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Bundesverwaltungsgericht Urteil B-2205/2016

Kopfdaten
Instanz:Bundesverwaltungsgericht
Abteilung:Abteilung II
Dossiernummer:B-2205/2016
Datum:17.01.2018
Leitsatz/Stichwort:Travail d'intérêt général (service civil)
Schlagwörter : a; Recourant; Civil; Service; Travail; Cité; Médecin; Capacité; Rapport; Autorité; D’un; Inférieure; Consid; Médical; L’autorité; Médecin-conseil; Incapacité; D’une; Tribunal; Recourant; Santé; état; Présent; N’est; Civil; Daté; Astreint; Expertise; L’art; Libération
Rechtsnorm:-
Referenz BGE:-
Kommentar zugewiesen:
Spühler, Basler Kommentar zur ZPO, Art. 321 ZPO ; Art. 311 ZPO, 2017
Weitere Kommentare:-
Entscheid

B u n d e s v e r w a l t u n g s g e r i c h t

T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i f f é d é r a l

T r i b u n a l e a m m i n i s t r a t i v o f e d e r a l e T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i v f e d e r a l

Cour II

B-2205/2016

A r r ê t d u 1 7 j a n v i e r 2 0 1 8

Composition Pietro Angeli-Busi (président du collège), Maria Amgwerd, Hans Urech, juges, Yann Grandjean, greffier.

Parties X. ,

représenté par Maître Jean-Michel Duc, recourant,

contre

Organe d’exécution du service civil ZIVI,

autorité inférieure.

Objet Rejet d’une demande de libération avant terme du service civil.

Faits :

A.

X. (ci-après : le requérant ou le recourant) a été admis au service civil par décision du 23 avril 2014 et a été astreint à accomplir 383 jours de service. Il n’a jusqu’à alors effectué qu’une journée d’introduction.

B.

    1. Le 11 mars 2015, le requérant a déposé une demande de libération avant terme du service auprès de l’Organe d’exécution du service civil ZIVI (ci-après : l’autorité inférieure). A l’appui de cette demande, il produit un

      certificat médical daté du 25 février 2015 du Dr A.

      et du Dr

      B. . Il a transmis par la même occasion une attestation en date du 27 février 2015 indiquant le suivi d’une psychothérapie depuis septembre

      2014 émanant du Dr A.

      et de C. , le psychologue du

      centre de psychiatrie et psychothérapie ( ).

    2. Le 7 mai 2015, le Dr D.

      (ci-après : le médecin-conseil),

      spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a établi une évaluation psychiatrique du requérant à la demande de l’autorité inférieure.

    3. Par décision du 25 février 2016, l’autorité inférieure a rejeté la demande de libération avant terme du service civil au motif que, eu égard au rapport psychiatrique du médecin-conseil, le requérant est apte à travailler dans une place de travail ordinaire et partant, il n’est pas atteint d’une incapacité de travail vraisemblablement durable ni atteint d’une maladie grave évoluant par poussée ou survenant de manière périodique.

      C.

      Par acte du 11 avril 2016, le requérant a introduit un recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif fédéral (ci-après : le Tribunal ou le TAF). Il conclut :

      A titre incident :

      1. Possibilité est donnée au recourant de compléter ultérieurement son recours ;

      2. Possibilité est donnée au recourant de compléter ultérieurement ses moyens de preuves ;

A titre principal :

  1. Le recours est admis ;

  2. La décision rendue le 25 février 2016 par [l’autorité inférieure] est annulée ;

  3. [Le recourant] est libéré de l’obligation d’accomplir son service civil ;

  4. Le tout avec suite de frais et dépens.

A titre subsidiaire :

  1. Le recours est admis ;

  2. La décision rendue le 25 février 2016 par [l’autorité inférieure] est annulée ;

  3. La cause est renvoyée à [l’autorité inférieure] pour complément d’instruction ;

  4. Le tout, avec suite de frais et dépens.

A l’appui de son recours, il invoque principalement une violation des art. 11 de la loi fédérale du 6 octobre 1995 sur le service civil (LSC, RS 824.0) et 18 de l’ordonnance du 11 septembre 1996 sur le service civil (OSCi, RS

824.01 ; dans leur teneur jusqu’au 30 juin 2016, cf. consid. 2). Le recourant fait valoir subsidiairement une violation du principe inquisitoire au sens des art. 12 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA, RS 172.021) et 18 OSCi. Il a remis à cette occasion un certificat médical manuscrit daté du 14 mars 2016 de la Doctoresse J. .

D.

Par l’ordonnance du 12 avril 2016, le Tribunal a invité le recourant à compléter son recours et à produire des pièces. En date du 6 juin 2016, le recourant a versé au dossier la copie de la demande de prestations AI déposée le 30 mars 2016. Le 4 juillet 2016, il a transmis le complément du recours et le rapport médical daté du 30 mai 2016 du Dr A. , de la Doctoresse E. et du psychologue C. .

E.

    1. Dans une réponse sur le fond du 1er septembre 2016, l’autorité inférieure a conclu au rejet du recours. Elle soutient en premier lieu que le rapport du médecin-conseil a clairement établi la pleine capacité de travail du recourant dans la vie ordinaire. Elle affirme que la distinction effectuée

      par le médecin-conseil entre la capacité de travail au quotidien et celle dans un poste de service civil est incompréhensible. Il ne serait donc pas pertinent de tenir compte dans l’examen d’une demande de libération avant terme du service civil de la prétendue incapacité de travail au service civil alléguée par le médecin-conseil. Le seul critère déterminant selon la législation sur le service civil serait la capacité du travail. L’autorité inférieure note qu’il n’est pas plus clair sur quelle base le médecin-conseil a pu affirmer que le recourant est inapte au service civil, alors que celui-ci n’a jamais effectué le moindre jour de service jusqu’alors. L’autorité inférieure soutient que la nature d’un emploi dans la vie de tous les jours ne diffère pas substantiellement de celle du travail dans l’accomplissement du service civil. Elle souligne également les larges possibilités d’affectation envisageables qui permettraient au recourant d’en trouver une qui lui convient. Partant, l’autorité inférieure est d’avis que le recourant ne présente pas d’incapacité de travail vraisemblablement durable qui l’empêche d’effectuer le service civil.

      L’autorité inférieure explique en outre qu’elle renonce à demander l’avis d’un autre praticien comme le préconise le médecin-conseil, au motif que le rapport psychiatrique daté du 18 mai 2015 a suffisamment exposé sur la capacité de travail du recourant.

      Quant à l’art. 11 al. 3 let. b LSC, entré en vigueur en juillet 2016, l’autorité inférieure est d’avis que cette nouvelle disposition n’est pas applicable dans le cas du recourant du fait qu’il a une incapacité de travail.

      S’agissant du grief de la violation du principe inquisitoire invoqué par le recourant, l’autorité inférieure estime que celui-ci doit être écarté puisqu’elle a rendu la décision en toute connaissance de cause, c’est-à-dire en établissant un état de fait complet et objectif sur la base d’une expertise claire du médecin-conseil.

    2. Accompagné de sa réponse, l’autorité inférieure a transmis le courrier daté du 11 août 2016 à l’attention du médecin-conseil. A cette occasion, l’autorité inférieure lui demande de fournir des éclaircissements quant à son rapport psychiatrique daté du 18 mai 2015. Elle pose une série de questions notamment sur l’affirmation ambivalente selon laquelle le recourant « ne présente pas d’incapacité de travail dans une place de travail ordinaire (il est respecté et apprécié à sa juste valeur selon lui), mais il présente une incapacité de travail complète dans un poste de service civil ».

    3. Le médecin-conseil a adressé une réponse dans un courrier daté du 22 août 2016, dans lequel il a répondu aux questions posées par l’autorité inférieure.

F.

Par réplique du 5 octobre 2016, le recourant a réitéré ses conclusions et a versé au dossier un rapport médical daté du 29 juin 2016 du Dr F. .

G.

Par courrier du 3 novembre 2016, le recourant a transmis un nouveau rapport médical daté du 13 octobre 2016 établi conjointement par le Dr A. , le Dr G. , ainsi que le psychologue C. .

H.

Par duplique du 23 novembre 2016, l’autorité a réitéré ses conclusions précédentes. Elle a au surplus rejeté le rapport médical du Dr F. du 29 juin 2016 et celui émis par les Docteurs A. , G. et le

psychologue C.

en date du 13 octobre 2016. Selon l’autorité

inférieure même si ces certificats médicaux attestent d’une incapacité de travail du recourant, il n’est pas question d’incapacité de travail vraisemblablement durable.

I.

En date du 1er décembre 2016, le recourant a transmis au Tribunal ses observations quant à la duplique et a confirmé une nouvelle fois ses conclusions.

J.

Le 4 octobre 2017, le recourant a complété son dossier en versant un nouveau rapport médical daté du 28 septembre 2017 du Dr H. , dans lequel il a cité le diagnostic posé par le Dr I. sur le recourant.

K.

Par courrier du 26 octobre 2017, l’autorité inférieure a fait remarquer qu’elle n’a jamais eu connaissance du rapport d’expertise du Dr I. et a demandé de verser au dossier ledit rapport.

L.

Interpellé par le Tribunal, le recourant a, le 10 novembre 2017, signalé son refus de produire le rapport du Dr I. au motif que celui-ci contient des informations sensibles liées à sa personne et de surcroît sans lien avec l’affaire en question.

M.

Le 14 décembre 2017, le recourant a transmis une nouvelle attestation du Dr H. en date du 13 décembre 2017, dans laquelle le médecin pose à nouveau le même diagnostic que son précédent rapport médical daté du 28 septembre 2017. Celle-ci a été transmise pour connaissance à l’autorité inférieure.

Les autres faits et arguments de la cause seront examinés, pour autant que de besoin, dans les considérants en droit.

Droit :

Le Tribunal est compétent pour statuer sur le présent recours (art. 31 et 32 de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral [LTAF, RS 173.32], art. 63 al. 1 LSC et art. 5 al. 1 let. c PA. La qualité pour recourir doit être reconnue au recourant (art. 48 al. 1 let.a à c PA). Les autres conditions de recevabilité sont en outre respectées (art. 66 let. b LSC, art. 11, 50 et 52 al. 1 PA).

Le recours est ainsi recevable.

    1. Les personnes astreintes au service militaire qui ne peuvent concilier ce service avec leur conscience accomplissent sur demande un service civil de remplacement d’une durée supérieure (art. 1 LSC).

    2. L’astreinte au service civil commence dès l’instant où la décision d’admission au service civil entre en force ; l’obligation de servir dans l’armée s’éteint simultanément (art. 10 LSC).

    3. L’art. 11 LSC règle la fin de l’astreinte au service civil. L’al. 3 de cette disposition qui règle quant à lui la libération avant terme du service civil, a été modifié par le chiffre I de la loi fédérale du 25 septembre 2015, en

      vigueur depuis le 1er juillet 2016 (RO 2016 1883). Quant à l’art. 18 OSCi qui précise l’art. 11 al. 3 LSC, il a été modifié par le chiffre I de l’ordonnance du 3 juin 2016, également en vigueur depuis le 1er juillet 2016 (RO 2016 1897).

      Selon la jurisprudence, il faut considérer les nouveaux art. 11 al. 3 LSC et

      18 OSCI comme lex mitior, plus favorable à l’administré, qui trouve application dans la configuration de l’espèce, à savoir une décision rendue sans l’emprise de l’ancien droit, le 25 février 2016. Ces dispositions avaient en effet pour but de créer une nouvelle possibilité de libération avant terme du service civil (arrêts du TAF B-4311/2015 du 1er mars 2017 consid. 2.3, B-4311/2015 du 25 novembre 2016 consid. 7 et les références citées). À ce sujet, le message du Conseil fédéral du 27 août 2014 concernant la modification de la loi fédérale sur le service civil (FF 2014 6493 ss, 6517) explique que :

      [L]a pratique montre que certains civilistes atteints dans leur santé ne trouvent aucune possibilité d’affectation compatible avec leur état de santé, même si, dans la vie civile, ils peuvent occuper un poste adapté à leur situation. Aussi n’est-il pas approprié que la libération avant terme du service civil pour des raisons de santé ne soit possible qu’en cas d’incapacité de travail vraisemblablement durable. La let. b ne prévoit qu’une extension minime des possibilités de libération, cette dernière ne pouvant survenir, comme l’a montré la pratique, que dans des cas rarissimes pour lesquels il n’y avait jusqu’ici pas de solution. Un examen médical sera systématiquement requis pour déterminer l’atteinte à la santé (cf. art. 33, al. 1).

      Le même passage précise que la règle concernant le cas d’incapacité de travail vraisemblablement durable demeurait inchangé.

    4. Au final, les dispositions applicables sont les suivantes :

Art. 11 LSC Fin de l’astreinte au service civil

  1. L’astreinte au service civil prend fin dès l’instant où la personne astreinte est libérée ou exclue du service civil.

  2. L’art. 13 de la loi fédérale du 3 février 1995 sur l’armée et l’administration militaire [LAAM, RS 510.10], qui règle la durée de l’obligation d’accomplir du service militaire, est applicable par analogie à la libération du service civil.

    [ ]

  3. L’organe d’exécution prononce la libération avant terme du service civil dans les cas suivants :

    1. la personne astreinte est atteinte d’une incapacité de travail vraisemblablement durable ;

    2. la personne astreinte est atteinte dans sa santé et aucune possibilité d’affectation n’est compatible avec son état de santé ;

[ ]

Art. 18 OSCi Incapacité de travail et atteinte à la santé

  1. L’organe d’exécution peut faire examiner la personne astreinte par un médecin-conseil lorsqu’elle a déposé une demande de libération avant terme motivée accompagnée des annexes nécessaires ou sur convocation d’office.

  2. Le médecin-conseil détermine lors de l’examen :

    1. le degré de capacité de travail de la personne astreinte ;

    2. le degré de l’atteinte à la santé ;

    3. si les possibilités d’affectation proposées par l’organe d’exécution sont compatibles avec l’atteinte à la santé invoquée.

  3. Il présente les mesures qu’il estime nécessaires.

  4. Si le médecin-conseil n’est pas en mesure de faire une évaluation définitive sur la base des examens qu’il a menés ou sur la base du dossier, l’organe d’exécution demande les examens supplémentaires nécessaires.

  5. Si le médecin-conseil est en mesure de procéder à l’évaluation visée à l’al. 2, let. a sur la base du dossier, il n’est pas tenu d’examiner personnellement la personne astreinte.

  6. Le médecin-conseil peut être un médecin du service compétent du Service sanitaire de l’armée.

  7. Toute personne astreinte qui a été reconnue invalide à un taux d’invalidité d’au moins 70 % par les autorités compétentes est réputée présenter une incapacité de travail durable. Dans ce cas, l’organe d’exécution ne fait pas appel à un médecin-conseil.

  8. L’organe d’exécution peut déclarer qu’une personne astreinte est en incapacité de travail durable lorsqu’elle souffre d’une maladie grave évoluant par poussées ou survenant périodiquement, provoquant du même coup des périodes d’incapacité de travail. Il est tenu à cet effet de faire appel à un médecin-conseil.

Après avoir rappelé les exigences jurisprudentielles relatives aux pièces médicales (consid. 4), le Tribunal va analyser successivement si l’art. 11 al. 3 let. a (consid. 5) ou let. b LSC (consid. 6) a été correctement appliqué par l’autorité inférieure, respectivement si le recourant peut se prévaloir de ces dispositions pour se voir libérer du service civil avant terme.

    1. D’une manière générale, en ce qui concerne la valeur probante d’un rapport médical, ce qui est déterminant, c’est que les points litigieux aient fait l’objet d’une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu’il ait été établi en pleine connaissance de l’anamnèse, que la description du contexte médical et l’appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que les conclusions de l’expert soient dûment motivées. Au demeurant, l’élément déterminant n’est ni l’origine du moyen de preuve ni sa désignation comme rapport ou comme expertise, mais bel et bien son contenu (ATF 125 V 351 consid. 3, 122 V 157 consid. 1c et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral [ci-après : le TF] 9C_55/2016 du 14 juillet 2016 consid. 3.1). La valeur probante d’une expertise est également liée à la condition que l’expert dispose de la formation nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du TF 9C_1059/2009 du 4 août 2010 consid. 1.2).

    2. La jurisprudence a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d’apprécier certains types d’expertises ou de rapports médicaux. Ainsi, le juge ne s’écarte en principe pas sauf motifs impératifs des conclusions d’une expertise médicale mise en œuvre par une autorité conformément aux règles de procédure dans la mesure où la tâche de l’expert est précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l’éclairer sur les aspects médicaux d’un état de fait donné (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa ; ATF 118 V 286 consid. 1b). Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s’écarter d’une expertise du fait que celle-ci contient des contradictions ou lorsque d’autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l’expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa ; arrêt du TAF B-4575/2016 du 9 novembre 2017 consid. 5.3.2).

    3. Concernant des rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que selon l’expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l’unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc et les références citées). Cette constatation s’applique de même aux médecins non traitants consultés par un patient en vue d’obtenir un moyen de preuve à l’appui de sa requête du fait qu’une expertise de partie n’a pas la même valeur que les expertises mises en œuvre par un tribunal ou par l’administration conformément aux règles de procédure applicables (arrêt du TF 8C_558/2008 du 17 mars 2009 consid. 2.4.2). Toutefois le simple fait qu’un rapport médical est établi à la demande d’une partie et est produit pendant la procédure ne justifie pas en soi des doutes quant à sa valeur probante (ATF 125 V 351 consid. 3b/dd et les références citées).

5.1

      1. Le médecin-conseil, spécialiste FMH en psychiatrie et psychologie et mandaté par l’autorité inférieure, a établi un rapport d’évaluation psychiatrique sur le recourant. Dans ledit rapport du 18 mai 2015, il soulève les points qui suivent :

        Pour ce qui est de l’état actuel, affecté au service civil, [le recourant] a rencontré des difficultés similaires aux difficultés qu’il a rencontrées dans le monde professionnel de la vie civile [ ].

        A l’observation clinique, il s’agit d’un jeune homme qui est extrêmement tendu, qui présente quelques tics nerveux sous forme de clignement des yeux et d’une importante gestuelle des mains. Il paraît authentique, envahi par la problématique du service civil.

        Je retiens comme diagnostic une anxiété généralisée et des attaques de panique partielles [ ].

        Quant au pronostic dans les trois ans qui suivent, aucune amélioration suffisante n’est à espérer pour que [le recourant] puisse accomplir son service civil. Il est traumatisé par l’expérience militaire et l’expérience actuelle très difficile de recherche d’emploi dans le cadre du service civil [ ].

        [Le recourant] ne présente pas d’incapacité de travail dans une place de travail ordinaire (où il est respecté et apprécié à sa juste valeur selon lui), mais il présente une incapacité de travail complète dans un poste du service civil.

        A mon avis, [le recourant] doit être indiscutablement libéré de son obligation d’accomplir un service civil au risque de gravement perturber la guérison de son trouble.

        Le médecin-conseil a transmis au surplus le 22 août 2016 un complément au rapport d’expertise dans lequel il a répondu aux questions posées par l’autorité inférieure. Le médecin-conseil précise que l’affirmation au sujet d’une capacité de travail différenciée entre service civil et emploi ordinaire ne lui paraît pas ambivalente, mais précisément nuancée. Quant à la question de savoir ce qui advient si le recourant doit accomplir le service civil, le médecin-conseil a réitéré son pronostic selon lequel le risque d’une aggravation de l’état de santé lui paraît suffisant pour qu’on en tienne compte.

      2. Il ressort du rapport susmentionné que le recourant disposerait d’une pleine capacité de travail dans une place de travail ordinaire alors qu’il présenterait une incapacité totale de travail dans le cadre du service civil. Le médecin-conseil distingue donc la capacité de travail ordinaire de celle du service civil. Comme dans un cas déjà jugé par le Tribunal (arrêt du TAF B-4575/2016 du 9 novembre 2017), le médecin-conseil crée une nouvelle catégorie qui n’est pas pertinente sous l’angle de l’art. 11 al. 3 let. a LSC, lequel dispose qu’une incapacité de travail vraisemblablement durable est nécessaire afin que la libération avant terme du service civil puisse être prononcée. Incontestablement, le rapport médical émis par le médecinconseil est entaché d’une contradiction manifeste et, partant, il ne remplit pas les exigences jurisprudentielles qui permettraient de lui reconnaître une pleine valeur probante (arrêt précité consid. 5.3.2).

        Au surplus, il convient de constater que l’autorité inférieure avait parfaitement conscience de cette contradiction, puisqu’elle a soulevé les ambivalences y figurant et a demandé des clarifications. Bien que son médecin-conseil ait persisté dans son appréciation contradictoire, l’autorité inférieure a néanmoins rendu une décision en l’état, au mépris des exigences légales et jurisprudentielles (consid. 4.1 et 4.2).

        Il convient également de mentionner que l’expertise psychiatrique du médecin-conseil est datée du 18 mai 2015 et que la décision a été seulement rendue 9 mois plus tard, à savoir le 25 février 2016. A lui seul, l’écoulement du temps n’altère certes pas la valeur probante de cette pièce (ATF 125 V 351 consid. 3a ; arrêt du TF 9C_718/2015 du 22 mars 2016 consid. 6 et la référence citée). Cependant, comme le Tribunal va l’exposer plus loin (consid. 5.2.4-5.2.6), des pièces médicales postérieures attestent d’une incapacité de travail entre 70 et 100%. Certes, ces pièces ne suffiront

        pas pour établir ce qu’elles attestent, mais elles sont néanmoins suffisantes pour affaiblir les conclusions assez anciennes du médecin-conseil.

      3. Au vu de ce qui précède, force est de constater que le rapport médical établi par le médecin-conseil ne permet pas au Tribunal d’examiner si le recourant est atteint d’une incapacité de travail vraisemblablement durable au sens de l’art. 11 al. 3 let. a LSC ouvrant la voie à une libération avant terme du service civil. L’autorité inférieure ne dispose, en l’état, pas d’un dossier suffisant et exempt de contradictions pour rendre une décision dans la mesure où le médecin-conseil, désigné par elle-même, attestait d’une incapacité à accomplir le service civil. En statuant en l’état, elle a violé son devoir d’instruction.

5.2

      1. De son côté, le recourant a produit différentes pièces médicales émanant par plusieurs médecins devant l’autorité inférieure et le Tribunal.

      2. Il ressort du certificat médical du 25 février 2015 émanant du Dr B. , spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, et du Dr A. , médecin du centre de psychiatrie et psychothérapie des ( ), que le recourant est en incapacité totale de travail du 1er au 28 février 2015, sans aucune autre précision, ce qui ne permet pas de lui accorder une valeur probante (consid. 4.1).

      3. S’agissant du certificat médical manuscrit du 14 mars 2016 de la Doctoresse J. , spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, seule l’incapacité totale de travail du recourant y est mentionnée. Ledit certificat ne donne aucune explication quant à la raison de cette incapacité, si ce n’est que « pour des raisons médicales ». Partant, aucune valeur probante ne peut lui être accordée (consid. 4.1).

      4. Le recourant a remis ensuite deux rapports médicaux émanant de ses médecins psychiatriques traitants et de son psychologue C. .

        Dans celui du 30 mai 2016, le Dr A. , la Doctoresse E. , spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, et le psychologue C. y évoquent ce qui suit :

        [Le recourant] est venu consulter le Centre [ ] le 21 novembre 2014 pour un état anxieux et dépressif. Nous avons retenu le diagnostic suivant :

        Trouble de l’adaptation, avec réaction mixte anxieuse et dépressive (CIM-10 : F43.22) ;

        Trouble de la personnalité, sans précision (CIM-10 : F60.9) ;

        [ ] Mise à part une recrudescence des symptômes à la suite d’un entretien dans le cadre du [s]ervice civil qui a eu lieu en février 2015, nous avons observé une amélioration et une stabilisation de sa santé psychique. D’un commun accord avec [le recourant], le suivi s’est arrêté le 12 novembre 2015.

        [Le recourant] a ensuite repris contact pour un rapport médical le 9 mai 2016. Il n’était à ce moment pas question d’évaluer sa capacité de travail [ ].

        [ ]

        [Le recourant] est actuellement inapte à effectuer son [s]ervice civil. [ ]

        [Le recourant] présente une structure de personnalité fragile, une hypersensibilité au stress et des difficultés relationnelles. Ainsi, lorsqu’il est confronté à des situations stressantes, il peut décompenser sur un mode anxieux et dépressif. Le patient est conscient de sa fragilité et demande d’éviter d’effectuer le [s]ervice civil qui peut être un facteur de décompensation.

        Le second certificat médical daté du 13 octobre 2016 émanant conjointement du Dr A. , du Dr G. , spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, et du psychologue C. confirme le précédent et précise ce qui suit :

        [Le recourant] est actuellement en incapacité de travail à 100% depuis le 1er octobre 2016 et a repris un suivi psychiatrique et psychothérapeutique auprès de notre Centre.

        [Le recourant] présente une structure de personnalité fragile, une hypersensibilité au stress et des difficultés relationnelles. Actuellement, nous observons chez lui une recrudescence des symptômes anxieux et dépressifs, en réaction à la perspective de devoir effectuer le service civil. En effet, [ ], tout contact avec le service civil est une source d’angoisse invalidante qui peut être un facteur de décompensation.

        Il ressort de ces rapports médicaux que le recourant est incapable de travailler et l’accomplissement du service civil peut être un facteur d’aggravation de son état de santé.

        Cependant, au vu de la jurisprudence en matière des rapports médicaux privés émanant des médecins traitants (consid. 4.3), il y a lieu de tenir compte qu’ils n’ont pas la même valeur probante qu’une expertise ordonnée par les autorités. Partant, ils ne sauraient suffire à eux seuls pour libérer le recourant de son obligation.

      5. Le rapport médical du 29 juin 2016 du Dr F. , médecin FMH en médecine interne et médecin traitant du recourant, indique ce qui suit :

        [Le recourant] souffre d’un trouble d’adaptation avec humeur dépressive et anxiété.

        Il semble qu’à la fin de son apprentissage, [le recourant] a été victime de remarques vexatoires et dévalorisantes de la part de ses employeurs qui ont occasionné un épisode dépressif avec des troubles du sommeil, ainsi que des épisodes d’anxiété.

        En l’état actuel, [le recourant] est incapable de travailler à 100%.

        [Le recourant] est totalement incapable de travailler depuis début 2014.

        Il est vraisemblable que dans un environnement sécurisant lui permettant de retrouver ses capacités et la confiance dans ses possibilités, [le recourant] est capable de travailler à 100%.

        Il semble que l’état de santé du [recourant] ne lui permet pas actuellement d’accomplir un service civil. En effet, son état nécessite encore actuellement un suivi psychothérapeutique spécialisé ainsi qu’un soutien médicamenteux.

        Il est difficile de me prononcer sur [le point quant à la possible aggravation de l’état de santé du recourant s’il doit accomplir le service] qui devrait être développé à mon avis par un rapport du centre de psychothérapie [ ].

        D’une part, le Tribunal retient que le Dr F. n’est pas spécialiste dans le domaine psychiatrique (consid. 4.1 in fine) et il convient donc d’examiner son rapport avec retenue. D’autre part, le Tribunal constate que le médecin a employé des termes tels que « il est vraisemblable que » ou

        « il semble que » qui nuancent fortement ses conclusions. De plus, le Dr F. est le médecin traitant du recourant (consid. 4.3) et son rapport ne contient pas tous les éléments exigés par la jurisprudence afin de déterminer la valeur probante d’une pièce médicale (consid. 4.1), notamment l’anamnèse, la description du contexte médical, une appréciation claire de la situation médicale et une motivation suffisante des conclusions.

        Au vu de ce qui précède, le rapport médical du Dr F. ne saurait suffire à lui seul pour libérer le recourant de son obligation.

      6. Le rapport médical du 28 septembre 2017 rédigé par Dr H. , spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, pose le diagnostic suivant :

        Trouble de la personnalité anxieuse (évitante) (CIM-10 : F60.6)

        [ ] à l’heure actuelle la capacité de travail du [recourant] dans une activité adaptée (comme le travail de comptabilité qu’il a actuellement) est de 20 à 30%.

        Sur le plan du service civil, il ne sert actuellement à rien de chercher à confronter ce patient à un risque de nouvel échec dont il aurait de la peine à se remettre, ceci pouvant ainsi compromettre son insertion future dans une vie adulte.

        Selon le rapport du Dr H. , le recourant travaille actuellement en tant que comptable à hauteur de 20% et que cette activité lui convient bien. Toutefois, le recourant estime qu’il n’est pas capable d’augmenter le taux de son activité à l’heure actuelle.

        Au surplus, Dr H. cite dans son rapport un passage de l’expertise en date du 29 juin 2017 établie par le Dr I. , spécialiste FMH en psychiatrie et psychologie, mandaté par l’AI :

        [S]ans décompensation psychique nécessitant au moins ponctuellement un suivi psychiatrique plus intense ou une intervention en milieu stationnaire, il continue d’affronter ses difficultés. Par conséquent, [le recourant] ne souffre pas d’une maladie psychiatrique justifiant une incapacité de travail durable et l’effort à surmonter ses symptômes légers afin de reprendre le travail d’employé de commerce à plein temps reste raisonnablement exigible.

        Par courrier daté du 13 décembre 2017, le Dr H. a confirmé son diagnostic posé dans son rapport médical précédent.

        Le Tribunal relève que contrairement aux diagnostics des autres médecins estimant une incapacité totale de travail du recourant, le Dr H. reconnaît une capacité de travail résiduelle entre 20 et 30 %. Partant, il y a une divergence d’appréciation avec les autres rapports médicaux fournis par le recourant. Plus récente, cette appréciation pourrait témoigner d’une amélioration de l’état de santé du recourant qu’il faudrait alors clairement établir.

      7. S’agissant enfin de l’expertise du Dr I. , évoquée plus haut, le Tribunal ne peut rien en retenir puisqu’elle ne se trouve pas au dossier et que l’on en connaît qu’un bref extrait rapporté par un médecin tiers. Bien que le recourant ait refusé de fournir cette expertise, les éléments dont le Tribunal a actuellement connaissance ajoutent de la confusion dans un panorama clinique déjà nébuleux.

5.3 Au vu de ce qui précède, le Tribunal retient que les différentes pièces médicales fournies figurant au dossier posent des diagnostics tantôt incertains tantôt divergents et, par conséquent, le Tribunal ne peut en tenir compte afin d’établir de manière précise si le recourant présente ou non une incapacité de travail vraisemblablement durable au sens de l’art. 11 al. 3 let. a LSC.

Reste encore la question de l’art. 11 al. 3 let. b LSC qui prévoit la possibilité de libération avant terme du service civil si la personne astreinte est atteinte dans sa santé et aucune possibilité d’affectation n’est compatible avec son état de santé.

    1. Dans des arrêts récents, le Tribunal a jugé que l’autorité inférieure, forte de ses connaissances spécifiques en la matière, devait se prononcer en première instance sur l’application de l’art. 11 al. 3 let. b LSC, lorsque, suite au changement de droit, elle ne l’avait pas fait durant l’échange d’écritures (arrêts du TAF B-4311/2015 du 1er mars 2017 consid. 3.3.2 et B-4264/2016 du 25 novembre 2016 consid. 9.3).

    2. Dans le cas présent, l’autorité inférieure évoque l’art. 11 al. 3 let. b LSC et indique dans sa réponse (p. 6) ce qui suit :

Puisque nous sommes d’avis, tout comme le [médecin-conseil], que le recourant dispose d’une capacité de travail entière, l’art. 11, al. 3, let. b LSC récemment entré en vigueur ne s’applique pas dans le cas d’espèce. Cet article présuppose que le civiliste ne trouve aucune possibilité d’affectation alors qu’il est en mesure de travailler dans la vie civile (voir le Message concernant la loi fédérale sur le service civil révisée, in FF 2014 6493, p.6517), ce qui ne correspond pas à l’état de fait du cas présent.

Il ressort de cette détermination que l’autorité inférieure a eu l’intention de se prononcer au stade du recours sur l’application de l’art. 11 al. 3 let. b LSC. Cependant, le Tribunal constate que celle-ci fait référence au critère de l’art. 11 al. 3 let. a LSC, à savoir la capacité de travail, alors que les conditions à examiner dans le cadre de la let. b LSC sont l’atteinte à la santé et la possibilité d’affectation compatible avec l’état de santé du

recourant. Partant, l’autorité inférieure a violé le droit fédéral en appliquant les critères autres que ceux qui sont requis par l’art. 11 al. 3 let. b LSC.

Il ressort de ce qui précède que le recours doit être admis. La décision attaquée doit être annulée et la cause doit être renvoyée devant l’autorité inférieure pour qu’elle procède à un complément d’instruction afin de déterminer si le recourant peut être mis au bénéfice de l’art. 11 al. 3 let. a ou b LSC. Ainsi, elle pourra se prononcer en première instance sur le cas (arrêts du TAF B-4575/2016 du 9 novembre 2017 consid. 6, B-4973/2016 du 12 mai 2017 consid. 5.3, B-4311/2015 du 1er mars 2017 consid. 3.3.3 et B-4264/2016 du 25 novembre 2016 consid. 9.3). Pour cela, elle soumettra le recourant à un nouveau médecin-conseil, lequel fournira une évaluation conforme aux exigences jurisprudentielles. Sur cette base, l’autorité inférieure rendra une nouvelle décision et veillera à appliquer correctement le droit en vigueur.

La procédure en matière de service civil devant le Tribunal étant gratuite, il n’y a pas lieu de percevoir des frais de procédure ni d’allouer des dépens (art. 65 al. 1 LSC).

Le présent arrêt est définitif (art. 83 let. i de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral [LTF, RS 173.110]).

(Le dispositif figure à la page suivante.)

Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :

Le recours est admis. Partant, la décision attaquée est annulée et la cause renvoyée devant l’autorité inférieure pour qu’elle procède à un complément d’instruction dans le sens des considérants.

Il n’est pas perçu de frais ni alloué de dépens.

Le présent arrêt est adressé :

  • au recourant (recommandé ; annexes : pièces en retour)

  • à l’autorité inférieure (n° de réf. [ ] ; recommandé ; annexe : dossier en retour)

Le président du collège : Le greffier :

Pietro Angeli-Busi Yann Grandjean

Expédition : 18 janvier 2018

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