Instanz: | Bundesverwaltungsgericht |
Abteilung: | Abteilung V |
Dossiernummer: | E-1296/2019 |
Datum: | 08.01.2020 |
Leitsatz/Stichwort: | Asile et renvoi |
Schlagwörter : | Rsquo;a; Rsquo;art; écution; Rsquo;il; ;exécution; Erythrée; être; Rsquo;exécution; Rsquo;un; égal; était; Tribunal; ;asile; ères; égale; éfugié; ément; été; Rsquo;asile; écision; Rsquo;au; éré; ;être; Rsquo;est; Suisse; également; Rsquo;une; ;elle; Rsquo;Erythrée; Rsquo;être |
Rechtsnorm: | - |
Referenz BGE: | - |
Kommentar: | - |
Cour V
E-1296/2019
Composition Jean-Pierre Monnet (président du collège), Jeannine Scherrer-Bänziger, William Waeber, juges, Jean-Marie Staubli, greffier.
Parties A. _, né le ( ),
alias A. , né le ( ), alias A. , né le ( ), Erythrée,
représenté par Mathias Deshusses,
Entraide Protestante Suisse EPER/SAJE, ( ), recourant,
contre
autorité inférieure.
Objet Reconnaissance de la qualité de réfugié et renvoi ; décision du SEM du 15 février 2019 / N ( ).
Le 16 août 2016, le recourant a déposé une demande d’asile en Suisse.
Lors de son audition sommaire du 8 septembre 2016, le recourant a déclaré qu’il était d’ethnie ( ), qu’il provenait du village de B. situé non loin de C. dans le zoba D. où il habitait avec ses parents et qu’il était né le ( ). Il aurait cinq frères et une sÅ“ur, ainsi que quatre tantes et un oncle, lequel vivrait aux E. . Il aurait été scolarisé dès septembre ( ), à l’âge de sept ans, jusqu’au premier mois de la neuvième année et aurait redoublé en ( ) la sixième année.
Un soir de septembre 2014, alors qu’il avait ( ) ou ( ) ans (selon les versions), neuf militaires se seraient rendus chez lui de manière violente pour arrêter son frère F. , instructeur militaire à G. , qui aurait déserté et serait retourné au domicile familial. A leur arrivée, F. se serait disputé avec eux, lesquels l’auraient alors frappé avec une pierre. Il aurait toutefois réussi à s’enfuir. Son autre frère H. à l’instar de l’épouse de son frère F. et ses enfants auraient été arrêtés puis emprisonnés. Le recourant se serait cassé le pied lors de l’intervention.
Suite à cette intervention, le recourant se serait rendu à I. pour y être soigné. Alors qu’il était hospitalisé, son père et sa mère auraient été arrêtés puis emprisonnés. Sa mère aurait été libérée à mi-septembre. Mioctobre, il serait sorti de l’hôpital et serait retourné à l’école. En raison de contrôles fréquents effectués par l’armée, il aurait arrêté l’école et serait allé travailler dans les champs jusqu’à la fin des récoltes.
En janvier 2015, il aurait fui illégalement l’Erythrée pour se rendre en Ethiopie, puis au Soudan et enfin, en avril 2016, en Libye, où il aurait embarqué pour l’Italie avant de rejoindre la Suisse.
Lors de son audition sur les motifs d’asile du 25 juillet 2017, le recourant a indiqué que, lors de leur intervention d’un soir de septembre 2014, les militaires avaient tiré des coups de feu et détruit un mur avec leurs armes qui s’était alors écroulé. Il en aurait été blessé au pied. Son frère F. aurait réussi à fuir et à quitter l’Erythrée avec J. , un autre de ses frères. Ils se trouveraient désormais en K. , respectivement en
L. . En revanche, les militaires auraient arrêté puis emprisonné son père ainsi que son frère H. qui se serait trouvé au domicile familial en raison de sa désertion de la police militaire.
Le lendemain, le recourant et sa belle-sÅ“ur, blessée au visage, auraient été conduits par sa tante paternelle à I. afin qu’ils puissent s’y faire soigner. Le recourant aurait été hospitalisé durant un mois. Quant à sa belle-sÅ“ur, elle aurait été arrêtée trois ou quatre jours plus tard, puis emprisonnée. Il ne saurait pas ce qui lui serait advenu par la suite.
Au début du mois d’octobre 2014, la mère du recourant aurait été également emprisonnée, puis relâchée quinze jours plus tard en raison de problèmes de santé.
En octobre 2014, le recourant serait sorti de l’hôpital et aurait commencé sa neuvième année scolaire. Il aurait toutefois dû l’arrêter un mois après, en raison de multiples absences. En effet, des militaires seraient allés régulièrement ou chaque jour (selon les versions) chez lui ou en classe en vue de l’interroger sur le lieu de séjour de ses deux frères. A chaque fois, ils l’auraient tiré par le cou avant de l’interroger, les mains liées, à l’extérieur ; ils l’auraient également empêché de retourner en classe. Comme c’était la saison des récoltes, il serait alors allé travailler dans les champs.
D’octobre à novembre 2014, des militaires auraient continué à venir sur ses lieux de travail et à l’interroger au sujet de ses frères. A la fin des récoltes, en décembre 2014, il aurait quitté son domicile et serait allé vivre chez sa tante paternelle ou des amis. En janvier 2015, il a fui son pays.
A la suite de son départ du pays, sa famille avec laquelle il serait en contact régulier, n’aurait pas rencontré de problèmes particuliers.
Il n’aurait pas de problème de santé et, mis à part les interrogatoires au sujet de ses frères, n’aurait pas eu de maille à partir avec les autorités érythréennes. Il craindrait toutefois de devoir effectuer le service militaire et de subir le même sort que ses frères.
Par décision du 15 février 2019, le SEM a refusé de reconnaître la qualité de réfugié au recourant, rejeté sa demande d’asile, prononcé son renvoi de Suisse et ordonné l’exécution de cette mesure.
Il a considéré que ses déclarations relatives aux interrogatoires quotidiens menés par les militaires étaient imprécises, laconiques et stéréotypées et a dès lors conclu à leur invraisemblance. En outre, il a estimé que les allégations au sujet de l’emprisonnement de sa mère étaient incohérentes, mentionnant qu’il s’était contredit sur la durée de celui-ci.
S’agissant de la crainte de l’intéressé d’être emprisonné ou frappé à l’instar de ses frères, le SEM a considéré qu’elle n’était pas fondée, dans la mesure où celui-ci n’avait pas l’âge d’être recruté et ne se trouvait pas dans la même situation que ses frères qui avaient déserté. En outre, il a estimé que son départ illégal d’Erythrée et sa seule crainte de devoir effectuer, un jour, le service militaire n’étaient pas pertinents sous l’angle de l’art. 3 LAsi (RS 142.31). Enfin, il a relevé que le dossier ne contenait aucun indice qui pourrait le faire apparaître indésirable aux yeux des autorités.
Quant à l’exécution de son renvoi, le SEM a conclu qu’elle était licite, raisonnablement exigible et possible, relevant qu’en l’espèce, il n’existait pas de risque réel au sens des art. 3 et 4 CEDH (RS 0.101) ni de circonstances particulières permettant de conclure à une mise en danger concrète. Sous l’angle de l’examen de l’exigibilité de l’exécution du renvoi, il a relevé, comme atouts à la réinstallation du recourant en Erythrée, qu’il était un jeune adulte en bonne santé, sans charge de famille et qu’il bénéficiait d’un réseau familial étendu au pays et aux E. , sur lequel il pourrait compter financièrement.
Par acte du 15 mars 2019, le recourant a interjeté recours contre la décision précitée devant le Tribunal administratif fédéral (ci-après : Tribunal), concluant à son annulation, à la reconnaissance de la qualité de réfugié pour des motifs subjectifs postérieurs au départ du pays, au sens de l’art. 54 LAsi, et au prononcé d’une admission provisoire. Il a sollicité l’assistance judiciaire totale.
Il a fait valoir qu’en raison de sa fuite illégale d’Erythrée additionnée à la désertion de son frère F. , il serait exposé à un risque de persécution en cas de retour dans son pays d’origine justifiant l’octroi de la qualité de réfugié pour des motifs postérieurs à sa fuite. De plus, il a soutenu qu’en le renvoyant en Erythrée, où il serait forcé d’effectuer le service national, pour une durée indéterminée, le SEM avait violé les art. 3 et 4 par. 2 CEDH, ainsi que l’art. 83 al. 3 et 4 de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers et l’intégration (LEI, RS 142.20).
Par décision incidente du 1er mai 2019, le juge instructeur a admis la requête d’assistance judiciaire totale, désigné M. Mathias Deshusses en qualité de mandataire d’office et imparti au SEM un délai pour déposer une réponse sur le recours.
Dans sa réponse du 15 mai 2019, le SEM a considéré que le recours ne contenait aucun élément ou moyen de preuve nouveau susceptible de modifier son point de vue. S’agissant de l’appréciation des art. 3 et 4 par. 2 CEDH, contestée par le recourant, il a indiqué qu’elle reposait sur l’ATAF 2018 VI/4. En outre, il a relevé que le recourant possédait encore un frère et une sÅ“ur en Erythrée qui n’avaient pas rencontré de problèmes particuliers avec les autorités, excluant dès lors tout risque de persécution réfléchie à son encontre. Enfin, il a estimé que le départ illégal allégué n’était pas vraisemblable.
Invité le 29 mai 2019 par le juge instructeur à se déterminer sur la réponse du SEM, le recourant a rappelé dans son courrier du 13 juin 2019 qu’il avait dit que son frère H. se trouvait en prison et que son autre frère M. effectuait son service militaire. Il ne serait dès lors pas possible de conclure que sa famille n’avait pas rencontré de problème. Il a relevé que le SEM ne l’avait pas questionné spécifiquement au sujet d’éventuels problèmes qu’aurait rencontrés sa famille après son départ. Quant à la sortie de son pays, il a allégué qu’il avait fui la nuit, ce qui expliquerait, selon lui, l’absence d’abondance de détails à ce sujet. Enfin, il a indiqué que son oncle avait financé la suite de son voyage lorsqu’il se trouvait au Soudan.
Selon l’art. 31 LTAF (RS 173.32), le Tribunal connaît des recours contre les décisions au sens de l’art. 5 PA (RS 172.021). En particulier, les décisions rendues par le SEM concernant l'asile et le renvoi - lesquelles n'entrent pas dans le champ d'exclusion de l'art. 32 LTAF - peuvent être contestées devant le Tribunal conformément à l'art. 33 let. d LTAF (disposition applicable en vertu du renvoi de l’art. 105 LAsi). Le Tribunal est
donc compétent pour connaître du présent litige. Il statue de manière définitive (cf. art. 83 let. d ch. 1 LTF [RS 173.110]).
Les dernières dispositions de la modification du 25 septembre 2015 de la loi du 26 juin 1998 (RO 2016 3101) sur l’asile sont entrées en vigueur le 1er mars 2019 (cf. ordonnance du 8 juin 2018 portant dernière mise en vigueur de la modification du 25 septembre 2015 de la loi sur l’asile [RO 2018 2855]). Elles ne s’appliquent pas à la présente procédure, régie par l’ancien droit (cf. al. 1 des dispositions transitoires de la modification du 25 septembre 2015, RO 2016 3101).
Le Tribunal a un pouvoir d’examen limité (exclusion du contrôle de l'opportunité) en ce qui a trait à l'application de la loi sur l'asile conformément à l'art. 106 al. 1 LAsi et un plein pouvoir en ce qui a trait à l'application de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration, conformément à l'art. 49 PA en lien avec l'art. 112 LEI (cf. ATAF 2014/26 consid. 5 et 7.8).
Le recourant a qualité pour recourir (cf. art. 48 al. 1 PA). Présenté dans la forme (cf. art. 52 al. 1 PA) et le délai (cf. ancien art. 108 al. 1 LAsi, dans sa teneur en vigueur du 1er janvier 2008 au 28 février 2019 [RO 2006 4745]) prescrits par la loi, le recours est recevable.
Le recourant n'a pas contesté la décision du SEM du 15 février 2019 en tant qu'elle rejette sa demande d'asile. Partant, sous cet angle, la décision est entrée en force de la chose décidée (cf. chiffre 2 de son dispositif).
Il convient donc d’examiner la question de savoir si l'intéressé peut se voir reconnaître la qualité de réfugié, à l'exclusion de l'asile, pour des motifs subjectifs survenus après sa fuite (art. 54 LAsi).
Sont des réfugiés les personnes qui, dans leur Etat d'origine ou dans le pays de leur dernière résidence, sont exposées à de sérieux préjudices ou craignent à juste titre de l'être en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social déterminé ou de leurs opinions politiques (art. 3 al. 1 LAsi). Sont notamment considérées comme de sérieux préjudices la mise en danger de la vie, de l'intégrité
corporelle ou de la liberté, de même que les mesures qui entraînent une pression psychique insupportable (art. 3 al. 2 LAsi).
Quiconque demande l'asile (requérant) doit prouver ou du moins rendre vraisemblable qu'il est un réfugié (art. 7 al. 1 LAsi). La qualité de réfugié est vraisemblable, lorsque l’autorité estime que celle-ci est hautement probable (art. 7 al. 2 LAsi). Ne sont pas vraisemblables notamment les allégations qui, sur des points essentiels, ne sont pas suffisamment fondées, qui sont contradictoires, qui ne correspondent pas aux faits ou qui reposent de manière déterminante sur des moyens de preuve faux ou falsifiés (art. 7 al. 3 LAsi).
La crainte face à des persécutions à venir, telle que comprise à l'art. 3 LAsi, contient un élément objectif, au regard d'une situation ancrée dans les faits, et intègre également dans sa définition un élément subjectif. Ainsi, sera reconnu comme réfugié, celui qui a de bonnes raisons, c'est-à - dire des raisons objectivement reconnaissables pour un tiers (élément objectif), de craindre (élément subjectif) d'avoir à subir selon toute vraisemblance et dans un avenir prochain une persécution (cf. ATAF 2011/50 consid. 3.1.1 ; 2010/57 consid. 2.5 ; 2010/44 consid. 3.3).
Jusqu’à mi-2016, le SEM admettait que la sortie illégale d’Erythrée constituait un motif subjectif postérieur permettant la reconnaissance de la qualité de réfugié au sens de l’art. 3 LAsi. L’asile étant exclu en vertu de l’art. 54 LAsi, la personne reconnue réfugiée était admise provisoirement en Suisse, l’exécution de son renvoi étant considérée comme illicite conformément à l’art. 83 al. 3 LEI (à l’époque LEtr). Le Tribunal n’a eu à s’exprimer sur cette pratique que dans peu d’arrêts, ni référencés ni publiés dans sa revue officielle ATAF (cf. notamment arrêt D-3892/2008 du 6 avril 2010 consid. 5.3.3). Le SEM a communiqué l’abandon de cette pratique dans son communiqué de presse du 23 juin 2016, sur la base d’une appréciation alors différente de la situation prévalant en Erythrée.
Dans son arrêt de référence D-7898/2015 du 30 janvier 2017, le Tribunal a, à son tour, vérifié dans quelle mesure les Erythréens et Erythréennes qui avaient quitté leur pays illégalement devaient craindre à ce titre des mesures de persécution au sens de l’art. 3 LAsi en cas de retour. Suite à une analyse approfondie des informations sur le pays (cf. consid. 4.6 - 4.11), il est arrivé à la conclusion que c’était à juste titre que le SEM avait modifié sa pratique. Il a retenu que le seul fait pour une personne d’avoir
quitté l’Erythrée de manière illégale n’exposait pas celle-ci à une persécution déterminante en matière d’asile (cf. consid. 5).
Cette jurisprudence repose essentiellement sur le constat que des membres de la diaspora, parmi lesquels se trouvent également des personnes qui ont quitté illégalement leur pays, retournent en Erythrée (pour de brefs séjours) sans subir de sérieux préjudices. Ainsi, les personnes sorties illégalement ne peuvent plus être considérées de manière générale comme des traîtres et exposées dans leur pays à une peine sévère pour un motif politique ou analogue au sens de l’art. 3 al. 1 LAsi. Un risque majeur de sanction en cas de retour ne peut être désormais admis qu’en présence de facteurs supplémentaires, tel le fait d’être un opposant au régime ou d’avoir occupé une fonction en vue avant la fuite, d’avoir déserté ou encore de s’être soustrait au service militaire, autant d’éléments qui font apparaître le requérant d’asile comme une personne indésirable aux yeux des autorités érythréennes.
Il ressort du même arrêt que le risque d’être soumis à l’obligation d’accomplir le service national en cas de retour en Erythrée n’est pas non plus pertinent sous l’angle de l’asile ; en effet, l’accomplissement de cette obligation ne saurait être assimilé à un préjudice sérieux qui aurait sa cause dans l’un des motifs exhaustivement énumérés à l’art. 3 LAsi.
Il convient d’examiner si le recourant a rendu vraisemblable (art. 7 LAsi) l’existence de facteurs supplémentaires lui conférant un profil particulier pouvant intéresser, en cas de retour, les autorités de son pays.
En l’espèce, il sied de relever d’emblée qu’il s’est contredit sur l’identité des personnes qui auraient été arrêtées lors de l’intervention militaire un soir de septembre 2014 (son frère H. et sa belle-sÅ“ur selon une version, ou, selon une autre version, son frère H. et son père). Ses déclarations sont également contradictoires quant à la date d’arrestation de sa mère (septembre ou début octobre) ainsi que sur la date de sa libération (mi-septembre ou mi-octobre). De plus, il a indiqué qu’il était présent ou non (selon les versions) lors de l’arrestation de celle-ci. De surcroît, il s’est contredit sur le lieu et le moment de l’arrestation de sa belle-sÅ“ur (lors de l’intervention militaires à son domicile ou quelques jours après à I. ).
En outre, il n’est guère plausible que les autorités aient déployé autant de
zèle pour arrêter son frère F.
(intervention de neuf militaires
armés). Surtout, il n’est guère crédible que ce frère ait réussi à leur échapper après s’être disputé avec eux. S’ajoute à cela que les déclarations du recourant sont, à cet égard, lacunaires et manquent foncièrement d’indices significatifs de ce vécu.
Par ailleurs, il n’est pas crédible que des militaires se soient rendus chaque jour, durant trois mois d’affilée, chez lui ou en classe en vue de l’interroger sur le lieu de séjour de ses deux frères disparus. De plus, s’il avait été véritablement dans le collimateur des autorités, celles-ci n’auraient pas manqué de procéder à des mesures plus incisives à son encontre (telle une arrestation immédiate, suivie d’une mise en détention). Enfin, il n’est guère plausible qu’il ait été expulsé de l’école en raison de son absence de quelques semaines seulement, au début d’un semestre, compte tenu du taux d’absentéisme prévalant dans les écoles en Erythrée.
Il s’ensuit qu’il n’a pas rendu vraisemblable, au sens de l’art. 7 LAsi, l’intervention militaire de septembre 2014, ni l’arrestation de membres de sa famille dans les circonstances décrites, ni qu’il avait été expulsé de l’école et avait fait l’objet d’interrogatoires de la part de militaires.
Il sied également de constater que, selon ses déclarations, le recourant n’a jamais été convoqué au service militaire par les autorités de son pays. De même, lors de son départ du pays en janvier 2015, il était encore mineur et n’était donc pas en âge d’être recruté et indépendamment de l’âge attribué par le SEM (qu’il n’a pas contesté dans son recours) ou de ceux qu’il a allégués lors de ses auditions. Enfin, il n’a jamais indiqué avoir rencontré de problèmes avec les autorités de son pays hormis les interrogatoires au sujet de ses frères qu’il n’a pas rendu vraisemblables. En conséquence, il n’y a aucun facteur de nature à le faire apparaître comme une personne indésirable aux yeux des autorités érythréennes et à l’exposer, en cas de retour, à un risque majeur de sanction pour le départ illégal allégué. Cette appréciation est d’autant plus justifiée qu’il n’a jamais déclaré avoir reçu de menace de la part des autorités et clairement mentionné que sa famille ne lui avait rien indiqué de particulier à la suite de son départ du pays.
La question de savoir si le recourant a rendu vraisemblable sa sortie illégale du pays n’a ainsi pas à être tranchée puisque ce fait, même à l’admettre, n’est pas à lui seul suffisant pour justifier la reconnaissance de
la qualité de réfugié, à l’exclusion de l’asile, pour des motifs subjectifs postérieurs à la fuite (art. 3 et 54 LAsi).
Enfin, la seule crainte d'être un jour pris dans une rafle militaire ou convoqué personnellement au service militaire ne suffit pas, à elle seule, à démontrer que le recourant aurait un profil particulier pouvant intéresser les autorités de son pays à son retour (cf. arrêt de référence D-7898/2015 précité consid. 5.1).
Au vu de ce qui précède, le recourant n’a pas rendu vraisemblable au sens de l’art. 7 LAsi l’existence de facteurs supplémentaires lui conférant un profil particulier pouvant intéresser, en cas de retour, les autorités de son pays.
Au vu de ce qui précède, le recours, en tant qu’il conteste le refus de reconnaissance de la qualité de réfugié et de l’asile, doit être rejeté et la décision attaquée confirmée sur ce point.
Lorsqu'il rejette la demande d’asile, le SEM prononce, en règle générale, le renvoi de Suisse et en ordonne l’exécution (cf. art. 44 in initio LAsi). Aucune exception selon l'art. 32 al. 1 de l'ordonnance 1 sur l'asile du 11 août 1999 (OA 1, RS 142.311) à la règle générale du renvoi, énoncée à l’art. 44 LAsi, n'étant en l'occurrence réalisée, le Tribunal est tenu, de par la loi, de confirmer cette mesure.
Selon l'art. 83 al. 1 LEI, le SEM décide d'admettre provisoirement l'étranger si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion n'est pas possible, n'est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée. A contrario, l'exécution du renvoi est ordonnée lorsqu'elle est licite, raisonnablement exigible et possible.
Il s’agit d’examiner si c’est à juste titre que le SEM a estimé que l’exécution du renvoi du recourant était licite (consid. 7), raisonnablement exigible (consid. 8) et possible (consid. 9).
L’exécution n’est pas licite lorsque le renvoi de l’étranger dans son Etat d’origine ou de provenance ou dans un Etat tiers est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international (art. 83 al. 3 LEI).
L’exécution du renvoi est illicite, lorsque la Suisse, pour des raisons de droit international public, ne peut contraindre un étranger à se rendre dans un pays donné ou qu’aucun autre Etat, respectant le principe du nonrefoulement, ne se déclare prêt à l’accueillir ; il s’agit d’abord de l’étranger reconnu réfugié, mais soumis à une clause d’exclusion de l’asile (cf. art. 5 al. 1 LAsi ; cf. aussi art. 33 al. 1 de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés [RS 0.142.30]), et ensuite de l’étranger pouvant démontrer qu’il serait exposé à un traitement prohibé par l’art. 3 CEDH.
En l’espèce, l’exécution du renvoi ne contrevient pas au principe de non-refoulement de l’art. 5 LAsi, le recourant n’ayant pas rendu vraisemblable qu'il serait, en cas de retour dans son pays, exposé à de sérieux préjudices au sens de l’art. 3 LAsi.
En ce qui concerne les autres engagements de la Suisse relevant du droit international, il sied d’examiner particulièrement si l’art. 3 CEDH, qui interdit la torture, les peines ou traitements inhumains, trouve application dans le présent cas d’espèce.
Le Tribunal s’est prononcé sur la licéité de l’exécution du renvoi en Erythrée des personnes astreintes au service militaire (arrêt de principe du 10 juillet 2018 publié dans le recueil officiel ATAF 2018 VI/4 consid. 6.1.4). Il a vérifié si la mise en Å“uvre de leur renvoi était compatible avec les obligations de la Suisse au regard de l’art. 4 CEDH, spécialement de son par. 2 (interdiction du travail forcé ou obligatoire) et au regard de l’art. 3 CEDH (interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants). S’agissant des conditions de vie dans le service national et de sa durée, il est arrivé à la conclusion qu’elles n’étaient pas assimilables à de l’esclavage ou de la servitude et ne violaient donc pas l’art. 4 par. 1 CEDH. Tout en admettant que l’obligation d’accomplir, dans le cadre du service national, militaire ou civil, pour le compte de l’Etat un travail très peu rémunéré et d’une durée imprévisible constituait une charge disproportionnée assimilable à un travail forcé, le Tribunal a retenu, sur la base d’une vision d’ensemble intégrant le bas niveau de développement du pays, que ce préjudice n’atteignait pas le seuil élevé correspondant Ã
une violation flagrante de l’art. 4 par. 2 CEDH (consid. 6.1.5). Sous l’angle de l’art. 3 CEDH, il a considéré qu’avant de prononcer l’exécution d’un renvoi, il importait d’examiner si, sur la base de motifs substantiels, le recourant a établi l’existence d’un risque réel de mauvais traitements en cas de retour (volontaire) au pays. Dans ce sens, il a tenu compte des conséquences prévisibles du renvoi du requérant dans son pays d’origine, au regard de la situation générale dans celui-ci et des circonstances propres au cas d’espèce, rappelant qu’une simple possibilité de subir des mauvais traitements ne suffisait pas. Or, les mauvais traitements commis au service national, en particulier au service militaire, ne l’étaient pas d’une manière à ce point généralisée que l’on devrait admettre, pour chaque ressortissant érythréen de retour au pays et contraint d’accomplir ce service, un risque réel d’y être soumis. Il en a donc conclu que l’exécution du renvoi en Erythrée ne violait donc pas, pour ce motif, le principe de nonrefoulement ancré à l’art. 3 CEDH (consid. 6.1.6). Enfin, s’agissant du risque d’arrestation et d’emprisonnement en raison d’une sortie illégale du pays, le Tribunal a renvoyé (consid. 6.1.8) à l’arrêt de référence D-7898/2015 du Tribunal du 30 janvier 2017 (cf. consid. 5.1). Il a précisé que pour les mêmes raisons que celles invoquées dans cet arrêt, il n’y avait pas lieu d’admettre un risque réel, personnel et sérieux ni d’arrestation ni de mauvais traitement.
Dans ces conditions, en l’absence de circonstances particulières propres au cas d’espèce, on ne saurait admettre l’illicéité de l’exécution du renvoi d’un ressortissant érythréen astreint au service national, à tout le moins sur une base dite volontaire. En effet, en l’absence d’un accord de réadmission avec l’Erythrée, le Tribunal a laissé indécise la question de savoir si l’exécution du renvoi accompagné de mesures de contrainte - actuellement impossible - était licite ou non (cf. ATAF 2018 VI/4 consid. 6.1.7).
En résumé, vu la jurisprudence, l’existence de violations graves des droits de l’homme en Erythrée ne suffit pas à justifier la mise en Å“uvre de la protection issue de l’art. 3 CEDH et de l’art. 4 par. 1 CEDH ni celle tirée de violations flagrantes de l’art. 4 par. 2 CEDH, tant que la personne concernée ne peut rendre hautement probable qu’elle serait visée personnellement - et non pas simplement du fait d’un hasard malheureux
- par des mesures incompatibles avec les dispositions en question.
En l’espèce, comme l’a considéré le SEM dans sa décision de refus d’asile du 15 février 2019, le recourant n’a jamais déclaré, ni a fortiori rendu
vraisemblable que son départ coïncidait avec une violation de ses obligations dans le cadre du service national. Il sied donc de constater qu’il a simplement anticipé la possibilité future d’être contraint d’accomplir le service militaire. Il n’y a par conséquent pas d’indices concrets et sérieux qui permettraient d’admettre un risque réel, pour lui, de subir à son retour une peine d’emprisonnement pour violation d’une obligation militaire. La sortie illégale alléguée d’Erythrée (indépendamment de la question de sa vraisemblance, laquelle peut demeurer indécise) ne justifie pas en soi d’admettre un tel risque réel et, dans ce contexte, un traitement contraire à l’art. 3 CEDH.
Enfin, s’agissant du risque d’être appelé à servir, il ne fait pas non plus, en soi, obstacle à la licéité de l’exécution de son renvoi, que ce soit sous l’angle de l’art. 3 CEDH, de l’art. 4 par. 1 CEDH, de l’art. 4 par. 2 CEDH ou de l’art. 3 Conv. torture, en l’absence de circonstances personnelles particulières.
En définitive, l’exécution du renvoi du recourant, en l’absence d’utilisation de moyens de contrainte, s’avère licite, au sens de l’art. 83 al. 3 LEI a contrario. Il n’y a pas lieu de trancher la question de savoir ce qu’il en adviendrait, en cas de renvoi forcé, en l’absence d’accord de réadmission avec l’Erythrée (cf. consid. 9 ci-après).
L’exécution de la décision peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l’expulsion de l’étranger dans son pays d’origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).
Cette disposition s’applique en premier lieu aux « réfugiés de la violence », soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu’ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée, et ensuite aux personnes pour qui un retour reviendrait à les mettre concrètement en danger, notamment parce qu’elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont besoin. Malgré sa formulation, l'art. 83 al. 4 LEI n'est pas une disposition potestative et ne confère pas à l'autorité de liberté d'appréciation (« Ermessen ») ; dans l'appréciation de l'inexigibilité de l'exécution du renvoi, elle dispose d'une marge
d'appréciation (« Spielraum ») réduite au point qu'elle ne peut pas procéder à une pesée des intérêts dans le cas concret (cf. ATAF 2014/26 consid. 7.9 et 7.10). En revanche, elle doit tenir compte de l’appartenance à un groupe de personnes particulièrement vulnérables, lesquelles peuvent être touchées, suivant leur situation économique, sociale ou de santé, par une mesure d’exécution de renvoi d’une manière plus importante qu’usuelle et, pour cette raison, concrètement mises en danger, en l’absence de circonstances individuelles favorables (cf. ATAF 2014/26 consid. 7.5 in fine et consid. 7.7.3).
Dans son arrêt de référence D-2311/2016 du 17 août 2017, le Tribunal a procédé à une analyse de la situation prévalant en Erythrée et confirmé que ce pays ne connaissait pas une situation de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée qui permettrait d'emblée - et indépendamment des circonstances du cas d'espèce - de présumer pour tous les ressortissants du pays l'existence d'une mise en danger concrète au sens de l'art. 83 al. 4 LEI (cf. consid. 17). Cependant, cet arrêt a modifié la jurisprudence en vigueur depuis 2005 (cf. JICRA 2005 no 12) selon laquelle l’exigibilité de l’exécution du renvoi était conditionnée par l’existence de circonstances personnelles favorables, telle la présence sur place d’un solide réseau social ou familial ou d’autres facteurs favorisant la réintégration économique de la personne concernée, permettant de lui garantir qu’elle ne se retrouvera pas sans ressources au point de voir sa vie en danger.
Certes, la situation économique et les conditions de vie en Erythrée demeurent difficiles. En particulier, ce pays connaît une pénurie de logement et un taux de chômage élevé. En outre, sa population est sous surveillance continue du régime en place. Toutefois, il y a lieu de relever qu’elle profite des envois d’argent des membres de la diaspora érythréenne au pays.
Le Tribunal est arrivé à la conclusion qu’il ne se justifiait plus de maintenir sa jurisprudence rendue dans les années durant lesquelles l’Erythrée était encore confrontée aux séquelles de sa guerre avec l’Ethiopie.
Désormais, conformément à cet arrêt, compte tenu de l’amélioration, ces dernières années, des conditions de vie en Erythrée dans certains domaines, en particulier en matière d’accès à la formation, à l’eau potable, à la nourriture et à des soins médicaux de base, l’exécution du renvoi y est de manière générale, raisonnablement exigible, sauf circonstances particulières dans lesquelles il faut admettre une menace existentielle (ou
état de nécessité), ce qu’il convient de vérifier dans chaque cas d’espèce (cf. consid. 17.2).
Dans l’ATAF 2018 VI/4 (consid. 6.2), le Tribunal précise que les principes retenus dans son arrêt D-2311/2016 du 17 août 2017, pour apprécier l’exigibilité de l’exécution du renvoi de personnes n’étant plus soumises à l’obligation d’accomplir un service actif, valent mutatis mutandis pour celles soumises à cette obligation. Par conséquent, le seul risque d’être appréhendé en cas de retour pour accomplir le service national ne constitue pas un obstacle à l’exécution du renvoi du point de vue de son exigibilité. Toutefois, compte tenu des conditions de vie difficiles en Erythrée, surtout du point de vue économique, la menace existentielle doit, comme précédemment, être admise en cas de circonstances personnelles particulières.
En l’espèce, le recourant est un jeune homme, sans problème de santé, apte à travailler et ayant passé la majeure partie de sa vie en Erythrée, où il possède un réseau social étendu sur lequel il est censé pouvoir compter lors de sa réinsertion. Il ne ressort dès lors pas du dossier qu’il y ait des éléments assimilables à des circonstances personnelles particulières dont on pourrait inférer que l'exécution de son renvoi impliquerait sa mise en danger concrète.
Au vu de ce qui précède, l’exécution du renvoi du recourant est raisonnablement exigible, au sens de l’art. 83 al. 4 LEI a contrario.
Enfin, bien qu’un renvoi en Erythrée sous contrainte ne soit, d’une manière générale, pas possible (cf. consid. 7.4 ci-dessus ; voir aussi arrêts précités ATAF 2018 VI/4 consid. 6.3 et D-2311/2016 consid. 19), le recourant, débouté, est tenu d'entreprendre toute démarche nécessaire auprès de la représentation de son pays d'origine en vue de l'obtention de documents de voyage lui permettant de quitter la Suisse (cf. art. 8 al. 4 LAsi).
L'exécution du renvoi ne se heurte donc pas à des obstacles insurmontables d'ordre technique et s'avère également possible au sens de l’art. 83 al. 2 LEI a contrario (cf. ATAF 2008/34 consid. 12).
Au vu de ce qui précède, l’exécution du renvoi est conforme aux dispositions légales. Par conséquent, le recours doit être rejeté et la décision ordonnant l’exécution du renvoi être confirmée.
Vu l'issue de la cause, il y aurait lieu de mettre les frais de procédure à la charge du recourant, conformément aux art. 63 al. 1 PA et art. 2 et 3 let. b du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral (FITAF, RS 173.320.2). Toutefois, l’assistance judiciaire totale ayant été admise par décision incidente du 1er mai 2019, il n'est pas perçu de frais de procédure (cf. art. 65 al. 1 PA).
Une indemnité à titre d'honoraires et de débours est accordée au mandataire d’office (cf. art. 8 à 11 FITAF, applicables par analogie conformément à l'art. 12 FITAF). En l’absence de décompte de prestations, elle est fixée d’office sur la base du dossier (cf. art. 8 par. 2, art. 14 FITAF) et ainsi arrêtée à un montant de 760 francs.
Vu l’issue du recours, il n'est pas alloué de dépens (cf. art. 64 al. 1 PA).
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Le recours est rejeté.
Il est statué sans frais.
Une indemnité de 760 francs est allouée à Mathias Deshusses à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal.
Il n’est pas alloué de dépens.
Le présent arrêt est adressé au mandataire du recourant, au SEM et à l'autorité cantonale compétente.
Le président du collège : Le greffier :
Jean-Pierre Monnet Jean-Marie Staubli
Expédition :
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