ZK 2011 574 refus de prolongation de placement d'un enfant
ZK 11 574, publiée en juin 2012
Décision de la 2e Chambre civile de la Cour suprême du canton de Berne
du 4 mai 2012
Composition :
Juges d'appel Niklaus (Juge instructeur), Rieder et Geiser (suppléant) ; Greffière Tobola Dreyfuss
Dans la cause :
K.,
recourante
J.,
recourant
et
la A.__
instance précédente
l'Autorité tutélaire de la Commune de X.,
autorité de première instance
Objet :
recours contre la décision de la Direction de la justice, des affaires communales et des affaires ecclésiastiques (ci-après : JCE) du 29.08.2011
Domaine juridique :
refus de prolongation de placement d'un enfant
Chapeau :
- Art. 4, 5, 7 et 11 OPEE (RS 211.222.338), art. 2 al. 2 et art. 3 al. 5 de l'ordonnance du
4 juillet 1979 réglant le placement d'enfants (RSB 213.223).
Pouvoir d'examen : même si elle est 3e instance cantonale, la Cour doit revoir également l'opportunité de la décision attaquée, le bien de l'enfant étant déterminant en vertu du droit fédéral. Elle n'a toutefois pas à substituer sa propre appréciation à celle des autorités précédentes (c. 1ll.1).
Les grands-parents ne remplissent pas toutes les conditions pour être famille d'accueil, vu les difficultés liées à la personnalité de l'enfant (c. lll.8.b et 111.8.c). La Cour apporte toutefois quelques tempéraments à l'analyse de la JCE et constate que l'encadrement fourni par les grands-parents n'est pas gravement dysfonctionnel, inapproprié ou préjudiciable à l'enfant.
Comme l'enfant est déjà placé chez ses grands-parents, il faut examiner si le non-renouvellement de l'autorisation d'accueil respecte le principe de proportionnalité. En l'espèce, la Cour parvient à la conclusion que la JCE n'a pas suffisamment pris en considération et examiné les solutions alternatives qui s'offrent dans le cas d'espèce. Il n'est dès lors pas possible d'affirmer la nécessité du retrait de l'autorisation (c. 111.8. d).
Opportunité (bien de l'enfant) : pour déterminer le bien de l'enfant, la Cour civile s'inspire des critères développés par la jurisprudence et la doctrine dans le cadre des procédures de séparation et de divorce. En se basant uniquement sur la personnalité de l'enfant et les capacités éducatives des grands-parents pour évaluer le bien de l'enfant, la JCE n'a pas pris en compte tous les critères déterminants. La Cour parvient à la conclusion, après avoir complété l'examen des critères, que le maintien du placement chez les grands-parents s'impose (c. 111.8. e).
Remarque rédactionnelle :
La procédure concerne un enfant de 10 ans, N., souffrant d'un trouble de l'attention avec hyperactivité et probablement d'un trouble affectif, placé auprès de sa grand-mère K. et du compagnon de cette dernière J. (ci-après : les grands-parents), car sa mère S. n'arrivait plus à s'en occuper. Les grands-parents ont reçu à cet effet une autorisation d'accueil limitée dans le temps en 2009. Refus de renouveler cette autorisation par l'Autorité tutélaire de la Commune de X. Recours des grands-parents auprès de la JCE. Se basant sur une expertise effectuée par l'Office des mineurs cantonal, la JCE rejette le recours. Les grands-parents font recours auprès de la Cour suprême du canton de Berne.
Extrait des considérants :
I. EN PROCÉDURE
(...)
II. EN FAIT
(...)
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III. EN DROIT
1. Compétence, recevabilité, pouvoir d'examen
Selon l'art. 26c al. 3 de la Loi du 28 mai 1911 sur l'introduction du Code civil suisse (LiCCS, RSB 211.1) et l'art. 19 al. 3 de l'Ordonnance du 4 juillet 1979 réglant le placement d'enfants (RSB 213.223), les décisions sur recours rendues par la Direction de la justice, des affaires communales et des affaires ecclésiastiques peuvent être attaquées devant la Cour suprême. La 2e Chambre civile de la Cour suprême est dès lors compétente pour statuer sur le recours.
Par le dépôt le 27.09.2011 d'un acte de recours, le délai de 30 jours prévu à l'art. 26c al. 3 LiCCS a été respecté.
L'art. 19 al. 4 de l'Ordonnance réglant le placement d'enfants dispose que la procédure de recours est régie par la Loi du 23 mai 1989 sur la procédure et la juridiction administratives (LPJA ; RSB 155.21). Or, le recours respecte les conditions de formes prescrites par l'art. 32 LPJA et a été formé par des personnes ayant qualité pour le faire au sens de l'art. 79 al. 1 LPJA, respectivement par un mandataire dûment légitimé.
Il y a dès lors lieu d'entrer en matière sur le recours. En l'absence de requête de la part des recourants tendant à ce qu'une audience soit tenue, et faute d'utilité pratique à en ordonner une, en particulier parce que l'administration d'autres moyens de preuve n'est pas nécessaire (voir ci-après chiffre 8.a), la présente procédure est menée en la forme écrite conformément au principe général de l'art. 31 LPJA.
Statuant en tant que deuxième instance cantonale de recours, la 2e Chambre civile n'examine en principe que les griefs liés à la constatation inexacte des faits ou à d'autres violations du droit, à l'exclusion des questions d'opportunité (art. 80 LPJA appliqué par analogie ; voir Circulaire n° 3 de la Section civile de la Cour suprême, ch. Il lit. d). En l'espèce, comme la Direction l'a relevé à juste titre dans sa décision du 29.08.2011 (Dossier Direction, p. 102), toutes les décisions en matière de protection de l'enfant et en particulier en matière de placement d'enfants doivent être prises en fonction du bien de l'enfant. Cette notion du bien de l'enfant découle du droit fédéral et est de rang constitutionnel en vertu de l'art. 11 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst., RS 101 ; voir l'ATF 132 Ill 359, 373 ; voir également PHILIPPE MEIER/MARTIN STETTLER, Droit civil suisse, Droit de la filiation, 4e édition, Schulthess 2009, pp. 283-285 ; BSK ZGB I — AFFOLTER, Art. 405 N. 14). Par définition, le fait de se prononcer en fonction du bien ou de l'intérêt de l'enfant oblige toute autorité à examiner l'opportunité des mesures prises ou à prendre. Cela vaut également dans le champ d'application de l'Ordonnance fédérale du 19 octobre 1977 réglant le placement d'enfants à des fins d'entretien et en vue d'adoption (OPEE, RS 211.222.338 ; voir l'ATF 5A_66/2009 du 06.04.2009, consid. 3.2 et les références citées). L'autorité de céans est dès lors tenue, en vertu du droit fédéral, d'examiner l'opportunité des décisions rendues par la Direction et par l'Autorité tutélaire de X. (ci-après : l'AT X.) dans la mesure où ces décisions touchent au bien ou à l'intérêt de N. Elle n'a cependant pas à substituer sa propre appréciation du bien de N. à celle des autorités ayant statué, mais uniquement à examiner si
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des circonstances pertinentes n'ont pas été prises en considération ou ne l'ont pas été à leur juste valeur ou, à l'inverse, si des éléments non déterminants ont été pris en considération à tort.
2. Dispositions légales et principes applicables
Conformément à l'art. 4 OPEE, toute personne qui, pendant plus de trois mois ou pour une durée indéterminée, accueille chez elle un enfant qui est soumis à la scolarité obligatoire ou qui n'a pas quinze ans révolus, pour assurer son entretien et son éducation, que ce soit à titre onéreux ou gratuit, doit être titulaire d'une autorisation officielle. Le canton de Berne n'a pas renoncé à subordonner au régime de l'autorisation le placement d'un enfant dans sa parenté. En effet, l'art. 2 al. 2 de l'Ordonnance du 4 juillet 1979 réglant le placement d'enfants (RSB 213.223) prévoit que sont également considérés comme confiés aux soins de tiers les enfants placés chez les grands-parents ou d'autres parents pour que ceux-ci en prennent soin et les éduquent.
L'autorisation ne peut être délivrée que si les qualités personnelles, les aptitudes éducatives, l'état de santé des parents nourriciers et des autres personnes vivant dans leur ménage, et les conditions de logement offrent toute garantie que l'enfant placé bénéficiera de soins, d'une éducation et d'une formation adéquats et que le bien-être des autres enfants vivant dans la famille sera sauvegardé (art. 5 OPEE). L'autorité doit déterminer de manière appropriée si les conditions d'accueil sont remplies, surtout en procédant à des visites à domicile et en prenant, s'il le faut, l'avis d'experts (art. 7 OPEE). L'autorisation peut être limitée dans le temps et assortie de charges et de conditions (art. 3 al. 5 de l'Ordonnance cantonale).
Il convient donc d'examiner si c'est à tort ou à raison que les instances précédentes ont refusé de prolonger l'autorisation limitée dans le temps des recourants d'accueillir N. Il sied de constater que la procédure présente une particularité non négligeable par rapport à une procédure ordinaire d'autorisation, à savoir que, dans les faits, N. est déjà placé auprès des recourants. La conséquence en est que les décisions attaquées ne font pas que fermer une porte pour un éventuel placement futur de N. auprès des recourants, mais qu'elles impliquent au contraire obligatoirement un changement de lieu et de circonstances de vie pour N.
Avant de passer à l'appréciation de la 2e Chambre civile, il convient de passer en revue les arguments des autorités et des recourants.
(...)
8. Appréciation de la 2e Chambre civile
a. Moyens de preuve requis
ll sied d'abord de déterminer s'il est indiqué de procéder à l'administration de nouveaux moyens de preuve ou si l'Autorité de céans dispose de tous les éléments pertinents avec le dossier de l'AT X. et celui de la Direction pour statuer en toute connaissance de cause sur le
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recours déposé. En particulier, les recourants soutiennent que les rapports et expertises réalisés ne sont plus d'actualité et qu'il conviendrait d'en ordonner de nouveaux, qui attesteraient de l'évolution de la situation, notamment des progrès réalisés par N.
S'il est vrai que les premières enquêtes remontent à une période relativement éloignée, les derniers rapports datent eux d'environ une année. Il est évident qu'à l'âge de N. un enfant évolue rapidement et sa situation est ainsi soumise à des fluctuations rapides. De ce fait, il n'est pas possible d'actualiser en permanence les divers rapports et prises de position, car une procédure ne pourrait sinon jamais se terminer. Dans le cas d'espèce, il faut relever que tant le Centre de développement et neuroréhabilitation pédiatrique de l'institution Z. (ci-après : le CDN), que l'Ecole primaire de X. et l'Office des mineurs (ci-après : l'OM) se sont exprimés en tenant compte de l'élément important que constitue le début de traitement à la Ritaline au mois d'août 2010 et du développement globalement positif de N. dans les mois qui ont suivi. L'instance précédente a procédé à une instruction approfondie du dossier qui donne une base suffisante pour la prise de décision par la 2e Chambre civile. En outre, le rapport scolaire produit par les recourants est récent et permet donc une appréciation actualisée de la situation de N. à l'école. Dans ces circonstances, la 2e Chambre civile est d'avis qu'une nouvelle administration de la preuve n'est pas nécessaire et que les auditions requises ne sont pas de nature à modifier l'appréciation juridique de la situation.
b. Personnalité de N.
Attendu que l'évaluation de l'aptitude des parents nourriciers ne peut être réalisée sans tenir compte des particularités de l'enfant à placer, il y a lieu d'examiner à ce stade la problématique de la personnalité de N.
Les recourants prétendent qu'après plusieurs mois de traitement, le comportement de l'enfant ne présente plus ou en tous cas beaucoup moins de difficultés.
Afin d'apprécier cette affirmation, il convient de rappeler un certain nombre d'éléments ayant trait à la vie de l'enfant. Ainsi et comme l'a relevé la Direction, la petite enfance de N. a été caractérisée par la violence. L'enfant a été témoin à plusieurs reprises d'actes de violence graves commis par son père envers sa mère. Encore tout petit, N. avait de grands problèmes et souffrait de sérieux troubles du comportement qui représentaient de grands défis pour son entourage, en particulier ses éducateurs. Il était très agressif, agité, impoli et mal accepté des camarades de son âge. Le placement chez les grands-parents est d'ailleurs intervenu parce que la mère était débordée par le comportement de son fils et incapable d'assurer son éducation. Suite à une crise de N. le 28.08.2010, il a été hospitalisé et traité au méthylphénidate (Ritaline). De manière générale, son comportement s'est depuis lors nettement amélioré. Des tests approfondis ont été effectués par la CDN alors que N. se trouvait sous Ritaline depuis plusieurs semaines, si bien qu'ils reflétaient fidèlement la situation de l'enfant. Il en est ressorti que N. souffre de nombreux dysfonctionnements, dont principalement d'un trouble de l'attention/hyperactivité (TDAH), éventuellement d'un désordre affectif (voir ch. Il. 4 ci-dessus et Dossier Direction, p. 50). Dans ces conditions, le suivi thérapeutique nécessité par le garçon est conséquent et forcément appelé à durer. Le fait qu'apparemment les doses de méthylphénidate ont été réduites ne signifie pas que l'affection
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dont souffre N. est en train de disparaître, mais simplement qu'il réagit positivement au traitement et que sa médication doit être ajustée. Autrement dit, les troubles qui l'affectent demeurent, mais leurs symptômes ont tendance à s'amenuiser avec le traitement médicamenteux, lequel est du reste accompagné d'un suivi psychologique.
Pour la 2e Chambre civile, les progrès réalisés par N. au cours des deux dernières années sont sensibles. La prise en charge médicale et psychologique a porté ses fruits et la scolarisation est marquée par de nets progrès. Le dernier rapport scolaire produit par les recourants fait état de nombreuses améliorations dans l'attitude de N. face au travail et à l'apprentissage. Il y est en particulier relevé que N. participe en classe, qu'il montre beaucoup de motivation pour effectuer les travaux, qu'il se met spontanément au travail, qu'il entretient des relations positives avec les autres élèves et avec son enseignante. Le rapport n'occulte toutefois pas les progrès qui restent à faire, en particulier au niveau de l'attention et de la concentration.
Le bilan qui se dégage de tous les éléments du dossier est que N. reste un enfant qui a des problèmes et qui nécessite beaucoup d'attention et de suivi, mais que son évolution est, de manière réjouissante, plutôt favorable. Sur la base de ce qui précède, la Cour de céans considère que la Direction a appliqué correctement le droit et exercé à bon escient son pouvoir d'appréciation en retenant qu'il convenait de respecter des exigences élevées lors du choix des parents nourriciers afin que des soins, une éducation et une formation adéquats soient garantis à N.
c. Conditions de l'art. 5 OPEE
Conformément aux exigences de la loi, les parents nourriciers doivent rassembler un certain nombre de qualités pour se voir confier un enfant (art. 5 OPEE), qualités que la Direction a déniées aux grands-parents dans le cas en examen. Les éléments retenus par la Direction étant expressément contestés par les recourants, il convient de les réexaminer.
1') Les recourants contestent premièrement l'affirm ation selon laquelle ils vivraient repliés sur eux-mêmes, donnant ainsi un mauvais exemple à N., lequel doit impérativement se faire des amis. La Direction a considéré que ce comportement de repli privait N. de la possibilité de progresser dans la gestion des conflits sociaux. Les recourants soulignent les efforts faits pour « sortir » l'enfant au moyen de visites au zoo et au musée ainsi qu'au moyen d'autres balades. Ils insistent également sur le fait qu'ils l'emmènent en outre voir les matches de hockey, et qu'ils l'encouragent à pratiquer le football. Sur ce point, force est de constater que l'argumentation des recourants n'est pas dénuée de pertinence. N. fréquente régulièrement l'école qui est le principal élément de socialisation d'un enfant de son âge. Le dernier rapport scolaire produit par les recourants montre par ailleurs que dans le cadre de l'école, N. « a trouvé une place dans le groupe qui semble lui convenir ». Il a en outre la liberté de s'adonner au football et de nouer des contacts avec des camarades de son âge dans le cadre de cette activité. Selon le rapport de l'OM concernant N., « ses yeux s'illuminent lorsqu'il parle du football et des copains qu'il y rencontre » (Dossier Direction, p. 71), indiquant ainsi que N. trouve un réel plaisir et une source de contacts importants dans cette activité. Il
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est vrai qu'il serait sans doute souhaitable que des contacts réguliers avec des personnes extérieures à la famille soient entretenus par les recourants et N. en tant qu'entité familiale, mais la Cour est d'avis que cet argument à lui seul ne permet pas de déduire que les recourants ne présentent pas les garanties nécessaires pour assurer à N. une éducation adéquate.
2') La recourante conteste aussi l'allégation selon laquelle elle ne tiendrait pas suffisamment compte des remarques qui lui sont faites sur sa manière d'éduquer et de prendre soin de N. Il est exact que les divers rapports figurant dans le dossier de la cause font état de problèmes rencontrés par la recourante dans l'éducation de N. Le fait que N. n'a pas toujours été vêtu d'habits propres peut être considéré comme étant un problème de moindre gravité. En revanche, l'odeur désagréable de fumée est déjà plus problématique. La Direction a relevé à juste titre que ce problème risquait d'avoir pour conséquence que N. soit exclu par ses camarades. Elle a en outre exposé à raison que l'exposition importante de N. à la fumée passive était préjudiciable à sa santé. La recourante allègue qu'elle a arrêté de fumer dans l'appartement, ce qui devrait contribuer à donner une solution à ce problème. Il ne peut naturellement pas être exigé de parents, ni de parents nourriciers qu'ils arrêtent de fumer parce qu'ils ont des enfants. Il semble cependant raisonnablement exigible de parents (naturels ou nourriciers) qu'ils veillent à ce que leurs enfants ne soient pas soumis à de la fumée passive et à ce que leurs habits et effets ne sentent pas la fumée. La Cour est d'avis que la Direction a correctement apprécié la situation en relevant que, sur ce point, les recourants n'avaient pas donné et ne donnaient pas toutes les garanties nécessaires.
3' La recourante soutient qu'en matière de punitions, elle a mis en oeuvre les conseils qui
lui étaient prodigués. Dans sa décision, la Direction relève que les recourants ont parfois eux-mêmes par le passé puni N. trop sévèrement ou trop longtemps. La 2e Chambre civile relève que la manière d'éduquer et de punir un enfant varie beaucoup d'une famille à l'autre et qu'il n'existe à ce sujet aucune réglementation. Selon la jurisprudence les corrections physiques ne doivent pas être utilisées de manière forte et systématique. Elle a laissé ouverte la question de savoir si de légères corrections à but purement éducatif restaient admissibles (ATF 129 IV 216, 221-222). Sur ce point, le dossier ne contient pas d'éléments précis par rapport à de telles punitions physiques ou à d'autres punitions infligées par les recourants qui permettraient à la 2e Chambre civile de dire si le grief de la Direction est effectivement fondé ou non. Le rapport de situation de la curatrice du 25.11.2010 ne donne pas de détails à ce sujet. Il convient également de relever que dans le rapport de l'OM du 24.02.2011, la thématique des punitions n'est plus abordée, si bien qu'il peut être admis que ce problème n'est plus d'actualité et que c'est dès lors à tort que la Direction a retenu cet argument. Il en va par ailleurs de même des punitions prétendument infligées par le parrain de N., sur lesquelles le dossier ne contient pas de détails. Le rapport de l'OM expose par ailleurs que N. aime bien se rendre chez son parrain (Dossier Direction, p. 71-72). En ce qui concerne les punitions infligées par le passé par la maman (Mme S.), le rapport du 29.09.2010 contient un élément, en ce sens qu'elle lui aurait mis du savon dans la bouche (Dossier Direction, p. 22). II convient cependant de relever que ce fait est ancien, qu'il n'est pas celui de la recourante et que cet élément a
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été discuté avec les professionnels impliqués dans la prise en charge de N. Il ne peut dès lors plus être retenu dans le cadre de la présente procédure.
4'Les recourants contestent également le fait qu' ils seraient trop âgés pour accueillir N. sur une longue durée. N. est né le (...), la recourante le (...) et le recourant le (...). La différence d'âge est dès lors de 48 ans respectivement de 60 ans. Les recourants argumentent en particulier, par rapport à cette différence d'âge, que la jurisprudence du Tribunal fédéral relative à la limite de différence d'âge en matière d'adoption ne s'applique pas. La Direction n'a cependant nullement fait application de cette jurisprudence, qui concerne effectivement un autre domaine juridique. Elle a simplement déduit des rapports et renseignements à disposition que les recourants ne parviennent déjà aujourd'hui plus à remplir entièrement les exigences se posant aux parents nourriciers de N. Elle a considéré que cette différence d'âge serait particulièrement sensible au moment de l'adolescence de N. et que les recourants seraient plus souvent poussés dans leurs derniers retranchements ; leur capacité à réagir de manière adéquate pourrait ainsi s'en trouver diminuée. En ce qui concerne le recourant, la 2e Chambre civile est d'avis que l'appréciation de la Direction peut être confirmée. Sans remettre en doute la bonne volonté et l'engagement du recourant pour N., il y a lieu de constater que, d'après le rapport de l'OM, il semble réaliste par rapport aux difficultés que l'éducation d'un adolescent peut engendrer (Dossier Direction p. 74 et 75). Il ressort toutefois clairement du dossier que, dans le couple, c'est davantage la recourante qui est responsable de l'éducation de N. Elle jouit d'une bonne santé et est en mesure de beaucoup s'investir dans sa tâche de maman d'accueil. Sa différence d'âge avec N. est certes plus grande que celle qui existe normalement entre une mère et son fils, mais il est tout de même possible d'affirmer qu'elle est une jeune grand-maman et qu'elle dispose visiblement de ressources suffisantes pour s'occuper de N. Des carences ont certes pu être constatées dans certains domaines de l'éducation de N., un lien direct entre ces carences et l'âge de la recourante ne semble toutefois pas évident à la lecture des rapports figurant au dossier. En conclusion, la 2e Chambre civile est d'avis que les conclusions de la Direction ayant trait à l'âge des recourants doivent être fortement relativisées en ce qui concerne la recourante.
En plus de ces arguments expressément soulevés par les recourants, la Direction a encore abordé d'autres éléments dont il est fait mention notamment dans le rapport de l'OM. Il convient de revoir brièvement ces autres arguments.
5c) La Direction a ainsi relevé que la recourante a vait de la peine à anticiper les véritables
besoins de N. et qu'elle en est souvent réduite à réagir face à des situations difficiles. De même la recourante aurait de la peine « à maintenir le cap sur le long terme » (Dossier Direction, p. 109). La décision attaquée ne contient toutefois pas d'exemples précis de cette problématique, elle se borne à reprendre la remarque contenue dans le rapport de l'OM (Dossier Direction, p. 76). Ce dernier ne donne d'ailleurs pas non plus d'illustration précise sur ce point et semble l'ériger en constatation d'ordre très général. Il est dès lors difficile pour la 2e Chambre civile de réexaminer en détail cet aspect, mais il ne saurait être question de mettre en doute l'appréciation des spécialistes qui ont procédé aux enquêtes concrètes. Tout au plus est-il possible de relever que la manière
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de fonctionner qui est reprochée à la recourante (réaction plutôt qu'action) est celle de nombreux parents et que, s'agissant d'un enfant difficile, elle est d'autant plus compréhensible.
6' La Direction relève ensuite que la recourante n e parvient pas toujours à protéger N. des influences extérieures, par exemple lorsqu'elle l'envoie passer d'assez longues vacances chez son parrain qui semble souffrir de problèmes d'alcool (la question des punitions par ce même parrain a déjà été traitée ci-dessus). Sur ce point, la décision de la Direction n'explique toutefois pas pour quels motifs l'influence du parrain sur N. serait néfaste (Dossier Direction, p. 109), si bien qu'il n'est pas possible pour la 2e Chambre civile de revoir cette question, d'autant plus que le rapport du 20.09.2010 ne donne pas non plus d'indications précises à ce propos (Dossier Direction, p. 23). Dans le même ordre d'idée, la Direction a relevé que la recourante se laissait parfois influencer par sa fille (Mme S.) au détriment de l'enfant (Dossier Direction, p. 110), mais sans détailler cette question. Le rapport du 29.09.2010 donne un élément sur cette question, en ce sens que la mère aurait décidé d'interrompre le suivi au Service psychologique pour enfants et adolescents (ci-après : le SPE), le jugeant inadéquat (Dossier Direction, p. 22). La recourante aurait également été impliquée dans cette décision d'interrompre le suivi (Rapport de la curatrice du 25.11.2010, Dossier Direction, p. 36). Il y a toutefois lieu de relever qu'au cours du placement chez les recourants, un nouveau suivi de N. a été mis en place en novembre 2010 auprès de la Dfe M. au SPE de R. (Dossier Direction, p. 36, 49 et 74), si bien qu'il peut être admis que la recourante a fait le nécessaire.
7' Finalement, la Direction a relevé que la recour ante ne parvenait pas à motiver N. pour les devoirs oraux qui sont mal faits ou pas faits du tout (Dossier Direction, p. 110). Le rapport semestriel récent (du 6 décembre 2011) produit par les recourants ne fait plus spécifiquement état de telles difficultés par rapport aux devoirs. Il mentionne cependant qu'il reste difficile pour N. de garder son attention fixée sur une activité orale plus longue que 10 minutes. Ce rapport relève également que la motivation de N. pour effectuer les divers travaux s'est nettement améliorée. La 2e Chambre civile est d'avis que sur ce point, ce rapport montre les progrès réalisés, mais qu'il reste encore pas mal de travail. Il est difficile, sur la base des éléments au dossier, de faire un lien direct entre l'encadrement de N. par la recourante et la problématique de sa concentration sur les activités orales. Les progrès scolaires de N. depuis son placement chez les recourants sont clairs et indiscutables.
A côté de ces aspects qui ont été jugés négatifs, la Direction a relevé les aspects positifs du placement chez les recourants. Elle a notamment considéré que la relation entre N. et la recourante était très profonde et que ses grands-parents donnaient à N. un plus grand sentiment de sécurité que sa mère (Dossier Direction, p. 109). La Direction a également jugé les conditions de logement chez les recourants comme favorables (Dossier Direction, p. 110).
Sur la base de tous les éléments susmentionnés, la Direction a jugé que les recourants n'étaient pas à même de remplir, que ce soit à court ou à long terme, les conditions de l'art. 5 OPEE.
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Il ressort de l'examen de ces éléments que certains « griefs » retenus à l'encontre des recourants par la Direction ne sont pas susceptibles d'être examinés faute d'avoir été substanciés (punitions par le parrain, protection des influences extérieures). Pour d'autres éléments, la 2e Chambre civile est parvenue à la conclusion que c'est avec raison que les autorités précédentes ont jugé très problématique l'exposition de N. à la fumée passive et les odeurs de ses habits et effets et qu'elles ont relevé les difficultés liées à l'âge du recourant. Les autorités ont aussi retenu de manière correcte que l'attitude de la recourante par rapport à N. était plus réactive qu'active, même si cette manière de faire peut en partie s'expliquer par les difficultés posées par N. En revanche, d'autres aspects, comme le reproche selon lequel les recourants vivraient repliés sur eux-mêmes, qu'ils puniraient N. de façon inappropriée ou qu'ils l'encadreraient de manière insuffisante pour les devoirs n'ont pas pu être retenus tels quels par la 2e Chambre civile. De manière générale, les éléments ressortant des rapports figurant au dossier et de la décision de la Direction rejoignent bien les observations faites par les spécialistes en matière de placement en ce qui concerne les difficultés liées aux placements effectués chez les grands-parents comme famille d'accueil (voir à ce sujet JÜRGEN BLANDOW, Pflegekinder und ihre Familien, Juventa Verlag Weinheim und München 2004, p. 182-190).
Comme cela a déjà été expliqué précédemment, il n'appartient pas à la 2e Chambre civile de substituer sa propre appréciation à celle de la Direction ou de l'AT X. En regard des éléments susmentionnés, la Cour parvient à la conclusion que les autorités précédentes n'ont pas excédé leur pouvoir d'appréciation en considérant que les recourants n'offrent pas toutes les garanties au sens de l'art. 5 OPEE. Il convient cependant de relativiser quelque peu cette appréciation. La 2e Chambre civile est d'avis que l'encadrement que les recourants donnent à N. n'est certes pas optimal dans tous les domaines, mais qu'il n'est en aucun cas gravement dysfonctionnel, inapproprié ou préjudiciable à l'enfant. En effet, il ressort manifestement des divers rapports que le placement de N. chez les recourants et les suivis sur le plan médical et psychologique lui ont été bénéfiques et que ses progrès ont été sensibles dans bien des domaines, notamment au niveau comportemental, relationnel et scolaire.
En l'espèce, s'il s'agissait de définir si une autorisation peut être délivrée aux recourants, la 2e Chambre civile pourrait sans autre confirmer une décision négative des autorités précédentes, en particulier eu égard aux exigences élevées qu'il y a lieu d'avoir en l'espèce (voir lettre b ci-dessus). Néanmoins, ainsi que cela a déjà été relevé, il y a lieu de tenir compte des spécificités de la cause et du fait que N. est déjà placé chez ses grands-parents. La décision de ne pas renouveler l'autorisation d'accueil pour ces derniers a une incidence directe sur lui, dans le sens où elle l'oblige à un changement de lieu de vie. Comme les recourants le demandent, il convient dès lors d'examiner si une telle conséquence respecte le principe de proportionnalité (lettre d ci-après) et si elle est compatible avec le bien de l'enfant, c'est-à -dire opportune (lettre e ci-après).
d. Proportionnalité
Pour être conforme au principe de la proportionnalité, une décision doit être apte à atteindre le but visé, lequel ne peut pas être obtenu par une mesure moins incisive ; il faut en outre
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qu'il existe un rapport raisonnable entre les effets de la décision sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 137 1167, 175176). Le principe de proportionnalité se décompose donc en trois règles : la règle de l'aptitude, la règle de la nécessité et la règle de la proportionnalité au sens étroit.
Dans sa décision, la Direction a à juste titre appliqué l'art. 11 OPEE (Dossier Direction, p. 102), étant donné que le placement a déjà eu lieu et est effectif depuis plus de deux ans. Selon cette disposition, lorsqu'il est impossible de remédier à certains manques ou de surmonter certaines difficultés, même avec le concours du représentant légal ou de celui qui a ordonné le placement ou y a procédé, et que d'autres mesures d'aide apparaissent inutiles, l'autorité retire l'autorisation; elle invite le représentant légal ou celui qui a ordonné le placement ou y a procédé à placer l'enfant ailleurs dans un délai convenable. Cette disposition consacre expressément le principe de proportionnalité en exigeant de l'autorité qu'avant de retirer une autorisation, elle examine si des mesures moins incisives ne seraient pas à même de pallier les manques constatés ou de surmonter les difficultés rencontrées, étant précisé que le retrait d'autorisation et la décision de placement en institution ne peuvent être prises qu'en dernier recours.
Parmi les autres mesures envisagées que le retrait de l'autorisation, la Direction a en particulier rejeté la proposition de la curatrice de laisser N. chez ses grands-parents tout en les incitant à se procurer de l'aide auprès de professionnels. Elle a motivé ce rejet par l'argument selon lequel la recourante n'est pas en mesure de mettre en oeuvre à long terme les conseils qui lui sont donnés (Dossier Direction, p. 111). L'AT X. a également refusé cette solution, estimant dans sa réponse au recours du 21.11.2011 que le curateur ou le psychologue de l'enfant ne devraient pas reprendre des points importants de l'accueil et de l'éducation avec les parents nourriciers.
Quant aux recourants, ils argumentent que la Direction a négligé de prendre en considération l'évolution extrêmement positive de N. depuis son arrivée à X. Ils lui reprochent de n'avoir même pas pris la peine d'étudier si d'autres mesures pouvaient être envisagées, comme par exemple une aide régulière offerte aux recourants par des professionnels de l'éducation comme des assistants sociaux ou, concernant les devoirs, des cours supplémentaires en cas de nécessité. Ils font ainsi valoir que la décision de la Direction ne respecte pas la règle de la nécessité rattachée au principe de proportionnalité.
La question qui se pose n'est donc pas de savoir s'il était judicieux de placer N. chez ses grands-parents en 2009, mais s'il existe aujourd'hui d'autres mesures concrètes plus « douces » que le retrait de l'autorisation d'accueil. Pour la 2e Chambre civile, l'argumentation des recourants n'est pas dénuée de pertinence. Comme le placement a été effectué et durait depuis près de deux ans au moment de la décision de la Direction, cette dernière aurait en effet dû examiner de manière plus approfondie les alternatives envisageables dans la présente procédure. L'AT X. a relevé que ce n'était en principe pas la mission des professionnels que de devoir suivre de près une famille nourricière. La famille d'accueil de N., à savoir les recourants, demande sans doute davantage de suivi et d'encadrement qu'une famille nourricière traditionnelle. Il ne s'agit toutefois pas d'une particularité du cas d'espèce, étant donné qu'il est généralement reconnu que le conseil, l'accompagnement, le soutien et
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la formation de parents nourriciers apparentés appelle des méthodes spécifiques (KATHRIN BARBARA ZATTI, Le placement d'enfants en Suisse, Rapport d'expert sur mandat de l'Office fédéral de la justice, juin 2005, p. 46). La 2e Chambre civile est dès lors d'avis qu'en l'espèce, il aurait fallu examiner de plus près le maintien du placement avec la poursuite de cet encadrement, en le complétant au besoin dans la mesure nécessaire. Il s'agissait par ailleurs de la proposition de la curatrice dans son rapport du 25.11.2010 (Dossier Direction, p. 37) et la Direction n'a pas du tout examiné la suggestion de cette curatrice de faire appel au service de l'AEMO (Action Educative en Milieu Ouvert), qui constitue cependant une solution intéressante. En effet, sur la base de l'ensemble du dossier, la Cour ne peut qualifier la solution du maintien du placement comme étant d'emblée inappropriée ainsi que la Direction l'a fait avec une très brève motivation. Il ressort clairement du dossier que le placement de N. chez les recourants lui a été bénéfique. Par définition, les premiers mois d'un placement sont plus difficiles et, s'agissant d'un enfant à problèmes comme N., on ne saurait exiger de la famille d'accueil qu'elle parvienne d'emblée à poser un cadre optimal et à gérer toutes les difficultés liées à l'éducation et à l'accueil. Depuis l'introduction de la prise de Ritaline, le comportement de N. s'est amélioré et, selon le dernier rapport scolaire semestriel produit par les recourants, ses difficultés scolaires semblent s'être assez fortement amenuisées. De manière générale, il ressort du dossier que la recourante collabore de manière satisfaisante avec les professionnels qui encadrent N. (enseignantes, curatrice, psychologue), même si elle a parfois un peu de peine à mettre en oeuvre les conseils sur le long terme. La 2e Chambre civile est parvenue à la conclusion que l'environnement que les recourants offrent à N. n'est pas gravement dysfonctionnel, inapproprié ou préjudiciable à l'enfant (voir ci-dessus lettre c). Compte tenu de tous ces éléments, il apparaît que le maintien du placement avec la poursuite et éventuellement le développement d'un encadrement n'apparaît pas d'emblée comme une mesure impropre à garantir que N. bénéficie de soins, d'une éducation et d'une formation adéquats. Elle apparaît en outre comme nettement moins incisive que le retrait de l'autorisation d'accueil, tant pour les recourants que pour N.
Sur cette question de la proportionnalité, la Cour ne peut donc pas confirmer la décision de la Direction. Cette dernière n'a en effet pas suffisamment examiné les alternatives qui se posaient et a en particulier rejeté sans motivation particulière les propositions de la curatrice. La Direction et l'AT X. auraient aussi eu la possibilité de poser des conditions claires à la poursuite du placement, notamment en ce qui concerne le risque de voir N. exposé à la fumée passive et les divers suivis jugés nécessaires. La Direction n'a dès lors pas établi à suffisance de droit la nécessité de la décision rendue.
Il y aura donc lieu d'annuler la décision. Par économie de procédure et pour éviter une nouvelle procédure de recours uniquement sur cette question, la 2e Chambre civile va encore examiner les griefs des recourants en lien avec l'opportunité de la décision et avec ses conséquences pour le bien de N.
e. Opportunité et bien de l'enfant ; effets de la décision sur la situation de N. / nouveau
placement
La Direction s'est bien rendue compte du problème des effets d'une éventuelle décision négative lorsqu'elle a donné un mandat à l'OM. Elle a en effet expressément demandé à cet
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office de préciser si — et le cas échéant comment — le placement successif de l'enfant en plusieurs endroits pourrait être évité si les recourants devaient ne pas remplir les conditions d'accueil (décision de l'Office juridique du 27 janvier 2011, Dossier Direction p. 67-68). Dans sa décision la Direction a considéré qu'un nouveau placement représenterait une intervention importante dans la vie de N. Elle a toutefois jugé qu'une évaluation des intérêts de l'enfant à long terme montre que les avantages d'un placement adéquat à long terme l'emportent sur les désavantages que présentent les difficultés initiales liées à la séparation d'avec ses grands-parents.
Les recourants soutiennent quant à eux qu'un placement dans une institution déracinerait complètement N. et lui ferait perdre tous ses repères. Ils sont d'avis que le bien de l'enfant commande qu'il puisse continuer à s'épanouir dans un cadre sécurisant et dans lequel il se sent à l'aise plutôt que de lui imposer un environnement inconnu et dont on ne connaît absolument pas l'impact qu'il pourrait avoir sur son comportement futur.
Il n'est pas possible de définir de manière théorique le bien de l'enfant. La détermination du bien présumé de l'enfant n'est en effet pas une science exacte et comporte toujours une part d'incertitude. Elle dépend des circonstances du cas concret et de nombreux facteurs. Pour faciliter l'analyse, la 2e Chambre civile est d'avis qu'il est possible de reprendre dans la présente procédure les critères développés par la doctrine et la jurisprudence dans le cadre de l'attribution de la garde et de l'autorité parentale en cas de séparation ou de divorce, en faisant naturellement les adaptations nécessaires. Ainsi parmi les principaux critères de jugement du bien de l'enfant, la Cour retient la personnalité de l'enfant, la nature de sa relation avec les personnes qui en ont la garde, les capacités éducatives de ces dernières, la stabilité du cadre socio-éducatif, les éléments liés à une éventuelle fratrie, l'avis des parents et celui de l'enfant (pour les détails, voir MEIER/STETTLER, op. cit., pp. 283 à 294).
Par rapport à ces critères, la 2e Chambre civile considère que la pesée d'intérêts effectuée par la Direction est problématique. La Direction s'est en effet basée pour l'essentiel sur son appréciation de la personnalité de N. et des capacités éducatives des recourants pour déterminer le bien de N. et décider qu'un placement adéquat à long terme devait être préféré. La 2e Chambre civile partage certes pour l'essentiel l'avis de la Direction concernant la personnalité de N. et les capacités éducatives des recourants — en y apportant quelques tempéraments (voir lettres b et c ci-dessus) — mais il ne s'agit pas des seuls éléments à prendre en considération pour déterminer le bien de l'enfant. La Direction a bien fait quelques remarques concernant d'autres critères, mais elle ne les a pas véritablement englobés dans son appréciation. En procédant de la sorte, la Direction n'a pas pris en considération l'ensemble des circonstances pertinentes et la 2e Chambre civile est dès lors tenue de procéder à une nouvelle appréciation sur la base des éléments susmentionnés.
1') La nature de la relation de l'enfant avec les personnes qui en ont la garde. Il ressort du
dossier que N. a eu une petite enfance difficile et caractérisée par la violence. Le placement chez les recourants a été décidé parce que sa mère était dans l'incapacité d'assumer son éducation. Le dernier rapport en date (celui de l'OM du 24.02.2011) montre bien l'attachement de N. à ses grands-parents et en particulier à la recourante. Le rapport fait état d'une grande complicité entre N. et la recourante (Dossier Direction,
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p. 71) et de la relation très profonde qu'ils ont (Dossier Direction, p. 74). N. reçoit beaucoup d'affection de la part de sa grand-mère qu'il considère à la fois comme sa mère et sa grand-mère et est ainsi moins déstabilisé par l'absence de sa mère (rapport de l'OM, Dossier Direction, p. 75). Il vit aujourd'hui dans une petite entité familiale de trois membres et il lui serait vraisemblablement très difficile de s'intégrer dans une grande institution. Dès lors que N. a pu développer un sentiment d'appartenance familiale chez les recourants et qu'il jouit d'une relation profonde et affectueuse avec la recourante, la 2e Chambre civile est d'avis que ce critère parle très nettement en faveur du maintien de la situation actuelle.
Il faut également relever que parmi les spécialistes du placement d'enfants, il est aujourd'hui généralement admis que le placement d'enfant, s'il s'avère nécessaire, est d'autant plus favorable que le milieu d'accueil est plus proche de la famille d'origine de l'enfant et qu'il lui est plus semblable (ZATTI, op. cit., p. 11 ; voir également DAVID BERRIDGE, Placements familiaux ou institutionnels Leçons tirées de la recherche en Grande-Bretagne, in BOLANZ-FAVRE/GOTTRAUX/PETERS, Placements institutionnels - Placements familiaux, Alternative ou complémentarité , Editions EESP, Lausanne 1994, p. 79 ; pour les avantages d'un placement chez les grands-parents, voir également BLANDOW, op. cit., p. 188), ce qui est le cas des recourants par rapport à N.
20) La stabilité du cadre socio-éducatif. Ce critère permet d'évaluer les difficultés liées à un éventuel nouveau changement. S'il n'existe pas de recherches menées à grande échelle sur la question en Suisse, la doctrine spécialisée s'accorde à dire que pour l'enfant, la continuité est le facteur essentiel : il faut absolument éviter les incertitudes et les transferts, synonymes de ruptures et de séparations supplémentaires (ZATTI, op. cit., p. 32). L'AT X. a certes pris des précautions en n'accordant aux recourants qu'une autorisation pour une durée limitée. Il n'y a de ce fait aucun droit acquis pour eux. Ils n'ont par ailleurs aucun droit spécifique du fait du lien parental de la recourante avec N. Néanmoins, il y a lieu de rappeler que le placement a été concrètement effectué avec le concours de l'autorité. Le rapport de l'OM mentionne que ses grands-parents procurent un sentiment de sécurité à N. (Dossier Direction, p. 74 et 75). Il souligne que N. est très attaché non seulement à sa grand-mère, mais aussi à la vie qu'il s'est construite à X. Il serait traumatisant pour lui de tout quitter. A ceci s'ajoute que les conditions de logement et la proximité de l'école ont été jugées favorables par l'OM et la Direction. Il faut finalement relever que les recourants sont très disponibles et ont beaucoup de temps à consacrer à N. Dans ces circonstances, la 2e Chambre civile est d'avis que le critère de la stabilité parle lui aussi très nettement en faveur du maintien du placement actuel.
3') Les éléments liés à une éventuelle fratrie. N. ayant été placé seul chez les recourants, il
a d'ores et déjà été séparé du reste de la fratrie. Le rapport de l'OM fait état de la difficulté de N. à trouver sa place dans la famille à G. (Dossier Direction, p. 75). Il apparait dès lors que ce critère ne joue pas un rôle primordial et qu'il ne parle pas en défaveur du maintien du placement actuel, d'autant plus que des recherches ont montré que le fait que les parents d'accueil n'aient pas d'enfant du même âge ou plus jeune n'est en aucun cas défavorable (BERRIDGE, op. cit., p. 79).
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4' L' avis des parents. Ce critère n'est pas le plus important et il ne saurait â lui seul être décisif, mais il doit malgré tout être examiné. En l'espèce, seul l'avis de la mère est déterminant, N. n'ayant presque jamais eu de contacts avec son père biologique. La mère de N. — qui reste détentrice de l'autorité parentale — semble être satisfaite du placement de N. chez les recourants (rapport de l'OM, Dossier Direction, p. 73). Elle est opposée à tout autre placement (Dossier Direction, p. 77). Dans le même ordre d'idée, il faut relever que les recourants sont également fortement opposés à un nouveau placement. En outre, l'entente entre les recourants et la mère de N. semble bonne, ce qui est un point favorable, car elle évite un déchirement entre la famille d'accueil et la famille naturelle et facilite le maintien du contact de N. avec sa mère (voir BERRIDGE, op. cit., p. 79 ; STEFANO CIRILLO, Familles en crise et placement familial : guide pour les intervenants, éditions ESF Paris 1988, p. 87). Dans ces circonstances, il apparaît que le non-renouvellement de l'autorisation d'accueil pour les recourants entraînerait à terme un nouveau placement qui devrait se faire dans des circonstances particulièrement conflictuelles, ce qui ne saurait être considéré comme favorable au développement de N. Ce critère parle donc également nettement en faveur du maintien du placement actuel.
5~ L' avis de l'enfant. En ce qui concerne N., il ressort du dossier qu'il a dit qu'il ne se sentirait pas bien en cas de décision de placement (Dossier Direction, p. 77) et qu'il souhaite vivre chez ses grands-parents. Compte tenu de son âge au moment du dernier rapport (9 ans), il y a lieu de considérer qu'il était au moins partiellement apte à mesurer l'importance et les conséquences pour lui d'un éventuel nouveau changement de lieu de vie. Ce critère parle donc lui aussi plutôt en faveur du maintien du placement actuel.
Par rapport aux différents critères examinés, ni la loi, ni la jurisprudence, ni la doctrine ne donnent de règles de priorité. Il convient donc de faire une analyse globale de la situation en tentant de pondérer l'importance des différents critères. Il ressort des éléments passés en revue que l'encadrement éducatif offert par les recourants n'est pas optimal vu les difficultés liées à la personnalité de N. Cet encadrement partiellement lacunaire ne justifierait pas une décision de placement initial, mais il ne peut pas être qualifié de gravement dysfonctionnel, inapproprié ou préjudiciable à l'enfant. Les traumatismes subis par N. auraient aussi pu d'emblée justifier un placement en dehors de la famille (ZATTI, op. cit., p. 46), mais les recherches effectuées montrent qu'un tel placement doit se faire lorsque l'enfant est le plus jeune possible (BERRIDGE, op. cit., p. 79). Vu que le placement a déjà eu lieu et que N. a dans l'intervalle atteint l'âge de 10 ans, la Cour est d'avis que la qualité de la relation que N. entretient avec la recourante, que le sentiment d'appartenance familiale qu'il a pu (re-)trouver et que l'affection qu'il reçoit à l'intérieur du cadre familial sont fondamentaux. La figure maternelle que la recourante représente pour N. est tout à fait primordiale pour son développement, en particulier du fait de la peine qu'il a à trouver sa place dans l'entité familiale de sa mère (Mme S.). La même réflexion s'impose par rapport à la stabilité du cadre socio-éducatif. Une nouvelle modification de ce cadre semble aujourd'hui particulièrement délicate. De l'avis de la 2e Chambre civile, ces critères ont plus de poids dans les circonstances actuelles que la recherche d'un encadrement éducatif optimal. La Cour ne
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remet nullement en question les qualités d'une famille d'accueil professionnelle telle que celle de T. qui a été suggérée comme voie possible pour un placement par l'OM. Cependant, si N. était aujourd'hui forcé par l'autorité à quitter le cadre qui lui est donné par sa grand-mère et le recourant pour aller dans une telle famille d'accueil, il y aurait lieu de craindre que le conflit programmé ne le déstabilise très fortement à moyen ou long terme, ce qui ne saurait apparaître préférable à une situation certes imparfaite, mais subsistant avec l'accord de toutes les personnes directement impliquées.
Contrairement à ce qu'a estimé la Direction (dont l'avis est cependant compréhensible compte tenu de l'examen limité aux deux critères que constituent la personnalité de N. et les capacités éducatives des recourants), la 2e Chambre civile estime que les avantages liés à un placement en institution (qui n'ont d'ailleurs pas été détaillés dans la décision de la Direction et qui ne sont pas bien établis au dossier) ne sont pas prédominants et qu'il y a lieu de privilégier le sentiment de sécurité et la stabilité que les recourants procurent à N., d'autant plus que la présente procédure a déjà eu pour lui un effet déstabilisant (entretiens, visites à domiciles, décisions négatives, etc.).
En résumé, si une révocation de l'autorisation d'accueil pourrait s'avérer juridiquement admissible si toutes les autres alternatives devaient échouer ou sembler d'emblée vouées à l'échec (ce qui ne peut être affirmé en l'état actuel de la cause, voir ci-dessus lettre d), elle apparaît dans le cas concret comme difficilement compatible avec le bien de N., un nouveau placement pouvant s'avérer particulièrement traumatisant pour lui et en outre difficile à gérer pour sa famille. La Cour est d'avis qu'il ne se justifie pour l'instant pas de soumettre N. à d'autres enquêtes ou expertises sans raisons impérieuses, ceci pour éviter de maintenir davantage une incertitude qui ne saurait lui être bénéfique et pour éviter de le stigmatiser inutilement. Compte tenu de toutes les spécificités du cas, il apparaît à l'heure actuelle qu'un maintien de l'autorisation d'accueil est la solution la plus favorable pour N.
f. Conclusion
Tant pour des raisons liées au principe de proportionnalité qu'au bien de l'enfant, la 2e Chambre civile ne peut pas confirmer la décision de la Direction. Le recours doit dès lors être admis et la décision du 29.08.2011 annulée dans la mesure où elle a été attaquée. En l'état actuel des choses, le bien de N. commande de prolonger l'autorisation d'accueil délivrée aux recourants le 22.12.2009 et non seulement d'inviter la Direction à examiner plus en détails les solutions alternatives au retrait de l'autorisation d'accueil. Il n'est toutefois pas du ressort de la Cour de prolonger concrètement cette autorisation d'accueil. A cet effet, la cause est renvoyée à la Direction.
Il convient cependant de relever que la conclusion à laquelle la 2e Chambre civile parvient n'oblige pas la Direction à accorder une autorisation pure et simple et non limitée dans le temps aux recourants. Les autorités d'exécution sont en effet libres de prévoir que l'autorisation restera limitée dans le temps pour permettre une nouvelle évaluation de la situation lorsqu'elles le jugeront opportun et nécessaire. De même, comme le prévoient implicitement l'art. 11 OPEE et expressément l'art. 3 al. 5 de l'Ordonnance cantonale, les autorités d'exécution ont la possibilité d'assortir l'autorisation de conditions, par exemple
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concernant la poursuite du soutien de N. par un ou une psychologue, la poursuite d'un suivi médical, d'autres mesures d'encadrement de N., par exemple sur le plan scolaire, la collaboration avec le/la curateur/curatrice, des mesures pour éviter que N. ne soit soumis à la fumée passive, etc. La Direction est par ailleurs libre, avant de rendre une nouvelle décision, d'ordonner de nouvelles mesures d'instruction si elle le juge nécessaire pour définir le contenu précis à donner à l'autorisation. Toujours dans le même ordre d'idée, ces autorités conservent la possibilité de requérir à intervalle régulier des rapports écrits par exemple du corps enseignant ou des autres professionnels encadrant N. leur permettant de contrôler son évolution, étant toutefois précisé que toutes ces mesures devront être mises en oeuvre de manière à stigmatiser N. le moins possible.
La 2e Chambre civile relève également que, par définition, la situation d'un enfant de l'âge de N. est en constante évolution. Les deux dernières années ont montré qu'une évolution globalement positive a pu être observée dans le cadre du placement chez les recourants. De bonnes raisons laissent à penser que N. pourra continuer à se développer de manière positive (compte tenu de sa situation particulière) auprès des recourants et que l'autorisation d'accueil pourra ainsi être renouvelée à l'avenir également. Si tel ne devait pas être le cas, l'AT X. reste libre de prendre de nouvelles dispositions pour le bien de N., étant précisé que, pour tenir compte des particularités de la situation de N., un éventuel retrait de l'autorisation d'accueil des recourants devrait être rendu simultanément à une nouvelle décision de placement indiquant concrètement l'institution prévue et les modalités du placement et ayant préalablement accordé le droit d'être entendu à toutes les personnes intéressées.
IV. FRAIS ET DÉPENS
V. COMMUNICATION
Cette décision est entrée en force.