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Bundesverwaltungsgericht Urteil E-1549/2014

Kopfdaten
Instanz:Bundesverwaltungsgericht
Abteilung:Abteilung V
Dossiernummer:E-1549/2014
Datum:16.01.2015
Leitsatz/Stichwort:Renvoi et exécution du renvoi (recours réexamen)
Schlagwörter : Courant; Recourant; état; été; Décision; Demande; Renvoi; Soins; être; Aussi; était; Février; Herzégovine; Médical; Tribunal; Bosnie; Cours; Traitement; Courants; Consid; Recours; Suisse; Recourants; Personne; exécution; Retour; Psychiatre; Mesure; Leurs
Rechtsnorm:-
Referenz BGE:-
Kommentar zugewiesen:
Spühler, Basler Kommentar zur ZPO, Art. 321 ZPO ; Art. 311 ZPO, 2017
Weitere Kommentare:-
Entscheid

B u n d e s v e r w a l t u n g s g e r i c h t

T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i f f é d é r a l

T r i b u n a l e a m m i n i s t r a t i v o f e d e r a l e T r i b u n a l a d m i n i s t r a t i v f e d e r a l

Cour V

E-1549/2014

A r r ê t  d u  16  j a n v i e r  2 0 1 5

Composition William Waeber (président du collège), Gérard Scherrer, Daniel Willisegger, juges, Jean-Claude Barras, greffier.

Parties A. , né le ( ),

  1. , née le ( ),

  2. , née le ( ), Bosnie et Herzégovine, représentés par

Centre Social Protestant (CSP), recourants,

contre

Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM ; anciennement Office fédéral des migrations, ODM), Quellenweg 6, 3003 Berne,

autorité inférieure.

Objet Exécution du renvoi (recours réexamen) ; décision de l'ODM du 18 février 2014 / N ( ).

Faits :

A.

A. , son épouse B.

et leur enfant C. Brkic ont

déposé une demande d'asile en Suisse, le 22 décembre 2011, faisant valoir leur besoin d'être aidés car, depuis que le recourant avait été soigné contre la tuberculose, leur situation matérielle s'était considérablement dégradée, celui-ci ne trouvant plus de travail dans sa branche, la restauration, à cause de ses antécédents médicaux dont se défiaient les employeurs potentiels. A. a aussi dit être venu retrouver sa mère en Suisse et s'y faire soigner.

A la demande de l'ODM (actuellement et ci-après le SEM), les intéressés ont chacun produit un rapport médical les 25 et 30 avril 2012. Il en ressortait que le recourant avait bien été traité pour une tuberculose, entre-temps guérie, dans son pays. Quant à son épouse et à leur fille, elles présentaient toutes deux une tuberculose latente nécessitant un traitement médicamenteux.

Par décision du 8 février 2013, le SEM a rejeté la demande des conjoints et de leur enfant au motif que les préjudices qu'ils alléguaient étaient d'ordre socio-économique, de sorte qu'ils n'entraient pas dans le champ de l'art. 3 LAsi. Le SEM a aussi prononcé le renvoi de Suisse des intéressés et ordonné l'exécution de cette mesure, qu'il a en particulier considérée comme raisonnablement exigible du moment qu'il avait été médicalement constaté que la tuberculose du recourant était guérie.

B.

Dans une lettre du 25 février 2013, les conjoints ont demandé au SEM de réexaminer leur situation. A l'appui de leur requête, ils ont argué des retrouvailles du recourant avec sa mère et son demi-frère naturalisé suisse et de leur bonne intégration en Suisse où ils s'étaient toujours bien comportés. Ils ont aussi mis en avant les conditions de vie difficiles en Bosnie et Herzégovine où l'hiver n'était pas encore passé et où ils se retrouveraient sans travail ni logement s'ils devaient quitter la Suisse le 7 mars suivant, comme ordonné dans la décision précitée.

C.

Le 7 mars 2013, le SEM a prolongé au 10 mai 2013 le délai de départ des recourants, précisant que les arguments soulevés dans leur requête du 25 février précédent n'étaient pas de nature à remettre en question la décision du 8 février 2013, qui demeurait exécutoire.

D.

Le 3 juin 2013, A.

et B.

ont demandé au SEM de

reconsidérer sa décision en ce qui concernait l’exécution de leur renvoi. Ils ont motivé leur requête par une détérioration de leur état de santé, certifiée par deux attestations médicales des 12 et 23 mai 2013. L'une signalait la présence de symptômes et de signes d'un état dépressif sévère avec des caractéristiques psychotiques, dans un contexte de stress posttraumatiques complexe, chez le recourant ; l'autre faisait état d'un trouble dépressif sévère associé à des idées suicidaires chez son épouse. Selon sa thérapeute, l'état du recourant nécessitait un traitement psychiatrique intégré incluant des consultations psychiatriques hebdomadaires et un traitement médicamenteux psychotrope. Celui de son épouse requérait un traitement psychiatrique et psychothérapeutique bimensuel associé à un traitement d'antidépresseur et d'anxiolytique. Pour sa psychiatre, la santé mentale, encore trop instable, de la recourante était incompatible avec un départ «forcé» de Suisse. Se fondant sur son expérience de médecinexpert en Bosnie et Herzégovine auprès d'un organe du Conseil de l'Europe, la psychiatre du recourant relevait, de son côté, qu’il n’y avait pas dans ce pays de possibilité de prise en soins de son patient qui devait par conséquent continuer à en recevoir dans son lieu de vie actuel, au moins jusqu’à l’amélioration de son état psychique, sous peine de décompensation psychotique. Forts de ces constats, les époux estimaient que leur renvoi dans leur pays, où ils risquaient de ne pas pouvoir accéder aux soins jugés indispensables à leur état, reviendrait à mettre en danger leur vie et celle de leur enfant dont ils ne pourraient pas s’occuper convenablement, de sorte que cette mesure n’était plus raisonnablement exigible.

E.

Par décision du 18 février 2014, notifiée le 21 février suivant, le SEM a rejeté la demande de reconsidération des recourants au motif qu'il ressortait de leurs attestations qu'ils étaient déjà souffrants en procédure ordinaire si bien qu'ils auraient pu se prévaloir de leurs affections à ce moment. Le SEM a ensuite noté que les attestations fournies n’établissaient pas une détérioration de leur état postérieure au 8 février 2013 et qu’au demeurant, il n’y avait pas d’indications que les conjoints, s'ils avaient encore besoin de soins, ne puissent en obtenir dans leur pays. Selon le SEM, le traitement ambulatoire dont ils bénéficiaient alors était disponible en Bosnie et Herzégovine, où ils pouvaient aussi obtenir les médicaments qui leur avaient été prescrits. En outre, il s’agissait là de prestations couvertes par l’assurance-maladie. A cet égard, le SEM a précisé que, pour bénéficier de cette assurance, il suffisait, dans le cas des

recourants, d’obtenir une carte de résidence, ou de résidence temporaire pour les personnes déplacées, puis de s’inscrire au Bureau de l’emploi dans les 15 à 30 jours après leur retour.

F.

Dans leur recours interjeté le 24 mars 2014, les conjoints contestent l’opinion du SEM selon laquelle leur état ne se serait pas aggravé depuis qu’ils ont commencé à se faire soigner. Ils en veulent pour preuve les attestations produites à l'appui de leur demande de reconsidération et le rapport, annexé à leur mémoire, de la psychiatre du recourant du 21 mars 2014. Selon la thérapeute, après une amélioration initiale, l'état mental de l'intéressé (qui présentait déjà, courant 2013, un état dépressif sévère avec des caractéristiques psychotiques) s’était à nouveau détérioré via une recrudescence de la symptomatologie dépressive aigue qui l'avait amené à commettre un tentamen médicamenteux ayant entraîné, le 26 février 2014, son hospitalisation pendant deux semaines. De même, les époux estiment qu’on ne saurait reprocher à la recourante, qui produit une attestation du 3 mars 2014, de n’avoir pas immédiatement signalé au SEM la détérioration de son état dès lors que vers décembre 2012 - janvier 2013, soit au plus fort du trouble dépressif sévère associé à des idées suicidaires pour lequel elle était soignée au D. , elle n’avait pas encore été prise en charge par un psychiatre.

Ils réfutent aussi le point de vue du SEM selon lequel ils n’auraient pas subi de traumatisme particulier et renvoient à nouveau le Tribunal au rapport du 21 mars 2014, dans lequel la psychiatre du recourant souligne le passé lourdement chargé de son patient par de multiples traumatismes psychiques dans l’enfance et l’adolescence.

Les conjoints font également grief au SEM de n’avoir pas pris la mesure de la gravité de leur état pourtant bien mise en avant dans les attestations médicales produites à l'appui de leur demande de reconsidération.

Par ailleurs, ils reprochent au SEM de n'avoir pas cherché à savoir s'ils pouvaient bénéficier, dans leur pays, des traitements qui leur sont actuellement prodigués, quand bien même, dans son attestation du 12 mai 2013, la psychiatre du recourant avait relevé qu'il n'existait pas en Bosnie et Herzégovine de possibilité de prendre en soins un patient dans sa situation. Le recourant relève également que, dans son pays, il n'a plus d'assurance-maladie. Or, selon sa psychiatre, le coût de ses médicaments s'élève à plusieurs centaines de francs par mois, un montant qu'une personne sans assurance-maladie ne peut assumer. Dès lors, s'il venait à

être renvoyé en Bosnie et Herzégovine dans son état actuel, il ne pourrait pas s'y faire soigner, courant ainsi le risque de plus pouvoir retravailler et d'être réduit à une existence indigne avec les siens. Les conjoints soutiennent aussi que même s’ils bénéficiaient d’une assurance-maladie dans leur pays, ils ne seraient pas en mesure d'assumer la part des frais médicaux encore à leur charge. L'aide au retour du SEM, à peine suffisante pour acheter des médicaments, ne suffirait pas non plus à couvrir ces frais. En outre, compte tenu des modestes moyens de la mère du recourant en Suisse, ils ne peuvent pas compter sur son soutien. Les époux relèvent également que les cliniques spécialisées en soins psychiatriques des grandes villes de leur pays sont surchargées, de sorte qu’il leur serait très difficile de pouvoir bénéficier du suivi psychothérapeutique requis par leur état. Quant aux autres établissements hospitaliers, ils sont moins performants et n’arrivent souvent pas à assurer la demande en soins psychiatriques, faute de spécialistes.

Enfin, les recourants reprochent au SEM de n’avoir pas pris en compte le sort de leur fille, exposée à une vie "misérable et indigne" si elle devait retourner en Bosnie et Herzégovine avec des parents dans leur état. Ils ont conclu préjudiciellement à l’octroi de mesures provisionnelles ; ils ont aussi demandé à être exemptés d’une avance de frais de procédure et à bénéficier de l’assistance judiciaire partielle. Au fond, ils concluent à l’annulation de la décision du SEM et à l’octroi d’une admission provisoire.

G.

Par décision incidente du 27 mars 2014, le Tribunal a suspendu l'exécution du renvoi des recourants à titre de mesures provisionnelles. Il les a aussi dispensés du paiement d'une avance de frais de procédure, renvoyant à une date ultérieure sa décision sur leur demande d'assistance judiciaire partielle.

H.

Sur requête du Tribunal, le recourant a produit, le 26 mai 2014, une lettre

de sortie du E.

du 4 avril précédent, consécutivement à son

hospitalisation volontaire du 26 février 2014, sur présentation d'un certificat médical, pour péjoration d'un état dépressif avec apparition de symptômes psychotiques et tentamen médicamenteux.

I.

Dans sa réponse du 12 juin 2014 au recours, le SEM a conclu à son rejet au motif que les griefs qui y étaient soulevés ne trouvaient pas de fondement dans les pièces du dossier. Le SEM a considéré qu'au moment

où il avait statué sur la demande de reconsidération, une détérioration importante de la santé des recourants n'était pas établie. En outre, ceux-ci n'avaient pas démontré qu'ils s'étaient trouvés, malgré eux, dans l'impossibilité de faire valoir en procédure ordinaire leurs affections.

J.

Le 8 juillet 2014, les intéressés ont répliqué que s'ils étaient certes déjà souffrants avant la décision du SEM, leur état s'était ensuite détérioré comme cela ressortait des attestations médicales des 12 et 23 mai 2013. Cette détérioration s'était d'ailleurs poursuivie au point d'entraîner l'hospitalisation du recourant au début de l'année suivante. En outre, si la recourante était déjà soignée pour des troubles psychiques fin 2012 début 2013, elle n'avait pas pu en faire part au SEM déjà à ce moment pour les raisons développées dans le recours du 24 mars 2014. Enfin, la gravité de leur état n'ayant été objectivement pertinente, selon eux, qu'à partir de mai 2013, ils n'avaient dès lors violé ni leur obligation de diligence ni leur obligation de collaborer, de sorte que leur demande de reconsidération était fondée. Ils ont aussi fait grief au SEM de ne s'être pas penché sur la question de l'intérêt supérieur de leur enfant, alors qu'ils s'y étaient pourtant expressément référés dans leur recours.

K.

Dans une lettre du 9 juillet 2014, les époux ont encore précisé que le traitement du recourant avait débuté le 9 avril 2013, ce qui confirmait bien que l'aggravation de son état était survenue postérieurement à la décision du SEM et qu'elle ne pouvait donc pas être invoquée en procédure ordinaire.

Droit :

1.

    1. Le Tribunal, en vertu de l’art. 31 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF, RS 173.32), connaît des recours contre les décisions au sens de l’art. 5 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA, RS 172.021) prises par les autorités mentionnées à l’art. 33 LTAF.

      En particulier, les décisions rendues par le SEM concernant l’asile peuvent être contestées, par renvoi de l’art. 105 LAsi, devant le Tribunal, lequel statue alors définitivement, sauf demande d’extradition déposée par l’Etat

      dont le requérant cherche à se protéger (art. 83 let. d ch. 1 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral [LTF, RS 173.110]), exception non réalisée en l'espèce.

    2. Les recourants ont qualité pour recourir (cf. art. 48 al. 1 PA). Présenté dans la forme (cf. art. 52 al. 1 PA) et dans le délai prescrit par la loi (cf. art. 108 al. 1 LAsi), le recours est recevable.

    3. La demande de réexamen ayant été déposée le 3 juin 2013, la loi sur l'asile applicable est celle dans sa teneur au 1er janvier 2008 (cf. al. 2 des dispositions transitoires de la modification du 14 décembre 2012 entrée en vigueur le 1er février 2014).

2.

    1. La demande de réexamen (aussi appelée demande de nouvel examen ou de reconsidération), définie comme une requête non soumise à des exigences de délai ou de forme, adressée à une autorité administrative en vue de la reconsidération de la décision qu'elle a prise et qui est entrée en force, n'est pas expressément prévue par la PA (elle l'est aujourd'hui dans la LAsi). La jurisprudence et la doctrine l'ont cependant déduite de l'art. 4 de la Constitution fédérale du 29 mai 1874 (aCst), qui correspond, sur ce point, à l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 (Cst., RS

      101) et de l'art. 66 PA, qui prévoit le droit de demander la révision des décisions.

    2. Le SEM n'est tenu de se saisir d'une demande de réexamen que lorsqu'elle constitue une demande d'adaptation, à savoir lorsque le requérant se prévaut d'un changement notable de circonstances postérieur au prononcé de sa décision ou, en cas d'absence de recours ou de décision d'irrecevabilité du recours interjeté contre cette décision, lorsque le requérant invoque un des motifs de révision prévus à l'art. 66 PA, applicable par analogie (cf. ATAF 2010/27 consid. 2.1 p. 367 s.).

    3. En outre, une demande de réexamen ne saurait servir à remettre continuellement en cause des décisions administratives entrées en force de chose jugée et d'éluder les dispositions légales sur les délais de recours (cf. ATF 136 II 177 consid. 2.1 p. 181 et jurisp. cit. ; cf. également Jurisprudence et informations de la Commission suisse de recours en matière d’asile [JICRA] 2003 n° 17 consid. 2b p. 104 et jurisp. cit.). En conséquence et par analogie avec l'art. 66 al. 3 PA, il y a lieu d'exclure le réexamen d'une décision de première instance entrée en force lorsque le

requérant le sollicite en se fondant sur des moyens qu'il aurait pu invoquer par la voie de recours contre cette décision au fond.

3.

En l'espèce, les intéressés ont fondé leur demande de réexamen du 3 juin 2013 sur l'aggravation de leur état de santé, en particulier de celui du recourant, indiquant qu'ils ne pourraient pas bénéficier de traitements adéquats en cas de renvoi en Bosnie et Herzégovine. Ils ont étayé leurs dires par le dépôt de plusieurs rapports médicaux, établis entre le 12 mai 2013 et le 4 avril 2014. L'aggravation de leur état, que les recourants opposent à l'exécution de leur renvoi, désormais inexigible, selon eux, est postérieure à la fin de la procédure d'asile ordinaire (8 février 2013), en tout cas en ce qui concerne le recourant. La demande de réexamen se base donc sur des faits nouveaux et c'est à raison que le SEM est entré en matière sur celle-ci.

4.

L’exécution du renvoi peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l’expulsion de l’étranger dans son pays d’origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEtr). Cette disposition s’applique en premier lieu aux "réfugiés de la violence", soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu’ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée, et ensuite aux personnes pour qui un retour reviendrait à les mettre concrètement en danger, notamment parce qu’elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont besoin (ATAF 2011/50 consid. 8.18.3 et jurisp. cit.).

En revanche, les motifs résultant de difficultés consécutives à une crise socio-économique (pauvreté, conditions d'existence précaires, difficultés à trouver un travail et un logement, revenus insuffisants, absence de toute perspective d'avenir) ou, encore, la désorganisation, la destruction des infrastructures ou des problèmes analogues auxquels chacun peut être confronté, dans le pays concerné, ne suffisent pas en soi à réaliser une mise en danger concrète selon l'art. 83 al. 4 LEtr (cf. ATAF 2010/41 consid.

8.3.6 p. 591 et arrêts cités). Le Tribunal rappelle également qu'en matière d'exécution du renvoi, les autorités d'asile peuvent exiger un certain effort de la part de personnes dont l'âge et l'état de santé doivent leur permettre, après leur retour, de surmonter les difficultés initiales à trouver un logement

ainsi qu'un emploi leur assurant un minimum vital (cf. ATAF précité consid. 8.3.5 p. 590).

S'agissant des personnes en traitement médical en Suisse, l'exécution du renvoi ne devient inexigible que dans la mesure où elles ne pourraient plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence ; par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d'urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine (cf. GABRIELLE STEFFEN, Droit aux soins et rationnement, Berne 2002, p. 81 s. et 87). L'art. 83 al. 4 LEtr, disposition exceptionnelle tenant en échec une décision d'exécution du renvoi, ne saurait en revanche être interprété comme une norme qui comprendrait un droit de séjour lui-même induit par un droit général d'accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l'infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d'origine ou de destination de l'intéressé n'atteint pas le standard élevé qu'on trouve en Suisse. Si les soins essentiels nécessaires peuvent être assurés dans le pays d'origine ou de provenance de l'étranger concerné, cas échéant avec d'autres médications que celles prescrites en Suisse, l'exécution du renvoi dans l'un ou l'autre de ces pays sera raisonnablement exigible. Elle ne le serait plus, au sens de l'art. 83 al. 4 LEtr si, en raison de l'absence de possibilités de traitement effectives dans le pays d'origine, l'état de santé de la personne concernée se dégraderait très rapidement, au point de conduire, d'une manière certaine, à la mise en danger concrète de l'intégrité physique ou psychique (cf. ATAF 2011/50 consid. 8.3, p. 1003 s. et ATAF 2009/2 consid. 9.3.2, p. 21 ; cf. également Jurisprudence et informations de la Commission suisse de recours en matière d'asile [JICRA] 2003 n° 24 consid. 5b p. 157 s.).

5.

    1. En l'occurrence, il ressort des derniers rapports médicaux produits en cause que, sur le plan psychique, la recourante souffre de symptômes résiduels (tristesse, anxiété et occasionnelles idées suicidaires) d'un trouble dépressif sévère. Actuellement, elle devrait bénéficier d'un traitement psychiatrique et psychothérapeutique bimensuel associé à un traitement antidépresseur. De l'avis de sa psychiatre, son état mental est incompatible avec un départ forcé de Suisse si elle n'est pas assurée d'obtenir dans son pays des soins appropriés. Quant à son époux, les médecins qui l'ont soigné pendant son hospitalisation font état d'un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère, et d'un état de stress posttraumatique (cf. lettre de sortie du 4 avril 2014). Sa psychiatre mentionne

      aussi un état dépressif sous forme de dépression avec des caractéristiques psychotiques, à savoir des idées délirantes, ce qui suppose un pronostic très défavorable. Selon la thérapeute, il s'agit là d'affections liées à de multiples traumatismes psychiques remontant à l'enfance et à l'adolescence du recourant qui a souffert de la séparation de ses parents et du départ de sa mère qu'il n'a que sporadiquement revue jusqu'à récemment, qui a aussi dû enduré des sévices physiques infligés par sa belle-mère, qui a également souffert de la guerre avec la perte d'un demifrère et qui, encore adolescent, a dû s'occuper de sa demi-sœur gravement handicapée. Le 26 février 2014, il a été hospitalisé volontairement pour péjoration d'un état dépressif avec apparition de symptômes psychotiques et tentamen médicamenteux. Dans ce contexte, sa psychiatre considère qu'un retour forcé dans son pays pourrait potentiellement le pousser à commettre à nouveau une tentative de suicide. Dans leurs remarques relatives à son "status", à sa sortie de clinique, le 13 mars 2014, les médecins notaient la présence de ruminations anxieuses quant à l'avenir, d'anxiété et d'irritabilité mais aussi l'absence d'idées noires et suicidaires et de symptômes psychotiques. Outre la poursuite du traitement psychiatrique intégré (consistant en des consultations psychiatriques hebdomadaires ou tous les dix jours) initié par sa psychiatre, ils préconisaient un traitement médicamenteux incluant un neuroleptique (Entumine), un antidépresseur (Remeron), un anxiolytique (Temesta), un analgésique (Dafalgan), un somnifère et du "Topamax" contre la migraine.

      A la lumière de ces diagnostics, la situation médicale des recourants ne saurait en aucun cas être minimisée. Cela dit, il y a lieu de relever que c'est dans un contexte évolutif que se sont développés les sérieux troubles psychiques dont souffre le recourant, en particulier (cf. supra consid. 5.1). La recourante, a, elle, été soignée au D. dès la fin 2012 - début 2013 pour un trouble dépressif sévère associé à des idées suicidaires. Pour autant et quoi qu'en disent les recourants, tout au long de la procédure ordinaire, ni l'un ni l'autre n'a estimé son état suffisamment grave pour en tirer argument contre l'exécution de leur renvoi. Il en a d'ailleurs été de même ultérieurement dans leur lettre du 25 février 2013 où les époux ont demandé au SEM de reconsidérer sa position pour d'autres motifs que leurs problèmes médicaux. Le Tribunal constate encore que l'hospitalisation du recourant, en février 2014, consécutive à une détérioration de son état mental est, en partie du moins, liée à l'incertitude de son statut en Suisse et à la perspective de devoir retourner dans son pays. Il affirme en effet, dans son recours, qu'il y a incontestablement eu aggravation de ses troubles après la décision du SEM du 8 février 2013. Dans son attestation du 23 mai 2013, la psychiatre de la recourante notait

      que le mari de cette dernière bénéficiait de soins psychiques ambulatoires à la suite de troubles réactionnels à leur situation administrative, qu'aussi sa patiente ne pouvait en attendre un soutien moral.

    2. Le Tribunal ne sous-estime pas pour autant les appréhensions que les époux peuvent ressentir à l'idée de devoir regagner leur pays d'origine, après trois années passées en Suisse. Il n'en reste pas moins qu'on ne saurait de manière générale prolonger indéfiniment le séjour de personnes au seul motif que la perspective d'un retour exacerbe un état psychologique perturbé. Le Tribunal est aussi conscient de l'aggravation de l'état du recourant en réaction à la décision négative du SEM et au stress lié à un renvoi dans son pays d'origine. Il considère néanmoins c'est à leurs thérapeutes qu'il revient de préparer les conjoints à la perspective d'un retour et aux autorités d'exécution de vérifier le besoin de mesures particulières que requerrait leur état lors de l'organisation du renvoi.

    3. Quant aux idéations suicidaires et au risque d'un passage à l'acte autoagressif mentionnés par leur psychiatre respectif, il y a lieu de rappeler que les troubles de nature suicidaire sont couramment observés chez les personnes confrontées à l'imminence d'un renvoi ou devant faire face à l'incertitude de leur statut en Suisse (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5384/2009 du 8 juillet 2010, consid. 5.6 et réf. cit.). Cela dit, selon la pratique du Tribunal, ni une tentative de suicide ni des tendances suicidaires ("suicidalité") ne s'opposent en soi à l'exécution du renvoi, y compris au niveau de son exigibilité, seule une mise en danger présentant des formes concrètes devant être prises en considération. Dans l'hypothèse où les tendances suicidaires s'accentueraient dans le cadre de l'exécution de la décision, les autorités devraient y remédier au moyen de mesures adéquates, de façon à exclure un danger concret de dommages à la santé (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral E-1302/2011 du 2 avril 2012 consid. 6.2 et 6.3.2).

6.

    1. Cela dit, concernant la situation médicale générale en Bosnie et Herzégovine et, en particulier en Fédération de Bosnie et Herzégovine, les soins simples ou courants sont généralement accessibles dans toutes les régions (cf. notamment arrêts du TAF rendus dans les causes E-3380/2012

      du 21 août 2014 consid. 5.5, D-1728/2012 du 4 février 2014 consid. 5.1 et D-4556/2009 du 31 octobre 2012 consid. 5.5 ; cf. aussi International Organization of Migration [IOM] / Bundesamt für Migration und Flüchtlinge [BAMF], Country Fact Sheet Bosnia and Herzegovina, octobre 2013,

      p. 11 ss et European Commission against Racism and Intolerance, ECRI Report on Bosnia and Herzegovina du 8 février 2011 p. 29 s.). Pour avoir accès aux thérapies plus complexes, les malades doivent toutefois le plus souvent se rendre dans les grands centres médicaux, présents en particulier dans les villes telles que Sarajevo, Tuzla, Mostar, Travnik et Zenica. Même dans ces centres, diverses pathologies graves nécessitant un suivi médical approfondi ne peuvent parfois pas être soignées convenablement. L’approvisionnement en médicaments est dans l'ensemble assuré, en tout cas dans les grands centres urbains, pour les personnes disposant de ressources financières suffisantes (cf. causes E- 3380/2012 et D-1728/2012 précitées).

      A cet égard, il y a lieu d'observer que le recourant a déjà été traité dans son pays pour une tuberculose soignée par pentathérapie pendant sept mois au cours desquels il a été hospitalisé deux mois et demi à F. . Il y a aussi lieu de rappeler qu'en mars 2014, les affections dont souffre la recourante (graves troubles de la santé mentale liés à un trouble anxieux et dépressif mixte) étaient en rémission incomplète. De même, selon la lettre de sortie du 4 avril 2014, au terme de son hospitalisation, le 13 mars 2014, le recourant n'était plus en proie à des idées noires et suicidaires ; il ne présentait pas non plus de symptômes psychotiques. Dans ces conditions et vu ce qui a été dit plus haut, les soins essentiels encore nécessaires aux affections des intéressés sont en principe disponibles en Fédération de Bosnie et Herzégovine.

      Selon les informations à disposition du Tribunal, l'Entumine (neuroleptique) et le Lorazepam (anxiolytique) ne sont pas disponibles en Bosnie et Herzégovine mais la Quétiapine (le neuroleptique atypique mentionné par la psychiatre du recourant dans son rapport du 21 mars 2014) et le Temesta (anxiolytique, prescrit uniquement en réserve) le sont sous les appellations de Kvetiapin et de Bosaurin. Pour le reste, hormis le Dalmadorm, un somnifère aussi prescrit uniquement en réserve, on trouve en principe les autres médicaments listés par les thérapeutes du recourant.

    2. En matière d'accès aux soins, la Bosnie et Herzégovine fait face à des inégalités croissantes, dues en particulier à un nombre important de citoyens vivant en dessous du seuil de pauvreté (14% de la population) et à un taux de chômage très élevé (plus de 40%). Selon l'Organisation

mondiale de la Santé (OMS), entre 17% et 35% des ressortissants du pays (le taux varie en fonction du canton concerné) ne sont pas couverts par l'assurance-maladie (cf. World Health Organization [WHO], Country Cooperation Strategy at a glance, Bosnia and Herzegovina, mai 2013). Pour être affiliés au système d'assurance-maladie, les ressortissants de Bosnie et Herzégovine ayant séjourné à l'étranger doivent obtenir une carte de résidence, ou de résidence temporaire pour les personnes déplacées, puis s'inscrire au Bureau de l'emploi dans les 15 à 30 jours (en fonction des cantons) après leur retour. Les personnes déplacées doivent également avoir été assurées avant leur départ. L'accès à l'assurancemaladie ne signifie pas pour autant que la personne malade ne devra pas supporter les frais occasionnés par des traitements médicaux importants, puisque, même assurés, les patients doivent participer financièrement à tous les soins de santé, à hauteur de 10 à 20% (taux fixé par les lois cantonales). Par ailleurs, les personnes dont l'état nécessite d'un point de vue médical un suivi particulier, que celui-ci soit psychique ou somatique, doivent le plus souvent se rendre dans les grands centres médicaux du pays (cf. arrêt rendu dans la cause D-4556/2009 précitée consid. 5.7 et réf. cit.).

En l'espèce, selon les déclarations du recourant, ses frais d'hospitalisation en Bosnie et Herzégovine auraient été pris en charge par les habitants de son village et, "un petit peu", par sa mère. Cela dit, rien au dossier ne permet de conclure que le recourant ne figurait pas au registre des personnes assurées dans son pays. Il a en effet bénéficié pendant plusieurs mois de soins avant son départ ; lui-même et son épouse ont en outre chacun produit un passeport. Il y a dès lors lieu d'admettre qu'ils pourront bénéficier, à leur retour, d'une couverture médicale de base leur permettant d'accéder aux soins dont ils ont besoin, ainsi qu'à certaines prestations sociales.

Les conjoints peuvent en outre solliciter une assistance médicale (art. 93 LAsi et 73 ss de l'ordonnance 2 du 11 août 1999 sur l'asile relativement au financement [OA 2, RS 142.312]) afin de préparer leur retour et de bénéficier d'une réserve de médicaments pour la période qui suivra leur arrivée au pays, notamment jusqu'à ce qu'ils puissent être enregistrés et bénéficier des prestations de l'assurance-maladie. Il incombera également aux autorités suisses d'exécution de contrôler, au moment du départ, dans la mesure où la situation médicale des intéressés l'exige, s'ils sont réellement aptes à voyager, voire de leur fournir les traitements et l'accompagnement nécessaires.

Par ailleurs, le recourant, qui est encore jeune et qui est diplômé de l'école hôtelière, a déjà démontré qu'il était capable de subvenir aux besoins de sa famille dans son pays. Lors de ses auditions, il n'a pas prétendu qu'il était sans perspective d'embauche en Bosnie et Herzégovine mais a plutôt laissé entendre que quand une offre d'emploi s'était présentée, il n'avait pas été engagé à cause de ses antécédents tuberculeux. Les analyses bactériologiques de ses expectorations et les contrôles radiologiques entrepris depuis qu'il est en Suisse ont toutefois démontré qu'il était aujourd'hui guéri de sa tuberculose. De retour dans son pays, iI lui suffira donc de produire à ses éventuels employeurs un certificat pour lever tout doute à ce sujet.

Enfin, les époux ont aussi, chacun de leur côté, de la parenté en Bosnie et Herzégovine. Le recourant, qui a dit venir de G. , dans la région de H. , y a notamment son père et ses demi-frères et demi-sœurs. Ceux-ci sont en mesure de leur apporter un soutien. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de craindre en particulier que l'enfant des recourants soit exposée à une précarité durable. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, il est permis de penser que, de retour chez eux, les recourants et leur enfant pourront mener une existence conforme à la dignité humaine, malgré les difficultés inhérentes à leur réintégration et à leur réinstallation dans un pays qu'ils ont quitté il y a trois ans.

7.

Au vu de ce qui précède, l'exécution du renvoi des recourants demeure raisonnablement exigible. Il s'ensuit que le recours doit être rejeté et la décision querellée confirmée.

8.

Vu l'issue de la procédure, il y aurait lieu de mettre les frais à la charge des recourants, conformément aux art. 63 al. 1 PA et 2 et 3 let. b du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral (FITAF, RS 173.320.2).

L'assistance judiciaire partielle à l'octroi de laquelle ils ont conclu doit toutefois leur être accordée dans la mesure où leurs conclusions n'étaient pas vouées à l'échec et du fait qu'ils sont indigents (cf. 65 al. 1 PA).

(dispositif page suivante)

Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :

1.

Le recours est rejeté.

2.

La demande d'assistance judiciaire partielle est admise.

3.

Il n'est pas perçu de frais de procédure.

4.

Le présent arrêt est adressé au mandataire des recourants, au SEM et à l'autorité cantonale.

Le président du collège : Le greffier :

William Waeber Jean-Claude Barras

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