Instanz: | Bundesverwaltungsgericht |
Abteilung: | Abteilung III |
Dossiernummer: | C-2139/2013 |
Datum: | 30.09.2014 |
Leitsatz/Stichwort: | Reconnaissance du statut d'apatride |
Schlagwörter : | édéral; Tribunal; écision; ;apatride; été; Convention; éintégration; édure; éfugié; être; ésent; ;asile; Turquie; Quot;; éposé; -après:; Ministère; échu; évrier; était; érant; ;état; ître; Office; érieure; ;octroi; ;autorité; éré; Genève; édérale |
Rechtsnorm: | - |
Referenz BGE: | - |
Kommentar: | - |
Cour III
C-2139/2013
Composition Jenny de Coulon Scuntaro (présidente du collège), Marie-Chantal May Canellas, Blaise Vuille, juges, Georges Fugner, greffier.
Parties A. ,
représenté par Maître Kathrin Gruber, Passage du Pont de Danse 4,
Case postale 486, 1800 Vevey 1, recourant,
contre
Quellenweg 6, 3003 Bern, autorité inférieure.
Objet Reconnaissance du statut d'apatride.
A. , alors ressortissant turc, né le 5 mars 1953, est arrivé en Suisse le 17 novembre 1981 et y a déposé une demande d'asile le 9 mars 1982.
Par décision du 23 septembre 1983, l'Office fédéral de la police (alors compétent en la matière; ci-après: OFP) a accordé l'asile à A. et lui a reconnu la qualité de réfugié.
Le 8 novembre 1986, le Ministère de l'intérieur de la République de Tur-
quie a déchu A.
de la nationalité turque au motif que celui-ci
s'était soustrait à ses obligations militaires.
Par décision du 10 janvier 2003, l'Office fédéral des réfugiés (actuellement: Office fédéral des migrations; ci-après: ODM) a révoqué l'asile oc-
troyé à A.
et lui a retiré la qualité de réfugié, motif pris de la
condamnation à 14 ans d'emprisonnement prononcée à son endroit en 1996 en Allemagne pour de graves délits en matière de stupéfiants.
A. a recouru contre cette décision le 10 février 2003 auprès de la Commission suisse de recours en matière d'asile (ci-après: CRA)
Le 13 février 2004, A. a sollicité auprès de l'ODM la délivrance d'un document de voyage en tant qu'apatride, requête sur laquelle l'ODM n'est pas entré en matière, au motif que la question de la révocation de son statut de réfugié était encore en suspens auprès de la CRA.
Par arrêt du 2 juin 2005, la CRA a confirmé sur recours la décision de l'OFP du 10 janvier 2003, en tant qu'elle prononçait la révocation de l'asile de A. , mais a poursuivi la procédure relative à la révocation de son statut de réfugié.
Cette procédure a été reprise le 1er janvier 2007 par le Tribunal administratif fédéral (ci-après: le Tribunal).
Le 24 juin 2010, le Tribunal a admis le recours déposé contre la décision
de l'ODM du 10 janvier 2003, en tant qu'elle prononçait le retrait de la qualité de réfugié de A. .
Le 1er août 2010, A. a réitéré auprès de l'ODM sa demande tendant à l'octroi du statut d'apatride. A l'appui de sa requête, il a produit un document du Ministère de l'Intérieur de la République de Turquie, dont il ressort, d'une part, qu'il avait été déchu de la nationalité turque le 8 novembre 1986, d'autre part, que sa demande de réintégration dans sa nationalité turque du 17 juillet 2005 avait été rejetée en raison des délits qu'il avait commis en Allemagne.
Par décision du 21 mars 2013, l'ODM a rejeté la demande de A. tendant à la reconnaissance du statut d'apatride. Dans la motivation de sa décision, l'autorité inférieure a relevé d'abord que la reconnaissance de ce statut supposait que la perte de nationalité était involontaire et non fautive, ce qui n'était pas le cas du requérant, qui avait été déchu de sa nationalité en application de l'art. 25 c de l'ancienne loi 403 sur la nationalité (soit pour non accomplissement de ses obligations militaires). L'ODM a exposé ensuite que la nouvelle loi turque sur la nationalité permettait, à certaines conditions, aux personnes qui avaient perdu la nationalité turque d'introduire une requête de réintégration dans leur nationalité sans être nécessairement domiciliés en Turquie. L'autorité inférieure a considéré à cet égard que la requête de réintégration dans sa nationalité que le requérant aurait déposée le 17 juillet 2005 paraissait peu vraisemblable. Elle a ainsi mis en doute l'authenticité du document produit à ce sujet, soit la copie d'une décision du 2 septembre 2005 portant l'en-tête du Ministère de l'intérieur de la République de Turquie, en considération de la forme et du contenu de ce document, de sa motivation lacunaire et de l'absence de toute voie de droit. L'ODM en a conclu que A. ne remplissait pas les conditions posées à la reconnaissance du statut d'apatride.
Agissant par l'entremise de sa mandataire, A. a recouru contre cette décision le 16 avril 2013 auprès du Tribunal administratif fédéral, en concluant à son annulation et à la reconnaissance du statut d'apatride. Dans l'argumentation de son recours, il a réaffirmé que sa demande de réintégration dans la nationalité turque avait été rejetée et que le document qu'il avait produit à ce sujet était authentique. Il a par ailleurs versé au dossier une déclaration écrite établie le 25 mars 2013 par le Consulat général de Turquie à Genève, selon laquelle les personnes condamnées
pour terrorisme et crimes liés aux drogues ne pouvaient pas se prévaloir des droits conférés par la nouvelle loi sur la nationalité et l'état civil turc en vigueur depuis le 29 mai 2009.
Le recourant a par ailleurs sollicité l'octroi de l'assistance judiciaire totale, requête à laquelle le Tribunal a donné une suite favorable le 7 mai 2013.
Appelé à se prononcer sur le recours, l'ODM en a proposé le rejet, le 22 mai 2013, en relevant que le recours n'apportait aucun élément susceptible de modifier son point de vue.
Sous réserve des exceptions prévues à l'art. 32 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF, RS 173.32) entrée en vigueur le 1er janvier 2007, le TAF, en vertu de l'art. 31 LTAF, connaît des recours contre les décisions au sens de l'art. 5 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA, RS 172.021) prises par les autorités mentionnées à l'art. 33 LTAF.
En particulier, les décisions en matière de reconnaissance du statut d'apatride rendues par l'ODM (qui constitue une unité de l'administration fédérale au sens de l'art. 33 let. d LTAF) peuvent être portées devant le TAF.
A moins que la LTAF n'en dispose autrement, la procédure devant le TAF est régie par la PA (cf. art. 37 LTAF).
A. a qualité pour recourir (cf. art. 48 al. 1 PA). Présenté dans la forme et les délais prescrits par la loi, le recours est recevable (cf. art. 50 et 52 PA).
Le recourant peut invoquer devant le Tribunal la violation du droit fédéral, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation, la constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents ainsi que l'inopportunité de la décision entreprise, sauf lorsqu'une autorité cantonale a statué comme autorité de recours (cf. art. 49 PA). L'autorité de recours n'est pas liée par
les motifs invoqués à l'appui du recours (cf. art. 62 al. 4 PA), ni par les considérants de la décision attaquée (cf. ANDRÉ MOSER et al., Prozessieren vor dem Bundesverwaltungsgericht, 2013, ch. 3.197). Aussi peutelle admettre ou rejeter le pourvoi pour d'autres motifs que ceux invoqués. Dans son arrêt, elle prend en considération l'état de fait existant au moment où elle statue (cf. ATAF 2014/1 consid. 2).
Selon l'art. 1er al. 1 de la Convention relative au statut des apatrides, conclue à New-York le 28 septembre 1954 et entrée en vigueur, pour la Suisse, le 1er octobre 1972 (RO 1972 II 237 [ci-après: la Convention; RS 0.142.40]), le terme "apatride" désigne une personne qu'aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de sa législation. La question de savoir si ce terme vise seulement les personnes qui ont été privées de leur nationalité sans intervention de leur part ou également celles qui ont volontairement renoncé à leur nationalité ou se sont refusées, sans motifs valables, à entreprendre les démarches nécessaires pour recouvrer leur ancienne nationalité, n'est cependant pas réglée par la Convention (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_1/2008 du 28 février 2008, consid. 3.1, et 2A.78/2000 du 23 mai 2000, consid. 2a).
Les autorités administratives suisses ne reconnaissent pas, en principe, le statut d'apatride au sens de l'art. 1er de la Convention aux personnes qui se laissent sciemment déchoir de leur nationalité. Tel est le cas notamment des personnes qui abandonnent leur nationalité durant une procédure d'asile vouée à l'échec, afin de bénéficier du statut privilégié d'apatride. L'Organisation des Nations Unies s'efforce en effet depuis longtemps de réduire au minimum les cas d'apatrides. Ainsi que l'a précisé le Tribunal fédéral dans sa jurisprudence, la Convention sert au premier chef à aider les personnes défavorisées par le sort qui, sans elle, seraient dans la détresse. Elle n'a pas pour but de permettre à toute personne qui le désire de bénéficier du statut d'apatride qui est, à certains égards, plus favorable que celui des autres étrangers, en matière d'assistance notamment (cf. arrêt du TAF C-3555/2007 du 19 octobre 2009 consid. 3.1 et jurisprudence citée). La Convention a en effet pour objectif de traiter les apatrides de la même manière que les réfugiés, en particulier pour ce qui concerne le statut personnel, la délivrance d'un titre de voyage, les assurances sociales et leur assistance éventuelle. La Convention reprend du reste, le plus souvent textuellement, les dispositions de la Convention relative au statut des réfugiés signée à Genève le 28 juillet 1951 (cf. Convention de Genève; RS 0.142.30 et cf. également le
Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale du 11 août 1971 concernant l'approbation de la Convention relative au statut des apatrides [FF 1971 II 425ss]; voir aussi le préambule de la Convention). Reconnaître la qualité d'apatride à tout individu qui se laisserait déchoir de sa nationalité pour des raisons de convenance personnelle contreviendrait dès lors au but poursuivi par la communauté internationale. Cela équivaudrait, en outre, à favoriser un comportement abusif (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_1/2008 précité, consid. 3.2 et réf. citées; voir également SAMUEL WERENFELS, Der Begriff des Flüchtlings im schweizerischen Asylrecht, Diss. Bâle 1987, p. 130/131).
A la lumière de ces principes, le Tribunal fédéral en a déduit qu'il y a lieu d'interpréter l'art. 1er de la Convention en ce sens que, par apatrides, il faut entendre les personnes qui, sans intervention de leur part, ont été privées de leur nationalité et n'ont aucune possibilité de la recouvrer. A contrario, cette convention n'est pas applicable aux personnes qui abandonnent volontairement leur nationalité ou refusent, sans raisons valables, de la recouvrer, alors qu'ils ont la possibilité de le faire, dans le seul but d'obtenir le statut d'apatride (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral du 9 mai 2014 en la cause C-1873/2013 consid. 4.3 et jurisprudence citée).
En l'espèce, il n'est pas contesté que A. a perdu la nationalité turque en 1986 pour s'être soustrait à ses obligations militaires. Il convient toutefois d'établir si le recourant est en mesure de se voir réintégré dans sa nationalité turque, en application de la nouvelle loi sur la nationalité et l'état civil turc du 29 mai 2009, promulguée le 18 juin 2009.
Dans son recours, A. a allégué qu'il n'avait guère de chances de réintégrer la nationalité turque et qu'il devait dès lors se voir reconnaître le statut d'apatride.
Il a fondé son argumentation, d'une part, sur la copie d'une décision du Ministère turc de l'intérieur du 2 septembre 2005, prononçant le refus de réintégration dans sa nationalité turque, au motif de sa condamnation pénale en Allemagne, d'autre part, sur une déclaration écrite du Consulat général de Turquie à Genève du 25 mars 2013, selon laquelle "les personnes condamnées pour terrorisme et crimes de drogues" ne pouvaient se prévaloir de la nouvelle loi sur la nationalité et l'état civil turc du 29 mai 2009.
Les arguments avancés et les pièces produites par le recourant ne sont guère suffisants à démontrer que celui-ci serait dans l'impossibilité de se voir réintégré dans la nationalité turque.
Il s'impose de rappeler d'abord que les exigences posées en matière de démarches à entreprendre sont élevées. Il appartient ainsi au requérant d'entreprendre tous les actes de procédures qui sont requis par la législation nationale et que l'on peut raisonnablement exiger de lui (cf. à cet égard les arrêts du Tribunal fédéral 2C_763/2008 du 26 mars 2009 consid. 3.4 et 2C_1/2008 du 28 février 2008 consid. 4.2).
En l'espèce, compte tenu de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur la nationalité et l'état civil turc du 29 mai 2009, promulguée le 18 juin 2009, l'argumentation du recourant, fondée sur la décision que le Ministère de l'Intérieur turc aurait rendue en 2005 sur la demande de réintégration qu'il aurait précédemment déposée, n'est nullement pertinente, à supposer que la pièce qu'il a produite à ce sujet soit bien la copie d'un document authentique.
Il s'impose de constater en effet que la nouvelle loi du 29 mai 2009 est plus favorable à la réintégration dans la nationalité pour certains des citoyens turcs qui en ont précédemment été déchus. Il ressort en particulier de l'art. 43 de cette loi qu'une telle réintégration est possible pour les requérants qui ont été précédemment déchus de leur nationalité en application de l'art. 25c de l'ancienne loi 403 sur la nationalité. Or, le recourant n'a ni allégué, ni démontré, avoir entamé une telle procédure.
Compte tenu des exigences élevées rappelées au consid. 4.2 ci-dessus, A. ne pourrait prétendre à l'octroi du statut d'apatride, qu'après avoir déposé une requête formelle de réintégration au sens de l'art. 43 de la loi du 29 mai 2009 et s'être vu notifier une décision définitive et exécutoire de refus de réintégration dans la nationalité turque, après avoir fait usage de toutes les voies de droit mises à sa disposition par la législation turque.
Dans ces circonstances, l'attestation du Consulat général de Turquie produite par le recourant, dont celui-ci a tiré la conclusion qu'il ne pouvait pas espérer une suite favorable à une éventuelle demande de réintégration, n'est pas déterminante, dès lors que ce document ne se réfère à aucune procédure qui aurait été introduite par le recourant et n'établit donc nullement que celui-ci aurait épuisé toutes les possibilités légales de se voir réintégré dans la nationalité turque.
C'est en conséquence à bon droit que l'ODM a considéré que le recourant n'avait pas établi qu'il se trouvait dans l'impossibilité de se voir réintégré dans sa nationalité turque et qu'il a rejeté sa demande tendant à l'octroi du statut d'apatride.
Il ressort de ce qui précède que la décision de l'ODM du 21 mars 2013 est conforme au droit.
Le recours est en conséquence rejeté.
Par décision du 7 mai 2013, le recourant a été mis au bénéfice de l'assistance judiciaire totale, si bien qu'il n'est pas perçu de frais de procédure.
Maître Kathrin Gruber ayant été désignée défenseur d'office, il y a lieu de lui allouer une indemnité afférente aux frais de représentation (cf. art. 65 al. 3 PA et art. 12 et 14 du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral [FITAF, RS 173.320.2]). Le recourant a l'obligation de rembourser ce montant s'il revient à meilleure fortune. A défaut de décompte de prestations, le Tribunal fixe l'indemnité sur la base du dossier (cf. art. 14 al. 2 FITAF).
Compte tenu de l'ensemble des circonstances du cas, de l'importance de l'affaire, du degré de complexité de celle-ci et de l'ampleur du travail accompli par le mandataire du recourant, le Tribunal considère que le versement d'un montant de Fr. 1'000.- (TVA comprise) à titre d'honoraires et de débours apparaît comme équitable en la présente cause.
dispositif page suivante
Le recours est rejeté.
Il n'est pas perçu de frais.
La Caisse du Tribunal versera une indemnité de Fr. 1'000.- à Maître Kathrin Gruber à titre d'honoraires et de débours, à l'entrée en force de la présente décision.
Le présent arrêt est adressé :
au recourant (Acte judiciaire; annexe: "formulaire adresse de paiement" à retourner dûment rempli au Tribunal)
à l'autorité inférieure, dossier N 091 714 en retour
La présidente du collège : Le greffier :
Jenny de Coulon Scuntaro Georges Fugner
Le présent arrêt peut être attaqué devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par la voie du recours en matière de droit public, dans les trente jours qui suivent la notification (art. 82 ss, 90 ss et 100 de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral [LTF, RS 173.110]). Le mémoire doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signé. L'arrêt attaqué et les moyens de preuve doivent être joints au mémoire, pour autant qu'ils soient en mains du recourant (art. 42 LTF).
Expédition :
Bitte beachten Sie, dass keinen Anspruch auf Aktualität/Richtigkeit/Formatierung und/oder Vollständigkeit besteht und somit jegliche Gewährleistung entfällt. Die Original-Entscheide können Sie unter dem jeweiligen Gericht bestellen oder entnehmen.
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