E-MailWeiterleiten
LinkedInLinkedIn

Bundesverwaltungsgericht Urteil F-5186/2024

Urteilsdetails des Bundesverwaltungsgerichts F-5186/2024

Instanz:Bundesverwaltungsgericht
Abteilung:Abteilung VI
Dossiernummer:F-5186/2024
Datum:27.08.2024
Leitsatz/Stichwort:Asile (non-entrée en matière) et renvoi (procédure Dublin - art. 31a al. 1 let. b LAsi)
Schlagwörter : Croatie; édure; ’un; érant; ’asile; ’art; Tribunal; ’il; ésent; Suisse; ément; été; ’Etat; écision; ’ils; être; ;Etat; ègle; Dublin; èglement; étermination; éressés; ’une; ères; écité; érants; Etats; ’en; ;asile; établi
Rechtsnorm:-
Referenz BGE:-
Kommentar:

Entscheid des Bundesverwaltungsgerichts

B u n d e s v e r w a l t u n g s g e r i c h t

T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i f f é d é r a l

T r i b u n a l e a m m i n i s t r a t i v o f e d e r a l e T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i v f e d e r a l

Cour VI

F-5186/2024

A r r ê t d u 2 7 a o û t 2 0 2 4

Composition Gregor Chatton, juge unique,

avec l'approbation de Daniele Cattaneo, juge ;

Noémie Gonseth, greffière.

Parties A. ,

  1. ,

    les deux représentés par lic. iur. Serif Altunakar, Rechtsberatung,

  2. P. 134, 9001 St-Gall,

recourants,

contre

Secrétariat d’Etat aux migrations SEM, Quellenweg 6, 3003 Berne,

autorité inférieure.

Objet Asile (non-entrée en matière) et renvoi (procédure Dublin - art. 31a al. 1 let. b LAsi) ;

décision du SEM du 13 août 2024

Faits :

A.

    1. En date du 1er juillet 2024, A. , né le (…) 1998 (ci-après : le requérant ou recourant 1), et B. , née le (…) 1999 (ci-après : la requérante ou recourante 2), tous deux ressortissants turcs, ont déposé une demande d’asile en Suisse.

      Les investigations entreprises par le Secrétariat d’Etat aux migrations (ciaprès : le SEM) ont révélé, après consultation de l’unité centrale du système européen « Eurodac », que les intéressés avaient déposé une demande d’asile en Croatie le 28 juillet 2023.

      Le 4 juillet 2024, ils ont signé les procurations relatives aux pouvoirs de représentation de la Protection juridique de Caritas Suisse.

    2. En date du 9 juillet 2024, les intéressés ont été entendus dans le cadre d’entretiens individuels Dublin en présence de leur représentant juridique. A cette occasion, ils ont décrit leur parcours migratoire, alléguant qu’ils étaient retournés en Turquie pendant environ une année après leur passage en Croatie en juillet 2023. Ils seraient ensuite repartis en direction de la Suisse en camion à la fin du mois de juin 2024. En guise de moyens de preuve de leur retour dans leur pays d’origine, le requérant 1 a déclaré avoir été admis à l’hôpital le 23 février 2024, en raison d’une grippe, et la requérante 2 a remis au SEM des documents. Concernant la potentielle compétence de la Croatie pour traiter de leurs demandes d’asile, ils ont déclaré, en substance, qu’ils ne souhaitaient pas y retourner, car il n’y avait pas de droits de l’Homme dans ce pays. Le requérant 1 a affirmé avoir un grand frère en Suisse. Les requérants ont également pu s’exprimer quant à leur état de santé respectif.

    3. Le même jour, le SEM a soumis aux autorités croates une demande aux fins de la reprise en charge des intéressés, conformément à l’art. 18 par. 1 let. b du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou apatride [refonte] (JO L 180/31 du 29.06.2013, ci-après : règlement Dublin III ou RD III).

Le 22 juillet 2024, les autorités croates ont accepté de reprendre en charge les intéressés, néanmoins sur la base de l’art. 20 par 5 RD III.

B.

Par décision du 13 août 2024, notifiée le même jour, le SEM, se fondant sur l’art. 31a al. 1 let. b LAsi (RS 142.31), n’est pas entré en matière sur les demandes d’asile des requérants, a prononcé le transfert de ceux-ci vers la Croatie et ordonné l’exécution de cette mesure, constatant l’absence d’effet suspensif à un éventuel recours.

Le 13 août 2024, la Protection juridique de Caritas a résilié les mandats constitués en début de procédure.

C.

    1. En date du 20 août 2024 (date du timbre postal), les requérants, agissant par le biais de leur mandataire, ont interjeté recours en langue allemande contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif fédéral (ci-après : le Tribunal ou le TAF), concluant à l’annulation de la décision attaquée et à ce que le SEM fût enjoint d’entrer en matière sur leurs demandes d’asile. Ils ont requis l’octroi de l’effet suspensif ainsi que l’exemption du versement de l’avance de frais.

    2. Par ordonnance de mesures superprovisionnelles du 21 août 2024, l’exécution du transfert des recourants vers la Croatie a été provisoirement suspendue.

D.

Les autres éléments contenus dans les écritures précitées seront examinés, si nécessaire, dans les considérants en droit ci-dessous.

Droit :

1.

    1. Sous réserve des exceptions prévues à l’art. 32 LTAF, le Tribunal, en vertu de l’art. 31 LTAF, connaît des recours contre les décisions au sens de l’art. 5 PA, prises par les autorités mentionnées à l’art. 33 LTAF. En particulier, les décisions rendues par le SEM concernant l’asile sont susceptibles de recours au Tribunal, qui statue définitivement, sauf demande d’extradition déposée par l’Etat dont le requérant cherche à se protéger (art. 33 let. d LTAF, applicable par renvoi de l’art. 105 LAsi, en relation avec l’art. 83 let. d ch. 1 LTF), exception non réalisée en l’espèce.

    2. A moins que la LAsi n’en dispose autrement, la procédure devant le Tribunal est régie par la PA et la LTAF (cf. art. 6 LAsi et art. 37 LTAF).

    3. Les recourants ont qualité pour recourir (cf. art. 48 al. 1 PA, applicable par renvoi de l’art. 37 LTAF). Présenté dans la forme (art. 52 al. 1 PA) et le délai (art. 108 al. 3 LAsi), le recours est recevable.

    4. Dans la procédure de recours, la langue est en générale celle de la décision attaquée. Si les parties utilisent une autre langue officielle, celleci peut être adoptée (art. 33a al. 2 PA). En l’espèce, l’autorité inférieure a rendu sa décision en français, mais le recours a été interjeté en allemand. Dans la mesure où l’ensemble de la procédure contentieuse s’est déroulée en langue française, le présent arrêt est rédigé en français. A cet égard, il peut être attendu du mandataire des intéressés qu’il dispose à tout le moins de connaissances passives du français.

2.

Le recours peut être interjeté pour violation du droit fédéral, notamment pour abus ou excès dans l’exercice du pouvoir d’appréciation, ou pour établissement inexact ou incomplet de l’état de fait pertinent (art. 106 al. 1 let. a et b LAsi). Le grief d’inopportunité, en revanche, est soustrait à l’examen du Tribunal dans les causes relevant du domaine de l’asile (cf. ATAF 2015/9 consid. 6.2 et 8.2.2 [voir aussi consid. 5.6 non publié] ; 2014/26 consid. 5.6).

3.

    1. Le Tribunal, saisi d’un recours contre une décision de non-entrée en matière sur une demande d’asile, se limite à examiner le bien-fondé d’une telle décision (ATAF 2014/39 consid. 2). Plus précisément, il y a lieu de déterminer si le SEM était fondé à faire application de l’art. 31a al. 1 let. b LAsi, disposition en vertu de laquelle il n’entre pas en matière sur une demande d’asile lorsque le requérant peut se rendre dans un Etat tiers compétent, en vertu d’un accord international, pour mener la procédure d’asile et de renvoi.

    2. Avant de faire application de la disposition précitée, le SEM examine la compétence relative au traitement d’une demande d’asile selon les critères fixés dans le règlement Dublin III (cf. art. 1 et 29a de l'ordonnance 1 du 11 août 1999 sur l'asile relative à la procédure [OA 1, RS 142.311]). S’il ressort de cet examen qu’un autre Etat est responsable du traitement de la demande d’asile, le SEM rend une décision de non-entrée en matière après que l’Etat requis a accepté (explicitement ou tacitement) la prise ou la reprise en charge du requérant (art. 29a al. 2 OA 1 [cf. ATAF 2017 VI/7 consid. 2.1 et 2017 VI/5 consid. 6.2]).

    3. En vertu de l'art. 3 par. 1 RD III, une demande de protection internationale est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III de ce règlement désignent comme responsable. Le processus de détermination de l’Etat membre responsable est engagé aussitôt qu’une demande de protection internationale a été déposée pour la première fois dans un Etat membre (cf. art. 20 par. 1 RD III). Dans une procédure de reprise en charge, comme en l'espèce, il n'y a, en principe, aucun nouvel examen de la compétence selon le chapitre III du RD III (cf. arrêt du TAF F-3651/2024 du 17 juin 2024 consid. 1.3 et réf. cit.).

    4. Aux termes de l'art. 20 par. 5 RD III, l'Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite pour la première fois est tenu, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, et en vue d'achever le processus de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de la demande de protection internationale, de reprendre en charge le demandeur qui se trouve dans un autre Etat membre sans titre de séjour ou qui y introduit une demande de protection internationale après avoir retiré sa première demande présentée dans un autre Etat membre pendant le processus de détermination de l'Etat membre responsable. Cette obligation cesse lorsque l'Etat membre auquel il est demandé d'achever le processus de détermination de l'Etat membre responsable peut établir que le demandeur a quitté entre-temps le territoire des Etats membres pendant une période d'au moins trois mois ou a obtenu un titre de séjour d'un autre Etat membre.

    5. Cette disposition implique ainsi le retrait de la demande de protection internationale tel que défini à l'art. 2 let. e RD III. Conformément à la directive no 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale (ci-après : directive Procédure), à laquelle renvoie l'article précité, les démarches par lesquelles le demandeur met fin aux procédures déclenchées par l'introduction de sa demande de protection internationale peuvent être explicites ou implicites. Ainsi, un demandeur qui a formellement averti l'autorité compétente de l'Etat membre dans lequel il avait introduit sa première demande de son souhait de renoncer à celle-ci avant que le processus de détermination de l'Etat membre responsable soit achevé pourra néanmoins être transféré vers ce premier Etat membre en vue de l'achèvement dudit processus. Un transfert à cette fin vers ledit premier Etat membre est également possible dans une situation dans laquelle un demandeur a implicitement mis un terme à la procédure en quittant cet Etat membre, avant que le processus de détermination de l'Etat

      membre responsable de l'examen de la demande soit achevé. Dans ce cas de figure, même si le demandeur n'a pas informé l'autorité compétente de ce premier Etat membre de son souhait de renoncer à sa demande, le processus de détermination de l'Etat responsable est toujours en cours dans cet Etat membre. Partant, il y a lieu de considérer que l'art. 20 par. 5 RD III est également applicable dans une telle situation, le départ du demandeur du territoire d'un Etat membre dans lequel il a introduit une demande de protection internationale devant alors être assimilé, aux fins de l'application de cette disposition, à un retrait implicite de cette demande (cf. arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne [CJUE] C-582/17 et C-583/17 du 2 avril 2019 points 48 à 50 ; arrêt du TAF F-4079/2022 du 23 septembre 2022 consid. 4.3.2).

    6. En l’espèce, le SEM a établi, après consultation de l'unité centrale du système européen « Eurodac », le 3 juillet 2024, que les intéressés avaient déposé une demande d'asile en Croatie, le 28 juillet 2023. Le 9 juillet 2024, le SEM a soumis aux autorités croates compétentes, dans le délai fixé à l'art. 23 par. 2 RD III, une requête aux fins de la reprise en charge des requérants, fondée sur l'art. 18 par. 1 let. b de ce même règlement. Le 22 juillet 2024, soit dans le délai fixé par l'art. 25 par. 1 RD III, lesdites autorités ont expressément accepté de les reprendre en charge, précisant qu'elles allaient poursuivre le processus de détermination de leur responsabilité, en application de l'art. 20 par. 5 RD III.

    7. Les recourants ont soutenu, lors de leurs entretiens individuels Dublin et à l’appui de leur recours, avoir quitté la Croatie le 29 juillet 2023 pour retourner en Turquie en passant par la Bosnie. Ce ne serait qu’à la fin du mois de juin 2024 qu’ils auraient à nouveau quitté la Turquie et auraient voyagé en camion jusqu’en Suisse, où ils avaient déposé leurs demandes d’asile, le 1er juillet 2024. Ils ont ainsi invoqué un motif de cessation de la responsabilité de la Croatie au sens de l’art. 19 par. 2, respectivement de l’art. 20 par. 5 in fine RD III. A l’appui de ces déclarations, ils ont produit deux lettres provenant du parti politique du recourant 1, sur lesquelles figurent la date du (…) mai 2024, ainsi que deux captures d’écran de rendezvous médicaux dans un hôpital turc.

    8. En vertu de l’art. 19 par. 2 RD III, les obligations de l’Etat membre responsable cessent si l’Etat en question peut établir, lorsqu’il lui est demandé de prendre ou reprendre en charge un demandeur, que la personne concernée a quitté le territoire des Etats membres pendant une durée d’au moins trois mois, à moins qu’elle ne soit titulaire d’un titre de séjour en cours de validité délivré par l’Etat membre responsable. Toute

      demande introduite après cette période d’absence est considérée comme une nouvelle demande donnant lieu à une nouvelle procédure de détermination de l’Etat membre responsable (cf. arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne [CJUE] C-647/16 du 31 mai 2018, § 63).

    9. S’agissant de déterminer en particulier si un requérant a quitté le territoire des Etats membres pendant une durée d’au moins trois mois (cf. art. 19 par. 2 et 20 par. 5 RD III), sont considérés comme éléments de preuve un cachet de sortie, des extraits de registres de l’Etat tiers (prouvant le séjour), un cachet d’un Etat tiers limitrophe d’un Etat membre, en tenant compte de l’itinéraire utilisé par le demandeur ainsi que de la date du franchissement de la frontière, et la preuve écrite des autorités attestant l’éloignement effectif de l’étranger. Constituent par ailleurs des indices, des déclarations circonstanciées et vérifiables du demandeur, des rapports/une confirmation des informations par une organisation internationale, telle que le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), des rapports/une confirmation des informations par un autre Etat membre, un cachet de sortie lorsque le demandeur en cause a quitté le territoire des Etats membres pendant une période d’au moins trois mois, des rapports ou une confirmation par des membres de la famille, compagnons de voyage etc., des titres de transport et autres éléments de même nature tendant à prouver le séjour durable de l’intéressé dans un Etat tiers (cf. annexe II du règlement [CE] n°1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 [JO L 222/3 du 05.09.2003], dans sa version modifiée par le règlement Dublin III et le règlement d'exécution [UE] n°118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 [JO L 39/1 du 08.02.2014).

    10. En l’espèce, les pièces produites par les recourants ne revêtent qu’une faible valeur probante, en ce sens qu’elles ne permettent pas d’établir une présence durable des intéressés en Turquie pendant la période invoquée. Lesdites pièces constituent tout au plus de simples indices insuffisamment détaillés qui ne permettent pas au Tribunal d’avoir la certitude que les recourants ont effectivement quitté le territoire des Etats membres pendant une période d’au moins trois mois. A cela s’ajoute que les explications des recourants manquent de crédibilité, compte tenu notamment de leurs incohérences. Le Tribunal retient par conséquent que les recourants n’ont pas rendu vraisemblable qu’ils auraient quitté le territoire des Etats membres pendant trois mois au sens des art. 19 par. 2 et 20 par. 5 RD III, de sorte que la responsabilité de la Croatie n’a pas cessé. On relèvera par ailleurs que cette dernière a expressément accepté la reprise en charge des intéressés. Il se justifie ainsi de faire application

de l'art. 20 par. 5 RD III, conformément à la jurisprudence précitée (cf. supra, consid. 3.5).

4.

Dans leur recours, les intéressés ont fait valoir que le SEM, en les renvoyant en Croatie, violerait les art. 3 par. 2 RD III et 3 CEDH et qu’il existait donc une obligation d’intervention de la Suisse. A ce titre, ils ont invoqué, en substance, qu’il existait des risques concrets qu’ils soient expulsés vers la Turquie, si la Suisse les transférait en Croatie. Par ailleurs, ils ont expliqué s’être mariés en secret dans leur pays d’origine et cela, contre la volonté de leurs parents. Selon leurs dires, il s’agirait d’un acte extrêmement grave eu égard aux us et coutumes locales, en ce sens que les recourants risqueraient leur vie s’ils retournaient en Turquie.

    1. Conformément à l'art. 3 par. 2 al. 2 RD III, il convient tout d’abord d'apprécier s'il y a de sérieuses raisons de considérer qu'il existe en Croatie des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'art. 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (JO C 364/1 du 18.12.2000, Charte UE).

    2. Dans un arrêt de référence en lien avec la Croatie rendu à cinq juges et coordonné au sein des Cours IV, V et VI (cf. arrêt de référence du TAF E-1488/2020 du 22 mars 2023), le Tribunal a, en substance, considéré qu'il n'existait pas à l'heure actuelle d'indices suffisants permettant de considérer que les personnes renvoyées – dans le cadre d'un transfert Dublin – en Croatie risquaient d'être expulsées de manière illégale de ce pays, sans qu'une procédure d'asile ne fût ouverte et menée à terme. Il a dès lors été jugé d'autant moins probable que cela pût se produire de manière systématique (cf. arrêt du TAF E-1488/2020 précité, consid. 9.4.4). Il fallait ainsi partir du principe que les requérants d’asile transférés en Croatie sur la base du RD III avaient accès à la procédure d'asile dans ce pays, et ce, indépendamment qu'il s'agît d'un cas de prise ou de reprise en charge (cf. arrêt E-1488/2020 précité, consid. 9.4.4 in fine et consid. 9.5). Selon le Tribunal, il n’y avait pas lieu de retenir que la procédure d’asile et les conditions d’accueil en Croatie présentaient des défaillances systémiques s’opposant de manière générale à un transfert vers ce pays (cf. arrêt E-1488/2020 précité, consid. 9.5 in fine).

    3. Les arguments avancés par les recourants à l’appui de leurs écritures ne sauraient suffire à remettre en cause cette jurisprudence. Bien que des

fluctuations au niveau du nombre de requérants d’asile pussent influer sur les conditions d’accueil dans les centres croates, le Tribunal ne dispose pas d’indices suffisants lui permettant de retenir de graves carences dans ce domaine. Une application de l'art. 3 par. 2 al. 2 RD III ne se justifie dès lors pas dans le cas d’espèce.

5.

    1. Aux termes de l'art. 17 par. 1 RD III, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par le ressortissant d'un pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement. Comme l'a retenu la jurisprudence, le SEM doit admettre la responsabilité de la Suisse pour examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le RD III, lorsque le transfert envisagé vers l'Etat membre désigné responsable par lesdits critères viole des obligations de la Suisse relevant du droit international public. Il peut également admettre cette responsabilité pour des raisons humanitaires au sens de l'art. 29a al. 3 OA 1 (cf., à ce sujet, ATAF 2015/9 consid. 8.2.2 ; 2012/4 consid. 2.4 in fine et les réf. cit).

    2. S’agissant des mauvais traitements dont les recourants auraient été victimes en Croatie, soit avoir été enfermés dans un véhicule fermé et avoir manqué d’air, le Tribunal ne dispose pas des éléments nécessaires pour conclure qu’ils seraient soumis à des traitements inhumains ou dégradants à leur retour en Croatie dans le cadre d’une procédure Dublin. S’ils ont certes exposé que les conditions d’accueil en Croatie avaient été difficiles et que la police ainsi que les autorités frontalières les avaient maltraités, les recourants n’ont pas démontré que lesdites conditions d’accueil revêtiraient un degré de pénibilité et de gravité tel au point de constituer un traitement contraire à l’art. 3 CEDH, respectivement à l’art. 3 CCT. Ils n’ont pas non plus apporté d’indices objectifs, concrets et sérieux qu’ils seraient eux-mêmes privés durablement de tout accès à des conditions matérielles minimales d’accueil prévues par la directive Accueil (référence complète : directive no 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale [JO L 180/96 du 29.06.2013]) et qu’ils ne pourraient pas bénéficier de l’aide dont ils pourraient avoir besoin pour faire valoir leurs droits.

    3. Selon la jurisprudence de la Cour EDH, le retour forcé des personnes touchées dans leur santé est susceptible de constituer une violation de

      l'art. 3 CEDH lorsqu'il existe des motifs sérieux de croire qu'en l'absence d'un traitement ou d'accès à un traitement, se fait jour un risque réel que la personne renvoyée soit, dans l'Etat d'accueil, exposée à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé, lequel entraînerait des souffrances intenses ou une réduction significative de l'espérance de vie (cf. arrêt de la Cour EDH, Paposhvili c. Belgique, du 13 décembre 2016, Grande Chambre, req. 41738/10, par. 183).

    4. Durant son entretien Dublin, la recourante 2 a signalé souffrir de maux de tête. Sur le plan psychologique, elle a déclaré qu’elle ne se portait pas bien. Entre autres, dans un premier rapport de soins du (…) juillet 2024, l’intéressée a évoqué le fait qu’elle avait bénéficié d’un suivi psychologique sans médication dans son pays d’origine et qu’elle souffrait de céphalées, de troubles du sommeil, d’anxiété et qu’elle faisait des cauchemars. Dans un second journal de soins du (…) juillet 2024, la recourante a, une nouvelle fois, signalé souffrir de troubles du sommeil et d’anxiété. Enfin, dans une pièce médicale du (…) août 2024, il est fait mention d’un probable trouble de stress post-traumatique (TSPT). Sans vouloir minimiser les problèmes de santé mentale de l’intéressée, il y a lieu de considérer que ceux-ci ne présentent pas une spécificité telle qu’ils ne pourraient pas être traités et pris en charge en Croatie. Quant au recourant 1, il a déclaré ne pas avoir de problèmes, si ce n’est des maux de têtes et d’estomac ; les mêmes considérations s’appliquent ainsi à son égard. En tout état de cause, on rappellera que le SEM est tenu de faire parvenir à ses homologues croates les informations médicales pertinentes (cf. art. 31 et 32 RD III).

6.

Pour ce qui a trait au droit au respect de la vie familiale consacré à l'art. 8 CEDH il y a lieu de retenir ce qui suit :

    1. Selon la jurisprudence, l’art. 8 CEDH vise à protéger principalement les relations existant au sein de la famille au sens étroit et plus particulièrement entre époux (respectivement partenaires non mariés engagés dans une relation stable) et entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun (cf. ATF 140 I 77 consid. 5.2, ATF 137 I 113 consid. 6.1 et ATAF 2008/47 consid. 4.1.1). Sa mise en œuvre suppose, s'agissant des relations familiales qui sortent du cadre de ce noyau familial (par exemple entre parents et enfants majeurs ou entre frères et sœurs), l'existence d'un rapport de dépendance particulier entre l'étranger et le proche parent disposant d'un droit de séjour durable en Suisse, par exemple en raison d'un handicap (physique ou mental) ou d'une maladie grave rendant

      nécessaire une assistance importante dans la vie quotidienne, voire des soins permanents que seul un proche parent est en mesure de prodiguer (cf. ATF 145 I 227 consid. 3.1, 144 II 1 consid. 6.1 et 135 I 143 consid. 1.3.2 et 3.1 ; arrêt du TF 2C_471/2019 et 2C_474/2019 du 25 septembre 2019 consid. 4.1 à 4.3)

    2. En l'espèce, les recourants ne sauraient tirer aucun avantage de cette disposition pour la présente cause. Le recourant 1 a fait état, lors de son entretien individuel Dublin, de la présence en Suisse de son frère aîné. A cet égard, l’intéressé a déclaré ne pas avoir de contact avec son frère, dans la mesure où ce dernier vivait en Suisse depuis un certain temps. Au surplus, l’intéressé n’a avancé aucun élément concret ou moyen de preuve probant permettant de songer à l’existence d’un quelconque rapport de dépendance particulier et le Tribunal n’en perçoit aucun.

    3. Dans ces conditions, force est de constater que l’on ne saurait remettre en cause la responsabilité de la Croatie s’agissant du traitement de la demande d’asile des recourants sous l’angle des art. 16 par. 1 RD III et 8 CEDH.

7.

Au vu de ce qui précède, le transfert des recourants vers la Croatie n'est pas contraire aux obligations de la Suisse découlant des art. 25 Cst., 5 al. 1 LAsi, 3 CEDH, 3 CCT et 33 CR. Par ailleurs, il ne peut être reproché à l'autorité inférieure de n'avoir pas tenu compte d'éléments importants lors de l'examen de la clause de souveraineté de l'art. 29a al. 3 OA 1, en lien avec l'art. 17 par. 1 RD III, ou d'en avoir fait une application contraire au droit ou aux principes constitutionnels fondamentaux, en particulier l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement et la proportionnalité.

8.

Dans ces conditions, c'est à bon droit que le SEM n'est pas entré en matière sur les demandes d'asile des recourants, en application de l'art. 31a al. 1 let. b LAsi, et qu'il a prononcé leur transfert de Suisse vers la Croatie, en application de l'art. 44 LAsi, aucune exception à la règle générale du renvoi n'étant réalisée (art. 32 OA 1).

Le recours est, par conséquent, rejeté.

9.

    1. Au vu de ce qui précède, le recours s'avérant manifestement infondé, il est rejeté dans une procédure à juge unique, avec l'approbation d'un second juge (art. 111 let. e LAsi).

      Il est dès lors renoncé à un échange d'écritures, le présent arrêt n'étant motivé que sommairement (cf. art. 111a al. 1 et 2 LAsi).

    2. Dans la mesure où il a été immédiatement statué sur le fond, la requête formulée dans le recours tendant à l'octroi de l'effet suspensif, de même que celle tendant à l’exemption du versement d’une avance de frais sont sans objet. Le prononcé immédiat du présent arrêt rend caduques les mesures superprovisionnelles ordonnées le 21 août 2024.

10.

Au vu de l'issue de la cause, il y a lieu de mettre les frais de procédure à la charge des recourants, conformément aux art. 63 al. 1 PA et art. 2 et 3 let. b du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral (FITAF, RS 173.320.2). Il n’est, pour le surplus, pas alloué de dépens (cf. art. 64 al. 1 PA).

(dispositif page suivante)

Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :

1.

Le recours est rejeté.

2.

Les frais de procédure, d’un montant de 750 francs, sont mis à la charge des recourants. Ce montant doit être versé sur le compte du Tribunal dans les 30 jours dès l’expédition du présent arrêt.

3.

Le présent arrêt est adressé aux recourants, au SEM et à l’autorité cantonale.

Le juge unique : La greffière :

Gregor Chatton Noémie Gonseth

Expédition :

Wollen Sie werbefrei und mehr Einträge sehen? Hier geht es zur Registrierung.

Bitte beachten Sie, dass keinen Anspruch auf Aktualität/Richtigkeit/Formatierung und/oder Vollständigkeit besteht und somit jegliche Gewährleistung entfällt. Die Original-Entscheide können Sie unter dem jeweiligen Gericht bestellen oder entnehmen.

Hier geht es zurück zur Suchmaschine.