ZK 2009 538 - Mainlevée définitive
APH 09 538
Jugement de la 2ème Chambre civile de la Cour d’appel du canton de Berne composée des Juges d’appel Rieder (Président a.h.), Wüthrich-Meyer et Bähler, ainsi que de M. Montavon (Greffier)
du 14 janvier 2010
statuant par voie de circulation en la procédure civile liée entre :
Commune de A., agissant par son Autorité tutélaire
requérante/appelante
et
B.
requis/intimé Chapeau
Aux termes de l’article 289 alinéa 2 CC, une collectivité publique ne devient effectivement titulaire de la créance appartenant aux enfants que lorsqu’elle assume elle-même leur entretien. Il lui incombe en conséquence, lorsqu’elle entend recouvrer auprès de l’époux débiteur les contributions d’entretien qu’elle a avancées en faveur des enfants, de prouver les faits selon lesquels elle est devenue cessionnaire de la créance, à quel montant celle-ci s’élève, et la réalité des avances qu’elle allègue avoir effectuées.
Remarques rédactionnelles
L’Autorité tutélaire a requis la mainlevée définitive de l’opposition formée par B. pour un montant de CHF 34'040.00, plus intérêts. Le premier juge n’a admis la requête qu’à hauteur de CHF 32'680.00 (intérêts en sus), au motif que le versement effectif de certains montants n’avait pas été rendu vraisemblable. L’Autorité tutélaire a interjeté appel et réitéré ses conclusions initiales.
La Cour a jugé qu’au vu des pièces présentées, la requête de mainlevée aurait dû être rejetée pour le tout. Toutefois, liée par l’interdiction de la reformatio in pejus, elle a été contrainte de confirmer le premier jugement.
2. ( )
3. ( )
4.
3.1 L’article 289 alinéa 2 CC prévoit ( ) que la prétention à la contribution d’entretien passe avec tous les droits qui lui sont rattachés à la collectivité publique lorsque celle-ci assume l’entretien de l’enfant. Cette disposition crée un cas de subrogation légale au sens de l’article 166 CO (voir ATF 126 III 161 consid. 4b, qui cite notamment STETTLER, in Traité de droit privé suisse, t. III/II/1, 1987, p. 330 et 360, ainsi que HEGNAUER, Berner Kommentar, Band II/2/2/1, 1997, n. 77 ad art. 289 CC). L'article 289 alinéa 2 CC vise en particulier les prestations de l'assistance publique ou de l'aide sociale, y compris les avances. Lorsque la collectivité publique fournit une aide qui se situe en deçà de la prétention à l'entretien de l'enfant, elle n'est subrogée dans les droits de celui-ci que jusqu'à concurrence des prestations versées ; pour le surplus, l'enfant conserve la qualité de créancier des contributions d'entretien dues par les père et mère (MEIER/STETTLER, Droit de la filiation, 4ème édition, Genève-Zurich-Bâle 2009, n. 963 p. 555 s. ; STETTLER, op. cit., p. 330 ; HEGNAUER, op. cit., n. 83 ad art. 289 CC). Lorsque la contribution d'entretien a d'ores et déjà été fixée par décision judiciaire (art. 279 CC) ou par convention (art. 287 CC), la créance en principe mensuelle (cf. art. 285 al. 3) passe à la collectivité publique sitôt qu'elle est exigible (HEGNAUER, op. cit., n. 7 et 85 ad art. 289 CC) ; si en revanche elle n'a pas été fixée, la collectivité publique doit exercer elle-même l'action en entretien (HEGNAUER, op. cit., n. 87 ad art. 289 CC). La cession légale de la créance d'entretien à la collectivité publique donne le droit à celle-ci de réclamer l'entretien en justice, de demander la modification de la contribution alimentaire, de faire aviser les tiers débiteurs et d'exiger des sûretés (ATF 133 III 507 ; ATF 106 III
18 consid. 2). Malgré la cession en faveur de la collectivité, la prétention à la contribution d'entretien de l'enfant est et demeure une prétention fondée sur un rapport de droit privé (ATF 106 II 287 consid. 2a ; arrêt non publié 5A.56/2007 du 6 juin 2007, consid. 1.2 in ATF 133 III 507 ; arrêt 5P.138/2006 du 1er mai 2006, consid. 1.2 ; arrêt 5P.193/2003 du 23 juillet 2003, consid. 1.1.2, in FamPra 2003 p. 971 ; arrêt 5C.193/1998 du 5 juillet 1999, consid. 3a). Dès que la collectivité publique cesse de verser des prestations, l’enfant redevient de par la loi titulaire de la créance d’entretien (HEGNAUER, op. cit., n. 85 et 87 ad art. 289 CC).
3.2 Face à une convention judiciaire homologuée, document ayant valeur de jugement exécutoire (art. 397 al. 3 CPC), et malgré l’absence de tout moyen libératoire soulevé par le poursuivi, le juge, au vu de la nature particulière de la subrogation légale prévue à l’article 289 alinéa 2 CC, qui n’a pas un caractère d’intégralité, ne peut se contenter d’adjuger les conclusions du poursuivant sans autre examen. En effet, il découle de la disposition précitée que la collectivité publique ne devient effectivement titulaire de la créance appartenant aux enfants que lorsqu’elle assume elle-même leur entretien, et seulement jusqu’à concurrence des montants avancés. Il appartient dès lors à l’autorité requérante de prouver les faits selon lesquels elle est devenue cessionnaire de la créance, à quel montant celle-ci s’élève, et la réalité des avances qu’elle allègue avoir effectuées.
3.3 En l’espèce, l’Autorité tutélaire de la Commune de A. a notamment produit, à titre de moyens de preuve, la convention judiciaire passée entre les époux ( ) le 21 septembre 2004 ( ), laquelle a valeur de jugement exécutoire, sa propre décision datée du 15 mai 2006 d’avancer à la mère les contributions d’entretien dues par le père en faveur des enfants à hauteur de la rente maximale d’orphelin simple selon la LAVS ( ), ainsi qu’un décompte interne des avances versées ( ). Or, au vu de ce qui a été dit plus haut, les pièces versées ne constituent qu’une première démarche qui n’établit pas que les montants y figurant ont été effectivement avancés. Le décompte interne joint ne suffit pas non plus, d’autant moins qu’une erreur peut facilement s’y glisser et que le juge de la mainlevée ne dispose d’aucun moyen de contrôle. Vu la répartition du fardeau de la preuve, le silence du requis ne joue aucun rôle. Enfin, il est évident qu’une disposition légale telle que celle dont se prévaut la requérante (art. 6 LACE) n’est pas davantage de nature à établir la preuve d’un paiement effectif, preuve qui est nécessaire à l’admission de la subrogation. Il est à relever que cette preuve déterminante, qui fait défaut en l’occurrence et qui aurait dû amener le premier juge à rejeter la requête de mainlevée pour le tout, aurait été aisée à apporter, par exemple par le biais d’une attestation de la mère des enfants.
La requérante ayant seule interjeté appel du jugement du Président 3, la Cour de céans est toutefois tenue par l’interdiction de la reformatio in pejus (LEUCH/MARBACH/KELLERHALS/STERCHI, Die Zivilprozessordnung für den Kanton Bern, 5. Auflage, Bern 2000, N. 2a ad Art. 333 ZPO). Par voie de conséquence, il convient de prononcer la mainlevée définitive de l’opposition dans la mesure décidée par le premier juge, soit pour un montant de CHF 32'680.00.
( )
6. ( )
Remarque :
Le jugement est entré en force.