Urteilsdetails des Bundesstrafgerichts
Instanz: | Bundesstrafgericht |
Abteilung: | Beschwerdekammer: Strafverfahren |
Fallnummer: | RR.2023.187, RP.2023.56 |
Datum: | 12.02.2024 |
Leitsatz/Stichwort: | |
Schlagwörter | Apos;; Apos;a; édé; édéral; énal; édure; Tribunal; équestre; Apos;un; été; énale; Apos;en; être; écision; Apos;une; Apos;est; Apos;il; Apos;autorité; Suisse; écembre; économique; éans; élérité; ément; éférences; çons; ération; évrier; Kadhafi; Apos;ordonnance |
Rechtskraft: | Kein Weiterzug, rechtskräftig |
Rechtsgrundlagen des Urteils: | Art. 305 or; |
Entscheid des Bundesstrafgerichts
BB.2022.23
Tribunal pénal fédéral Tribunale penale federale Tribunal penal federal | |
Numéro de dossier: BB.2022.23 |
Décision du 12 février 2024 Cour des plaintes | ||
Composition | Les juges pénaux fédéraux Roy Garré, président, Patrick Robert-Nicoud et Nathalie Zufferey, la greffière Julienne Borel | |
Parties | A. Ltd, (BVI), représentée par Mes Eric Hess et Igor Zacharia, avocats, recourante | |
contre | ||
Ministère public de la Confédération, intimé | ||
Objet | Séquestre (art. 263 ss CPP) |
Faits:
A. Par ordonnance du 21 février 2011, le Conseil fédéral a notamment ordonné le gel des avoirs et des ressources économiques appartenant à la sphère de puissance de Mouammar Kadhafi (ci-après: Kadhafi), chef d'Etat libyen, ainsi que de ceux de son entourage dont les noms figurent sur une liste annexée à l'ordonnance, suite aux violences ayant fait des centaines de morts et de blessés en Libye dans le cadre des protestations de masse contre le régime en place. Ladite ordonnance a été abrogée et remplacée par l'ordonnance du 30 mars 2011 instituant des mesures contre la Libye. Le nom du ressortissant libyen B. figure également dans les annexes respectives des ordonnances précitées en raison de son rôle clef dans le régime libyen. Son nom est inscrit aujourd'hui encore dans la liste des personnes sanctionnées par le Secrétariat d'Etat à l'économie (ci-après: SECO), selon la version du 29 novembre 2023 (in act. 3; www.seco.admin.ch > Economie extérieure et Coopération économique > Relations économiques > Contrôles à l'exportation et sanctions > Sanctions / Embargos > Sanctions de la Suisse > Mesures à l'encontre de la Libye).
B. Le 11 avril 2011, suite à une dénonciation du Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (MROS), le Ministère public de la Confédération (ci-après: MPC) a ouvert une instruction pénale contre C. fils de B., et inconnus pour suspicion de blanchiment d'argent (art. 305bis CP; in act. 1.1). Des éléments au dossier étayaient le soupçon que des avoirs détenus en Suisse par A. LTD, dont C. est l'ayant droit économique, pourraient provenir d'actes criminels commis par son père alors qu'il était actif en tant que conseiller de feu Kadhafi et exerçait une fonction publique en tant que managing director du fond d'Etat libyen D., lequel était notamment actif dans l'aéronautique, ainsi que président du conseil d'administration de D. (Suisse) SA (in dossier du MPC, pièce n° 03-00-0011).
C. Le même jour, le MPC a ordonné le séquestre de l'intégralité des valeurs patrimoniales déposées sur la relation bancaire n° 1 ouverte au nom de la société A. Ltd auprès de la banque E. (actuellement banque F.) à Genève (in act. 3; dossier du MPC, pièces nos 07-01-0001 ss).
D. Le 7 mai 2012, le MPC a étendu l'instruction contre C. pour participation ou soutien à une organisation criminelle (art. 260ter CP) et contre B. pour blanchiment d'argent (art. 305bis CP) et participation ou soutien à une organisation criminelle (art. 260ter CP; in act. 3; dossier du MPC, pièces nos 01-00-0004 ss).
E. Le 9 mars 2021, le MPC a rendu une ordonnance de classement partiel de la procédure en faveur de C. pour les chefs d'organisation criminelle (art. 260ter CP) ainsi que de blanchiment d'argent (art. 305bis CP) et a ordonné la confiscation des fonds sis sur la relation bancaire n° 1 ouverte au nom de A. Ltd auprès de la banque E. sous déduction d'un montant de USD 479'449.85 (dossier du MPC, pièces nos 03-00-0003 ss).
F. Suite à un recours de A. Ltd du 22 mars 2021 contre le prononcé précité, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral a, le 8 novembre 2021, admis ledit recours et annulé la confiscation (décision du Tribunal pénal fédéral BB.2021.72 du 8 novembre 2021).
G. Le 15 décembre 2021, A. Ltd a requis la levée du séquestre frappant le compte bancaire n° 1 (in act. 1.1).
H. Le 1er mars 2022, le MPC a rendu une ordonnance de refus de levée de séquestre par laquelle il maintient le séquestre à hauteur de USD 2'000'993.15 (valeur au 31.12.2021) des biens déposés sur la relation bancaire susmentionnée (act. 1.1).
I. A. Ltd a interjeté recours auprès de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral contre ce dernier prononcé le 7 mars 2022. A. Ltd conclut, en substance, à l'annulation de celui-ci et à la levée du séquestre (act. 1).
J. Invité à répondre (act. 2), le MPC conclut, le 21 mars 2022, au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité et que la décision entreprise soit confirmée (act. 3).
K. Le 23 mars 2022, la Cour de céans a retourné au MPC la clef USB annexée à sa réponse et contenant le dossier de la cause ainsi que l'inventaire des pièces, ceux-ci n'étant pas accessibles tels quels à la recourante (act. 5).
L. Par pli du 29 mars 2022, le MPC a transmis à la Cour des plaintes une version caviardée de l'inventaire (act. 6.1) ainsi qu'une clef USB (act. 6.2) contenant les pièces accessibles à la recourante (act. 6).
M. A. Ltd a répliqué le 12 avril 2022 et persiste dans ses conclusions (act. 8).
N. Par duplique du 25 avril 2022, le MPC renvoie à son ordonnance du 1er mars 2022 et ses déterminations du 21 mars 2022 et persiste dans ses conclusions (act. 10). La duplique a été transmise pour information à la recourante le 26 avril 2022 (act. 11).
O. Le 21 novembre 2023, la recourante prie la Cour de céans de bien vouloir constater formellement, dans la décision à rendre, la violation des art. 10 Cst, 5 CPP et 5 par. 3 CEDH qui découle du délai de traitement du recours formé par A. Ltd le 7 mars 2022, et de tirer de cette violation les conséquences procédurales qui en découlent (act. 12).
P. Le MPC a informé par lettre du 20 décembre 2023 qu'il avait clôturé la procédure par ordonnance pénale du 12 décembre 2023 avec confiscation partielle des fonds déposés sur la relation bancaire n° 1 ouverte au nom de la recourante (act. 13).
Q. Par missive du 21 décembre 2023, A. Ltd a indiqué qu'une opposition à l'ordonnance pénale précitée, en tant qu'elle ordonne la confiscation de ses avoirs, sera adressée au MPC en temps utile (act. 14).
R. Le 22 décembre 2023, la Cour de céans a invité les parties à la tenir informée des suites de la procédure (act. 15).
S. Le MPC a fait savoir le 18 janvier 2024 que le dossier de la cause SV.11.0081 (nouvellement référencé SV.24.0016) a été transmis à la même date à la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral suite à l'opposition restreinte formée le 21 décembre 2023 par A. Ltd (act. 16).
T. A. Ltd s'est déterminée sur les derniers échanges d'écritures intervenus (supra let. P. à S.) et a mis en demeure la Cour de céans de rendre une décision sur son recours dans les 15 jours, faute de quoi elle saisira le Tribunal fédéral pour déni de justice (act. 17).
U. Par un écrit du 24 janvier 2024, la Cour de céans a indiqué à la recourante que la notification d'une décision devrait avoir lieu d'ici à la fin du mois de février 2024 (act. 18).
Les arguments et moyens de preuve invoqués par les parties seront repris, si nécessaire, dans les considérants en droit.
La Cour considère en droit:
1.
1.1 Les décisions et actes de procédure du MPC peuvent faire l'objet d'un recours devant la Cour de céans (art. 393 al. 1 let. a du Code de procédure pénale suisse [CPP; RS 312.0] et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération [LOAP; RS 173.71]). En vertu de l'art. 39 al. 1 LOAP, la présente procédure est régie par le CPP et la LOAP, sous réserve d'exceptions prévues à l'al. 2, non réalisées en l'espèce.
1.2 En tant qu'autorité de recours, la présente Cour examine avec plein pouvoir de cognition en fait et en droit les recours qui lui sont soumis (TPF 2021 97 consid. 1.1 et références citées; Message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 1057, 1296 in fine; Sträuli, Commentaire romand, 2e éd. 2019, n° 10 ad Introduction aux articles 393-397 CPP; Guidon, Basler Kommentar, 3e éd. 2023, n° 15 ad art. 393 CPP; Keller, Zürcher Kommentar, 3e éd. 2020, n° 39 ad art. 393 CPP).
1.3 Saisie d'un recours interjeté contre une ordonnance de refus de levée de séquestre, l'examen de la Cour de céans se limite à l'admissibilité de la mesure de contrainte en tant que telle, de sorte qu'il ne lui revient pas de statuer sur le fond de la procédure pénale (TPF 2010 154 consid. 2 et l'arrêt cité).
1.3.1 Toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision a qualité pour recourir contre celle-ci (art. 382 al. 1 CPP). S'agissant d'une mesure de séquestre d'un compte bancaire, seul le titulaire du compte peut se prévaloir d'un intérêt juridique, à l'exclusion de l'ayant droit économique, lequel n'est qu'indirectement touché par la mesure de saisie (ATF 133 IV 278 consid. 1.3; arrêts du Tribunal fédéral 1B_607/2019 du 5 mai 2020 consid. 1.2; 1B_94/2012 du 2 avril 2012 consid. 2.1 in fine; décisions du Tribunal pénal fédéral BB.2022.62 + BB.2022.63 du 15 novembre 2022 consid. 1.4.1; BB.2019.81 du 7 janvier 2020 consid. 1.3; BB.2011.10-11 du 18 mai 2011 consid. 1.5 et les références citées).
1.3.2 En tant que titulaire de la relation bancaire en cause, la recourante, personnellement et directement concernée par l'ordonnance entreprise, dispose d'un intérêt juridiquement protégé à requérir son annulation.
1.4 Au vu de ce qui précède, le recours est recevable et il y a dès lors lieu d'entrer en matière.
2. La recourante fait valoir qu'à ce jour, la mesure de séquestre apparaît clairement contraire aux principes de proportionnalité et de célérité, et viole par conséquent de manière crasse la garantie constitutionnelle de propriété (act. 1, p. 20).
2.1 A. Ltd considère que la procédure a manifestement été conduite avec un manque évident de diligence, comportant de nombreuses périodes d'inactivité, constitutives d'autant de violations du principe de célérité, avec pour conséquence que le blanchiment simple de l'art. 305bis ch. 1 CP est déjà prescrit (act. 1, p. 18).
2.2 Le MPC rappelle que le séquestre litigieux a été ordonné en raison des soupçons qu'une grande partie des fonds présents sur le compte de la recourante pouvaient être issus d'infractions pénales car provenant de relations dans la sphère d'influence de B., père de l'ayant droit économique et « chef du cabinet du […] », « managing director de D., fonds identifiés comme étant sous contrôle de [Kadhafi] et sa famille » et donc membre présumé de l'organisation criminelle « les hommes de la Tente ». L'autorité intimée allègue qu'elle a entrepris de nombreux actes d'instructions de 2011 à ce jour; notamment, diverses auditions ont été menées et des commissions rogatoires internationales ont été envoyées en France jusqu'en 2017. Le MPC relève que certes le séquestre, ordonnée le 11 avril 2011, dure depuis plus de dix ans mais que la procédure concerne une affaire internationale complexe impliquant diverses juridictions et un haut fonctionnaire libyen, proche du président déchu Kadhafi (act. 1.1, p. 4). Dans la décision entreprise, le MPC précise qu'il a adapté le montant du séquestre lors du prononcé de la décision du 9 mars 2021 (supra let. E) et que des démarches auprès de la Police judiciaire fédérale (ci-après: PJF) sont en cours pour obtenir la localisation précise de B. et que des commissions rogatoires seront envoyées pour procéder à l'audition du précité (act. 1.1, p. 5).
2.3 De manière générale, le séquestre, en tant que mesure propre à restreindre des droits fondamentaux comme la garantie de la propriété (art. 26 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse [Cst.; RS 101]) ou la liberté économique (art. 27 Cst.), doit respecter les exigences de base légale, d'intérêt public et de proportionnalité (v. art. 36 Cst.; ATF 130 I 360 consid. 1.2; 126 I 219 consid. 2a et 2c), l'autorité disposant à l'égard de ce dernier principe d'une grande marge d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 1P.239/2002 du 9 août 2002 consid. 3.1; arrêt du Tribunal pénal fédéral BB.2008.98 du 8 avril 2009 consid. 3). Ces exigences sont concrétisées par l'art. 197 CPP (Viredaz/Johner, Commentaire romand, op. cit., n° 1 ad art. 197 CPP; Bommer/Goldschmid, Basler Kommentar, op. cit., n° 11 ad remarques introductives aux art. 263 à 268 CPP et les références citées; Jeanneret/Kuhn, Précis de procédure pénale, 2e éd. 2018, n° 14066) qui prévoit que les mesures de contrainte – parmi lesquelles le séquestre – ne peuvent être mises en œuvre, entre autres, que s'il existe des soupçons suffisants laissant présumer une infraction (let. b), que les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères (let. c) et qu'elles apparaissent justifiées au regard de la gravité de l'infraction (let. d).
2.4 Le séquestre pénal (art. 263 ss CPP) est une mesure provisoire destinée à préserver les objets ou valeurs qui seront utilisés comme moyens de preuve, qu'ils seront utilisés pour garantir le paiement des frais de procédure, des peines pécuniaires, des amendes et des indemnités, que le juge du fond pourrait être amené à confisquer, à restituer au lésé ou qui pourraient servir lors de l'exécution d'une créance compensatrice (art. 263 al. 1 CPP et 71 al. 3 CP; v. ATF 141 IV 360 consid. 3.2; 140 IV 57 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 1B_216/2019 et 1B_229/2019 du 24 octobre 2019 consid. 4.1.1). Lors de l'examen d'un séquestre, l'autorité statue sous l'angle de la vraisemblance puisque, tant que l'instruction n'est pas achevée, la mesure se rapporte à des prétentions encore incertaines (ATF 141 IV 360 consid. 3.2; 140 IV 57 consid. 4.1.1). Compte tenu de la célérité avec laquelle l'autorité d'enquête doit agir, celle-ci n'a pas à résoudre des questions juridiques complexes ni à attendre d'être renseignée de manière exacte et complète sur les faits, puisque ce n'est que dans le cadre du jugement au fond que le sort des avoirs séquestrés sera définitivement fixé (ATF 141 IV 360 consid. 3.2; 140 IV 57 consid. 4.1.2; 139 IV 250 consid. 2.1; 116 Ib 96 consid. 3a; arrêts du Tribunal fédéral 1B_59/2019 du 21 juin 2019 consid. 3.1; 1B_390/2013 du 10 janvier 2014 consid. 2.1). Le séquestre n'est exceptionnellement exclu que dans l'hypothèse où il est d'emblée manifeste et indubitable que les conditions matérielles d'une confiscation des valeurs en mains de tiers ne sont pas réalisées et ne pourront jamais l'être (arrêt du Tribunal fédéral 1B_311/2009 consid. 4; arrêt du Tribunal pénal fédéral BV.2010.11 du 27 mai 2010 consid. 4.1).
2.5 Les art. 5 CPP, 29 al. 1 Cst. et 6 par. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en vigueur pour la Suisse depuis le 28 novembre 1974 (CEDH; RS 0.101), garantissent à toute personne, entre autres, le droit à ce que leur cause soit traitée dans un délai raisonnable. Ces dispositions consacrent le principe de la célérité et prohibent le retard injustifié à statuer. L'autorité porte atteinte à cette garantie lorsqu'elle ne rend pas une décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prévu par la loi ou dans celui que la nature et les circonstances de l'affaire font apparaître comme raisonnable. L'exigence de célérité oblige les autorités à traiter les procédures pénales avec la célérité nécessaire, la personne accusée ne devant pas être soumise aux charges de la procédure pénale plus longtemps que nécessaire (ATF 143 IV 373 consid. 1.3.1; 124 I 139 consid. 2a). La détermination du caractère raisonnable de la durée de la procédure échappe à des règles rigides. Cette question doit être examinée dans chaque cas concret, une fois prises en considération l'ensemble des circonstances particulières (ATF 143 IV 373 consid. 1.3.1; 130 I 312 consid. 5 et références citées). Le prévenu a droit, en priorité, au respect du principe de la célérité et, dans une mesure légèrement moindre, les autres participants à la procédure (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1014/2016 du 24 mars 2017 consid. 1.3.1; 1B_549/2012 du 12 novembre 2012 consid. 2.3 et références citées; décision du Tribunal pénal fédéral BB.2020.45 du 4 mai 2020 consid. 3.1). La durée du délai raisonnable n'est pas influencée par des circonstances étrangères au problème à résoudre (arrêt du Tribunal fédéral 1P.107/2006 du 20 mars 2006 consid. 2 et références citées; arrêt du Tribunal pénal fédéral BB.2010.88 du 27 janvier 2011 consid. 3.3). Il est nécessaire de se fonder sur des éléments objectifs comme le degré de difficulté de la cause, la complexité des questions factuelles et juridiques soulevées, l'enjeu que revêt le litige pour l'intéressé ainsi que le comportement de ce dernier et celui des autorités compétentes (ATF 135 I 265 consid. 4.4). Le comportement de l'intéressé s'apprécie avec moins de rigueur en procédure pénale et administrative qu'en procédure civile; celui-ci doit néanmoins entreprendre ce qui est en son pouvoir pour que l'autorité fasse diligence notamment en l'invitant à accélérer la procédure ou en recourant, le cas échéant, pour retard injustifié (ATF 130 I 312 consid. 5.2; arrêts du Tribunal fédéral 1P.442/2006 du 14 novembre 2006 consid. 3.1; 1P.459/2006 du 13 octobre 2006 consid. 4). Quant à l'autorité, il ne saurait lui être reproché quelques « temps morts », ceux-ci étant inévitables dans une procédure (ATF 124 I 139 consid. 2c). Lorsqu'aucun d'eux n'est d'une durée vraiment choquante, c'est l'appréciation d'ensemble qui joue un rôle prépondérant; des périodes d'activité intense peuvent donc compenser le fait que le dossier a été laissé momentanément de côté en raison d'autres affaires (ATF 130 IV 54 consid. 3.3; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1385/2019 du 27 février 2020 consid. 5; 6B_1000/2019 du 19 février 2020 consid. 4.1; 6B_640/2012 du 10 mai 2013 consid. 4.1; décision du Tribunal pénal fédéral BB.2020.45 précitée ibid.; Perrier Depeursinge, Code de procédure pénale [CPP] annoté, 2e éd. 2020, p. 23; Moreillon/Parein-Reymond, Petit commentaire, 2e éd. 2016, nos 4 et 5 ad art. 5 CPP).
2.6 A teneur du dossier de la cause, il ne peut être reproché à l'autorité intimée d'avoir porté atteinte au principe de célérité.
La recourante ne saurait être suivie lorsqu'elle affirme que la procédure menée par le MPC comporte de nombreuses périodes d'inactivité (act. 1, p. 18). En effet, il ressort du dossier que le MPC a rendu plusieurs ordonnances de renseignements, obligation de dépôt, mise sous séquestre de moyens de preuve, entre le 11 avril et le 9 septembre 2014, portant notamment sur les relations bancaires dans la sphère d'influence de C. et B. auprès de divers établissements financiers. Entre le 31 mai et le 11 octobre 2011, le MPC a adressé des demandes d'entraide judiciaire respectivement à l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma) afin d'obtenir la transmission du dossier complet relatif au compte ouvert par B. auprès de la banque G., à la Direction du droit international public (DDIP) et au SECO afin d'obtenir le dossier complet et actualisé relatif aux personnes physiques, entreprises et entités visées par les mesures instituées à l'encontre de la Libye dans le cadre de l'ordonnance du Conseil fédéral. Le MPC a délivré des mandats de perquisitions et de séquestre auprès de la société H. SA, à Genève, le 7 mai 2012 et le 29 mai 2013, de D. (Suisse) SA le 7 mai 2012, de la fiduciaire I. SA le 9 avril 2014 et de la fiduciaire J. le 27 novembre 2015. Des ordres de dépôt ont été prononcés auprès de la fiduciaire K. le 30 novembre 2015, de L. SA le 9 avril 2014 et de l'Etude d'avocats M., le 4 août 2014. Le 9 mars 2012, la PJF a établi un rapport d'analyse sur le régime et le réseau de pouvoir de l'ancien dirigeant Kadhafi. Le Centre de compétence économie et finance du MPC (ci-après: CCEF; actuellement Division Analyse financier du MPC [FFA]) a établi, le 13 mars 2012, un rapport d'analyse de la documentation bancaire reçue de la banque E. en lien avec C. Un deuxième rapport a été établi, le 31 janvier 2013, concernant les transactions liées aux relations bancaires connues dans la sphère de puissance de C. et B., rapport complété en date du 8 mai 2013. Les 16 et 27 mai, 4 et 6 juin, 8 et 9 août 2013, 20 janvier, 9 juillet 2014 et 10 mars 2016, la PJF a procédé, sur mandat du MPC, à l'audition de collaborateurs des sociétés H. SA, L. SA, D., D. (Suisse) SA et de la fiduciaire J. Le 18 novembre 2013, la PJF a établi un rapport d'analyse relatif aux auditions effectuées dans le cadre de la procédure et ayant permis d'apporter des éléments quant aux rôles joués par les sociétés D., D. (Suisse) SA et H. SA, sises à Genève. Les 15 janvier, 27 mai 2014 et 29 août 2017, le MPC a adressé une demande d'entraide judiciaire ainsi que des demandes complémentaires aux autorités pénales françaises afin notamment d'obtenir une copie des éléments essentiels de la procédure pénale ayant un lien avec la société D. et D. (Suisse) SA. Le 10 juin 2015, le MPC a adressé une demande d'entraide judiciaire au Ministère public du canton de Genève afin de consulter le dossier de la procédure genevoise ayant un lien de connexité avec la société D., D. (Suisse) SA. Le 2 décembre 2019, le MPC a procédé à l'audition de C. Par avis de prochaine clôture du 30 décembre 2019, le MPC a informé C. qu'il entendait clôturer prochainement l'instruction par une ordonnance de classement et qu'il envisageait de prononcer une confiscation en lien avec les avoirs déposés sur la relation ouverte au nom de A. Ltd (in dossier du MPC, pièces nos 03-00-0003 ss). Il sied de relever que le prévenu B. est en fuite depuis l'extension de l'instruction contre lui et que le MPC n'a à ce jour pas réussi à le localiser. Quant à certaines périodes d'inactivité du MPC et la longueur de la procédure, il ne saurait être reproché quelques « temps morts » à l'autorité intimée, ceux-ci étant inévitables dans une procédure (ATF 124 I 139 consid. 2c).
2.7 Force est ainsi de relever que le séquestre querellé s'inscrit dans un contexte qui dépasse la procédure de blocage des avoirs de la recourante, laquelle s'insère dans une enquête de grande envergure avec des ramifications à l'étranger. Enfin, la recourante ne soutenant pas que le séquestre la frapperait de manière particulièrement incisive dans sa situation économique, la question d'une éventuelle application de la clause de rigueur n'entre pas en ligne de compte.
3. Selon A. Ltd, les soupçons du MPC au début de l'enquête n'ont pas évolué, et ne se sont aucunement renforcés au cours de la procédure, qui est quasiment demeurée dans un statu quo pendant de nombreuses années (act. 1, p. 18; 20).
3.1 Cet argument ne saurait être suivi. C'est à raison que le MPC relève qu'il a rendu une ordonnance de classement avec confiscation des avoirs de la recourante le 9 mars 2021, de sorte que les soupçons portant sur l'origine des fonds étaient déjà suffisamment forts en 2021 pour rendre une telle décision. Il apparaît dès lors que les soupçons à l'origine du séquestre querellé se sont renforcés, les mesures d'instruction entreprises par le MPC ayant permis de faire progresser l'enquête. Cela scelle déjà le sort de ce grief. De surcroît, il sied de rappeler qu'il ressort de l'analyse des flux, que la recourante ne conteste pas, qu'entre le 19 juillet 2010 et le 2 septembre 2010, A. Ltd a bénéficié de cinq transferts d'un montant total de USD 2'799'920.-- en provenance de relations dans la sphère d'influence de B., « chef du cabinet du […] » ainsi que « managing director de D. fonds identifié comme étant sous le contrôle de feu [Khadafi] et sa famille » et donc membre présumé de l'organisation criminelle « les hommes de la Tente » (in act. 1.1, p. 4; 3, p. 2; supra consid. 2.2).
3.2 Par surabondance, le MPC fait valoir que B. n'a pas fait opposition à l'ordonnance pénale du 12 décembre 2023 rendue contre lui pour participation à une organisation criminelle au sens de l'art. 260ter CP et blanchiment d'argent aggravé au sens de l'art. 305bis ch. 2 let. a CP. Le maintien du séquestre se justifie dès l'existence d'un soupçon suffisant. En effet, pour que le séquestre en tant que mesure procédurale provisoire – respectivement conservatoire – ait lieu, l'existence d'indices suffisants quant à la commission d'une infraction et sa relation avec les valeurs séquestrées suffit. Tel est le cas en l'espèce puisque des soupçons circonstanciés quant à la possible commission d'infractions ainsi que les liens avec la relation bancaire sous séquestre ont été mis à jour. Il n'est dès lors pas exclu que les sommes actuellement séquestrées soient, au terme de la procédure au fond, confisquées et/ou qu'elles fassent l'objet d'une créance compensatrice. Sur ce point il convient de préciser que l'autorité de céans n'a pas, contrairement au juge de fond, à examiner les questions de fait et de droit de manière définitive, sous réserve des violations légales manifestes (ATF 124 IV 313 consid. 4; 120 IV 365 consid. 1c; arrêt du Tribunal pénal fédéral BB.2005.11 du 14 juin 2005 consid. 2 et références citées). Tel n'est pas le cas en l'espèce puisque les divers éléments retenus par le MPC ne peuvent pas être considérés comme arbitraires, lacunaires ou violant manifestement la loi.
3.3 Il s'ensuit que le grief de la recourante, mal fondé, doit être rejeté.
4. Sur le vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, il apparaît que la mesure visant le compte n° 1 ouvert au nom de la recourante auprès de la banque E. repose sur des soupçons suffisants, d'une part, et n'est pas disproportionnée tant quant à son principe que du point de vue de sa durée, d'autre part. Le séquestre des avoirs doit par conséquent être maintenu.
5. Le recours, mal fondé, est rejeté.
6. A teneur de l'art. 428 al. 1 CPP, les frais de la procédure de recours sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé. Le montant de l'émolument est calculé en fonction de l'ampleur et de la difficulté de la cause, de la façon de procéder des parties, de leur situation financière et des frais de chancellerie (art. 73 al. 2 LOAP). En tant que partie qui succombe, la recourante supportera les frais de la présente procédure de recours. Ceux-ci prendront, en l'espèce, la forme d'un émolument fixé, en vertu des art. 5 et 8 al. 1 du règlement du Tribunal pénal fédéral sur les frais, émoluments, dépens et indemnités de la procédure pénale fédérale (RFPPF; RS 173.713.162), à CHF 2'000.--.
Par ces motifs, la Cour des plaintes prononce:
1. Le recours est rejeté.
2. Un émolument de CHF 2'000.-- est mis à la charge de la recourante.
Bellinzone, le 12 février 2024
Au nom de la Cour des plaintes
du Tribunal pénal fédéral
Le président: La greffière:
Distribution
- Mes Eric Hess et Igor Zacharia
- Ministère public de la Confédération
Copie pour information
- Tribunal pénal fédéral, Cour des affaires pénales
Indication des voies de recours
Dans les 30 jours qui suivent leur notification, les arrêts de la Cour des plaintes relatifs aux mesures de contrainte sont sujets à recours devant le Tribunal fédéral (art. 79 et 100 al. 1 de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral; LTF). Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF). En cas de transmission électronique, le moment déterminant pour l'observation d'un délai est celui où est établi l'accusé de réception qui confirme que la partie a accompli toutes les étapes nécessaires à la transmission (art. 48 al. 2 LTF).
La procédure est réglée par les art. 90 ss LTF.
Le recours ne suspend l'exécution de l'arrêt attaqué que si le juge instructeur l'ordonne (art. 103 LTF).
Bitte beachten Sie, dass keinen Anspruch auf Aktualität/Richtigkeit/Formatierung und/oder Vollständigkeit besteht und somit jegliche Gewährleistung entfällt. Die Original-Entscheide können Sie unter dem jeweiligen Gericht bestellen oder entnehmen.
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