Instanz: | Bundesverwaltungsgericht |
Abteilung: | Abteilung V |
Dossiernummer: | E-2989/2023 |
Datum: | 19.07.2024 |
Leitsatz/Stichwort: | Asile et renvoi (procédure accélérée) |
Schlagwörter : | ’il; été; être; ’un; écution; était; Imbonerakure; éré; Burundi; écis; ’intéressé; érant; Tribunal; ésent; ;exécution; ’au; écision; énéral; ’en; éfugié; ’exécution; ément; Suisse; ’être; ’une; ’asile; élections; ;asile; ’ils; ’était |
Rechtsnorm: | - |
Referenz BGE: | - |
Kommentar: |
Cour V
E-2989/2023
Composition Deborah D'Aveni (présidente du collège), Yanick Felley, Roswitha Petry, juges, Alessandra Stevanin, greffière.
Parties A. , né le (…),
Burundi,
représenté par Marie Ammann, Caritas Suisse,
(…),
recourant,
contre
autorité inférieure.
Objet Asile et renvoi (procédure accélérée) ; décision du SEM du 26 avril 2023 / N (…).
Le 28 février 2023, A. (ci-après : l’intéressé, le requérant ou le recourant) a déposé une demande d’asile en Suisse.
Le 2 mars 2023, le requérant a signé un mandat de représentation en faveur des juristes de Caritas Suisse.
Entendu le 17 avril 2023, l’intéressé a exposé être ressortissant burundais, d’ethnie tutsi, né à B. (province de C. ), où il aurait vécu avec sa mère et son frère aîné. En 2020, il se serait installé à D. (province de E. ) chez un membre éloigné de sa famille maternelle. A l’issue de sa scolarité, il aurait suivi des études universitaires à F. , achevées en octobre 2022 par un diplôme en (…).
S’agissant de ses motifs d’asile, il a exposé être membre du parti CNL (Congrès national pour la liberté) depuis janvier 2020. Dans ce cadre, il aurait été chargé par son parti de surveiller le déroulement des élections lors de la campagne électorale du 20 mai 2020. Ce jour-là , aux alentours de 19 heures, des Imbonerakure auraient surgi dans le bureau de vote de
G.
dans le but de substituer les urnes. Le requérant et ses
camarades du CNL s’y seraient opposés, avant d’être embarqués par les Imbonerakure, accompagnés de deux policiers. Contraints de s’agenouiller sur des capsules de bouteilles de limonade durant près de cinq heures, ils auraient été battus et menacés de mort sous une semaine et un mois s’ils venaient à parler de ce qui s’était passé. Ils auraient ensuite été ligotés puis livrés à eux-mêmes jusqu’à ce qu’un cycliste qui passait dans les environs ne les libère, alerté par leurs cris. La nuit suivante, il (le requérant) aurait logé chez un voisin, de peur d’être appréhendé, puis aurait fui, le lendemain, en direction de D. , où il aurait été hébergé par un membre de sa famille éloignée chez lequel il se sentait en sécurité. Il aurait alors continué ses études et poursuivi ses activités politiques de manière discrète pour ne pas attirer l’attention des Imbonerakure.
Au bout d’une année, pensant que cette histoire était derrière lui, il serait retourné vivre auprès de sa mère. Le soir même, alors qu’il était sorti avec un voisin, deux individus se seraient présentés à son domicile et auraient interrogé sa mère à son sujet. Après avoir été informé par cette dernière de la situation, il serait reparti vivre à D. .
Il aurait par ailleurs été agressé à plusieurs reprises par des Imbonerakure ou des individus se présentant comme des policiers en raison des activités exercées par son frère aîné, (…) à caractère politique, désormais exilé en H. . En janvier 2023, alors qu’il rentrait d’une réunion du parti, des policiers l’auraient arrêté avec trois collègues et emmené dans un hangar
abandonné à D.
à bord d’un pick-up. Battus et injuriés en
référence à leur appartenance ethnique, ils auraient été prévenus que leur cas serait jugé le lendemain et qu’ils paieraient cher ce que leurs parents avaient fait en 1994. Profitant du fait que l’un des deux policiers qui les surveillaient se soit absenté aux toilettes, ils seraient parvenus à prendre la fuite par la clôture située à l’arrière du bâtiment.
Quelques jours plus tard, le requérant aurait appris par sa tante qu’il était recherché. Il aurait alors décidé de quitter le pays et aurait fui en direction
de la campagne. Le lendemain, il aurait rejoint I.
de manière
illégale et, avec l’aide d’un passeur, aurait pris l’avion pour la J. , puis la Suisse. Depuis lors, les autorités auraient rendu visite à sa mère à plusieurs reprises. Une semaine avant son audition, cette dernière aurait été violemment agressée.
Interrogé sur son état de santé, le requérant a indiqué avoir des douleurs dorsales suite à des coups qu’il aurait reçus ainsi qu’un problème au niveau des yeux pour lequel il avait consulté un médecin dans son pays d’origine en 2018. Au niveau psychique, il a déclaré ressentir parfois des angoisses en repensant à son vécu.
A l’appui de sa demande d’asile, il a produit l’original de sa carte d’identité, ainsi que des copies de son diplôme universitaire, de son certificat de fin d’études et de sa carte de membre du CNL.
Le 24 avril 2023, le Secrétariat d’Etat aux migrations (ci-après : SEM ou autorité inférieure) a transmis un projet de décision à l’intéressé.
Ce dernier a pris position le lendemain.
Par décision du 26 avril 2023, notifiée le jour même, le SEM a refusé de reconnaître la qualité de réfugié au requérant, a rejeté sa demande d’asile, a prononcé son renvoi de Suisse et a ordonné l’exécution de cette mesure.
En substance, le SEM a retenu que les déclarations de l’intéressé ne répondaient pas aux exigences de vraisemblance énoncées à l’art. 7 LAsi. Il a notamment relevé que l’attitude des Imbonerakure à l’égard des membres du CNL suite à la tentative de fraude électorale ne faisait aucun sens, puisqu’il était illogique que ceux-ci les aient menacés de mort sous une semaine et un mois s’ils venaient à dévoiler ce qui s’était passé, alors que leur irruption dans les locaux avait eu lieu au vu et au su de tous, et qu’ils les aient ligotés pour finalement les abandonner dans un endroit si peu discret qu’un passant les aurait libérés. Il a également considéré douteux que l’intéressé soit resté vivre dans un rayon de 15 à 20 kilomètres de son domicile après les faits s’il était vraiment recherché par les Imbonerakure et d’autant moins crédible que ces derniers ne soient jamais parvenus à l’appréhender. Sur ce point, il a précisé que le fait d’avoir été repéré par les Imbonerakure le jour-même de son retour à son domicile, tout en étant absent au moment de la visite, relevait d’un concours de circonstances particulièrement hasardeux et a estimé que les explications du requérant sur les raisons pour lesquelles il était sorti malgré les risques encourus – à savoir qu’il faisait nuit et que son ami l’avait rassuré – n’étaient pas convaincantes. Le SEM a par ailleurs retenu que les déclarations de l’intéressé relatives au renouvellement de sa carte d’identité étaient confuses et contradictoires – puisqu’il avait, d’une part, indiqué avoir envoyé quelqu’un de peur que les Imbonerakure ne le repèrent et, d’autre part, avoir fait appel à une personne qui avait des relations au niveau de la commune – et considéré invraisemblable qu’il ait été interrogé en janvier 2023, au retour d’une réunion de parti, au sujet de son frère et de faits datant de 2020, ce d’autant que ce dernier avait déjà été interrogé dans le passé et que les autorités avaient eu plusieurs occasions de l’appréhender directement. Enfin, le SEM a considéré que les circonstances dans lesquelles l’intéressé avait pris la fuite du hangar dans lequel il avait été enfermé à cette occasion n’apparaissaient pas davantage crédibles, soulignant que l’un des deux gardes présents sur les lieux aurait forcément prévenu son collègue après s’être aperçu de la supercherie et les aurait rattrapés. Il a au demeurant relevé des contradictions concernant le moment où le requérant aurait appris qu’il était recherché par la police, à savoir le lendemain ou quelques jours plus tard selon les versions.
S’agissant de l’exécution du renvoi, le SEM a considéré cette mesure comme étant licite, exigible et possible. Il a relevé en particulier que suite à la crise politique de 2015, la situation du Burundi s’était améliorée et stabilisée et que le pays ne connaissait pas de violence généralisée sur l’ensemble du territoire, précisant pour le surplus que l’intéressé provenait
de la province de C. , région dans laquelle le contexte sécuritaire n’était pas défavorable. Il a par ailleurs exclu la présence de motifs individuels s’opposant à l’exécution du renvoi, soulignant que l’intéressé était jeune, titulaire d’un diplôme universitaire et que sa famille possédait des biens au Burundi, dont des immeubles. Il a ajouté que celui-ci ne souffrait d’aucun problème de santé particulier, dès lors que les troubles ophtalmologiques et les douleurs dorsales signalés ne présentaient aucune gravité et pouvaient être traités sur place.
Le 24 mai 2023, l’intéressé a interjeté recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif fédéral (ci-après : le Tribunal), par lequel il a conclu à son annulation et, à titre principal, à la reconnaissance de la qualité de réfugié ainsi qu’à l’octroi de l’asile ou, à titre subsidiaire, à l’octroi de l’admission provisoire ou, plus subsidiairement encore, au renvoi de la cause au SEM pour instruction complémentaire. Il a en outre demandé à être dispensé du versement de l’avance de frais et à être mis au bénéfice de l’assistance judiciaire partielle.
A titre préalable, l’intéressé se prévaut d’une violation du devoir d’instruction et de motivation du SEM. Il soutient, d’une part, que la décision querellée est insuffisamment motivée s’agissant de l’exécution du renvoi et, d’autre part, que le SEM aurait dû examiner – indépendamment de la vraisemblance de ses déclarations – les risques de persécution auxquels il serait exposé au Burundi du seul fait de sa qualité de membre du CNL, compte tenu du sort réservé aux opposants politiques par les autorités et les Imbonerakure depuis les élections présidentielles et législatives de mai 2020.
Sur le fond, il fait valoir que son récit est fondé et concluant. Il explique n’avoir jamais affirmé que les urnes avaient été substituées au vu et au su de tous mais qu’au contraire, seules quelques personnes étaient au courant de la tentative de fraude, et conteste avoir été enfermé dans un lieu peu discret, alléguant avoir dû crier pour être repéré et libéré par le cycliste. S’agissant des lieux où il s’est réfugié, il invoque qu’il ne risquait pas d’être reconnu puisqu’il vivait dans un quartier surpeuplé et qu’il évitait de se faire remarquer, et estime tout à fait plausible qu’il ait été repéré par les Imbonerakure après être sorti du domicile de sa mère. Il soutient que les problèmes liés à son frère sont survenus bien plus tard, à savoir après la fuite de ce dernier en octobre 2022, et que la théorie retenue par le SEM selon laquelle l’un des gardes aurait forcément prévenu le second en s’apercevant qu’il avait fui du hangar relève de la simple hypothèse. Quant
au renouvellement de sa carte d’identité, il invoque qu’il est facile de corrompre un agent du gouvernement au Burundi pour obtenir une telle faveur.
Se référant à un rapport de la Commission d’enquête sur le Burundi du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies ainsi qu’à un rapport de l’organisation Human Rights Watch, le recourant dénonce par ailleurs les actions des Imbonerakure contre les opposants politiques le jour des élections du 20 mai 2020 et, surtout, les risques auxquels sont exposés les mandataires désignés par les partis d’opposition, à l’instar du CNL, pour observer librement le déroulement du scrutin, alléguant que nombreux d’entre eux ont depuis disparu ou ont été retrouvés morts, tués en représailles à leur engagement politique.
S’agissant de l’exécution de son renvoi, outre les mesures de représailles auxquelles il serait exposé en raison de son engagement politique en tant que membre du CNL, il soutient, références de jurisprudence à l’appui (en particulier arrêts du Tribunal D-831/2021, E-3234/2018 et E-1699/2017), que l’appréciation du SEM est contraire à sa pratique constante qui considérait jusqu’alors l’exécution du renvoi au Burundi inexigible au regard de la situation sécuritaire du pays. Contestant toute stabilisation de la situation politique depuis lors qui justifierait un changement de pratique, il allègue que le Tribunal a lui-même reconnu, dans son arrêt D-5434/2019, que le contexte général au Burundi demeurait tendu et retenu l’existence de discriminations systématiques commises par les autorités à l’encontre des Tutsis. Il rappelle enfin que les nombreux Burundais ayant trouvé refuge dans les pays limitrophes sont victimes d’exactions et de sévices en tout genre de la part de fonctionnaires publics et des Imbonerakure, en particulier dans les provinces proches du Nord-Kivu, telles que Bubanza, Muramvya et Bujumbura.
Par décision incidente et ordonnance du 30 mai 2023, la juge instructeur a admis la demande d’assistance judiciaire partielle et a invité le SEM à déposer sa réponse.
Dans sa réponse du 7 juin 2023, le SEM a proposé le rejet du recours.
Il considère en substance qu’au vu de l’invraisemblance du récit du recourant, sa seule affiliation au parti CNL ne suffit pas à retenir l’existence d’un profil à risque susceptible d’intéresser les autorités burundaises pour
des raisons politiques, de sorte que cet élément ne constitue pas à lui seul un obstacle à l’exécution de son renvoi et ne nécessitait pas d’être investigué davantage. Pour le reste, il maintient que l’attitude des Imbonerakure consistant à falsifier le scrutin devant des électeurs – présents même en petit nombre – avant de les laisser repartir est illogique s’ils tenaient à garder les faits secrets et écarte l’argument du recourant tendant à invoquer la surpopulation de son quartier pour expliquer comment il aurait échappé aux Imbonerakure. Il estime enfin que l’attitude des membres de ce groupe à l’égard du recourant s’avère d’autant moins compréhensible à la lecture des rapports cités dans le recours et maintient que l'exécution du renvoi au Burundi est actuellement exigible, tout en rappelant qu'il s'agit d'un examen au cas par cas.
Dans sa réplique du 10 juillet 2023, le recourant réitère pour l'essentiel les arguments invoqués dans son recours.
Par courrier de 2 novembre 2023, le recourant a fait parvenir au Tribunal une attestation de participation au processus des élections présidentielles du 20 mai 2020, datée du 1er août 2023.
Les autres faits et arguments de la cause seront examinés, pour autant que de besoin, dans les considérants en droit.
Le Tribunal, en vertu de l'art. 31 LTAF, connaît des recours contre les décisions au sens de l'art. 5 PA prises par les autorités mentionnées à l'art. 33 LTAF.
En particulier, les décisions rendues par le SEM concernant l'asile peuvent être contestées devant le Tribunal (art. 33 let. d LTAF, applicable par renvoi de l'art. 105 LAsi), lequel statue alors définitivement, sauf demande d'extradition déposée par l'Etat dont le requérant cherche à se protéger (art. 83 let. d ch. 1 LTF), exception non réalisée en l’espèce.
Le Tribunal est donc compétent pour statuer sur la présente cause.
Le recourant a qualité pour recourir. Présenté dans la forme (art. 48 et 52 PA) et dans le délai prescrit par la loi (cf. art. 108 al. 1 LAsi et art. 10 de l'ordonnance du 1er avril 2020 sur les mesures prises dans le domaine de l'asile en raison du coronavirus [Ordonnance COVID-19 asile, RS 142.318, abrogée avec effet au 15 décembre 2023] et disposition transitoire de l'ordonnance d'abrogation du 22 novembre 2023 [RO 2023 694] a contrario), le recours est recevable.
A l’appui de sa conclusion en cassation, l’intéressé fait préliminairement valoir une violation du devoir d’instruction et de motivation du SEM en lien avec son profil politique et la situation sécuritaire au Burundi.
Ce grief s’avère toutefois infondé. Il transparaît en effet de la décision querellée que le SEM n’a pas nié l’appartenance du recourant au parti d’opposition CNL, mais simplement relevé qu’en l’absence de profil à risque, sa seule appartenance à ce parti ne suffisait pas à retenir qu’il serait exposé à des traitements inhumains ou dégradants à son retour dans son pays d’origine. Aucun élément ne justifie en l’espèce de s’écarter de ce raisonnement. En effet, interrogé sur la fonction qu’il occupait au sein de son parti, l’intéressé a pour l’essentiel indiqué qu’il était sympathisant depuis 2019, qu’il en était devenu membre en 2020 et qu’il était chargé de communication au niveau local (cf. procès-verbal d’audition [PV] R49 et R51). Invité à décrire la nature de ses activités politiques, il a ajouté qu’elles consistaient essentiellement à faire de la sensibilisation en transmettant des messages du parti aux membres, notamment lorsqu’il y avait des activités en vue (cf. idem R73), se dispensant de tout autre développement. Il a enfin relevé qu’avant son départ du Burundi, il avait évité toute activité politique susceptible de l’exposer (cf. idem R72). Aussi, indépendamment de leur vraisemblance, il ressort à l’évidence des déclarations du recourant qu’il n’occupait aucune fonction politique particulière au sein du CNL qui le distinguerait des autres membres du parti au point de l’exposer concrètement au risque de subir un sort identique à celui des opposants politiques cités dans son recours. En l’absence de profil à risque, c’est dès lors à juste titre que le SEM n’a pas davantage instruit les risques auxquels serait exposé le recourant en cas de retour en raison de sa seule affiliation politique.
Aucun reproche ne saurait non plus être retenu à l’encontre du SEM s’agissant de l’examen du contexte politique et de la situation sécuritaire du Burundi. A ce sujet, force est de constater que l’autorité inférieure ne conteste pas que le Burundi a été frappé par une crise politique suite aux
élections présidentielles de 2015, qui a donné lieu à des affrontements armés et des actions de répression sur une partie du territoire, mais considère que la situation s’est améliorée depuis lors et n’atteint actuellement pas un degré de gravité tel que l’exécution du renvoi devrait être considérée comme inexigible. La question de savoir si ce raisonnement est justifié relève du fond et sera donc examinée ci-après.
Partant, tout grief d’ordre formel doit être écarté.
Sont des réfugiés les personnes qui, dans leur Etat d'origine ou dans le pays de leur dernière résidence, sont exposées à de sérieux préjudices ou craignent à juste titre de l'être en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social déterminé ou de leurs opinions politiques (art. 3 al. 1 LAsi). Sont notamment considérées comme de sérieux préjudices la mise en danger de la vie, de l'intégrité corporelle ou de la liberté, de même que les mesures qui entraînent une pression psychique insupportable (art. 3 al. 2 1ère phr. LAsi).
Quiconque demande l'asile (requérant) doit prouver ou du moins rendre vraisemblable qu'il est un réfugié (art. 7 al. 1 LAsi). La qualité de réfugié est vraisemblable lorsque l'autorité estime que celle-ci est hautement probable (art. 7 al. 2 LAsi). Ne sont pas vraisemblables notamment les allégations qui, sur des points essentiels, ne sont pas suffisamment fondées, qui sont contradictoires, qui ne correspondent pas aux faits ou qui reposent de manière déterminante sur des moyens de preuve faux ou falsifiés (art. 7 al. 3 LAsi).
Des allégations sont vraisemblables, lorsque, sur les points essentiels, elles sont suffisamment fondées (ou : consistantes), concluantes (ou : constantes et cohérentes) et plausibles et que le requérant est personnellement crédible. Les allégations sont fondées, lorsqu'elles reposent sur des descriptions détaillées, précises et concrètes, la vraisemblance de propos généraux, voire stéréotypés étant généralement écartée. Elles sont concluantes, lorsqu'elles sont exemptes de contradictions entre elles, d'une audition à l'autre ou avec les déclarations d'un tiers (par ex. proche parent) sur les mêmes faits. Elles sont plausibles, lorsqu'elles correspondent à des faits démontrés (en particulier aux circonstances générales régnant dans le pays d'origine) et sont conformes à la réalité et à l'expérience générale de la vie. La crédibilité du requérant d'asile fait défaut non seulement lorsque celui-ci s'appuie sur des moyens de preuve faux ou falsifiés, mais encore s'il dissimule des faits importants,
en donne sciemment une description erronée, modifie ses allégations en cours de procédure ou en rajoute de façon tardive et sans raison apparente ou s'il enfreint son obligation de collaborer (cf. ATAF 2012/5 consid. 2.2).
A l’instar du SEM, le Tribunal considère que le recourant n’a pas été en mesure de faire apparaître la crédibilité de ses motifs d’asile. Son récit s’avère en effet émaillé de nombreuses incohérences. Outre celles déjà relevées par le SEM, auxquelles il peut être renvoyé, le Tribunal retient ce qui suit.
D’emblée, il est constaté que le récit du recourant donne l’impression générale d’un discours préfabriqué. Tels que décrits, les faits semblent surfaits, dépourvus de substance et contraires à la réalité. S’il expose avoir connu des problèmes avec les Imbonerakure suite aux élections présidentielles de mai 2020, la description concrète qu’a donnée le recourant des ennuis rencontrés avec les autorités s’avère pour le moins succincte. En effet, invité à s’exprimer librement sur ses motifs d’asile, celui-ci a d’abord indiqué, en quelques lignes seulement, que les Imbonerakure avaient surgi dans les locaux aux alentours de 19 heures, qu’ils avaient coupé la lumière et voulu substituer les urnes par des urnes bourrées, puis l’avaient embarqué avec ses camarades pour les contraindre à s’agenouiller durant cinq heures sur des capsules de bouteilles de limonade, en les frappant et les ligotant avant de finalement repartir. S’il a certes indiqué s’être opposé aux Imbonerkure, le recourant s’est toutefois dispensé de tout commentaire sur ses interactions avec les membres de ce groupe et les circonstances périphériques de cet épisode, soit notamment le contenu de leur conversation, le lieu dans lequel il aurait été emmené et enfermé ou encore les sévices auxquels il aurait été soumis et les séquelles, physiques ou psychiques, qui en auraient découlé.
A cela s’ajoute que le recourant a d’emblée narré ce qu’il s’était passé dans le bureau de vote aux alentours de 19 heures, sans toutefois véritablement expliquer le contexte ayant précédé et suivi les faits. Il se concentre à l’évidence sur les seuls éléments présentant une certaine pertinence en matière d’asile, sans donner aucune indication contextuelle. Par exemple, invité par le SEM à décrire ce qu’il s’était exactement passé entre le moment où il a été relâché et son arrivée à D. , le recourant a d’abord indiqué ne pas comprendre la question pour finalement répéter qu’un cycliste les avait libérés, qu’il avait évité de passer la nuit chez lui de peur que l’on vienne le chercher et qu’il avait ensuite quitté la province par la rivière K. (cf. PV R57 et R58). Prié de décrire son installation Ã
D. , il a indiqué qu’il s’y sentait en sécurité et qu’il avait pu poursuivre ses études et ses activités politiques discrètement pour éviter d’être repéré (cf. idem R59). S’il insiste sur le fait qu’il redoutait d’être repéré (« je ne pouvais pas retourner à la maison car j’avais peur qu’ils ne viennent me chercher » ; « j’avais peur des conséquences au cas où je serais aperçu par les jeunes Imbonerakure »), il ne dit en revanche rien sur la manière dont il s’est rendu chez la personne qui l’a logé, ni même sur cette personne en particulier, si bien qu’il ne répond pas véritablement aux questions du SEM mais se borne à des allocutions surfaites et stéréotypées qui ne permettent pas de percevoir le moindre indice d’une situation véritablement vécue. Le même constat s’impose par ailleurs en ce qui concerne les événements ayant suivi sa fuite du hangar en janvier 2023, le recourant s’étant limité à indiquer qu’il ne lui restait plus qu’à fuir s’il voulait échapper à la mort (cf. idem R81). Quant aux prétendues activités politiques qu’il a exercées, il a déclaré pour l’essentiel qu’elles consistaient à faire de la sensibilisation en transmettant des messages aux membres du parti, notamment lorsqu’il y avait des activités en vue (cf. idem R73). Or, si l’intéressé avait un rôle politique quelconque, il aurait de toute évidence été en mesure de décrire ses activités politiques avec plus de détails et de façon plus convaincante. Pour le reste, ses réponses tiennent sur quelques lignes seulement, sans développement particulier – à l’instar de la manière dont il aurait découvert qu’il était recherché (sa tante l’ayant informé qu’un avis de recherche le concernant avait été émis [cf. PV R84]) ou de ses craintes en cas de retour (à savoir le fait d’être tué après avoir été torturé [cf. idem R90]) –, laissant ainsi transparaître sa difficulté à répondre aux questions qui lui sont posées.
Les arrestations répétées du recourant par les Imbonerakure ou des individus se faisant passer pour des policiers en lien avec les activités de son frère n’apparaissent pas non plus crédibles. D’abord, le recourant s’est limité à faire valoir, de manière stéréotypée, qu’il avait été victime de menaces et de quelques gifles et coups de poing (cf. PV R48). Ensuite, il a simplement indiqué que son frère était « un chanteur dont les thèmes étaient politiques » (cf. PV R48), sans plus ample information. Invité à préciser les problèmes que celui-ci avait rencontrés, il a ajouté qu’il était contre la discrimination et que « ça transparaissait dans ses chansons » (cf. idem R74). Dans ces conditions, l’on peine à comprendre le motif pour lequel l’intéressé aurait été arrêté, en janvier 2023, soit plusieurs mois après l’exil de son frère, au retour d’une réunion de parti et aurait, dans ce cadre, été interrogé à son sujet (cf. idem R78). A fortiori, l’on perçoit d’autant moins les raisons pour lesquelles les autorités auraient opté pour une méthode d’arrestation aussi drastique que celle alléguée, alors que
son frère lui-même n’avait vraisemblablement jamais été inquiété dans une telle mesure. Les explications du recourant sur les circonstances de cet événement s’avèrent d’ailleurs tout aussi insubstantielles que le reste de son récit, puisqu’il s’en tient à mentionner avoir été traité de « chien tutsi » et menacé de « payer cher ce que ses parents avaient fait en 1994 » (cf. idem R48 et R78).
A noter encore que le recourant ne parvient pas à expliquer les raisons pour lesquelles il aurait systématiquement pu échapper aux Imbonerakure. L’argument selon lequel « le Bon Dieu » l’en aurait protégé (cf. PV R53) et les circonstances extraordinaires dans lesquelles il aurait pu s’échapper (la première fois grâce à un cycliste et la seconde en trompant la vigilance des gardiens du hangar) peinent à convaincre. En outre, et comme relevé à juste titre par le SEM, le fait que les Imbonerakure se rendent chez sa mère le jour même de son retour à la maison après une année d’absence, sans aucun signe avant-coureur, et alors qu’il n’était pas présent à ce moment précis, semble beaucoup trop incroyable pour correspondre à la réalité.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, les arguments invoqués par le recourant au stade du recours ne lui sont d’aucun secours. En particulier, les questions de savoir qui était présent lors de la tentative de fraude et si le local dans lequel les membres du CNL avaient été enfermés était discret ne sont pas déterminantes. Quant à l’explication selon laquelle l’intéressé n’a pas été repéré par les Imbonerakure car il vivait dans un quartier surpeuplé et qu’il lui a été facile de renouveler sa carte d’identité en ayant recours à la corruption, ne saurait emporter la conviction. Enfin, les développements concernant le contexte des élections du 20 mai 2020 ne sont pas davantage décisifs, puisque ceux-ci ne sont pas contestés en tant que tels.
Compte tenu de l’ensemble de tous ces éléments, l’on ne saurait considérer les déclarations du recourant comme étant fondées.
L’attestation du CNL produite à l’appui du recours ne permet pas de modifier ce constat. Indépendamment du caractère tardif de sa production, elle ne fait en effet qu’attester la participation du recourant au processus d’élections du 20 mai 2020, mais en aucun cas les circonstances de son arrestation.
Par conséquent, il y a lieu de confirmer que le recourant ne rend pas vraisemblables les motifs de fuite invoqués au sens des art. 3 et 7 LAsi.
Toute crainte de persécution en cas de retour au Burundi doit en conséquence aussi être déniée.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté, en tant qu'il conteste le refus de reconnaissance de la qualité de réfugié et le rejet de la demande d'asile.
Lorsqu'il rejette la demande d'asile ou qu'il refuse d'entrer en matière à ce sujet, le SEM prononce, en règle générale, le renvoi de Suisse et en ordonne l'exécution (art. 44 LAsi).
Aucune exception à la règle générale du renvoi, énoncée à l'art. 32 al. 1 de l'ordonnance 1 du 11 août 1999 sur l'asile relative à la procédure (OA 1, RS 142.311), n'étant en l'occurrence réalisée, le Tribunal est tenu, de par la loi, de confirmer cette mesure.
L'exécution du renvoi est ordonnée si elle est licite, raisonnablement exigible et possible. Si ces conditions ne sont pas réunies, l'admission provisoire doit être prononcée. Celle-ci est réglée par l'art. 83 LEI (RS 142.20).
L'exécution du renvoi est illicite, lorsque la Suisse, pour des raisons de droit international public, ne peut contraindre un étranger à se rendre dans un pays donné ou qu'aucun autre Etat, respectant le principe du non-refoulement, ne se déclare prêt à l'accueillir ; il s'agit d'abord de l'étranger reconnu réfugié, mais soumis à une clause d'exclusion de l'asile, et ensuite de l'étranger pouvant démontrer qu'il serait exposé à un traitement prohibé par l'art. 3 CEDH (RS 0.101) ou encore l'art. 3 de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Conv. torture, RS 0.105).
En l'occurrence, l'exécution du renvoi ne contrevient pas au principe de non-refoulement de l'art. 5 LAsi, le recourant n'ayant pas rendu vraisemblable qu'il serait exposé, en cas de retour au Burundi, à de sérieux préjudices au sens de l'art. 3 LAsi (cf. supra).
Pour les raisons déjà exposées, le recourant ne démontre pas non plus à satisfaction de droit qu'il existerait pour lui un risque réel, fondé sur des motifs sérieux et avérés, d'être victime de torture ou encore d'une peine et
d'un traitement inhumain ou dégradant au sens de l'art. 3 CEDH ou de l'art. 3 Conv. torture en cas d'exécution du renvoi dans son pays d'origine.
Au vu de ce qui précède, l'exécution de son renvoi sous forme de refoulement ne transgresse aucun engagement de la Suisse relevant du droit international, de sorte qu'elle s'avère licite (art. 83 al. 3 LEI ; ATAF 2014/28 consid. 11).
Selon l'art. 83 al. 4 LEI, l'exécution de la décision peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale. Cette disposition s'applique en premier lieu aux
« réfugiés de la violence », soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu'ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée, et ensuite aux personnes pour qui un retour reviendrait à les mettre concrètement en danger, notamment parce qu'elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont besoin (cf. ATAF 2014/26 consid. 7.3 à 7.10 ; 2011/50 consid. 8.1 à 8.3).
Même si le Burundi est régulièrement en proie à de vives tensions politico-sociales, il est notoire que ce pays ne connaît pas une situation de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée qui permettrait d'emblée
– et indépendamment des circonstances du cas d'espèce – de présumer, à propos de tous ses ressortissants, l'existence d'une mise en danger concrète au sens de l'art. 83 al. 4 LEI.
Contrairement à ce que prétend le recourant, dans sa pratique, le Tribunal ne part pas du principe que l'exécution du renvoi vers le Burundi est inexigible, même si la situation générale dans certaines provinces est délicate, notamment du point de vue économique et sécuritaire (cf., à ce sujet, les arrêts récents du Tribunal E-6943/2023 du 26 février 2024 consid. 8.2 ; E-3021/2023 du 29 novembre 2023 consid. 9.2 ; D-4546/2023 du 8
septembre 2023 consid. 12.3 ; E-1766/2023 du 24 mai 2023 consid. 7.4.2 et réf. cit., dans lesquels le prononcé de l’exécution du renvoi a été confirmé).
Dans le cas présent, il n'existe aucun obstacle individuel à l'exécution du renvoi. En effet, le recourant dispose d’un réseau familial au Burundi, dont sa mère, domiciliée à L. , une tante et un parent paternel plus
éloigné. Il est titulaire d’un diplôme universitaire en (…), qui devrait lui permettre de se réinsérer sur le marché du travail à son retour. Ainsi que retenu par le SEM, il pourra au besoin compter sur le soutien financier de sa mère, comme cela a été le cas dans le passé, voire bénéficier des revenus procurés par les biens immobiliers dont il a hérité de son père (cf. PV R23). Compte tenu de ces éléments et de son âge ([…] ans), le Tribunal considère que le recourant pourra aisément se rétablir dans la vie active à son retour dans son pays d’origine.
A noter que sur le plan médical, l’intéressé a allégué souffrir de douleurs dorsales et d’un problème ophtalmologique. Il a ajouté avoir consulté un médecin dans son pays d’origine, lequel lui a prescrit des lunettes. Force est dès lors de constater que les affections dont il est atteint peuvent être soignées au Burundi et qu’il lui sera loisible, si besoin, de faire appel à un médecin dans son pays d’origine, comme cela a été le cas dans le passé. Dans ces conditions, il y a lieu d’exclure l’existence d’une problématique médicale suffisamment grave de nature à faire obstacle à l’exécution du renvoi du recourant, ce qui n’est du reste pas contesté.
Pour l’ensemble de ces motifs, l'exécution du renvoi doit être considérée comme raisonnablement exigible.
Enfin, le recourant est en possession de documents suffisants pour rentrer dans son pays ou, à tout le moins, est en mesure d'entreprendre toute démarche nécessaire auprès de la représentation de son pays d'origine en vue de l'obtention de documents de voyage lui permettant de quitter la Suisse. L'exécution du renvoi ne se heurte donc pas à des obstacles insurmontables d'ordre technique et s'avère également possible (cf. ATAF 2008/34 consid. 12).
La décision du SEM doit donc également être confirmée en ce qu'elle porte sur l'exécution du renvoi.
En conséquence, le recours est rejeté, également en tant qu'il conteste le renvoi du recourant et l'exécution de cette mesure.
L'assistance judiciaire partielle ayant été accordée au recourant par décision incidente du 30 mai 2023, il n'y a pas lieu de percevoir de frais de procédure (art. 65 al. 1 PA).
(dispositif : page suivante)
Le recours est rejeté.
Il n'est pas perçu de frais de procédure.
Le présent arrêt est adressé au recourant, au SEM et à l'autorité cantonale.
La présidente du collège : La greffière :
Deborah D'Aveni Alessandra Stevanin
Expédition :
Bitte beachten Sie, dass keinen Anspruch auf Aktualität/Richtigkeit/Formatierung und/oder Vollständigkeit besteht und somit jegliche Gewährleistung entfällt. Die Original-Entscheide können Sie unter dem jeweiligen Gericht bestellen oder entnehmen.
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