Urteilsdetails des Bundesstrafgerichts
Instanz: | Bundesstrafgericht |
Abteilung: | Beschwerdekammer: Rechtshilfe |
Fallnummer: | RR.2015.278 |
Datum: | 16.12.2015 |
Leitsatz/Stichwort: | Entraide judiciaire internationale en matière pénale à l'Ukraine. Remise de moyens de preuve (art. 74 EIMP). |
Schlagwörter | Apos;; Apos;a; Apos;en; Apos;au; Apos;entraide; édéral; être; Tribunal; Apos;autorité; écision; érant; énal; Apos;un; Apos;art; écution; été; Apos;exécution; Apos;être; édure; Apos;il; Apos;Etat; Apos;une; énale; ément; ésent; ôture; Apos;espèce; Lapos;; érante; Suisse |
Kommentar: | - |
Entscheid des Bundesstrafgerichts
Bundesstrafgericht Tribunal pénal fédéral Tribunale penale federale Tribunal penal federal | |
Numéro de dossier: RR.2015.278 |
Arrêt du 16 décembre 2015 Cour des plaintes | ||
Composition | Les juges pénaux fédéraux Stephan Blättler, président, Giorgio Bomio et Cornelia Cova , le greffier Aurélien Stettler | |
Parties | A. Ltd, représentée par Me Christian Bettex, avocat, recourante | |
contre | ||
Ministère public central du canton de vaud, partie adverse | ||
Objet | Entraide judiciaire internationale en matière pénale à l'Ukraine Remise de moyens de preuve (art. 74 EIMP ) |
Faits:
A. Le Parquet général ukrainien mène une instruction préliminaire contre des fonctionnaires de l'entreprise nationale d'échanges extérieurs "B.", ainsi que la société anonyme publique "C." et la société anglaise "A. Ltd". Les faits sous enquête relèvent, en droit ukrainien, de l'art. 191 par. 5 du code pénal (ci-après: CP -Uk), disposition réprimant l'appropriation, le détournement de biens ou l'appropriation de biens par l'abus de fonction. Par le biais d'une demande d'entraide judiciaire du 6 février 2015, l'autorité requérante a notamment sollicité la production de la documentation concernant deux relations bancaires dont A. Ltd est titulaire auprès de la Banque D., pour la première, et de la Banque E., pour la seconde.
B. Chargé de son exécution par l'Office fédéral de la justice (ci-après: OFJ), le Ministère public central du canton de Vaud (ci-après: MP-VD) est entré en matière par décision du 17 juin 2015. L'autorité d'exécution a, le même jour, ordonné la production des informations bancaires auprès des deux établissements abritant les comptes de A. Ltd, interdisant pour le surplus à ces derniers " d'informer qui que ce soit de la présente mesure jusqu'au 17 septembre 2015, sous commination de la peine prévue à l'art. 292 CP " (dossier MP-VD, onglet décisions).
C. Par décision de clôture du 17 septembre 2015, notifiée aux deux banques susmentionnées ainsi qu'à l'OFJ, le MP-VD a ordonné la transmission à l'autorité requérante de divers documents bancaires concernant les deux relations dont la titulaire est A. Ltd (act. 1.1).
Par mémoire daté du 19 octobre 2015, A. Ltd a formé recours contre ladite décision de clôture et pris les conclusions suivantes:
" Principalemen t
I.- Le recours est admis.
II.- Il est constaté que le droit d'être entendu de la recourante A. Ltd a été violé.
III.- En conséquence, la décision rendue le 17 septembre 2015 par le Ministère Public Central, Division criminalité économique et entraide judiciaire du Canton de Vaud est annulée.
IV.- L'instruction de la demande d'entraide judiciaire PR15.010667 est renvoyée au Ministère Public Central, Division criminalité économique et entraide judiciaire du Canton de Vaud pour reprise de l'instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants.
Subsidiairement
I.- Le recours est admis.
II.- La décision de clôture rendue le 17 septembre 2015 par le Ministère Public Central, Division criminalité économique et entraide judiciaire du Canton de Vaud est réformée pour avoir la teneur suivante:
'I. Dit que l'entraide judiciaire requise par le Parquet Général de l'Ukraine du 6 février 2015 est rejetée;
II. Refuse la transmission à l'autorité requérante de la documentation et des renseignements mentionnés sous chiffre 6 ci-dessus.'
III.- La restitution à la recourante A. Ltd des documents remis par la Banque D. et la Banque E. au Ministère Public Central, Division criminalité économique et entraide judiciaire du Canton de Vaud dans le cadre de la demande d'entraide judiciaire PR15.010667 est ordonnée. " (act. 1, p. 2 s.).
D. Appelé à répondre, l'OFJ a, par écriture du 5 novembre 2015, conclu au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité, non sans relever que le droit d'être entendu de la recourante pouvait avoir été violé devant l'autorité d'exécution, et que la Cour de céans devrait, le cas échéant, en tenir compte dans les frais de la présente procédure (act. 7). Le MP-VD a de son côté, et par écriture du 12 novembre 2015, conclu au rejet du recours, avec suite de frais (act. 8). Invité à ce faire, le conseil de A. Ltd a répliqué en date du 30 novembre 2015 (act. 10), ce dont le greffe de céans a informé l'OFJ et le MP-VD.
Les arguments et moyens de preuve invoqués par les parties seront repris, si nécessaire, dans les considérants en droit.
La Cour considère en droit:
1.
1.1 L'entraide judiciaire entre la Confédération suisse et l'Ukraine est régie en premier lieu par la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale (CEEJ; 0.351.1) ainsi que par le Deuxième Protocole additionnel du 8 novembre 2001 à la CEEJ, entré en vigueur pour la Suisse le 1 er février 2005 et pour l'Etat requérant le 1 er janvier 2012. Peut également s'appliquer en l'occurrence la Convention n° 141 du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime (CBl; RS 0.311.53), entrée en vigueur le 1 er septembre 1993 pour la Suisse et le 1 er mai 1998 pour l'Ukraine. Les dispositions de ces traités l'emportent sur le droit interne régissant la matière, soit la loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'entraide internationale en matière pénale (EIMP; RS 351.1) et son ordonnance d'exécution (OEIMP; RS 351.11). Le droit interne reste toutefois applicable aux questions non réglées, explicitement ou implicitement, par le traité et lorsqu'il est plus favorable à l'entraide (ATF 140 IV 123 consid. 2; 137 IV 33 consid. 2.2.2; 136 IV 82 consid. 3.1; arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2010.9 du 15 avril 2010, consid. 1.3). L'application de la norme la plus favorable doit avoir lieu dans le respect des droits fondamentaux (ATF 135 IV 212 consid. 2.3; 123 II 595 consid. 7c).
1.2 La Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral est compétente pour connaître des recours dirigés contre les décisions de clôture de la procédure d'entraide rendues par les autorités cantonales ou fédérales d'exécution et, conjointement, contre les décisions incidentes (art. 25 al. 1 et 80 e al. 1 EIMP , mis en relation avec l'art. 37 al. 2 let. a ch. 1 de la loi fédérale du 19 mars 2010 sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération [LOAP; RS 173.71]).
1.3 Formé dans les trente jours à compter de la notification de la décision attaquée, le recours a été déposé en temps utile (art. 80 k EIMP ).
1.4
1.4.1 Aux termes de l'art. 80 h let. b EIMP , a qualité pour recourir en matière d'entraide quiconque est personnellement et directement touché par une mesure d'entraide et a un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée. Précisant cette disposition, l'art. 9 a let. a OEIMP reconnaît au titulaire d'un compte bancaire la qualité pour recourir contre la remise à l'Etat requérant d'informations relatives à ce compte (v. ATF 137 IV 134 consid. 5.2.1 et 118 Ib 547 consid. 1d).
1.4.2 En l'espèce, la recourante est titulaire des deux comptes ouverts auprès de la Banque D. et de la Banque E., dont la documentation fait l'objet de la mesure d'entraide entreprise. Elle a ainsi la qualité pour recourir contre la transmission des informations relatives à ces comptes.
1.5 Le recours est recevable et il y a lieu d'entrer en matière.
2. Par un grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner en premier lieu, la recourante reproche en substance à l'autorité d'exécution d'avoir doublement violé son droit d'être entendue, soit, d'une part, sous celui du droit de s'exprimer - en participant notamment au tri des pièces - avant le prononcé de clôture, et, d'autre part, sous celui du droit à une décision motivée (act. 1, p. 15 ss).
2.1 La recourante reproche d'abord à l'autorité d'exécution d'avoir violé son droit d'être entendue en ce sens qu'elle aurait été empêchée de participer à la procédure devant ladite autorité d'exécution .
2.1.1 Le droit du particulier de s'exprimer avant qu'une décision le concernant ne soit prise découle de son droit d'être entendu (arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2009.294 , consid. 3.1.1). Il en va de même du droit du particulier de recevoir la décision qui le concerne ( ATF 124 II 124 consid. 2a p. 127; 107 Ib 170 consid. 3 p. 175/176, et les arrêts cités). En application de ce principe et en vertu de l'art. 80 m EIMP , les décisions de l'autorité d'exécution sont notifiées à l'ayant droit domicilié en Suisse (let. a) et à l'ayant droit résidant à l'étranger qui a élu domicile en Suisse (let. b). Selon l'art. 9 OEIMP , la partie qui habite à l'étranger ou son mandataire doit désigner un domicile de notification en Suisse (1 re phr.). A défaut, la notification peut être omise (2 e phr.). Par ailleurs, le détenteur d'informations a le droit, selon l'art. 80 n EIMP , d'informer son mandant de l'existence de la demande d'entraide, à moins d'une interdiction faite à titre exceptionnel par l'autorité compétente. Lorsque l'autorité compétente s'adresse à une banque pour obtenir les documents nécessaires à l'exécution d'une requête d'entraide judiciaire, elle doit notifier à l'établissement bancaire sa décision d'entrée en matière, puis sa décision de clôture, quel que soit le domicile du titulaire du compte visé. Lorsque le titulaire est domicilié à l'étranger, c'est à la banque qu'il appartient d'informer son client afin de permettre à celui-ci d'élire domicile et d'exercer en temps utile le droit de recours qui lui est reconnu selon les art. 80 h let. b EIMP et 9 a let. a OEIMP (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1A.36/2006 du 29 mai 2006, consid. 3.3; Zimmermann , La coopération judiciaire internationale en matière pénale, 4 e éd. 2014, n ° 319 note 726 ). Lorsque le compte bancaire a été clôturé, on ignore en principe s'il existe encore un devoir de renseigner. Il n'en demeure pas moins que les décisions doivent être notifiées à l'établissement bancaire, détenteur des documents, à charge pour ce dernier de décider s'il entend faire usage de la faculté que lui reconnaît l'art. 80 n EIMP . Le droit dont disposent les parties d'assister à l'exécution de la demande d'entraide dans la mesure où ces actes les touchent directement, ne les exempte pas d'élire un domicile de notification en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 1A.107/2006 du 10 août 2006, consid. 2.5.1; Zimmermann , op. cit., n o 484).
En pareille hypothèse - soit celle dans laquelle le détenteur des documents saisis en exécution d'une demande d'entraide n'a pas élu domicile en Suisse -, le Tribunal fédéral a posé le principe selon lequel l'autorité d'exécution n'a pas à impartir de délai audit détenteur pour faire part de ses éventuelles observations avant que ne soit rendue la décision de clôture (arrêt du Tribunal fédéral 1A.107/2006 du 10 août 2006, consid. 2.5 in fine). En d'autres termes, l'autorité d'exécution n'a pas l'obligation d'interpeller dans ce sens l'établissement bancaire abritant le compte visé par la mesure d'entraide - et dont le titulaire n'a pas élu de domicile en Suisse - avant de notifier sa décision de clôture audit établissement. Il ressort toutefois des considérants du Tribunal fédéral que la règle ainsi posée ne respecte le droit d'être entendu du détenteur que pour autant que l'éventuelle interdiction de communiquer imposée à la banque en début de procédure (art. 80 n al. 1 EIMP ) ait été levée préalablement à la décision de clôture (arrêt cité, ibidem " [...] dopo la revoca del divieto di comunicazione [...]"); il s'agit en effet, d'une part, de garantir à la banque la possibilité d'informer son client de l'existence de la mesure d'entraide dont il fait l'objet, et, d'autre part, de permettre audit client qui entendrait élire domicile en Suisse de se manifester auprès de l'autorité d'exécution avant qu'elle ne rende sa décision de clôture. Dans l'hypothèse où une telle autorité ne lèverait l'interdiction de communiquer qu'au moment de notifier sa décision de clôture à la banque, il peut y avoir atteinte au droit d'être entendu du client domicilié à l'étranger, ce dernier étant en effet privé de toute possibilité d'être informé de la mesure d'entraide le visant - et partant de se manifester - avant le prononcé de clôture.
2.1.2 En l'espèce, il ressort du dossier que l'interdiction de communiquer imposée aux banques abritant les comptes de la recourante a déployé ses effets jusqu'au 17 septembre 2015, et que la décision de clôture ici entreprise a été rendue précisément à cette même date. Toutes les parties à la présente procédure admettent - explicitement pour l'OFJ, implicitement pour le MP-VD - que, à la lumière des principes rappelés au considérant précédent, un tel mode de procéder ne respecte pas le droit d'être entendu de la recourante.
2.1.3 Cela étant, même si une violation du droit d'être entendu est commise par l'autorité d'exécution, la procédure de recours devant la Cour des plaintes en permet en principe la réparation. En matière d'entraide internationale une telle réparation entre en ligne de compte afin de respecter les principes de célérité et d'économie procédurale. La jurisprudence a toutefois fixé des limites au-delà desquelles la violation du droit d'être entendu ne peut plus être réparée. Tel est le cas lorsque l'autorité méconnaît systématiquement la portée du droit d'être entendu, se défaussant par là même sur l'autorité de recours ( arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2015.139 du 16 octobre 2015, consid. 2.5, Zimmermann , op. cit., n o 472) . S'agissant du cas particulier dans lequel une interdiction de communiquer n'a pas été levée ou, comme en l'espèce, ne l'a été que trop tardivement, la jurisprudence considère que pareille violation du droit d'être entendu peut être réparée lorsque la partie lésée a pu participer à la procédure de recours (arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2012.36 du 14 septembre 2012, consid. 2.3.4, entrepris sans succès devant le Tribunal fédéral [ 1C_492/2012 , 09.10.2012]; v. également arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2009.294 du 7 octobre 2009, consid. 3.3.2) . Il ne ressort pas non plus du dossier que l'autorité d'exécution viole systématiquement le droit d'être entendu. Au contraire, elle a reconnu - bien qu'implicitement - dans le cas particulier, la violation de ce droit ce qui laisse à penser à une mégarde de sa part et non pas à l'intention de violer systématiquement ce droit. En l'espèce, la recourante a pu s'exprimer largement et en pleine connaissance de cause devant l'autorité de recours, laquelle dispose d'un libre pouvoir d'examen, de sorte que la violation du droit d'être entendu commise par l'autorité d'exécution peut - encore - être réparée dans le cadre de la procédure de recours devant la Cour de céans. Il sera toutefois tenu compte du fait que le grief tiré de la violation du droit d'être entendu n'était pas infondé, lors du calcul de l'émolument judiciaire (v. infra consid. 7).
2.2 Selon la recourante, la décision entreprise souffrirait ensuite d'un défaut de motivation, et ce en lien avec les conditions nécessaires à l'obtention de l'entraide judiciaire internationale (act. 1, p. 18 s.).
2.2.1 Il découle notamment du droit d'être entendu, garanti par l'art. 29 al. 2 Cst ., l'obligation pour l'autorité d'indiquer dans son prononcé les motifs qui la conduisent à sa décision (arrêt du Tribunal fédéral 1A.95/2002 du 16 juillet 2002, consid. 3.1). Cette garantie tend à donner à la personne touchée les moyens d'apprécier la portée du prononcé et de le contester efficacement, s'il y a lieu, devant une instance supérieure (arrêt du Tribunal fédéral 1A.58/2006 du 12 avril 2006, consid. 2.2). L'objet et la précision des indications à fournir dépendent de la nature de l'affaire et des circonstances particulières du cas; néanmoins, en règle générale, il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs qui l'ont guidée, sans qu'elle soit tenue de discuter de manière détaillée tous les arguments soulevés par les parties (ATF 112 Ia 107 consid. 2b; v. aussi ATF 126 I 97 consid. 2b, 125 II 369 consid. 2c, 124 II 146 consid. 2a) ; l'autorité n'est pas davantage astreinte à statuer séparément sur chacune des conclusions qui lui sont présentées (arrêt du Tribunal fédéral 1A.95/2002 du 16 juillet 2002, consid. 3.1) . Elle peut se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige; il suffit que le justiciable puisse apprécier correctement la portée de la décision et l'attaquer à bon escient ( ATF 126 I 15 consid. 2a/aa ; 125 II 369 consid. 2c ; 124 II 146 consid. 2a ; 124 v 180 consid. 1a et les arrêts cités).
2.2.2 S'agissant du respect du principe de la proportionnalité, la décision entreprise retient ce qui suit:
"7 . L'art. 63 EIMP précise que seuls les renseignements qui paraissent nécessaires à la procédure menée à l'étranger doivent être remis à l'autorité requérante. En l'espèce, la documentation mentionnée sous point 6 ci-dessus est à l'évidence directement en lien avec les faits mentionnés dans la demande d'entraide judiciaire internationale des autorités ukrainiennes; sa transmission à la juridiction compétente est donc parfaitement justifiée. "
S'agissant de la condition de la double incrimination, la décision entreprise mentionne, sous chiffre 1, que la procédure ukrainienne est diligentée pour " appropriation, détournement de biens ou appropriation de biens par l'abus de fonction". Elle ne contient pas l'examen de la situation sous l'angle du droit suisse, ce dernier ayant été opéré dans la décision d'entrée en matière du 17 juin 2015, elle-même expressément mentionnée au chiffre 4 de la décision entreprise. C'est ainsi qu'on y apprend que " [l]es faits mentionnés dans la demande d'entraide correspondent prima facie aux éléments constitutifs des infractions suivantes en droit suisse: gestion déloyale (art. 158 CP ) et gestion déloyale des intérêts publics (art. 314 CP )".
La motivation de l'ordonnance querellée est certes pour le moins sommaire. Elle repose en outre sur un renvoi indirect à une ordonnance d'entrée en matière elle-même sommairement motivée. La Cour considère toutefois qu'une telle motivation satisfait encore - à l'extrême limite - aux exigences rappelées plus haut (v. supra consid. 2.2.1), en tant qu'elle permet néanmoins à la recourante, assistée d'un mandataire professionnel, d' apprécier correctement la portée de la décision et de l'attaquer à bon escient . Le grief tiré de la violation de l'obligation de motiver s'avère ainsi mal fondé.
2.2.3 Comme mentionné plus haut, si cela s'était avéré nécessaire, une éventuelle violation de l'obligation de motiver aurait en tout état de cause pu être réparée dans le cadre du présent recours (v. supra consid. 2.1.3 in fine).
3. Par un grief intitulé " [d]e la violation du principe de la double incrimination", la recourante invoque le fait que " les éléments décrits par la demande d'entraide judiciaire ne sauraient constituer une infraction réprimée par le droit suisse" d'une part, et qu'" on ne voit pas en quoi cette infraction pourrait correspondre à une violation d'une loi pénale ukrainienne, dans la mesure où il apparaît manifeste que certains des faits soutenus à l'appui de la demande sont contradictoires et inexacts", d'autre part (act. 1, p. 19 ss). Ce faisant, c'est d'abord au contenu de la demande qu'elle s'en prend.
3.1 Aux termes de l'art. 14 CEEJ , la demande d'entraide doit notamment indiquer l'autorité dont elle émane (ch. 1 let. a), son objet et son but (ch. 1 let. b), ainsi que l'inculpation et un exposé sommaire des faits (ch. 2). Ces indications doivent permettre à l'autorité requise de s'assurer que l'acte pour lequel l'entraide est demandée est punissable selon le droit des parties requérante et requise (art. 5 ch. 1 let. a CEEJ ), qu'il ne constitue pas un délit politique ou fiscal (art. 2 al. 1 let. a CEEJ ), et que le principe de la proportionnalité est respecté (ATF 118 Ib 111 consid. 4b et les arrêts cités). Selon la jurisprudence, l'on ne saurait exiger de l'Etat requérant un exposé complet et exempt de toute lacune, puisque la procédure d'entraide a précisément pour but d'apporter aux autorités de l'Etat requérant des renseignements au sujet des points demeurés obscurs (ATF 117 Ib 88 consid. 5c et les arrêts cités). L'autorité suisse saisie d'une requête d'entraide en matière pénale n'a pas à se prononcer sur la réalité des faits évoqués dans la demande; elle ne peut que déterminer si, tels qu'ils sont présentés, ils constituent une infraction. Cette autorité ne peut s'écarter des faits décrits par l'Etat requérant qu'en cas d'erreurs, lacunes ou contradictions évidentes et immédiatement établies (ATF 126 II 495 consid. 5e/aa; 118 Ib 111 consid. 5b). L' exposé des faits ne doit pas être considéré comme un acte d'accusation, mais comme un état des soupçons que l'autorité requérante désire vérifier. Sauf contradictions ou impossibilités manifestes, ces soupçons n'ont pas à être vérifiés dans le cadre de la procédure d'entraide judiciaire (arrêt du Tribunal fédéral 1A.297/2004 du 17 mars 2005, consid. 2.1).
La remise de documents bancaires est une mesure de contrainte au sens de l'art. 63 al. 2 let. c EIMP , qui ne peut être ordonnée, selon l'art. 64 al. 1 EIMP mis en relation avec la réserve faite par la Suisse à l'art. 5 ch. 1 let. a CEEJ , que si l'état de faits exposé dans la demande correspond, prima facie, aux éléments objectifs d'une infraction réprimée par le droit suisse. L'examen de la punissabilité selon le droit suisse comprend, par analogie avec l'art. 35 al. 2 EIMP applicable en matière d'extradition, les éléments constitutifs de l'infraction, à l'exclusion des conditions particulières du droit suisse en matière de culpabilité et de répression (ATF 124 II 184 consid. 4b; 122 II 422 consid. 2a; 118 Ib 448 consid. 3a et les arrêts cités). Il n'est ainsi pas nécessaire que les faits incriminés revêtent, dans les deux législations concernées, la même qualification juridique, qu'ils soient soumis aux mêmes conditions de punissabilité ou passibles de peines équivalentes; il suffit qu'ils soient réprimés, dans les deux Etats, comme des délits donnant lieu ordinairement à la coopération internationale (ATF 124 II 184 consid. 4b/cc; 117 Ib 337 consid. 4a; 112 Ib 225 consid. 3c et les arrêts cités).
3.2 En l'espèce, les faits exposés dans la demande d'entraide du 6 février 2015 font état de soupçons de malversations visant des fonctionnaires de l'entreprise nationale d'échanges extérieurs "B.", ainsi que la société anonyme publique "C." et la recourante . Lesdites malversations auraient pris la forme d'un contrat conclu entre cette dernière et la première entité citée, aux termes duquel le prix de la marchandise que la recourante s'engageait à livrer - soit du charbon - aurait été "notoirement" surévalué. Une telle opération aurait, toujours selon l'autorité requérante, eu pour but l'appropriation illicite de fonds publics par abus de fonction . En effet, le destinataire de la livraison convenue n'était autre qu'une entreprise publique, dont les fonctionnaires ainsi suspectés auraient pu s'enrichir au détriment de l'Etat ukrainien. Contrairement à l'avis de la recourante, l'exposé des faits proposé par l'autorité requérante à l'appui de sa requête satisfait ainsi aux réquisits de l'art. 14 CEEJ , et permet, entre autres, à la Cour de vérifier le respect du principe de double incrimination, comme cela ressort du considérant suivant.
3.3
3.3.1 Selon la jurisprudence, la condition de la double incrimination peut également être réalisée si les faits présentés à l'appui de la demande d'entraide correspondent, dans l'Etat requis, à une infraction pour laquelle la poursuite dans l'Etat requérant n'est pas ouverte (arrêt du Tribunal fédéral 1A.127/2003 , consid. 5 et les références citées; Zimmermann , op. cit., n o 581). Le fait que, dans le cas d'espèce, les autorités ukrainiennes fondent leurs poursuites notamment sur le chef d'appropriation de fonds publics par abus de fonction n'empêche ainsi pas l'Etat requis d'examiner la condition de la double incrimination sous l'angle d'une infraction autre que celles retenues selon le droit ukrainien.
3.3.2 Se rend coupable de gestion déloyale des intérêts publics, selon le droit suisse, le membre d'une autorité qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura lésé dans un acte juridique les intérêts publics qu'il avait mission de défendre (art. 314 CP ).
En l'espèce, les faits tels qu'exposés dans la demande d'entraide et relatés en partie au considérant précédent, tomberaient - s'ils étaient transposés en droit suisse - sous le coup de l'art. 314 CP susmentionné.
Le grief tiré du caractère incomplet de la demande d'entraide doit partant être rejeté.
4.
4.1 La recourante se plaint ensuite du " caractère politique prépondérant des actes visés par la demande d'entraide" et " [d]e la violation des droits procéduraux en Ukraine" (act. 1, p. 22 ss). Elle invoque en d'autres termes l'art. 3 EIMP , et, dans son prolongement, l'art. 2 EIMP . On comprend de ses écritures que le but de la poursuite en Ukraine serait déguisé, à l'instar de ce qui avait été le cas, en son temps, dans l'affaire russe "Yukos", à propos de laquelle le Tribunal fédéral était parvenu à pareille conclusion (v. arrêts du Tribunal fédéral 1A.215/2005 du 4 janvier 2006 et 1A.15/2007 du 13 août 2007). La question de savoir si la recourante est légitimée à soulever pareil grief dans le cadre du présent recours souffre de demeurer indécise pour les motifs qui suivent.
4.2
4.2.1 Dans l'affaire Yukos - dont le contexte avait été qualifié de " tout à fait particulier" par le Tribunal fédéral (arrêt 1A.215/2005 précité, consid. 3.2), ce dernier avait admis que la procédure étrangère présentait un arrière-plan politique en se fondant notamment sur la résolution 1416 (2005) de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, selon laquelle l'action de l'Etat russe ne se limitait pas à la simple poursuite de la justice pénale, mais incluait des éléments tels que l'affaiblissement d'un adversaire politique déclaré, l'intimidation d'autres personnes riches et la reprise du contrôle d'actifs économiques stratégiques (notamment arrêts du Tribunal fédéral 1A.15/2007 précité, consid. 2.2 et 2.3; 1A.215/2005 précité, consid. 3.3 et 3.4).
4.2.2 En l'espèce, la recourante se contente pour l'essentiel d'allégations de portée générale sur la situation politique ukrainienne ou sur un hypothétique risque que courrait son président du conseil d'administration de se voir condamné par défaut en Ukraine, voire d'y être extradé.
4.2.3 Ces seuls éléments ne suffisent manifestement pas à faire de la présente un "Yukos bis". Le contexte " tout à fait particulier" retenu par le Tribunal fédéral en son temps s'illustrait par des faits " d'une grande complexité", la demande d'entraide ayant dû être " complétée à une vingtaine de reprises", sans que l'exposé des faits livrés ne soit clair. Enfin, des soupçons d'ordre fiscal avaient fréquemment été évoqués (arrêt 1A.215/2005 précité, consid. 3.2). En l'espèce, les faits présentés par l'autorité requérante sont suffisamment clairs et cohérents pour permettre au juge de l'entraide de donner suite à la requête (v. supra consid. 3.2 et 3.3), sans même qu'un complément à la demande n'ait eu à être requis. Les infractions reprochées aux prévenus en Ukraine n'ont pas de connotation fiscale. Quant au risque allégué visant le président du conseil d'administration de la recourante, il n'est en l'état aucunement concrétisé, dès lors que ce dernier n'apparaît pas personnellement visé par l'enquête en Ukraine.
4.3 Sur ce vu, le grief tiré de la poursuite prétendument discriminatoire, de même que de la violation des droits procéduraux dans l'Etat requérant se révèle mal fondé.
5. Dans un dernier grief, la recourante fait valoir une violation du principe de la proportionnalité. Elle estime notamment que " certains documents transmis par le Ministère Public central ne sont d'aucune utilité pour l'enquête menée par le Parquet général de l'Ukraine." (act. 1, p. 26 s.).
5.1 Selon le principe de la proportionnalité, la question de savoir si les renseignements demandés sont nécessaires ou simplement utiles à la procédure pénale est en principe laissée à l'appréciation des autorités de poursuite de l'Etat requérant. L'Etat requis ne disposant généralement pas des moyens qui lui permettraient de se prononcer sur l'opportunité de l'administration des preuves acquises au cours de l'instruction étrangère, il ne saurait substituer sur ce point sa propre appréciation à celle des magistrats chargés de l'instruction. La coopération ne peut dès lors être refusée que si les actes requis sont manifestement sans rapport avec l'infraction poursuivie et impropres à faire progresser l'enquête, de sorte que la demande apparaît comme le prétexte à une recherche indéterminée de moyens de preuve (ATF 122 II 367 consid. 2c; arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2009.33 -36 du 25 juin 2009, consid. 3.1). Le principe de la proportionnalité interdit en outre à l'autorité suisse d'aller au-delà des requêtes qui lui sont adressées et d'accorder à l'Etat requérant plus qu'il n'a demandé. Cela n'empêche pas d'interpréter la demande selon le sens que l'on peut raisonnablement lui donner. Le cas échéant, une interprétation large est admissible s'il est établi que toutes les conditions à l'octroi de l'entraide sont remplies; ce mode de procéder permet aussi d'éviter d'éventuelles demandes complémentaires (ATF 121 II 241 consid. 3a; arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2009.286 -287 du 10 février 2010, consid. 4.1). Enfin, l'entraide vise non seulement à recueillir des preuves à charge, mais également à décharge (arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2008.287 du
9 avril 2009, consid. 2.2.4 et la jurisprudence citée).
S'agissant de demandes relatives à des informations bancaires, il convient en principe de transmettre tous les documents qui peuvent faire référence au soupçon exposé dans la demande d'entraide; il doit exister un lien de connexité suffisant entre l'état de faits faisant l'objet de l'enquête pénale menée par les autorités de l'Etat requérant et les documents visés par la remise (ATF 129 II 462 consid. 5.3; arrêts du Tribunal fédéral 1A.189/2006 du 7 février 2007, consid. 3.1; 1A.72/2006 du 13 juillet 2006, consid. 3.1). Les autorités suisses sont tenues, au sens de la procédure d'entraide, d'assister les autorités étrangères dans la recherche de la vérité en exécutant toute mesure présentant un rapport suffisant avec l'enquête pénale à l'étranger. Lorsque la demande vise, comme en l'espèce, à éclaircir le cheminement de fonds d'origine délictueuse, il convient d'informer l'Etat requérant de toutes les transactions opérées au nom des entités (personnes physiques ou morales) et par le biais des comptes impliqués dans l'affaire (ATF 121 II 241 consid. 3c). L'utilité de la documentation bancaire découle du fait que l'autorité requérante peut vouloir vérifier que les agissements qu'elle connaît déjà n'ont pas été précédés ou suivis d'autres actes du même genre (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1A.259/2006 du 26 janvier 2007, consid. 2.2; 1A.75/2006 du 20 juin 2006, consid. 3.2; 1A.79/2005 du 27 avril 2005, consid. 4.2; 1A.59/2005 du 26 avril 2005, consid. 6.2).
5.2 En l'espèce, l'autorité d'exécution s'est contentée de transmettre la documentation bancaire relative aux deux relations expressément visées par la demande d'entraide. Ces dernières sont libellées au nom de la recourante, elle-même objet de l'enquête dans l'Etat requérant. Au vu des principes exposés au considérant précédent, force est de constater que les autorités ukrainiennes ont un intérêt manifeste à obtenir l'ensemble de la documentation en question, étant relevé que, d'un point de vue temporel, les extraits de compte produits ne le sont qu'à compter du 19 août 2014, comme expressément requis dans la commission rogatoire. L'examen effectué par l'autorité d'exécution sous l'angle de la proportionnalité respecte l'ensemble des principes y applicables et ne prête aucunement le flanc à la critique.
5.3 Il s'ensuit que le grief tiré de la violation du principe de la proportionnalité n'est pas fondé et doit être rejeté.
6. Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours.
7. En règle générale, les frais de procédure comprenant l'émolument d'arrêté, les émoluments de chancellerie et les débours sont mis à la charge de la partie qui succombe (art. 63 al. 1 PA ). Le montant de l'émolument est calculé en fonction de l'ampleur et de la difficulté de la cause, de la façon de procéder des parties, de leur situation financière et des frais de chancellerie (art. 73 al. 2 LOAP ). Il doit en l'occurrence être réduit du fait que l'autorité inférieure a violé le droit d'être entendue de la recourante (v. supra consid. 2.1.2 et 2.1.3). Cette dernière supportera dès lors des frais réduits et fixés à CHF 2'000.-- (art. 73 al. 2 LOAP et art. 8 al. 3 du règlement du Tribunal pénal fédéral sur les frais, émoluments, dépens et indemnités de la procédure pénale fédérale [RFPPF; RS 173.713.162 ] et art. 63 al. 5 PA ). La recourante ayant versé CHF 5'000.-- à titre d'avance de frais, l'émolument du présent arrêt est couvert par celle-ci et la caisse du Tribunal pénal fédéral lui restituera le solde par CHF 3'000.--.
Par ces motifs, la Cour des plaintes prononce:
1. Le recours est rejeté.
2. Un émolument de CHF 2'000.--, couvert par l'avance de frais de CHF 5'000.-- déjà versée est mis à la charge de la recourante. La caisse du Tribunal pénal fédéral restituera à la recourante le solde par CHF 3'000.--.
Bellinzone, le 17 décembre 2015
Au nom de la Cour des plaintes
du Tribunal pénal fédéral
Le président: Le greffier :
Distribution
- Me Christian Bettex, avocat
- Ministère public central du canton de Vaud
- Office fédéral de la justice, Unité Entraide judiciaire
Indication des voies de recours
Le recours contre une décision en matière d'entraide pénale internationale doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 10 jours qui suivent la notification de l'expédition complète (art. 100 al. 1 et 2 let. b LTF ).
Le recours n'est recevable contre une décision rendue en matière d'entraide pénale internationale que s'il a pour objet une extradition, une saisie, le transfert d'objets ou de valeurs ou la transmission de renseignements concernant le domaine secret et s'il concerne un cas particulièrement important (art. 84 al. 1 LTF ). Un cas est particulièrement important notamment lorsqu'il y a des raisons de supposer que la procédure à l'étranger viole des principes fondamentaux ou comporte d'autres vices graves (art. 84 al. 2 LTF ).
Bitte beachten Sie, dass keinen Anspruch auf Aktualität/Richtigkeit/Formatierung und/oder Vollständigkeit besteht und somit jegliche Gewährleistung entfällt. Die Original-Entscheide können Sie unter dem jeweiligen Gericht bestellen oder entnehmen.
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