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Bundesverwaltungsgericht Urteil B-8093/2010

Urteilsdetails des Bundesverwaltungsgerichts B-8093/2010

Instanz:Bundesverwaltungsgericht
Abteilung:Abteilung II
Dossiernummer:B-8093/2010
Datum:16.06.2011
Leitsatz/Stichwort:Assurance-chômage
Schlagwörter : être; écis; ;horaire; Quot;; ;autorité; édé; édéral; érieure; éduction; écision; Tribunal; été; établi; ;elle; ;indemnité; ômage; ôlable; était; établir; éré; ésent; écité; évrier; ériode; Service; Caisse; ément; -chômage; ;instruction; ;employeur
Rechtsnorm:-
Referenz BGE:-
Kommentar:
-

Entscheid des Bundesverwaltungsgerichts

Bundesverwaltungsgericht Tribunal administratif fédéral Tribunale amministrativo federale Tribunal administrativ federal

Cour II

B-8093/2010

Arrêt du 16 juin 2011

Composition Claude Morvant (président du collège), Philippe Weissenberger, Ronald Flury, juges, Grégory Sauder, greffier.

Parties A. ,

représentée par Maître Franck-Olivier Karlen, avocat, recourante,

contre

Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO), Marché du travail et assurance-chômage, Effingerstrasse 31, 3003 Berne,

autorité inférieure.

Objet Restitution de prestations LACI.

Faits :

A.

    1. La société anonyme A.

      (ci-après : A.

      ou la

      recourante) a pour but, selon l'extrait du registre du commerce, ( ). Sur décisions du Service de l'emploi du canton de B. (ci-après : le Service de l'emploi), la recourante s'est vue verser, entre février 2009 et mai 2010, des indemnités en cas de réduction de l'horaire de travail (RHT) par la Caisse cantonale de chômage de B. (ci-après : la Caisse cantonale). Le 23 juin 2010, un inspecteur du Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO ; ci-après : l'autorité inférieure) a procédé au contrôle du bien-fondé de ces indemnités.

    2. Par décision du 6 juillet 2010, l'autorité inférieure a requis la recourante de restituer à la Caisse cantonale un montant de Fr. 159'194.35, correspondant à des prestations perçues indûment pour les années 2009 et 2010, au motif qu'elle ne disposait d'aucun système de contrôle du temps de travail et que les pertes de travail revendiquées pour ses trois employés (C. , D. et E. ) n'étaient pas contrôlables.

      L'autorité inférieure a exposé, en substance, que, selon les explications fournies par le comptable de la recourante lors du contrôle du 23 juin 2010, ce dernier s'était fondé sur les heures de travail qui lui avaient été quotidiennement annoncées par les employés, puis avait reporté les heures perdues sur le formulaire intitulé "Rapport concernant les heures perdues pour raisons d'ordre économique" et l'avait envoyé, chaque mois, à la Caisse cantonale. L'autorité inférieure a souligné qu'il n'avait toutefois conservé aucune note sur les heures travaillées, pensant que ledit formulaire constituait déjà un moyen de contrôle du temps de travail. Par ailleurs, elle a relevé qu'en dépit du fait que certains jours avaient été consacrés à des déplacements professionnels, la recourante les avait portés en réduction de l'horaire de travail, revendiquant, pour ces jours, des heures perdues dont le pourcentage variait de 62,5 à 85 %. Elle a encore constaté qu'une activité professionnelle d'une certaine ampleur avait été exercée entre février 2009 et mai 2010, selon ce qui ressortait de l'examen des relevés mensuels des cartes de crédit ainsi que de divers documents de voyage.

      Rappelant le contenu et la portée pratique des dispositions légales qui subordonnent le droit à l'indemnité en cas de RHT à la condition que

      l'horaire de travail soit suffisamment contrôlable, l'autorité inférieure a considéré que le formulaire adressé mensuellement à la Caisse cantonale ne remplaçait pas un contrôle authentique du temps de travail - soit celui des heures de travail effectives - et qu'en l'absence d'un système ou de documents permettant un tel contrôle, il était impossible de vérifier si les heures chômées avaient été indemnisées à bon droit. Elle a ajouté que, compte tenu des pièces examinées, il y avait même lieu de retenir que des indemnités en cas de RHT avaient été perçues injustement, dans une mesure non quantifiable. Dans ces conditions, elle a nié le droit à l'indemnité pour la période du 14 février 2009 au 23 juin 2010 inclus. Rappelant enfin que la recourante s'était engagée, par écrit, à observer à l'avenir les exigences légales en matière de contrôle du temps de travail, l'autorité inférieure a indiqué que ce droit pouvait, le cas échéant, lui être à nouveau reconnu dès le 24 juin 2010.

    3. Le 6 septembre 2010, la recourante a formé opposition contre cette décision devant l'autorité inférieure. Relevant la petitesse de sa structure ainsi que la solidité de son rapport de confiance avec les employés, elle a exposé que son comptable avait rempli les formulaires adressés à l'assurance-chômage avec transparence, en se fondant sur les heures perdues que lui communiquaient quotidiennement les collaborateurs. Elle a argué que si elle avait certes omis d'instaurer un système de contrôle du temps de travail conforme aux exigences légales, elle n'avait eu cependant aucune intention malveillante dans sa démarche, mais avait estimé, de bonne foi, que les mesures prises étaient propres à établir un tel contrôle. Par ailleurs, elle a rappelé avoir requis l'autorité inférieure de procéder à une audition de ses employés, en vue de permettre de prouver que le montant des heures chômées était conforme à la réalité, mais que dite autorité avait rejeté sa requête et, ainsi, considéré comme indues les prestations versées, sans mener la moindre mesure d'instruction complémentaire. Précisant qu'une telle audition ne se serait pas révélée disproportionnée, compte tenu du petit nombre d'employés à entendre, elle a fait valoir que l'autorité inférieure avait violé son obligation d'établir les faits pertinents et, dès lors, s'était rendue coupable d'un déni de justice formel. Elle s'est référée, à ce propos, à un arrêt du Tribunal fédéral du 26 mars 1998, soulignant que celui-ci avait considéré que, dans un tel cas d'espèce, il se justifiait d'ordonner des mesures d'instruction complémentaires, dont en particulier l'audition des employés concernés. Elle a en outre joint des déclarations signées, le 31 août

      2008, par C.

      et D. , par lesquelles ceux-ci attestent

      notamment que "le total des heures perdues pour des raisons d'ordre économique pendant la réduction de l'horaire de travail de février 2009 à

      mai 2010 correspond aux totaux des heures perdues figurant sur les rapports mensuels signés". Enfin, s'agissant des heures liées aux déplacements professionnels, la recourante a expliqué que, ne les ayant par habitude jamais comptées comme temps de travail, elle les avait reportées en tant qu'heures perdues, en l'absence d'instruction particulière à ce sujet. Elle a ajouté que ce seul écart ne pouvait, en tous les cas, pas remettre en cause le bien-fondé de l'ensemble des heures perdues qui avaient été déclarées.

    4. Par décision du 18 octobre 2010, l'autorité inférieure a rejeté l'opposition. Elle a considéré, en substance, que les arguments qui y étaient développés et les nouvelles pièces produites ne permettaient pas de pallier l'inexistence constatée d'un système de contrôle du temps de travail. Elle a maintenu qu'il subsistait une impossibilité d'établir et de vérifier, pour les mois durant lesquels la recourante avait fait valoir une perte de travail, les heures travaillées (y compris les heures supplémentaires) et les heures chômées, ce qui rendait la perte de travail réelle incontrôlable.

Elle a rappelé, en particulier, que, selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, une entreprise ne pouvait se soustraire à son obligation d'établir un véritable contrôle du temps de travail et ce, indépendamment de la taille de son organisation. Elle a souligné, à ce propos, que le premier paragraphe du point intitulé "Remarques importantes concernant l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail", figurant à la page 3 des décisions rendues par le Service de l'emploi, indiquait clairement quelles étaient les obligations de l'employeur en la matière. En outre, elle a relevé que, par l'apposition de sa signature, en date du 23 juin 2010, sur le rapport intitulé "Documents vérifiés lors du contrôle de la légitimité de l'indemnité perçue en cas de réduction de l'horaire de travail ou d'intempéries", la recourante avait notamment reconnu avoir manqué à son obligation d'instaurer un système d'enregistrement valable. Elle a, par ailleurs, expliqué avoir refusé de procéder à l'audition des employés, dès lors que cette mesure n'était pas propre à établir les faits de manière probante, en raison tant de l'inaptitude prévisible de toute personne à se rappeler, de manière exacte, des heures travaillées ou chômées pour chacun des jours d'une aussi longue période que de l'existence d'un risque de collusion, compte tenu des relations étroites liant la recourante à ses employés ; pour les mêmes motifs, elle a écarté les déclarations signées par C. et D. . Enfin, elle a réfuté l'argument de la recourante concernant les heures liées aux voyages d'affaires, soulignant que, si celles-ci n'étaient, par hypothèse, pas

considérées comme temps de travail, elles ne pouvaient, par définition, pas être déclarées en tant qu'heures perdues.

B.

Le 18 novembre 2010, A.

a interjeté recours contre cette

décision auprès du Tribunal administratif fédéral, concluant, principalement, à ce qu'elle soit réformée en ce sens que les indemnités ne doivent pas être restituées, alternativement, à ce qu'elle soit annulée et la cause renvoyée à l'autorité inférieure pour instruction et nouvelle décision et, subsidiairement, à ce qu'elle soit réformée en ce sens que les indemnités ne doivent être que partiellement restituées. Reprenant, pour l'essentiel, les arguments développés dans son opposition, la recourante fait valoir qu'elle a effectivement connu une réduction de l'horaire de travail et que les formulaires destinés à la caisse de chômage sont conformes à la réalité. Si elle admet n'avoir mis aucun système en place permettant de vérifier rétrospectivement les heures travaillées et chômées, elle rappelle cependant qu'elles ont été contrôlées de façon systématique et que l'audition de ses employés serait propre à l'établir. Cela étant, elle allègue n'avoir pas disposé, à cet égard, des connaissances juridiques nécessaires pour saisir le degré de contrôlabilité exigé par la loi. Pour le reste, elle reconnaît s'être trompée en ayant déclaré des heures perdues pour les déplacements professionnels effectués.

C.

Dans sa réponse du 14 février 2011, l'autorité inférieure a proposé le rejet du recours, maintenant, en substance, la motivation de la décision attaquée.

D.

Les autres faits et arguments de la cause seront examinés, pour autant que besoin, dans les considérants en droit.

Droit :

1.

Le Tribunal administratif fédéral est compétent pour statuer sur le présent recours (cf. art. 31, 32 et 33 let. d de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral [LTAF, RS 173.32] ; art. 101 de la loi fédérale du 25 juin 1982 sur l'assurance-chômage [LACI, RS 837.0] ; art. 5 al. 2 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative [PA, RS 172.021]). La qualité pour recourir doit être reconnue à Ashtamkar S.A. (cf. art. 48 al. 1 let. a à c PA ; art. 59 de la loi fédérale du

6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales [LPGA, RS 830.1]). Les autres conditions de recevabilité sont respectées (cf. art. 11, 50 al. 1, 52 al. 1 et 63 al. 4 PA ; art. 60 al. 1 LPGA).

Partant, le recours est recevable.

2.

    1. La LACI vise à garantir aux personnes assurées une compensation convenable du manque à gagner causé par le chômage, la réduction de l'horaire de travail, les intempéries et l'insolvabilité de l'employeur (art. 1a al. 1 LACI).

      Les travailleurs dont la durée normale du travail est réduite ou l'activité suspendue ont droit à l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail lorsqu'ils sont tenus de cotiser à l'assurance ou qu'ils n'ont pas encore atteint l'âge minimum de l'assujettissement aux cotisations AVS (let. a), que la perte de travail doit être prise en considération (let. b), que le congé n'a pas été donné (let. c) et que la réduction de l'horaire de travail est vraisemblablement temporaire, et si l'on peut admettre qu'elle permettra de maintenir les emplois en question (let. d) (art. 31 al. 1 LACI). La perte de travail est prise en considération lorsqu'elle est due à des facteurs d'ordre économique et est inévitable (let. a) et qu'elle est d'au moins 10% de l'ensemble des heures normalement effectuées par les travailleurs de l'entreprise (let. b) (art. 32 al. 1 LACI).

    2. Est réputée durée normale du travail, la durée contractuelle du travail accompli par le travailleur, mais au plus la durée selon l'usage local dans la branche économique en question ; pour les travailleurs dont le temps de travail est variable, l'horaire annuel moyen convenu contractuellement est considéré comme horaire normal de travail (art. 46 al. 1 de l'ordonnance sur l'assurance-chômage du 31 août 1983 [OACI, RS 837.02]). La durée de travail n'est réputée réduite que si elle n'atteint pas la durée normale du travail, une fois additionnées les heures de travail en plus. Comptent comme heures de travail en plus les heures payées ou non encore payées qui excèdent le nombre d'heures à effectuer selon l'horaire de travail contractuel. Ne comptent pas comme heures de travail en plus les heures effectuées dans le cadre du régime d'horaire mobile de l'entreprise, pour autant qu'elles ne dépassent pas 20 heures, ni les heures de compensation ou de rattrapage imposées par l'entreprise pour compenser des ponts entre les jours fériés (art. 46 al. 2 OACI).

    3. L'art. 31 al. 3 let. a LACI prévoit que n'ont pas droit à l'indemnité, les travailleurs dont la réduction de l'horaire de travail ne peut être déterminée ou dont l'horaire de travail n'est pas suffisamment contrôlable. L'art. 46b OACI précise, quant à lui, que la perte de travail n'est suffisamment contrôlable que si le temps de travail est contrôlé par l'entreprise (al. 1) et impose à l'employeur de conserver les documents relatifs au contrôle du temps de travail pendant cinq ans (al. 2). L'organe de compensation révise les paiements des caisses ou confie cette tâche, en tout ou partie, aux cantons ou à un autre organe (art. 83 al. 1 let. d LACI). Lorsqu'il constate que les prescriptions légales ne sont pas appliquées ou ne le sont pas correctement, il donne à la caisse ou à l'autorité compétente les instructions nécessaires (art. 83a al. 1 LACI). En matière de contrôles auprès des employeurs, l'organe de compensation prend les dispositions nécessaires par voie de décision ; la caisse est chargée de l'encaissement (art. 83a al. 3 LACI). L'organe de compensation et les bureaux fiduciaires qu'il a mandatés contrôlent périodiquement par sondages auprès des employeurs les indemnités versées en cas de réduction de l'horaire de travail ou en cas d'intempéries (art. 110 al. 4 OACI). Il communique à l'employeur, par voie de décision, le résultat du contrôle effectué auprès de ce dernier ; la caisse se charge de l'encaissement des éventuels montants à rembourser en se fondant sur la décision de l'organe de compensation (art. 111 al. 2 OACI en lien avec l'art. 95 al. 2 LACI).

3.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le caractère contrôlable de la perte de travail est une condition de fond du droit à l'indemnité qui, soit est remplie, soit fait défaut. Lorsque la réduction n'est pas suffisamment contrôlable, l'octroi de prestations apparaît donc comme erroné et justifie une restitution ; vouloir émettre des doutes à ce sujet revient à inverser le fardeau de la preuve qui, sur ce point précis, incombe clairement à l'employeur (cf. arrêt du Tribunal fédéral [TF] C 86/01 du 12 juin 2001 consid. 1 ; BORIS RUBIN, Assurance-chômage, Droit fédéral, survol des mesures cantonales, procédure, 2e éd., Zurich/Bâle/Genève 2006, p. 490 et réf. cit. ; arrêt du Tribunal administratif fédéral [TAF] B-7901/2007 du 10 novembre 2008 consid. 4.3.3). L'obligation de contrôle de la perte de travail par l'employeur résulte de la nature même de cette prestation d'assurance. Du moment où le facteur déterminant est la réduction de l'horaire de travail et que celle-ci se mesure nécessairement en proportion des heures normalement effectuées par les travailleurs, l'entreprise doit être en mesure d'établir de manière précise et si possible indiscutable, à l'heure près, l'ampleur de la réduction donnant lieu à

l'indemnisation pour chaque bénéficiaire de l'indemnité (cf. arrêts du TF précité C 86/01 consid. 1 et C 367/99 du 12 mai 2000 consid. 1b).

Sauf circonstances exceptionnelles, l'exigence relative au contrôle du temps de travail n'est satisfaite que par un relevé quotidien et suivi des heures de travail effectivement accomplies par les employés concernés par la réduction de l'horaire de travail ; un tel rapport ne peut pas être remplacé par des documents présentés seulement après coup (cf. arrêt du TF C 269/03 du 25 mai 2004 consid. 3.1). Il en va de même dans le cas de personnes percevant un salaire mensuel (cf. arrêt du TF C 140/02 du 8 octobre 2002 consid. 3.3). L'horaire de travail peut être vérifié au moyen de cartes de timbrage, de rapports sur les heures ou sur les déplacements accomplis, ainsi que par le biais de toute autre pièce attestant cet horaire (cf. Revue du droit du travail et assurance-chômage [DTA] 2005 283 consid. 4.3 ; THOMAS NUSSBAUMER in : Ulrich Meyer [Ed.], Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht, Tome XIV, Soziale Sicherheit, 2e éd., Bâle 2007, p. 2315 ; RUBIN, op. cit., p. 486 ; arrêt du TF C 295/02 du 12 juin 2003 consid. 2.2). Les heures travaillées ne doivent ainsi pas impérativement être établies électroniquement ou mécaniquement (cf. arrêt du TF précité C 269/03 consid. 3.1 ; arrêt du TAF B-7898/2007 du 13 mai 2088 consid. 3.1).

La perte de travail n'est réputée suffisamment contrôlable que si les heures effectives de travail peuvent être contrôlées pour chaque jour, ceci étant la seule façon de garantir que les heures supplémentaires devant être compensées pendant la période de décompte soient prises en compte dans le calcul de la perte de travail mensuelle (cf. arrêt du TF précité C 86/01 consid. 1 ; RUBIN, op. cit., p. 490). Un total des heures perdues à la fin du mois ne permet pas de rendre suffisamment contrôlable la perte de travail (ERWIN MURER/HANS ULRICH STAUFFER, Rechtsprechung des Bundesgerichts zum Sozialversicherungsrecht, Bundesgesetz über die obligatorische Arbeitslosenversicherung und Insolvenzentschädigung, 3e éd., Zurich/Bâle/Genève 2008, p. 181 et réf. cit.). De même, le fait de contrôler les présences et les absences ne suffit pas (cf. arrêt du TF précité C 140/02 consid. 3.3 ; arrêt du TAF précité B-7901/2007 consid. 4.2).

4.

    1. La question à trancher dans la présente affaire est celle de savoir si c'est à tort ou à raison que l'autorité inférieure a exigé de la part de la recourante la restitution complète des indemnités en cas de RHT, d'un

      montant de Fr. 159'194.35, lesquelles auraient été perçues indûment entre février 2009 et mai 2010, au motif que la perte de travail s'est révélée insuffisamment contrôlable.

    2. En l'occurrence, la recourante confirme qu'elle n'a établi aucun écrit sur lequel auraient été consignées, pour chaque jour, les heures de travail effectives de ses employés. Elle allègue, cependant, que son comptable, chargé d'adresser les formulaires "Rapport concernant les heures perdues pour raisons d'ordre économique" à la Caisse cantonale, en imprimait un exemplaire, en début de chaque mois, le complétait quotidiennement sur la base des heures perdues (ou travaillées, selon une première version [cf. consid. A.b]) que lui annonçaient les employés, puis transposait fidèlement, à la fin du mois, l'ensemble des heures perdues sur l'original, avant signature et envoi. Elle soutient que, par ce biais, un contrôle précis et régulier était exercé en ce qui concerne les heures de présence de ses employés.

      La jurisprudence a eu l'occasion de préciser que la perte de travail, pour laquelle des indemnités sont réclamées, n'est réputée suffisamment vérifiable que si les heures effectives de travail peuvent être contrôlées pour chaque jour ; il s'agit de la seule façon de garantir que les heures supplémentaires, qui doivent être compensées durant la période de décompte, soient également reportées dans le calcul de la perte de travail mensuelle (cf. arrêt du TF C 277/98 du 15 février 1999 ; DTA 1999 n° 34 p. 200ss). Dans ce sens, il a été confirmé à plusieurs reprises que le formulaire "Rapport concernant les heures perdues pour raisons d'ordre économique", qui fait partie des documents à remettre à la caisse cantonale de chômage pour chaque période de décompte, ne satisfaisait pas à l'exigence d'un contrôle suivi de l'horaire de travail par l'entreprise, au sens de l'art. 46b al. 1 OACI (cf. notamment arrêt du TF C 260/00 du 22 août 2001 consid. 2b ; arrêt du TAF B-3424/2010 du 6 avril 2011 consid. 5).

      Il est ainsi établi que la recourante n'a pas été en mesure de présenter à l'autorité inférieure, lors de son contrôle, des pièces propres à établir qu'elle a procédé à un contrôle du temps de travail de ses employés au sens de la disposition précitée. En d'autres termes, elle a failli à son obligation de permettre à dite autorité d'effectuer, le moment venu, un contrôle approfondi de la perte de travail indemnisable ; le fardeau de la preuve lui incombant à ce sujet, elle doit supporter les conséquences attachées à ce défaut de preuve, à savoir le rejet complet de son droit à l'indemnité (cf. arrêt du TF précité C 295/02 consid. 3.2 et réf. cit.).

    3. Cela dit, la recourante invoque sa bonne foi, exposant qu'elle ne disposait pas des connaissances juridiques pour saisir la portée des exigences légales fixées en la matière. Elle précise, à ce propos, que si le premier paragraphe des remarques concernant l'indemnité en cas de RHT - figurant à la page 3 des décisions rendues par le Service de l'emploi - indique qu'un système de contrôle du temps de travail doit être mis en place, il ne signale pas que ce système doit en permettre un contrôle a posteriori. Par ailleurs, elle reproche à l'autorité inférieure d'avoir violé son obligation d'établir les faits pertinents, en refusant de procéder à une audition de ses trois employés. Elle soutient que cette mesure d'instruction serait, en effet, propre à permettre de démontrer que le montant d'heures perdues qui a été déclaré est conforme à la réalité ; elle souligne que les déclarations de ses collaborateurs du 31 août 2008 (cf. consid. A.c) attestent, du reste, cette conformité.

      1. S'agissant du premier argument de la recourante, il y a d'abord lieu de rappeler qu'en vertu d'un principe général, valable également en droit des assurances sociales, nul ne peut tirer avantage de sa propre méconnaissance du droit (cf. arrêts du TF C 273/04 du 13 juillet 2005 consid. 5 et C 5/04 du 27 mai 2004 consid. 5.1) et il appartient à chaque employeur, qui souhaite demander l'indemnité en cas de RHT, de s'informer sur les prescriptions légales et de se renseigner, en cas de doute, auprès des autorités compétentes (cf. DTA 2005 283 consid. 5).

        De plus, les décisions du Service de l'emploi précisent expressément, sous la rubrique "Remarques importantes concernant l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail", que "l'entreprise doit effectuer des contrôles du temps de travail auprès des travailleurs qui sont touchés par une réduction de l'horaire de travail (par ex. cartes de timbrage, rapports sur les heures) afin de pouvoir rendre compte quotidiennement des heures de travail fournies, y compris des éventuelles heures supplémentaires, de la perte de travail due à des facteurs d'ordre économique, ainsi que tout autre type d'absences telles que, par. ex., les vacances, les absences en cas de maladie, d'accident ou pour le service militaire". Contrairement à ce que soutient la recourante, la notion même de "pouvoir rendre compte quotidiennement" laisse entendre que l'employeur doit être en mesure de présenter les documents permettant de reconstituer l'horaire de travail de ses employés pour toute la période en cause.

        Par ailleurs, la recourante disposait de la brochure de l'autorité inférieure "Info-Service, Information aux employeurs, Indemnité en cas de réduction

        de l'horaire de travail" (ci-après : la brochure Info-Service), dans son édition 2007 (voire 2009), à laquelle renvoient expressément les formulaires "Préavis de réduction de l'horaire de travail" qu'elle a complétés, signés et renvoyés au Service de l'emploi ainsi que les décisions rendues par celui-ci. Elle a, en effet, adressé elle-même des photocopies de la page 15 de cette brochure (édition 2007) à la Caisse cantonale, en date du 5 mars 2009.

        Or, la brochure Info-Service (éditions de janvier 2007 et janvier 2009), qui satisfait aux conditions de l'art. 27 al. 1 LPGA quant à l'obligation de renseigner (cf. arrêt du TF 8C_375/2007 du 28 septembre 2007 consid. 2.2 ; arrêts du TAF précités B-3424/2010 consid. 2.2 et B-7898/2007 consid. 4.2), tient compte des dispositions de la LACI et de l'OACI et donne un aperçu des droits et des obligations des employeurs et des démarches à entreprendre en cas d'introduction d'une réduction de l'horaire de travail. Ainsi, il y est notamment précisé, sous rubrique 6, que n'ont pas droit à l'indemnité, les travailleurs dont la perte de travail "ne peut être déterminée" ou dont l'horaire "n'est pas suffisamment contrôlable". Pour ce faire, il est indispensable que l'employeur instaure un système de contrôle des temps de présence, par exemple au moyen de cartes de timbrage ou de rapports des heures. Selon la rubrique 12, il doit, dans ce même but, remplir son obligation de renseigner et d'annoncer ainsi que conserver les documents pendant cinq ans et, "sur demande, les présenter à l'organe de compensation". Cette dernière obligation est, du reste, explicitement prévue par l'art. 46b al. 2 OACI (précisant l'art. 31 al. 3 let. a LACI) et s'explique par le fait qu'il n'appartient pas à la caisse cantonale de chômage de vérifier de manière approfondie, au moment du dépôt du préavis ou en cours d'indemnisation, si toutes les conditions du droit à l'indemnité sont remplies, mais à l'organe de compensation (cf. consid. 2.3), lors d'éventuels contrôles subséquents (cf. arrêt du TF C 208/2 du 27 octobre 2003 consid. 4.3).

        Compte tenu des informations dont elle disposait, la recourante était à même de saisir la nature et les exigences d'un tel contrôle ou, à tout le moins, de se renseigner à ce propos auprès des autorités. Partant, son premier argument doit être écarté.

      2. La recourante tire le second argument de son droit d'être entendu.

Ce droit, tel que garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst., RS 101), comprend

notamment le droit pour le justiciable d'offrir des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il y soit donné suite et de participer à l'administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s'exprimer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 133 I

270 consid. 3.1). Il n'empêche cependant pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 134 I 140 consid. 5.3, 131 I 153 consid. 3).

Contestant le refus de l'autorité inférieure de procéder à une audition de ses trois employés, la recourante se réfère, en particulier, à un arrêt du Tribunal fédéral du 26 mars 1998 (cf. consid. A.c et B.). Selon elle, celuici aurait considéré qu'une telle mesure d'instruction se justifiait, pour le cas où un employeur aurait omis d'établir un contrôle du temps de travail.

Tel n'est cependant pas ce qui ressort de la lecture de cet arrêt (cf. arrêt du TF C 362/96 du 26 mars 1998). En effet, dans cette affaire, le Tribunal fédéral ne s'est pas prononcé sur la question de l'opportunité de l'audition de témoins, mais s'est limité à trancher celle de savoir à quelle autorité - dans le cas d'espèce, la Caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : l'autorité administrative cantonale) ou la Commission cantonale genevoise de recours en matière d'assurance-chômage (ci-après : l'autorité judiciaire cantonale) - il incombait, le cas échéant, d'auditionner les employés de la société sujette à restitution d'indemnités en cas de RHT. Ne statuant ainsi pas sur le fond même du litige, il n'a fait qu'annuler la décision de l'autorité judiciaire cantonale et lui a renvoyé l'affaire. Il a considéré, à cet égard, que si celle-ci estimait qu'une audition de témoins était encore nécessaire pour établir des faits déterminants, il lui appartenait d'y procéder directement, soulignant que, pour des raisons liées à l'opportunité et à la nature même de cette mesure d'instruction, elle était plus apte à le faire que l'autorité administrative cantonale. L'autorité judiciaire cantonale y a procédé, par la suite, et a rendu une nouvelle décision en date du 1er septembre 1999.

Ce n'est que dans le cadre du recours interjeté par le SECO contre cette nouvelle décision que le Tribunal fédéral s'est prononcé, le 12 mai 2000, sur la question de l'audition d'employés en matière d'assurance-chômage (cf. arrêt du TF précité C 367/99). A cette occasion, il a cependant indiqué que, même si l'on pouvait déduire de témoignages qu'une réduction de l'horaire de travail avait bien eu lieu, que des plans de

réduction de l'horaire de travail avaient été établis avant les périodes chômées et communiqués aux employés qui devaient les respecter, il convenait toutefois de retenir que, malgré ces mesures, la perte de travail n'était pas suffisamment contrôlable ; il n'était ainsi pas possible de connaître la perte de travail journalière ou hebdomadaire pour chaque employé, compte tenu également de la compensation d'heures supplémentaires pendant chaque période de décompte (cf. arrêt du TF précité C 367/99 consid. 2c).

De même, selon la jurisprudence constante en la matière, en l'absence de documents propres à déterminer l'horaire de travail, ces derniers ne peuvent être remplacés ni par l'interrogation ultérieure des travailleurs concernés ni par d'autres personnes, dans la mesure où il est improbable que ces personnes puissent donner, de mémoire, une information détaillée sur les horaires de travail en question (cf. arrêt du TF C 229/00 du 30 juillet 2001 consid. 1b ; arrêt du TAF B-8569/2007 du 24 juin 2008 consid. 2.3).

Ainsi, à supposer même que C. , D. et E. soient personnellement en mesure de confirmer le montant des heures perdues qu'ils ont déclarées, il demeure toutefois improbable qu'ils puissent établir de manière détaillée et précise les horaires de travail qu'ils ont effectués pendant les périodes concernées, remontant pour les plus anciennes à février 2009.

Il ne peut, dès lors, être fait grief à l'autorité inférieure d'avoir refusé d'entendre ces employés comme témoins. Pour les motifs exposés cidessus, ni leurs déclarations du 31 août 2008 ni leur audition ne pouvaient être considérées comme déterminantes pour l'issue de la cause. Partant, la requête tendant à cette mesure d'instruction doit être rejetée et le second argument de la recourante écarté.

5.

Il ressort de ce qui précède que c'est à juste titre, et sans qu'il soit question de formalisme excessif (cf. arrêt du TF C 115/06 du 4 septembre 2006 consid. 2.2 ; arrêt du TAF précité B-7898/2007 consid. 3.3), que l'autorité inférieure a considéré comme insuffisamment contrôlables les pertes de travail invoquées pour C. , E. et D. et qu'elle a exigé, pour ce motif, la restitution complète des indemnités versées en leur faveur pendant les périodes allant de février 2009 à mai 2010, pour un total de Fr. 159'194.35. Il s'ensuit que la décision attaquée ne viole pas le droit fédéral et ne traduit pas un excès ou un abus du

pouvoir d'appréciation. Elle ne relève pas non plus d'une constatation incomplète ou inexacte des faits et n'est pas inopportune (cf. art. 49 PA). Mal fondé, le recours doit dès lors être rejeté.

6.

Vu l'issue de la procédure, les frais de procédure comprenant l'émolument judiciaire et les débours doivent être mis à la charge du recourant qui succombe (cf. art. 63 al. 1 PA et art. 1 al. 1 du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral [FITAF, RS 173.320.2]). L'émolument judiciaire est calculé en fonction de la valeur litigieuse, de l'ampleur et de la difficulté de la cause, de la façon de procéder des parties et de leur situation financière (cf. art. 2 al. 1 et art. 4 FITAF). En l'espèce, les frais de procédure doivent être fixés à Fr. 3'000.-. Ils sont compensés par l'avance de frais déjà versée de Fr. 4'000.-. Le solde de Fr. 1'000.- sera restitué à la recourante, dès l'entrée en force du présent arrêt.

7.

Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à la recourante qui succombe (cf. art. 64 al. 1 PA en lien avec l'art. 7 al. 1 FITAF).

Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :

1.

Le recours est rejeté.

2.

Les frais de procédure, d'un montant de Fr. 3'000.-, sont mis à la charge de la recourante et compensé par l'avance de frais déjà versée de Fr. 4'000.-. Le solde de Fr. 1'000.- lui sera restitué dès l'entrée en force du présent arrêt.

3.

Il n'est pas alloué de dépens.

4.

Le présent arrêt est adressé :

  • à la recourante (acte judiciaire ; annexe : formulaire "adresse de paiement") ;

  • à l'autorité inférieure (acte judiciaire) ;

  • à la Caisse cantonale (en extrait).

Le président du collège : Le greffier :

Claude Morvant Grégory Sauder

Indication des voies de droit :

La présente décision peut être attaquée devant le Tribunal fédéral, Cours de droit social, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par la voie du recours en matière de droit public, dans les trente jours qui suivent la notification (cf. art. 82ss, 90ss et 100 de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral [LTF, RS 173.110]). Le mémoire doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signé. La décision attaquée et les moyens de preuve doivent être joints au mémoire, pour autant qu'ils soient en mains du recourant (cf. art. 42 LTF).

Expédition : 20 juin 2011

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