et de nature permettre raisonnablement sa prescription et le consentement son usage par Madame C__ dans des conditions clair es, notamment sur la prescription de la F__ chez la femme enceinte, lors de la grossesse de lenfant B__".

h. Par demande introduite devant le Tribunal le 30 novembre 2020, compl t e par r plique du 20 septembre 2021, la CONFEDERATION SUISSE - ASSURANCE INVALIDITE ET ASSURANCE VEILLESSE ET SURVIVANT (ci-apr s : la Conf d ration) a assign A__ SA et E__, solidairement entre eux, en paiement de la somme de 3000000 fr., int r ts en sus, sous r serve damplification.

En substance, la Conf d ration a all gu avoir vers et continuer verser des prestations de lassurance invalidit B__, en raison des atteintes la sant physique et psychique dont celui-ci souffrait depuis la naissance. A fin 2020, ces prestations qui incluaient des indemnit s journali res pour impotence totalisaient quelque 150000 fr. Conform ment lart. 72 LPGA, la Conf d ration tait subrog e dans les pr tentions en indemnisation de B__ contre les tiers responsables de ces atteintes la sant , jusqu concurrence des prestations de lassurance invalidit pay es et futures pr visibles. Ses pr tentions r cursoires lendroit de A__ SA et de E__ se fondaient sur les m mes chefs de responsabilit que ceux invoqu s par B__ dans sa demande du 12 f vrier 2018.

A titre de mesures dinstruction, la Conf d ration a sollicit notamment la production de diverses pi ces, laudition de plusieurs t moins et la mise en uvre dexpertise(s) judiciaire(s). Dans ses d terminations du 14 avril 2021, elle a indiqu adh rer aux conclusions sur expertise prises par B__.

i. Par ordonnance du 26 janvier 2021, le Tribunal a ordonn la jonction de laction r cursoire form e par la Conf d ration, enregistr e sous le num ro de cause C/1__/2020, avec la pr sente proc dure, au motif que les demandes taient dirig es contre les m mes d fendeurs et fond es sur le m me complexe de faits.

j. Dans leurs r ponses respectives du 15 avril 2021, A__ SA et E__ ont conclu au rejet de la demande form e par la Conf d ration, en soulevant des moyens de d fense similaires ceux d velopp s vis- -vis de B__.

B. a . Par ordonnance ORTPI/1242/2021 du 16 novembre 2021, le Tribunal a ordonn la disjonction de la proc dure en deux causes distinctes, savoir une cause opposant B__ et la Conf d ration A__ SA, sous le num ro de cause C/19246/2017, et une cause opposant B__ et la Conf d ration E__, sous le num ro de cause C/2__/2021.

En substance, le Tribunal a retenu que la demande de B__ tait compos es dun concours de deux actions en paiement distinctes, bas es sur des fondements juridiques diff rents, dont les th mes ne se recoupaient que partiellement et qui taient dirig es contre deux d fendeurs formant une consorit simple (art. 71 CPC). Il en allait de m me de laction r cursoire de la Conf d ration. Ces demandes, r unies ce stade en une seule proc dure, avaient d j g n r plusieurs centaines de pages d critures au fond, des milliers de pages de pi ces produites, ainsi que de nombreux changes de correspondances, requ tes spontan es et incidents crois s entre les parties. Cela tant, lissue des demandes form es par B__/la Conf d ration tait sans incidence sur lissue des demandes dirig es contre E__ et inversement : il tait en effet possible que laction en indemnisation de B__ et laction subrogatoire de la Conf d ration soient fond es en tant quelles taient dirig es contre lun des d fendeurs et mal-fond es en tant quelles taient dirig es contre lautre d fendeur; de plus, A__ SA navait pris aucune conclusion r cursoire contre E__ pour le cas o les demandes dirig es contre elle seraient admises et il en allait de m me pour E__ l gard de A__ SA; partant, celle-ci n tait ni concern e ni m me int ress e, dun point de vue proc dural, par lissue des demandes dirig es contre celui-l (et inversement). En vue dassurer une conduite ordonn e de la proc dure et dans un but de simplification du proc s, il tait d s lors opportun de disjoindre les actions en paiement dirig es contre A__ SA de celles dirig es contre E__, en application des art. 124 et 125 lit. b CPC.

Cette disjonction se justifiait galement sur le plan de ladministration des preuves. Pour statuer sur le bien-fond des pr tentions de B__ (et celles r cursoires de la Conf d ration), le Tribunal aurait d terminer sil existait, cumulativement, un fait g n rateur de responsabilit imputable A__ SA et/ou E__, un dommage et/ou un tort moral subi par B__, ainsi quun lien de causalit entre le fait g n rateur de responsabilit et le pr judice subi. Vu la nature technique du litige, ces diff rents aspects ne pourraient tre lucid s que par la voie de lexpertise judiciaire ou, plus exactement, par la mise en uvre de plusieurs expertises m dicales, dont certaines (celles portant sur le dommage et le lien de causalit ) pourraient sav rer longues et co teuses mettre sur pied et coordonner (expertises multidisciplinaires confier un coll ge dexperts p diatre, p dopsychiatre, neuro-p diatre, orthop diste, ergoth rapeute, etc. et n cessitant de soumettre B__ des examens m dicaux). Dans la mesure o le fait de nier lexistence dun chef de responsabilit lendroit de A__ SA et/ou de E__ aurait pour effet dentra ner le rejet des demandes contre le(s) d fendeur(s) concern (s), il se justifiait de d buter linstruction par une expertise limit e cette probl matique, ce dautant que cette expertise pourrait tre r alis e sur la base de documents crits et dun questionnaire relativement simple. Dans le cas de A__ SA, lexpertise devrait d terminer, selon l tat des connaissances scientifiques pr valant en 2009/2010, si la notice de la F__ alors en vigueur informait ad quatement des risques datteintes la sant en cas dexposition in utero ce produit; lexpertise, qui posait des questions de toxico-pharmacologie, pourrait tre confi e un professeur duniversit en pharmacologie ou un responsable dunit hospitali re en pharmacologie. Dans le cas de E__, lexpertise devrait d terminer, selon l tat des connaissances m dicales pr valant en 2009/2010, sil tait conforme aux r gles de lart de prescrire de la F__ une femme pileptique d sirant concevoir un enfant, respectivement d j enceinte, et l tendue de linformation devant tre prodigu e la patiente sur les risques datteinte la sant encourus par lenfant na tre; lexpertise pourrait tre confi e un professeur duniversit en neurologie ou un responsable dunit hospitali re en neurologie.

Pour des questions d conomie de proc dure, il se justifiait donc de limiter linstruction de chacune des deux causes disjointes, dirig es contre A__ SA et E__ respectivement, par deux expertises judicaires s par es confier des experts sp cialistes diff rents portant sur les l ments permettant d valuer lexistence ou non du chef de responsabilit imput lun et/ou lautre. Le Tribunal a encore relev que "linstruction ult rieure et le sort des deux causes en l tat disjointes dirig es contre A__ SA, respectivement E__, d pendr[aient] des r ponses concluantes apport es par expertises judiciaires sur lexistence ou non du chef de responsabilit qui leur [ tait] respectivement imput ( ). En cas dexistence tant du chef de responsabilit imput au producteur que de celui imput au m decin, les deux causes disjointes pourr[aient] tre rejointes [sic] pour faire lobjet dune instruction commune, si n cessaire par voie dexpertises judiciaires, sur les questions du dommage et du lien de causalit ".

b. Par acte exp di au greffe de la Cour de justice le 29 novembre 2021, A__ SA a interjet recours contre cette ordonnance, dont elle a sollicit lannulation, sous suite de frais. Cela fait, elle a conclu, principalement, ce quil soit dit que linstruction de la pr sente proc dure ayant pour objet, dune part, les demandes form es par B__ et la Conf d ration lencontre de A__ SA et, dautre part, les demandes form es par B__ et la Conf d ration lencontre de E__ devait se poursuivre "de fa on conjointe et sans limitation de linstruction", subsidiairement, ce que la cause soit renvoy e au Tribunal pour nouvelle d cision.

Elle a fait valoir que la d cision du Tribunal de diviser la proc dure en deux causes distinctes, dune part, et de limiter ladministration des preuves deux expertises s par es portant sur lexistence dun chef de responsabilit lendroit de A__ SA, respectivement de E__, dautre part, avait t rendue sans que les parties aient eu la possibilit de se d terminer. Cette d cision consacrait une violation de son droit d tre entendue qui ne pouvait pas tre r par e devant la Cour dont le pouvoir de cognition tait limit . En outre, cette d cision tait susceptible de lui causer un pr judice difficilement r parable, dans la mesure o la disjonction des causes (et la mise en uvre de deux expertises s par es pour chacun des d fendeurs) lexposait au risque que les experts d sign s parviennent des conclusions diff rentes potentiellement inconciliables propos de l tat des connaissances scientifiques l poque concern e (i.e. 2009/2010) quant aux risques li s la prise de valproate de sodium par une femme enceinte. Or une telle discr pance tait susceptible daboutir au prononc de jugements contradictoires sur le fond du litige. Sachant que les faits lorigine des demandes dirig es contre A__ SA et E__ taient rigoureusement identiques sur ce point ind pendamment des chefs de responsabilit invoqu s contre chacun deux il serait choquant que ceux-ci soient trait s diff remment suivant la conception d fendue par lun ou lautre expert. De surcro t, si ladministration des preuves intervenait dans deux proc dures disjointes, distinctes et cloisonn es, A__ SA ne pourrait plus acc der aux pi ces des actions dirig es contre E__ ni se d terminer sur le r sultat de ladministration des preuves dans le proc s le concernant. Un tel proc d , contraire au principe de l galit des armes, tait galement susceptible de causer un pr judice difficilement r parable A__ SA dont le droit d tre entendue ne serait plus respect .

Quoi quil en soit, la disjonction naurait pas pour effet de limiter la dur e de la proc dure (une expertise demeurant n cessaire pour statuer sur les pr tentions lev es par B__ et la Conf d ration, que les causes soient instruites conjointement ou non) ni de simplifier les d bats, mais au contraire de compliquer le proc s. Sur ce point, A__ SA a soulign que dans leurs conclusions sur expertise, aucune des parties navait sollicit la mise en uvre de deux expertises distinctes pour valuer lexistence dun chef de responsabilit imputable lun et/ou lautre d fendeurs : B__ et la Conf d ration avaient conclu la d signation dun expert unique sp cialis en pharmacologie, tandis que les d fendeurs avaient conclu ce quun mandat dexpertise unique soit confi un coll ge dexperts (E__ ayant sollicit quun neurologue y participe); en outre, les questions pos es par les parties impliquaient d tablir l tat des connaissances scientifiques en 2009/2010 par expertise, sans faire de distinction quant au fondement juridique de la responsabilit imput e aux d fendeurs. Dans ce contexte, lon ne voyait pas en quoi le fait de d multiplier les actes de proc dure et les frais y relatifs aurait pour effet de simplifier le travail du juge. Enfin, la connexit entre les deux demandes en paiement tait vidente, puisque le bien-fond des actions dirig es contre E__ pourrait avoir une influence sur les actions dirig es contre A__ SA (et inversement), la responsabilit de lun des d fendeurs tant susceptible dinterrompre le lien de causalit de la responsabilit de lautre d fendeur. Le Tribunal en convenait dailleurs implicitement dans son ordonnance, puisquil envisageait d j de "rejoindre" les causes disjointes si linstruction devait se poursuivre sur les questions du dommage et du lien de causalit .

c. Par arr t du 23 d cembre 2021, la Cour a admis la requ te de A__ SA tendant suspendre le caract re ex cutoire de lordonnance entreprise et dit quil serait statu sur les frais dans larr t rendu sur le fond.

d. B__, E__ et la Conf d ration sen sont rapport s justice sur le recours form par A__ SA.

e. La cause a t gard e juger le 13 janvier 2022, ce dont les parties ont t avis es le jour m me.


EN DROIT

1. 1.1 Le recours est recevable contre les d cisions finales, incidentes et provisionnelles de premi re instance qui ne peuvent pas faire lobjet dun appel (art. 319 let. a CPC) et contre les autres d cisions et ordonnances dinstruction de premi re instance dans les cas pr vus par la loi (art. 319 let. b ch. 1 CPC) ou lorsquelles peuvent causer un pr judice difficilement r parable (ch. 2).![endif]>![if>

Les d cisions mentionn es lart. 125 CPC qui pr voit notamment que le tribunal peut, pour simplifier le proc s, ordonner la division des causes (let. b) ou ordonner la jonction des causes (let. c) sont des d cisions relatives lorganisation du proc s. Elles sont uniquement sujettes un recours au sens de lart. 319 let. b ch. 2 CPC, le recourant devant ainsi d montrer quelles lui causent un pr judice difficilement r parable (HALDY, in CR CPC, 2 me d. 2019, n. 2-3 ad art. 125 CPC).

1.2 En lesp ce, le recours, crit et motiv , a t d pos aupr s de linstance de recours dans le d lai utile de dix jours (art. 142 ss et 321 al. 1 et 2 CPC) lencontre dune d cision ordonnant la division de la proc dure en deux causes distinctes. Il est cet gard recevable.

1.3 Le pouvoir dexamen de la Cour est limit la violation du droit et la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

Aux termes de lart. 327 al. 3 CPC, si linstance dappel admet le recours, elle annule la d cision ou lordonnance dinstruction et renvoie la cause linstance pr c dente (let. a ); elle rend une nouvelle d cision, si la cause est en tat d tre jug e (let. b).

2. La recourante fait valoir une violation de son droit d tre entendue, le Tribunal nayant pas consult les parties avant dordonner la division des causes. Dans la mesure o cette violation n tait pas r parable devant linstance de recours, il se justifiait dannuler lordonnance attaqu e pour ce motif d j .

2.1.1 Le droit un proc s quitable est garanti notamment par les art. 29 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH. Le principe d galit des armes, tel quil d coule du droit un proc s quitable, exige un "juste quilibre entre les parties" : chacune doit se voir offrir une possibilit raisonnable de pr senter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net d savantage par rapport son ou ses adversaires (arr t du Tribunal f d ral 6B_259/2016 du 21 mars 2017 consid. 4.3.1 et les r f rences cit es). Compris comme lun des aspects de la notion g n rale de proc s quitable au sens de lart. 29 Cst., le droit d tre entendu garantit au justiciable le droit d tre inform et de sexprimer sur les l ments pertinents du litige avant quune d cision touchant sa situation juridique ne soit prise, davoir acc s au dossier, de prendre connaissance de toute argumentation pr sent e au tribunal et de se d terminer son propos, dans la mesure o il lestime n cessaire, que celle-ci contienne ou non de nouveaux l ments de fait ou de droit, et quelle soit ou non concr tement susceptible dinfluer sur le jugement rendre (ATF
142 III 48 consid. 4.1.1 et les r f rences). Le droit d tre entendu d coulant de lart. 29 al. 2 Cst. comprend galement pour le justiciable le droit dobtenir ladministration des preuves pertinentes et valablement offertes, de participer ladministration des preuves essentielles et de se d terminer sur son r sultat lorsque cela est de nature influencer la d cision (ATF 143 V 71 consid. 4.1;
142 II 218 consid. 2.3; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les r f rences).

Le droit de sexprimer avant quune d cision soit prise son encontre ne concerne pas que les d cisions finales. En effet, lon doit reconna tre aux parties le droit de sexprimer sur les d cisions interm diaires galement, en particulier lorsque celles-ci ont une port e d terminante sur la d cision finale qui suivra. Il ne se justifie cependant pas daccorder ce droit aux parties si la situation juridique est claire, tel que dans le cas des avances de frais. En cas de doute, le droit d tre entendu doit n anmoins tre garanti (G SKU, in DIKE-Komm-ZPO, 2 me d. 2016, n. 16 ad art. 53 CPC). Ce devoir est viol lorsque le juge ne prend pas en consid ration des all gu s, arguments, preuves et offres de preuve pr sent s par lune des parties et importants pour la d cision rendre. Il incombe la partie l s e d tablir que lautorit na pas examin certains l ments quelle avait r guli rement avanc s lappui de ses conclusions et que ces l ments taient de nature influer sur le sort du litige (ATF 135 I 187 consid. 2.2).

Selon SCHWANDER, les d cisions dordre proc dural qui impliquent une r orientation fondamentale de la proc dure ("eine grunds tzliche Neuausrichtung des Verfahrens") telles que la suspension du proc s, la division et la jonction des causes sont soumises au principe g n ral selon lequel les parties doivent pouvoir sexprimer avant que le juge ne rende sa d cision. En particulier, les parties doivent avoir la possibilit dattirer son attention sur le fait quune pr tention juridique est li e une autre ou quil existe des interd pendances mat rielles entre celles-ci. Le fait que le tribunal qui conduit le proc s conform ment lart. 124 CPC dispose dun large pouvoir dappr ciation en la mati re signifie a fortiori que les parties doivent tre entendues, pr cis ment pour que le juge puisse exercer son pouvoir dappr ciation en connaissance de cause (SCHWANDER, Commentaire de larr t du Tribunal f d ral 4A_38/2020 du 22 juillet 2020, in PCEF, 52/2020, pp. 346 ss, 348). Cet avis est partag par dautres auteurs, qui consid rent que les parties doivent pouvoir se d terminer avant que le juge ne rende lune ou lautre des d cisions vis es lart. 125 CPC, notamment une ordonnance de division des cause (SCHNEUWLY, in PC CPC, 2021, n. 5 ad art. 125 CPC; GSCHWEND, in BSK ZPO, 3 me d. 2017, n. 4 ad art. 125 CPC).

2.1.2 Le droit d tre entendu est une garantie constitutionnelle de nature formelle, dont la violation entra ne en principe lannulation de la d cision attaqu e, ind pendamment des chances de succ s du recours sur le fond (ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1 et les r f rences).

Malgr son caract re formel, la garantie du droit d tre entendu nest toutefois pas une fin en soi. En particulier, ladmission du grief de refus du droit d tre entendu suppose que, dans sa motivation, le recourant indique quels arguments il aurait fait valoir dans la proc dure cantonale et en quoi ceux-ci auraient t pertinents. A d faut, le renvoi de la cause au juge pr c dent, en raison de la seule violation du droit d tre entendu, risquerait de conduire une vaine formalit et de prolonger inutilement la proc dure. Cette jurisprudence ne signifie pas un abandon de la nature formelle du droit d tre entendu. Elle est au contraire lexpression du principe g n ral de la bonne foi (art. 2 CC), qui limite d j le droit d tre entendu comme tel, d s lors que les droits de participer la proc dure sont limit s aux preuves importantes, respectivement aux r sultats de ladministration des preuves qui sont propres influencer la d cision (arr t du Tribunal f d ral 4A_453/2016 du 16 f vrier 2017 consid. 4.2.3 et 4.2.4).

Une violation du droit d tre entendu peut tre r par e lorsque la partie l s e a la possibilit de sexprimer devant une autorit de recours jouissant dun plein pouvoir dexamen (art. 310 CPC). Une telle r paration nest admissible que dans lhypoth se dune atteinte aux droits proc duraux de la partie l s e qui nest pas particuli rement grave (ATF 137 I 195 consid. 2.3; 135 I 279 consid. 2.6.1; arr t du Tribunal f d ral 5A_925/2015 du 4 mars 2016 consid. 2.3.3.2).

2.2.1 En lesp ce, le Tribunal a rendu la d cision querell e de fa on inopin e, sans que les parties aient eu la possibilit de se prononcer sur lopportunit de diviser la proc dure afin dinstruire s par ment le litige opposant B__ et la Conf d ration la recourante et le litige opposant les m mes demandeurs E__. Ce faisant, le premier juge a m connu le droit de la recourante de se d terminer avant quune d cision ne soit prise son endroit, tant relev que la division des causes aurait pour effet, notamment, de la priver de la possibilit de participer librement ladministration des preuves op r e dans la cause disjointe. La nature de la d cision querell e, qui implique une r orientation significative de la proc dure, ne justifie pas de limiter cette garantie proc durale. Dans ces circonstances, cest bon droit que la recourante reproche au Tribunal davoir viol son droit d tre entendue.

Devant la Cour, la recourante a expos les arguments et moyens de droit quelle aurait fait valoir devant le Tribunal si celui-ci lui en avait donn loccasion. Elle plaide notamment que la division des causes et la mise en uvre de deux expertises s par es, confi es deux sp cialistes diff rents, afin d lucider les m mes faits pertinents (i.e. l tat des connaissances scientifiques en 2009/2010 sagissant des risques encourus par lenfant na tre en cas dexposition in utero au valproate de sodium) risque concr tement daboutir au prononc de d cisions contradictoires sur le fond du litige, les conclusions de chacun des experts tant susceptibles d tre irr conciliables entre elles. La recourante souligne galement le caract re inopportun dune disjonction, qui aurait pour effet de d multiplier les actes de proc dure et, partant, de compliquer le proc s plut t que de le simplifier tout en observant, dune part, que rien nemp che le Tribunal de confier lexpertise souhait e un coll ge dexperts compos dun sp cialiste en pharmacologie et dun sp cialiste en neurologie et, dautre part, que la connexit entre les actions dirig es contre la recourante et contre E__ est manifeste ainsi quen convient implicitement le premier juge (celui-ci envisage en effet de joindre nouveau les causes un stade ult rieur de la proc dure). Or, ce faisant, la recourante se pr vaut darguments pertinents pour statuer sur la disjonction litigieuse qui nont pas t pris en compte par le Tribunal.

Il r sulte de ce qui pr c de que la violation du droit d tre entendue de la recourante ne peut tre gu rie dans la pr sente proc dure de recours, d s lors quelle rev t une certaine gravit et que la cognition de la Cour est limit e en vertu de lart. 320 CPC.

2.2.2 En cons quence, lordonnance attaqu e sera annul e et la cause renvoy e au Tribunal (art. 327 al. 3 let. a CPC), sans quil soit n cessaire de statuer sur le fond du recours.

Le cas ch ant, il appartiendra au premier juge si tant est quil persiste dans cette voie de donner aux parties la facult de se d terminer sur une ventuelle division des causes, avant de rendre une nouvelle d cision sur ce point.

3. Les frais judiciaires du recours, arr t s 1200 fr. (art. 26 et 41 RTFMC), seront laiss s la charge de lEtat de Gen ve, dans la mesure o ils ne sont pas imputables aux parties (art. 107 al. 2 CPC).

Lavance fournie par la recourante lui sera restitu e.

Lart. 107 al. 2 CPC ne sappliquant pas en mati re de d pens, la recourante conservera sa charge ses d pens de recours (ATF 140 III 385 consid. 4.1). Il ne se justifie pas de condamner les intim s au paiement de d pens, d s lors que ceux-ci ne sont pas lorigine de la d cision attaqu e et quils sen sont rapport s justice sur le recours (art. 107 al. 1 let. f CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

D clare recevable le recours interjet par A__ SA contre lordonnance ORTPI/1242/2021 rendue le 16 novembre 2021 par le Tribunal de premi re instance dans la cause C/19246/2017.

Au fond :

Annule lordonnance attaqu e et renvoie la cause au Tribunal de premi re instance.

D boute les parties de toutes autres conclusions de recours.

Sur les frais :

Arr te les frais judiciaires du recours 1200 fr. et les met la charge de lEtat de Gen ve.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire restituer A__ SA lavance de 1200 fr. vers e par celle-ci.

Dit quil nest pas allou de d pens de recours.

Si geant : Madame Nathalie RAPP, pr sidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Jean REYMOND, juges; Madame Sophie MARTINEZ, greffi re.

Indication des voies de recours :

Le Tribunal f d ral conna t, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en mati re civile; la qualit et les autres conditions pour interjeter recours sont d termin es par les art. 72 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal f d ral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110 ). Il conna t galement des recours constitutionnels subsidiaires; la qualit et les autres conditions pour interjeter recours sont d termin es par les art. 113 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motiv doit tre form dans les trente jours qui suivent la notification de lexp dition compl te de larr t attaqu . Lart. 119 al. 1 LTF pr voit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit d poser les deux recours dans un seul m moire.

Le recours doit tre adress au Tribunal f d ral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions p cuniaires au sens de la LTF sup rieure ou gale 30000 fr.

Quelle: https://www.findinfo-tc.vd.ch/justice/findinfo-pub/internet/SimpleSearch.action

Bitte beachten Sie, dass keinen Anspruch auf Aktualität/Richtigkeit/Formatierung und/oder Vollständigkeit besteht und somit jegliche Gewährleistung entfällt. Die Original-Entscheide können Sie unter dem jeweiligen Gericht bestellen oder entnehmen.

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