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Bundesverwaltungsgericht Urteil B-4955/2018

Urteilsdetails des Bundesverwaltungsgerichts B-4955/2018

Instanz:Bundesverwaltungsgericht
Abteilung:Abteilung II
Dossiernummer:B-4955/2018
Datum:06.01.2020
Leitsatz/Stichwort:Lait, produits laitiers, huiles et graisses comestibles
Schlagwörter : Rsquo;; Rsquo;a; ément; Rsquo;au; éments; Suisse; Rsquo;est; érie; édé; érieure; ;autorité; édéral; Rsquo;il; ;estivage; Rsquo;estivage; Rsquo;autorité; être; Rsquo;un; ;ordonnance; Rsquo;art; Rsquo;ordonnance; Rsquo;alpage; écision; -ensilage; ésent; Rsquo;ils; été; France; étail; ;agriculture
Rechtsnorm:-
Referenz BGE:-
Kommentar:
-

Entscheid des Bundesverwaltungsgerichts

B u n d e s v e r w a l t u n g s g e r i c h t

T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i f f é d é r a l

T r i b u n a l e a m m i n i s t r a t i v o f e d e r a l e T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i v f e d e r a l

Cour II

B-4955/2018

A r r ê t  d u  6  j a n v i e r  2 0 2 0

Composition Pascal Richard (président du collège), Francesco Brentani, Ronald Flury, juges, Julien Delaye, greffier.

Parties A. ,

  1. ,

  2. ,

tous représentés par Laurence Teuscher,

Société rurale d'assurance de Protection juridique FRV SA, recourants,

contre

Office fédéral de l'agriculture OFAG, Schwarzenburgstrasse 165, 3003 Berne, autorité inférieure.

Objet Restitution du supplément pour le lait transformé en fromage et de non-ensilage.

Faits :

A.

    1. A. , B. et C. (ci-après : les recourants) sont à la tête d’une exploitation agricole laitière sise à V. [en Suisse]. Durant l’été, ils estivent leurs bêtes sur l’alpage W. , situé en France, à moins de deux kilomètres de la frontière suisse, dans la zone de pacage franco-suisse. Ils y produisent un lait de non-ensilage, lequel est transformé sur place en fromage à pâte mi-dure. Ce dernier est ensuite uniquement commercialisé en Suisse.

    2. Entre 2013 et 2016, les recourants ont produit et transformé en fromage à pâte mi-dure 176'722 kg de lait de non-ensilage produit sur l’alpage W. , qu’ils ont déclaré dans le formulaire de demande TSM8. Sur la base de ces déclarations, la Confédération suisse, par l’intermédiaire de l’Office fédéral de l’agriculture OFAG (ci-après : l’autorité inférieure), a versé, pendant la période concernée, un montant de 31'810 francs au titre de suppléments pour le lait transformé en fromage et de nonensilage.

B.

    1. Lors d’un contrôle du 12 janvier 2018 portant sur les années 2013 à 2016, le service d’inspection de l’OFAG a constaté que l’alpage W. était situé à moins de deux kilomètres de la frontière suisse, qu’il possédait un numéro auprès de la banque de données sur le trafic des animaux BDTA, que les bêtes alpées avaient toutes une marque auriculaire « CH » et provenaient de l’exploitation annuelle des recourants sise à V. , que l’alpage W. possédait un numéro d’identification TSM et que les suppléments pour le lait transformé en fromage et de non-ensilage

      avaient été versés pour le lait produit sur l’alpage W.

      chaque

      année depuis 1999, que le fromage produit sur l’alpage W. était vendu exclusivement en Suisse, qu’il était correctement dédouané (en franchise) et que la sorte de fromage produite faisait partie des produits laitiers pouvant bénéficier des suppléments.

    2. Par courrier du 19 mars 2018, l’autorité inférieure a informé les recourants que plusieurs critères devaient être remplis pour bénéficier des suppléments pour le lait transformé en fromage et de non-ensilage. Elle a d’abord rappelé que seules les exploitations agricoles suisses pouvaient bénéficier des suppléments litigieux. Dès lors que l’exploitation d’estivage des recourants était sise en France, elle ne satisfaisait pas cette condition. Elle a ensuite souligné que la production et la transformation du lait

      devaient intervenir en Suisse. Dans la mesure où les recourants ont produit et transformé leur lait sur l’alpage W. , sis en France, ledit lait ne donnerait pas droit aux suppléments litigieux. Elle a enfin précisé qu’il devait s’agir de lait suisse. Les recourants ayant obtenu leur lait en France, il s’agirait de lait français, quand bien même il proviendrait de vaches avec une marque auriculaire suisse, appartenant à une entreprise laitière suisse.

      Ainsi, ni le fromage importé en Suisse, ni le fromage produit en Suisse à partir de lait étranger dans le cadre du trafic de perfectionnement ne donnant droit aux suppléments pour le lait transformé en fromage et de non-ensilage, l’autorité inférieure a informé les recourants que ceux-ci n’obtiendraient, en principe, pas les suppléments pour l’année 2017 et qu’elle avait l’intention d’exiger d’eux la restitution des suppléments qu’elle aurait versé à tort entre 2013 et 2016.

    3. En date du 27 avril 2018, les recourants se sont déterminés sur le courrier du 19 mars 2018 de l’autorité inférieure. En substance, ils ont relevé qu’il n’existerait aucune disposition dans la législation agricole qui définisse le lait suisse comme du lait produit et obtenu en Suisse. Au contraire, la législation douanière stipulerait que le lait provenant de la zone de pacage frontalière peut être importé en franchise, s’il est produit par des animaux suisses, à savoir habituellement stationnés sur le territoire douanier suisse. Au surplus, les dispositions sur l’utilisation des indications de provenance suisse pour les denrées alimentaires autoriseraient spécifiquement qu’une indication de provenance suisse puisse être utilisée pour les denrées contenant du lait de bétail laitier que des exploitants domiciliés en Suisse estivent par tradition dans des exploitations d’estivage proches de la frontière. Les recourants rappellent encore que l’intégralité des données de leur exploitation était connue de l’autorité inférieure et que les renseignements lui ont été fournis de manière correcte et complète. L’autorité inférieure aurait ainsi versé les suppléments litigieux en toute connaissance de cause, de sorte qu’elle ne pourrait, de bonne foi, en exiger la restitution.

C.

    1. Par décision du 18 juillet 2018, l’autorité inférieure a condamné les recourants à restituer les suppléments indûment perçus de 31'810 francs pour les années 2013 à 2016. Elle a enfin assorti la décision d’un émolument de 1'412 francs.

    2. L’autorité inférieure a considéré que, entre 2013 et 2016, les recourants avaient déclaré du lait de non-ensilage, produit et transformé en fromage à pâte mi-dure sur leur alpage W. , sis en France. Sur cette base, ils auraient perçu à tort des suppléments pour le lait transformé en fromage et de non-ensilage d’un montant de 31'810 francs.

Elle a estimé que cinq critères devaient être remplis pour pouvoir bénéficier du supplément pour le lait transformé en fromage : le lait doit être commercialisé (1er critère), il doit être transformé en un produit fini conforme à l’art. 1 al. 2 de l’ordonnance sur le soutien du prix du lait (2e critère), il doit provenir d’une exploitation laitière suisse (3e critère), il doit être obtenu et transformé en Suisse (4e critère) et il doit s’agir de lait suisse (5e critère).

S’agissant des recourants, l’autorité inférieure a retenu que les trois derniers critères n’étaient pas remplis. Elle a rappelé d’abord que l’exploitation d’estivage des recourants était située sur le territoire français, à environ deux kilomètres de la frontière suisse. Il ne s’agirait donc pas d’une exploitation laitière suisse. Elle a souligné ensuite que le lait avait été produit et transformé en fromage sur le territoire français. Partant, les activités donnant droit aux suppléments litigieux n’auraient pas eu lieu en Suisse. Enfin, elle a assimilé le lait obtenu en France à du lait français, quand bien même les vaches seraient suisses et stationneraient habituellement dans une exploitation laitière suisse.

Au surplus, elle a souligné que le droit au supplément de non-ensilage n’existerait qu’en sus du droit au supplément pour le lait transformé en fromage. Dès lors, les recourants ne pourraient pas non plus y prétendre.

Enfin, elle mentionne dans la motivation de la décision que « il y a lieu enfin de préciser que [les recourants] n’ont pas non plus droit à des suppléments pour le lait étranger transformé en fromage sur l’alpage français et le fromage importé en Suisse depuis 2017 ».

D.

    1. Le 30 août 2018, les recourants ont formé recours auprès du Tribunal administratif fédéral contre cette décision, concluant, sous suite de frais et dépens, à l’annulation de celle-ci, à ce qu’ils n’aient pas à rembourser les suppléments versés entre 2013 et 2016 et à ce qu’ils aient droit aux suppléments pour les années postérieures à 20016 (sic). Subsidiairement, ils concluent à l’annulation de la décision attaquée, à ce qu’ils n’aient pas

      à rembourser les suppléments versés entre 2013 et 2016 et à ce qu’il soit constaté qu’ils ne toucheront plus de suppléments dès 2017.

    2. A l’appui de leurs conclusions, les recourants rappellent d’abord que l’estivage de bétail suisse sur les alpages de France voisine dans le cadre du pacage franco-suisse est fondé sur une tradition qui remonte au 16ème siècle et qui aurait été officialisée en 1912. Ils invoquent ensuite une violation de l’ordonnance sur le soutien du prix du lait, contestant, en substance, les critères retenus par l’autorité inférieure. Ils avancent que l’ordonnance sur le soutien du prix du lait aurait vocation à s’appliquer de manière identique aux exploitations d’estivage sises en Suisse et à celles situées en France dans la zone de pacage frontalière, que les aspects administratifs liés à l’enregistrement de l’exploitation d’estivage auprès de TSM Fiduciaire Sàrl ne définiraient pas le cercle des ayants-droit aux suppléments pour le lait transformé en fromage et qu’aucune disposition de l’ordonnance sur le soutien du prix du lait ne limiterait le versement dudit supplément aux seules exploitations sises en Suisse. Partant, rien ne s’opposerait à ce que celui-ci soit versé pour le lait de non-ensilage, transformé en fromage en France, dans la zone de pacage franco-suisse, et provenant de bétail laitier suisse que des producteurs domiciliés en Suisse estiveraient temporairement par tradition dans la zone de pacage frontalière.

Les recourants rappellent enfin que leurs vaches ont été élevées sur leur exploitation sise en Suisse et qu’ils recourent, sur leur exploitation d’estivage, aux services d’un employé agricole rémunéré au tarif de la main d’Å“uvre en Suisse, de sorte qu’ils n’auraient fait aucune économie sur le prix de revient du fromage en estivant leurs bêtes en zone de pacage frontalière. Dès lors que la législation agricole ne définirait pas la notion de lait suisse, il y aurait lieu d’appliquer par analogie la législation douanière, laquelle prévoit que le lait et les produits laitiers provenant du pacage frontalier et produits par des animaux suisses, soit des animaux habituellement stationnés sur le territoire douanier, peuvent être importés en Suisse en franchise, ainsi que l’ordonnance sur l'utilisation des indications de provenance suisses pour les denrées alimentaires, laquelle permet qu’une indication de provenance suisse soit utilisée pour des denrées alimentaires contenant du lait de bétail laitier que des exploitants domiciliés en Suisse estivent par tradition dans des exploitations d’estivage transfrontalières ou proches de la frontière.

Subsidiairement, les recourants ont rappelé qu’ils avaient toujours fourni à l’autorité inférieure les données requises pour l’exploitation d’estivage de

manière complète et correcte. L’autorité inférieure n’aurait ainsi pas pu ignorer où se trouvait leur exploitation d’estivage, ce d’autant plus qu’elle disposerait d’un numéro TSM réservé aux exploitations en zone de pacage frontalière. L’autorité inférieure aurait ainsi versé les suppléments litigieux en toute connaissance de cause, de sorte qu’elle ne pourrait, de bonne foi, en exigé la restitution.

E.

Invitée à se déterminer sur le recours, l’autorité inférieure a conclu, sous suite de frais, à son rejet par mémoire de réponse du 2 novembre 2018.

Elle rappelle d’abord que les recourants ont produit entre 2013 et 2016 du fromage à pâte mi-dure dans leur exploitation d’estivage sise en zone de pacage frontalière pour l’importer ensuite en Suisse et le vendre. Or, les suppléments pour le lait transformé en fromage et de non-ensilage seraient destinés au marché suisse, soit au lait suisse transformé en Suisse, afin que ce dernier reste compétitif en cas d’exportation vers l’Union européenne. Partant, dès lors que lesdits suppléments ont pour but d’abaisser le coût de la matière première suisse, ils ne devraient pas être versés lorsque la production et la transformation du lait ont lieu au-delà de la frontière. Ainsi, ce n’est que parce que le lait doit être transformé en Suisse qu’elle limiterait le versement des suppléments litigieux aux seules exploitations laitières sises en Suisse. Elle relève ensuite que, si le lait et les produits laitiers produits sur l’exploitation d’estivage des recourants peuvent certes être importés en franchise, cela ne change rien au fait que ce lait n’est pas un produit suisse au sens de la loi sur l’agriculture. L’avantage financier obtenu par une importation en franchise justifierait de surcroît que le lait ne soit pas subventionné davantage. Elle souligne encore que l’ordonnance sur l'utilisation des indications de provenance suisses pour les denrées alimentaires a pour but de protéger la crédibilité de la dénomination et de préserver la valeur économique de l’indication de provenance suisse. Il serait donc possible que des produits puissent bénéficier de l’indication de provenance suisse tout en n’étant pas considérés comme tels au sens de la loi sur l’agriculture.

Enfin, l’autorité inférieure a estimé que, quand bien même les recourants fussent de bonne foi, les suppléments litigieux auraient été perçus indûment et devaient, par conséquent, être restitués. Elle ne disposerait d’aucune marge de manÅ“uvre sur ce point.

F.

Par réplique du 29 novembre 2018, les recourants ont maintenu les conclusions et griefs formulés dans leur mémoire de recours. Au surplus, ils n’ont pas déposé d’observations complémentaires.

Les arguments avancés de part et d’autre au cours de la présente procédure seront repris plus loin dans la mesure où cela s’avère nécessaire.

Droit :

1.

    1. Le Tribunal administratif fédéral est compétent pour statuer sur le présent recours (art. 31, 32 et 33 let. d LTAF, art. 5 al. 1 let. a et b PA et art. 166 al. 2 de la loi fédérale du 29 avril 1998 sur l’agriculture [loi sur l’agriculture, LAgr, RS 910.1]).

      La qualité pour recourir doit être reconnue aux recourants (art. 48 al. 1 PA). Les dispositions relatives à la représentation, au délai de recours, à la forme du mémoire de recours, ainsi qu’à l’avance de frais (art. 11 al. 1, 50 al. 1 en lien avec 22a al. 1 let. b, 52 al. 1 et 63 al. 4 PA) sont en outre respectées.

    2. Il y a lieu de s’intéresser encore au contenu du mémoire de recours, et plus précisément à la formulation des conclusions, ainsi qu’à l’objet du litige.

      1. A titre principal, les recourants concluent à ce que la décision attaquée soit annulée, à ce qu’ils n’aient pas à rembourser les suppléments versés pour la période de 2013 à 2016 et à ce qu’ils aient droit aux suppléments pour les années postérieures à 20016 (sic).

        Tout d’abord, il y a lieu de retenir que les recourants concluent à ce qu’ils aient droit aux suppléments pour les années postérieures à 2016, tant il est manifeste qu’ils ont commis une erreur de plume lors de la rédaction de leurs conclusions.

        L'objet du litige est ensuite défini par le contenu de la décision attaquée et les conclusions du recours (cf. ATF 136 II 165 consid. 5). Ainsi, ce sont les conclusions du recours qui déterminent quelle est son étendue et il ne peut pas s'inscrire au-delà de ce que l'autorité inférieure a décidé. C'est

        pourquoi, dans ses conclusions, le recourant ne peut en principe que réduire l'objet du litige - en renonçant à remettre en cause certains points de la décision attaquée - et non pas l'élargir (cf. arrêts du TAF B-2831/2010 du 2 novembre 2010 consid. 1.2 et B-4962/2007 du 28 février 2008 consid. 2). Sont considérées comme décisions selon l'art. 5 al. 1 PA, les mesures prises par les autorités dans des cas d'espèce, fondées sur le droit public fédéral et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits ou des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits ou d’obligations (let. b) ou de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou obligations (let. c).

        Dans le dispositif de la décision attaquée, l’autorité inférieure condamne uniquement les recourants à restituer les suppléments indûment perçus de 31'810 francs pour les années 2013 à 2016 et au paiement d’un émolument de 1'412 francs.

        L’objet de la décision attaquée porte ainsi d’abord sur la question de la restitution des suppléments pour les années 2013 à 2016.

        Toutefois, dans sa motivation, l’autorité inférieure indique que « il y a lieu enfin de préciser que [les recourants] n’ont pas non plus droit à des suppléments pour le lait étranger transformé en fromage sur l’alpage français et le fromage importé en Suisse depuis 2017 ».

        De même, dans son courrier du 19 mars 2018, elle mentionne que « vous avez demandé des suppléments pour le lait transformé en fromage et des suppléments de non-ensilage pour l’année 2017. Compte tenu de l’appréciation juridique ci-dessus, vous n’avez pas droit à de tels suppléments en 2017 [ ]. Nous prévoyons pour cette raison, sans réaction de votre part, de ne pas vous verser les suppléments pour le lait transformé en fromage et les suppléments de non-ensilage que vous avez demandés pour l’année 2017 [ ] ».

        Il suit de là que, quand bien même l’autorité inférieure ne le mentionne pas dans le dispositif de la décision attaquée, celle-ci a également pour objet le rejet de la demande des recourants tendant aux versements des suppléments litigieux pour l’année 2017 et la constatation de l’inexistence d’un droit auxdits suppléments pour les années postérieures.

        Partant, la conclusion des recourants tendant à ce qu’ils aient droit aux suppléments pour les années postérieures à 2016 est recevable.

      2. A titre subsidiaire, les recourants concluent à ce que la décision attaquée soit annulée, à ce qu’ils n’aient pas à rembourser les suppléments versés pour la période de 2013 à 2016 et à ce qu’il soit constaté que, dès 2017, ils ne toucheront plus les suppléments pour le lait transformé en fromage et de non-ensilage.

Par là-même, il y a lieu de retenir que les recourants concluent, en réalité, à ce qu’il soit renoncé à exiger d’eux la restitution de la somme de 31'810 francs versée entre 2013 et 2016, s’ils n’ont pas droit aux suppléments litigieux.

2.

La loi sur l’agriculture fixe les conditions-cadre de la production et de l’écoulement des produits agricoles de sorte que la production soit assurée de manière durable et peu coûteuse et que l’agriculture tire de la vente des produits des recettes aussi élevées que possible (art. 7 LAgr).

    1. La Confédération suisse soutient notamment l’économie laitière et octroie aux producteurs un supplément pour le lait commercialisé et transformé en fromage (art. 38 al. 1 LAgr). Le Conseil fédéral fixe les conditions d’octroi du supplément (art. 38 al. 2 2e phrase LAgr).

      Un supplément est également versé aux producteurs pour le lait produit sans ensilage et transformé en fromage (art. 39 al. 1 LAgr). Le Conseil fédéral fixe le montant du supplément, les conditions d'octroi et les degrés de consistance des fromages ainsi que les sortes de fromage qui donnent droit à un supplément (art. 39 al. 2 1re phrase).

      Les producteurs qui pratiquent la vente directe de lait et de produits laitiers annoncent au service désigné par le Conseil fédéral la quantité produite et le volume écoulé de cette manière (art. 43 al. 2 LAgr).

    2. Le Conseil fédéral a adopté notamment l’ordonnance du 25 juin 2008 concernant les suppléments et l’enregistrement des données dans le domaine du lait (ordonnance sur le soutien du prix du lait, OSL, RS 916.350.2), laquelle précise notamment, à son art. 1c al. 2 OSL, que le supplément pour le lait de vache, de brebis et de chèvre transformé en fromage est versé aux producteurs de lait lorsque le lait est transformé en fromage qui satisfait aux exigences relatives au fromage que le Département fédéral de l'intérieur (DFI) édicte dans les dispositions d'exécution dans le domaine des denrées alimentaires d'origine animale en vertu de l'ordonnance du 16 décembre 2016 sur les denrées

      alimentaires et les objets usuels (ODAlOUs, RS 817.02) et qui présente une teneur en matière grasse dans la matière sèche de 150 g/kg au moins (let. a), en sérac brut comme matière première destinée à la production de Schabziger glaronais (let. b) ou en Werdenberger Sauerkäse, Liechtensteiner Sauerkäse ou Bloderkäse (let. c).

      Selon l’art. 2 al. 1 OSL, la Confédération verse en plus aux producteurs un supplément par kilogramme de lait de vaches, de brebis et de chèvres nourries sans ensilage, si ce lait est transformé en fromage de l'une des catégories de consistance suivantes selon les dispositions dans le domaine des denrées alimentaires d'origine animale que le DFI édicte en vertu de l'ODAlOUs : extra-dur, dur, mi-dur, à pâte molle, pour autant que le fromage soit inscrit par l'Office fédéral de l'agriculture (OFAG) comme appellation d'origine protégée (AOP) au registre des appellations d'origine et que le cahier des charges prévoie un affouragement sans ensilage (let.

      a) et qu’il présente une teneur en matière grasse dans la matière sèche de 150 g/kg au moins (let. b). Le supplément n'est versé que pour le lait qui a été transformé sans les additifs visés par la législation relative aux denrées alimentaires, à l'exception des cultures, de la présure et du sel, et qui n'a pas été pasteurisé, bactofugé ni traité par un autre procédé équivalent (art. 2 al. 3 OSL).

    3. Les demandes de versement provenant d'exploitations d'estivage sont adressées au service administratif au moins une fois par an (art. 3 al. 2 OSL). L’OFAG statue sur les demandes et verse les suppléments (art. 5 OSL).

L’OFAG est chargé de l’exécution de l’ordonnance sur le soutien du prix du lait dans la mesure où cette tâche n’incombe pas au service administratif (art. 14 al. 1 OSL). Il effectue des inspections par sondage, ouvre une enquête s’il soupçonne des infractions et arrête les mesures administratives qui s’imposent (art. 14 al. 2 OSL).

L’OFAG a désigné TSM Fiduciaire Sàrl (ci-après : TSM) comme service administratif au sens de l’art. 12 OSL. Une partie des activités de TSM consiste dans le traitement des requêtes et de la mise à jour des données dans le cadre du soutien du prix du lait, en particulier des suppléments pour le lait transformé en fromage et de non-ensilage. A cet effet, TSM a notamment établi le formulaire de demande TSM8, lequel doit être rempli au terme de la période d’estivage. Sur la base de ce formulaire, l’OFAG calcule et verse aux producteurs de lait les suppléments pour le lait

transformé en fromage et de non-ensilage prévus par les art. 1c et 2 OSL pour le lait produit et transformé dans l’exploitation d’estivage.

3.

Les recourants font valoir principalement une violation de l’art. 1c OSL. Ils soutiennent que l’autorité inférieure ne pouvait pas tenir compte de critères étrangers à l’art. 1c OSL, lequel n’exclurait notamment pas du droit au supplément pour le lait transformé en fromage le lait produit et obtenu dans la zone de pacage frontalière, provenant de bétail laitier suisse, que des producteurs domiciliés en Suisse estiveraient par tradition, temporairement, dans la zone de pacage frontalière.

Même s’ils ne le formulent pas expressément en ces termes, ils se plaignent par là-même d’une interprétation erronée de l’art. 1c OSL. D’un point de vue systématique, ils précisent que l’art. 12 de l’ordonnance du Département fédéral des finances (DFF) du 4 avril 2007 sur les douanes (OD-DFF, RS 631.011) assimile à des produits suisses le lait, comme les produits laitiers, provenant de la zone de pacage frontalière et produits par des animaux suisses, soit habituellement stationnés sur le territoire douanier. De même, l’art. 2 al. 2 de l’ordonnance du 2 septembre 2015 sur l’utilisation des indications de provenance suisses pour les denrées alimentaires (OIPSD, RS 232.112.1) permet l’utilisation d’une indication de provenance suisse pour des denrées alimentaires contenant du lait de bétail laitier que des exploitants domiciliés en Suisse estiveraient par tradition dans des exploitations d’estivage transfrontalières ou proches de la frontière, lorsque notamment la denrée alimentaire est produite dans l’exploitation d’estivage.

L’autorité inférieure estime, quant à elle, que c’est à bon droit qu’elle exclut du supplément pour le lait transformé en fromage le lait produit et transformé sur une exploitation d’estivage sise en France, dans la mesure où il ne s’agit, selon elle, plus de lait suisse, que la production et la transformation du lait en fromage a lieu en France et que l’exploitation laitière n’est pas suisse. Au surplus, elle mentionne que l’alpage

W.

ne bénéficie d’aucune contribution d’estivage au sens de

l’ordonnance du 23 octobre 2013 sur les paiements directs versés dans l’agriculture (ordonnance sur les paiements directs, OPD, RS 910.13), ni d’aucune contribution de mise à l’alpage, ce qui tendrait à démontrer que cette exploitation agricole n’est pas suisse.

4.

La question litigieuse est celle de déterminer si le lait produit et transformé

en fromage par les recourants sur l’alpage W. supplément pour le lait transformé en fromage.

donne droit au

    1. Selon la jurisprudence, la loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme, en la dégageant de sa relation avec d’autres dispositions légales et de son contexte (interprétation systématique), du but poursuivi, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté du législateur telle qu’elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique ; cf. ATF 135 II 416 consid. 2.2 et 134 I 184 consid. 5.1 ; arrêt du TAF B-2291/2016 du 10 juillet 2018 consid. 5.1). Lorsqu’il est appelé à interpréter une loi, le Tribunal fédéral adopte une position pragmatique en suivant ces différentes méthodes, sans les soumettre à un ordre de priorité (cf. ATF 137 III 344 consid. 5.1, 133 III 257 consid. 2.4 et 131 III 623

      consid. 2.4.4).

      L'interprétation de la loi peut conduire à la constatation d'une lacune. Une lacune proprement dite, appelant l'intervention du juge, suppose que le législateur s'est abstenu de régler un point qu'il aurait dû régler et qu'aucune solution ne se dégage du texte ou de l'interprétation de la loi. En revanche, si le législateur a renoncé volontairement à codifier une situation qui n'appelait pas nécessairement une intervention de sa part, son inaction équivaut à un silence qualifié. Quant à la lacune improprement dite, elle se caractérise par le fait que la loi offre certes une réponse, mais que celle-ci est insatisfaisante. D'après la jurisprudence, seule l'existence d'une lacune proprement dite appelle l'intervention du juge, tandis qu'il lui est en principe interdit, selon la conception traditionnelle qui découle notamment du principe de la séparation des pouvoirs, de corriger les lacunes improprement dites, à moins que le fait d'invoquer le sens réputé déterminé de la norme ne constitue un abus de droit ou ne viole la Constitution (ATF 139 I 57 consid. 5.2 et arrêt du TAF E-662/2014 du 17 mars 2014 consid. 2.4.1.1).

      Il appartient à l'autorité de remédier à une éventuelle lacune apparente de la loi, lorsque celle-ci, même interprétée, n'apporte pas de solution sur un point qu'elle devrait régler, ou à une lacune occulte, lorsque le législateur a omis d'adjoindre à une règle conçue de façon générale, la restriction ou la précision que le sens et le but de la règle considérée ou d'une autre règle

      légale imposent dans certains cas. L'autorité n'est en revanche pas autorisée à pallier l'absence d'une règle qui paraît simplement désirable (cf. ATF 135 IV 113 consid. 2.4.2).

      1. L’art. 38 al. 1 LAgr prévoit que « [l]a Confédération peut octroyer aux producteurs un supplément pour le lait commercialisé et transformé en fromage ». Les versions allemande et italienne présentent un contenu similaire. L’art. 38 al.1 LAgr précise ainsi expressément deux critères d’octroi du supplément pour le lait transformé en fromage. Il doit d’abord s’agir de « lait commercialisé » et ce lait doit être « transformé en fromage ». Au surplus, l’art. 38 al. 2 2e phrase prévoit que « [l]e Conseil fédéral fixe les conditions d'octroi du supplément ». Par sa formulation, l’art. 38 LAgr laisse donc un large pouvoir d’appréciation au Conseil fédéral, afin de déterminer les conditions d’octroi du supplément pour le lait transformé en fromage.

        Sur cette base, le Conseil fédéral a fixé les critères d’octroi du supplément pour le lait commercialisé et transformé en fromage aux art. 1b et 1c OSL. L’art. 1c OSL précise notamment les sortes de fromage donnant droit au supplément en fonction, notamment, de leur teneur en matière grasse.

        Au surplus, force est de constater qu’aucune disposition de la loi sur l’agriculture ou de l’ordonnance sur le soutien du prix du lait n’exclut expressément du droit au supplément pour le lait transformé en fromage le lait produit et transformé sur un alpage situé dans la zone de pacage frontalière et provenant de bétail suisse que des exploitants estiveraient, par tradition, temporairement en zone de pacage frontalière.

      2. Sous l’angle historique et téléologique, il y a lieu de rappeler que le lait joue un rôle capital dans la politique agricole suisse et représente un tiers environ de la production finale de l’agriculture (cf. message du Conseil fédéral du 26 juin 1996 concernant la réforme de la politique agricole : deuxième étape [Politique agricole 2002], FF 1996 IV 1 [ci-après : le message concernant la politique agricole 2002], p. 126). Pour une majorité d’exploitants, il constitue une source de revenu régulier. A peu près la moitié du lait commercialisé est transformé en fromage. A son tour, la moitié de ce fromage est exportée à l’étranger (cf. message concernant la politique agricole 2002, p. 126). Toutefois, la différence de prix par rapport à l’étranger est plus faible dans le secteur de la production laitière que dans celui d’autres secteurs agricoles (cf. message concernant la politique agricole 2002, p. 127).

        Un des objectifs prioritaires de la politique agricole est ainsi de maintenir la production de lait au niveau le plus élevé possible en Suisse, tout en stabilisant le produit des ventes au niveau le plus élevé possible (cf. message concernant la politique agricole 2002, p. 127). Il s’agit donc d’écouler le plus de lait possible au meilleur prix en Suisse comme à l’étranger (cf. message concernant la politique agricole 2002, p. 130).

        Pour que les exploitants puissent réaliser le prix du lait visé, il est dès lors nécessaire de prévoir une aide suffisante. C’est le supplément versé pour le lait transformé en fromage qui abaisse le prix de la matière première pour ceux qui la transforme, donnant ainsi aux entreprises la possibilité de produire du fromage à des prix concurrentiels (cf. message concernant la politique agricole 2002, p. 131).

        Le supplément versé pour le lait transformé en fromage agit donc, pour les exploitants, comme un élément de soutien du prix du marché. Pour les transformateurs, le supplément réduit ainsi le prix de la matière première à un niveau permettant d’exporter le fromage vers l’UE sans subventions (cf. message concernant la politique agricole 2002, p. 143 s.).

        Les objectifs n’ont pas évolué depuis le message concernant la politique agricole 2002. Le supplément pour le lait transformé en fromage demeure nécessaire, puisque le fromage est un produit pour lequel le marché est entièrement libéralisé (cf. message du Conseil fédéral du 17 mai 2006 concernant l’évolution future de la politique agricole [Politique agricole 2011], FF 2006 6027 [ci-après : le message concernant la politique agricole 2011], p. 6084). Ainsi, le niveau du prix du lait est largement déterminé par le soutien du marché. Le montant du supplément versé pour le lait transformé en fromage est notamment déterminant, car l’octroi de ce supplément se répercute indirectement aussi sur le prix du lait qui est utilisé dans la fabrication d’autres produits laitiers ne bénéficiant d’aucun soutien, en raison d’un effet de levier (cf. message concernant la politique agricole 2011, p. 6106). Il empêche donc le prix du lait suisse de tomber au niveau européen (cf. message concernant la politique agricole 2011, p. 6109).

        Il suit de là que le supplément pour le lait transformé en fromage a été introduit dans le but de réduire le prix de la matière première à un niveau permettant d’exporter vers l’UE sans subventions. En ce sens, il représente un élément central de soutien du prix du marché. Il s’inscrit donc dans un contexte étroitement politique et dans le projet de préservation et de promotion du fromage comme principal produit d’exportation. Il produit également un effet de levier dans les autres segments de l’économie

        laitière, puisqu’il se répercute indirectement sur le prix du lait utilisé dans la fabrication d’autres produits laitiers.

        Ainsi, il ressort de l’interprétation historique et téléologique que le supplément pour le lait transformé en fromage vise avant tout le lait suisse, produit et transformé en fromage, en tant que principal produit d’exportation helvétique. On peut dès lors retenir que le supplément pour le lait transformé en fromage ne peut être octroyé qu’à du lait suisse, transformé en fromage, lui aussi, suisse. Force est néanmoins d’admettre qu’au surplus, l’interprétation historique et téléologique des dispositions de la loi sur l’agriculture et de l’ordonnance sur le soutien du prix du lait ne donne aucune indication quant à ce qu’il y a lieu d’entendre par lait et fromage suisses.

      3. D’un point de vue systématique, l’estivage en zone de pacage frontalière s’inscrit dans le contexte d’une longue tradition (cf. JAKOB SCHLUEP, Les frontières ouvertes pour le bétail : L’histoire du pacage franco-suisse, in : SAT/ASMV 1/2017, p. 41 ss ; SUZANNE DAVEAU, L’estivage des vaches suisses dans le jura français, in : L’information géographique, vol. 17 no 2, 1953, p. 59 ss, disponible sur www.persee.fr/doc/ingeo_0020-0093_1953_num_17_2_1246, consulté le 6 janvier 2020).

        Sur le plan douanier et sanitaire, l’estivage en zone de pacage frontalière est soumis à l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne relatif aux échanges de produits agricoles (RS 0.916.026.81). La Suisse a également ratifié une série d’accords bilatéraux qui règlent spécifiquement ces mouvements de bétail, tels que la Convention germano-suisse du 5 février 1958 sur le trafic de frontière et de transit (RS 0.631.256.913.61), la Convention du 30 avril 1947 entre la Suisse et l’Autriche sur les Epizooties (RS 0.916.443.916.31) ou la Convention du 2 juillet 1953 entre la Suisse et l’Italie relative au trafic de frontière et au pacage (RS 0.631.256.945.41). Le plus vieil accord avec la France date de 1912 (Arrangement du 23 octobre 1912 entre la Suisse et la France pour le pacage sur les pâturages situés des deux côtés de la frontière, RS 0.916.443.934.91). Il n’a été dénoncé par la France qu’en 1996, lors de la crise d’encéphalopathie spongiforme bovine (cf. SCHLUEP, op. cit., p. 47).

        La législation suisse tient également compte, dans certains domaines du droit, de la tradition de l’estivage du bétail suisse en zone de pacage frontalière. Ainsi, l’ordonnance du DFF sur les douanes consacre

        notamment une section au pacage frontalier. L’art. 12 al. 1 OD-DFF, en particulier, précise que le lait et les produits laitiers issus du pacage frontalier, c’est-à-dire du pacage d’animaux habituellement stationnés en Suisse sur le territoire douanier étranger, sont admis en franchise. Ce régime vise notamment à ne pas désavantager les agriculteurs suisses cultivant des surfaces agricoles de chaque côté de la frontière par rapport aux agriculteurs exploitant uniquement sur le territoire douanier suisse (cf. Circulaire R-16-07 de l’administration fédérale des douanes du 27 mars 2018 sur le pacage d’animaux des espèces chevaline, bovine, ovine, caprine et porcine, point 1).

        De même, l’adoption, dans le cadre du projet « Swissness », de l’ordonnance sur l’utilisation des indications de provenance suisses pour les denrées alimentaires participe au renforcement de la protection de la désignation « suisse », en empêchant son utilisation abusive afin de préserver durablement son avantage compétitif (cf. www.blw.admin.ch/blw / fr/home/instrumente/swissness.html, consulté le 6 janvier 2020). L’art. 2 al. 2 OIPSD autorise toutefois l’utilisation d’une indication de provenance suisse pour les denrées alimentaires contenant du lait de bétail laitier que des exploitants domiciliés en Suisse estivent par tradition dans des exploitations d’estivage transfrontalières ou proches de la frontière si les conditions fixées par l’ordonnance sont remplies et si la denrée alimentaire est produite dans l’exploitation d’estivage. Ainsi, il peut être retenu que l’utilisation de lait issu de bêtes estivées à l’étranger, dans une zone proche de la frontière suisse, ne constitue pas une utilisation abusive d’une indication de provenance suisse et ne porte pas atteinte à son avantage compétitif.

        Il y a encore lieu de préciser que le message du Conseil fédéral du 18 novembre 2009 relatif à la modification de la loi sur la protection des marques et à la loi fédérale sur la protection des armoiries de la Suisse et des signes publics, FF 2009 7711 (ci-après : le message relatif au projet

        « Swissness »), p. 7762, précise, s’agissant de la définition du territoire suisse en lien avec les indications de provenance des produits :

        Or, en ce qui concerne la définition du territoire suisse, les dispositions du projet de révision législative « Swissness » s’inspirent du cadre actuel en matière de droit douanier et de droit agricole. En conséquence, les produits naturels transformés, à base de produits naturels suisses, qui sont transformés dans une enclave douanière étrangère sont considérés comme des produits suisses. Enfin, le Conseil fédéral reçoit la compétence de prévoir dans une ordonnance quelles portions du territoire étranger faisant partie de la zone frontière (au sens de l’art. 43 LD) peuvent être prises en considération

        pour que les conditions de l’indication de provenance « Suisse » pour les produits naturels et naturels transformés soient respectées.

        Enfin, alors que l’ordonnance sur les paiements directs conditionne l’octroi de contributions aux seuls exploitants ayant leur domicile en Suisse (art. 3 al. 1 let. a OPD), elle permet, dans certains cas, de tenir compte des surfaces exploitées par tradition dans la zone limitrophe étrangère visées à l’art. 17 al. 2 de l’ordonnance sur la terminologie agricole et la reconnaissance des formes d’exploitation (ordonnance sur la terminologie agricole, OTerm, RS 910.91) pour le calcul des contributions (art. 35 al. 5 OPD). Elle prévoit ainsi spécifiquement la possibilité pour un producteur suisse d’exploiter, par tradition, des surfaces dans la zone frontalière étrangère.

        Il ressort ainsi que, d’un point de vue systématique, le législateur et le Conseil fédéral ont tenu compte, lorsque cela était nécessaire, de ce que des exploitants suisses estivaient leur bétail, par tradition, en zone de pacage frontalière et que des denrées alimentaires pouvaient être produites et transformées dans la zone frontalière ou dans des enclaves douanières, sans que cela n’affecte leur provenance suisse.

      4. L’autorité inférieure sous-entend que, dans la mesure où les recourants ne touchent ni de contributions d’estivage pour leur alpage W. , ni de contributions de mise à l’alpage, cela démontrerait qu’ils n’auraient pas droit également au supplément pour le lait produit et transformé en fromage sur ledit alpage.

        Il y a lieu de rappeler que l’art. 104 Cst. précise que la Confédération veille à ce que l’agriculture contribue substantiellement à la conservation des ressources naturelles et à l’entretien du paysage rural (al. 1 let. b). Ainsi, les prestations d’intérêt public fournies par les exploitations agricoles cultivant le sol sont encouragées par un type de paiement direct spécifique (art. 2 al. 1 let. b LAgr ; cf. message concernant la politique agricole 2002,

        p. 303 ; www.blw.admin.ch/blw/fr/home/instrumente/direktzahlungen.html , consulté le 6 janvier 2020). Les paiements directs comprennent ainsi notamment les contributions au paysage cultivé (art. 70 al. 2 LAgr), lesquelles incluent la contribution de mise à l’alpage et la contribution d’estivage (art. 2 let. a OPD). Ces deux contributions n’ont pas les mêmes destinataires et poursuivent des buts différents : la contribution de mise à l’alpage s’adresse à une exploitation à l’année que l’on veut inciter à estiver ses bêtes, alors que la contribution d’estivage est versée à l’exploitation d’estivage qui recueille les animaux estivés (cf. arrêt du Tribunal cantonal fribourgeois du 2 mars 2006 consid. 5d/bb, in : RFJ 2016 p. 177).

        Les contributions d'estivage contribuent à assurer l'exploitation durable du paysage rural dans les Alpes, les Préalpes et le Jura sur l’ensemble du territoire. En effet, la surface affectée à l'économie alpestre en Suisse est d'environ 465'000 hectares. Elle est exploitée par un peu plus de 7'000 exploitations dans lesquelles quelque 300'000 pâquiers normaux sont estivés (cf. www.blw.admin.ch/blw/fr/home/instrumente/direktzahlungen / kulturlandschaftsbeitraege/soemmerungsbeitrag.html, consulté le 6 janvier 2020).

        Dans le cadre de la réforme de la politique agricole 2014-2017, le projet du

        8 avril 2013 intitulé « Audition, Dispositions d’exécution relatives à la Politique agricole 2014-2017 » - transmis lors de l’audition par le Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche (DEFR) - précise en outre ce qui suit (p. 21) :

        Afin de garantir une charge en bétail appropriée dans les régions d’estivage, une contribution d’alpage a été créée pour les exploitations à l’année qui estivent leurs animaux dans le pays. Cette contribution d’alpage remplace l’actuel supplément d’estivage, qui disparaîtra avec la suppression des contributions UGBFG et GACD. Son montant sera identique et versé uniformément dans toutes les zones.

        L’ordonnance sur les paiements directs opère ainsi une distinction entre les critères ouvrant le droit aux paiements directs et ceux utilisés pour le calcul des contributions. Ainsi, a droit aux paiement directs l’exploitant qui a son domicile civil en Suisse (art. 3 al. 1 let. a OPD). En revanche, les surfaces exploitées par tradition dans la zone limitrophe étrangère visées à l’art. 17 al. 2 OTerm ne sont prises en compte que dans le cadre de la contribution de base des contributions à la sécurité de l’approvisionnement et à la contribution pour les terres ouvertes et les cultures pérennes (art. 35 al. 5 OPD).

        Il suit de là que l’ordonnance sur les paiements directs se rattache, avant tout, à une surface. Elle n’a pas d’influence sur l’application de l’ordonnance sur le soutien du prix du lait, laquelle se réfère, quant à elle, à un produit. Ainsi, le fait que les recourants ne touchent pas de contributions d’estivage n’a dès lors pas d’influence dans la détermination du droit au supplément pour le lait transformé en fromage.

      5. Il suit de l’ensemble de ce qui précède que le supplément pour le lait transformé en fromage vise principalement le lait en tant que produit

suisse. Il ne ressort toutefois pas d’une interprétation historique, téléologique et surtout systématique que le Conseil fédéral se soit abstenu de régler une situation qu’il aurait dû régler. Au contraire, tout porte à croire qu’il a renoncé volontairement à exclure du supplément pour le lait transformé en fromage le lait produit et transformé sur une exploitation d’estivage située dans la zone de pacage frontalière, admis en Suisse en franchise, et provenant de bétail suisse, habituellement stationné sur une exploitation à l’année sise en Suisse.

Une telle constatation est confirmée par le fait que, si une telle exclusion avait été voulue par le Conseil fédéral, elle aurait été, prima facie, couverte par la délégation législative de l’art. 38 LAgr dès lors qu’il dispose d’une large marge de manÅ“uvre dans la fixation des conditions d’octroi des suppléments litigieux (cf. concernant l’art. 39 LAgr l’arrêt du TF 2C_792/2018 du 23 avril 2019 consid. 6.2 ss).

    1. En l’occurrence, les recourants sont à la tête d’une exploitation agricole laitière sise à V. . Ce faisant, ils gèrent une exploitation à l’année sise en Suisse.

      Ils estivent temporairement leur bétail suisse - habituellement stationné dans leur exploitation sise à V. - sur l’alpage W. , situé en France voisine, à moins de deux kilomètres de la frontière suisse. Il figure ainsi dans la zone frontière au sens de l’art. 43 de la loi fédérale du 18 mars 2005 sur les douanes (LD, RS 631), de sorte que l’importation du lait et du

      fromage produit sur l’alpage W. inférieure ne le conteste pas.

      a lieu en franchise. L’autorité

      Ils y produisent un lait de non-ensilage, lequel est transformé en fromage à pâte mi-dure, entièrement réimporté et commercialisé en Suisse, et fait partie des produits laitiers pouvant bénéficier des suppléments, ce que l’autorité inférieure ne conteste pas non plus.

      Il suit de là que les recourants ont droit au supplément pour le lait transformé en fromage, en ce qui concerne le lait produit et transformé sur leur alpage W. , provenant de leur bétail habituellement stationné sur leur exploitation sise à V. , mais estivé temporairement sur ledit alpage, et importé en Suisse en franchise.

    2. Partant, l’autorité inférieure a violé les dispositions de la loi sur l’agriculture et de l’ordonnance sur le soutien du prix du lait en retenant que

      les recourants n’avaient pas droit au supplément pour le lait transformé en fromage. Le recours doit donc être admis sur ce point.

    3. Quant au supplément de non-ensilage, l’autorité inférieure estime que les recourants n’y ont pas droit, dans la mesure où ils ne peuvent prétendre au supplément pour le lait transformé en fromage. Sur le vu de ce qui précède, un tel grief doit également être rejeté, de sorte qu’il y a également lieu d’admettre le recours sur ce point.

5.

Il suit de là que le recours doit être entièrement admis et la décision de l'autorité inférieure annulée. Partant, point n’est besoin d’examiner les autres griefs invoqués par les recourants.

6.

    1. S’agissant des frais de procédure devant le Tribunal administratif fédéral, comprenant l’émolument judiciaire et les débours, ils sont mis à la charge de la partie qui succombe (art. 63 al. 1 PA et art. 1 al. 1 du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral [FITAF, RS 173.320.2]). Aucun frais de procédure n’est toutefois mis à la charge des autorités inférieures déboutées (art. 63 al. 2 PA). L’émolument judiciaire est calculé en fonction de la valeur litigieuse, de l’ampleur et de la difficulté de la cause.

      Les recourants ayant obtenu gain de cause, il y a lieu de leur rembourser l’avance de frais de 3'000 francs perçue le 7 septembre 2018.

    2. L’autorité de recours peut allouer, d’office ou sur requête, à la partie ayant entièrement ou partiellement gain de cause une indemnité pour les frais indispensables et relativement élevés qui lui ont été occasionnés (art. 64 al. 1 PA en relation avec art. 7 al. 1 FITAF). Les dépens comprennent notamment les frais de représentation (art. 8 al. 1 FITAF), lesquels englobent en particulier l'indemnité du mandataire professionnel n'exerçant pas la profession d'avocat (art. 9 al. 1 let. a FITAF). Ils sont calculés en fonction du temps nécessaire à la défense de la partie représentée (art. 10 al. 1 FITAF) ; le tarif horaire des mandataires professionnels n'exerçant pas la profession d'avocat est de 100 francs au moins et de 300 francs au plus (art. 10 al. 2 FITAF). Les parties qui ont droit aux dépens doivent faire parvenir au tribunal, avant le prononcé de la décision, un décompte de leurs prestations ; à défaut, le tribunal fixe l’indemnité sur la base du dossier (art. 14 FITAF). Aucun dépens ni frais de

procédure ne sont alloués pour la procédure devant l’autorité inférieure (art. 64 PA ; cf. ATF 132 II 47 consid. 5.2).

En l’espèce, les recourants, qui obtiennent gain de cause et qui sont représentés par un mandataire professionnel n’exerçant pas la profession d’avocat, dûment mandaté par procuration, ont droit à des dépens.

Faute de décompte de prestations remis par ceux-ci, il convient, eu égard aux écritures déposées dans le cadre de la présente procédure, de leur allouer, ex aequo et bono, une indemnité et de mettre celle-ci à la charge de l’autorité inférieure, seules les écritures liées à la présente procédure de recours étant prises en compte.

Partant, un montant de 3’000 francs est mis à la charge de l’autorité inférieure à titre de dépens (art. 64 al. 2 PA).

Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :

1.

Le recours est admis. Partant, la décision de l’autorité inférieure du 18 juillet 2018 est annulée.

2.

Il n’est pas perçu de frais de procédure. Partant, l’avance de frais de 3'000 francs, prestée le 7 septembre 2018, sera restituée aux recourants dès l’entrée en force du présent arrêt.

3.

Un montant de 3’000 francs est alloué aux recourants à titre de dépens et mis à la charge de l’autorité inférieure.

4.

Le présent arrêt est adressé :

  • aux recourants (acte judiciaire ; annexe : formulaire « adresse de paiement »)

  • à l'autorité inférieure (acte judiciaire)

  • Au Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche DEFR (acte judiciaire)

L'indication des voies de droit se trouve à la page suivante.

Le président du collège : Le greffier :

Pascal Richard Julien Delaye

Indication des voies de droit :

La présente décision peut être attaquée devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par la voie du recours en matière de droit public, dans les trente jours qui suivent la notification (art. 82 ss, 90 ss et 100 LTF). Ce délai est réputé observé si les mémoires sont remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF). Le mémoire doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signé. La décision attaquée et les moyens de preuve doivent être joints au mémoire, pour autant qu'ils soient en mains de la partie recourante (art. 42 LTF).

Expédition : 9 janvier 2020

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