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Entscheid des Bundesstrafgerichts: RR.2015.154 vom 23.12.2015

Hier finden Sie das Urteil RR.2015.154 vom 23.12.2015 - Beschwerdekammer: Rechtshilfe

Sachverhalt des Entscheids RR.2015.154


Urteilsdetails des Bundesstrafgerichts

Instanz:

Bundesstrafgericht

Abteilung:

Beschwerdekammer: Rechtshilfe

Fallnummer:

RR.2015.154

Datum:

23.12.2015

Leitsatz/Stichwort:

Entraide judiciaire internationale en matière pénale à la République française. Remise de moyens de preuve (art. 74 EIMP); consultation du dossier (art. 80b EIMP).

Schlagwörter

Apos;; Apos;a; Apos;en; Apos;entraide; éral; Apos;au; édéral; Tribunal; être; énal; Apos;autorité; écision; été; Apos;art; Apos;un; édure; MP-GE; érant; Apos;être; écution; énale; Apos;il; ôture; Apos;exécution; Apos;elle; Apos;une; Suisse; èces; ément; Apos;étranger

Rechtskraft:

Kein Weiterzug, rechtskräftig

Kommentar:

-

Entscheid des Bundesstrafgerichts

Bundesstrafgericht

Tribunal pénal fédéral

Tribunale penale federale

Tribunal penal federal

Numéro de dossier: RR.2015.154

Arrêt du 23 décembre 2015

Cour des plaintes

Composition

Les juges pénaux fédéraux Stephan Blättler, président, Cornelia Cova et Patrick Robert-Nicoud ,

la greffière Claude-Fabienne Husson Albertoni

Parties

la société A.,
représentée par Me Julie Vaisy, avocate,

recourante

contre

Ministère public du canton de Genève,

partie adverse

Objet

Entraide judiciaire internationale en matière pénale à la République française

Remise de moyens de preuve (art. 74 EIMP ); consultation du dossier (art. 80 b EIMP)


Faits:

A. Le 18 mars 2010, le parquet de Paris a ouvert une information pour « escroquerie à la TVA commise en bande organisée » et « blanchiment en bande organisée d'escroqueries à la TVA commise en bande organisée » . Le 5 septembre 2014, le Premier juge d'instruction auprès du Tribunal de Grande Instance de Paris a adressé une commission rogatoire à la Suisse. Il expliquait que dès l'automne 2008 s'est développée, d'abord en France puis en Europe, une fraude à la TVA de très grande ampleur sur les quotas de CO 2 (droit d'émission de gaz à effet de serre, définis par le protocole dit de Kyoto) traités à la bourse parisienne spécialisée Bluenext. Le mode opératoire consistait à acquérir des quotas à l'étranger auprès d'une société non assujettie à la TVA, puis à les revendre en France, avec TVA, laquelle n'était cependant pas reversée au Trésor public, l'opérateur la détournant à son profit. Les montants en résultant étaient presque immédiatement transférés à l'étranger. En outre, de faux courtiers se seraient fait agréer par Bluenext, et de multiples sociétés écran ont été constituées pour opacifier les transactions et blanchir les montants de la TVA ainsi détournés. Par ailleurs, les auteurs de l'infraction ont eu recours à de prétendues cessions d'uvres d'art pour blanchir l'argent de la fraude. La demande d'entraide visait à obtenir de la documentation bancaire pour la période comprise entre le 1 er janvier 2008 et le jour de la demande (act. 1.1).

B. Le 12 septembre 2014, le Ministère public du canton de Genève (ci-après: MP-GE) est entré en matière sur la demande d'entraide (act. 1.2) .

C. Dans ce contexte, le 1 er avril 2015, le MP-GE a requis de la banque B. les documents d'ouverture d'un compte aux fins d'identifier le donneur d'ordre de deux opérations. Il a assorti son ordonnance d'une interdiction de communiquer l'existence de la procédure (act. 1.3).

Par courrier du 8 avril 2015, la banque B. a informé le MP-GE que la titulaire du compte concerné était la société A. et que la relation bancaire en question avait été ouverte le 1 er avril 2005 pour être clôturée le 27 juin 2012 (act. 1.4).

D. Le 27 avril 2015, le MP-GE a rendu une décision de clôture ordonnant la transmission à l'autorité requérante des éléments bancaires relatifs à la société A. Cette dernière, ayant son siège à l'étranger sans avoir élu de domicile de notification en Suisse, la décision en question a été notifiée à la banque B. (act. 1.6). Dans la lettre accompagnant la notification de la décision de clôture, le MP-GE a levé l'interdiction de communiquer (act. 1.5).

E. Le 19 mai 2015, Me Julie Vaisy a indiqué au MP-GE se constituer pour la société A. (act. 1.8). Le même jour, le MP-GE lui a communiqué une copie caviardée de la demande d'entraide du 5 septembre 2014, en tant qu'elle ne concernait pas directement sa mandante (act. 1.9).

F. Par acte du 27 mai 2015, la société A. recourt auprès de l'Autorité de céans contre dite décision. Elle conclut principalement à ce que la décision de clôture soit annulée, à ce que la cause soit renvoyée au MP-GE et à ce que ce dernier soit enjoint de lui communiquer une copie non caviardée de la demande d'entraide ainsi que de lui accorder l'accès au dossier; subsidiairement, elle demande, préalablement, qu'une copie non-caviardée de la demande d'entraide lui soit communiquée, qu'elle puisse avoir accès au dossier pour se voir ensuite impartir un délai pour de nouvelles observations et, cela fait, que la décision de clôture soit annulée et la demande d'entraide rejetée, sous suite de frais et dépens. Pour motifs, elle fait valoir pour l'essentiel une violation du droit d'être entendu ainsi que du principe de la proportionnalité (act. 1).

G. Le 17 juin 2015, le MP-GE conclut au rejet du recours s'il devait être jugé recevable (act. 7).

Le 25 juin 2015, l'Office fédéral de la justice renonce à déposer des observations et se rallie à la décision entreprise (act. 8).

Le 20 juillet 2015, la société A. persiste intégralement dans ses conclusions (act. 11).

Les arguments et moyens de preuve invoqués par les parties seront repris, si nécessaire, dans les considérants en droit.

La Cour considère en droit:

1.

1.1 L'entraide judiciaire entre la République française et la Confédération suisse est prioritairement régie par la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale (CEEJ; RS 0.351.1), ainsi que par l'Accord bilatéral complétant cette convention ( RS 0.351.934.92). A compter du 12 décembre 2008, les art. 48 ss de la Convention d'application de l'Accord Schengen du 14 juin 1985 (CAAS; n° CELEX 42000A0922[02]; Journal officiel de l'Union européenne L 239 du 22 septembre 2000, p. 19 à 62) s'appliquent également à l'entraide pénale entre la Suisse et la France. Peut également s'appliquer, en l'occurrence, la Convention européenne relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime (CBl;
RS 0.311.53).

1.2 Pour le surplus, la loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'entraide internationale en matière pénale (EIMP; RS 351.1) et son ordonnance d'exécution (OEIMP; RS 351.11) règlent les questions qui ne sont pas régies, explicitement ou implicitement, par les traités (ATF 137 IV 33 consid. 2.2.2; 136 IV 82
consid. 3.1; 129 II 462 consid. 1.1; 124 II 180 consid. 1a). Le droit interne s'applique en outre lorsqu'il est plus favorable à l'octroi de l'entraide
(ATF 140 IV 123 consid. 2; 137 IV 33 consid. 2.2.2; 136 IV 82 consid. 3.1). Le principe du droit le plus favorable à l'entraide s'applique aussi pour ce qui concerne le rapport entre elles des normes internationales pertinentes
(v. art. 48 par. 2 CAAS; art. 39 CBl ). L'application de la norme la plus favorable doit avoir lieu dans le respect des droits fondamentaux (ATF 135 IV 212 consid. 2.3; 123 II 595 consid. 7c).

1.3 En vertu de l'art. 37 al. 2 let. a de la loi fédérale du 19 mars 2010 sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP; RS 173.71) mis en relation avec l'art. 25 al. 1 l ' EIMP , la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral est compétente pour connaître des recours dirigés contre les décisions de clôture de la procédure d'entraide pénale rendues par l'autorité cantonale d'exécution.

1.4 Aux termes de l'art. 80 h let. b EIMP , a qualité pour recourir en matière d'entraide quiconque est personnellement et directement touché par une mesure d'entraide et a un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée. La qualité pour recourir est reconnue à la personne physique ou morale directement touchée par l'acte d'entraide. Selon l'art. 9 a let. a et b OEIMP, est notamment réputé personnellement et directement touché au sens de l'art. 21 al. 3 et 80 h EIMP , en cas d'informations sur un compte, le titulaire du compte ainsi que le propriétaire ou le locataire en cas de perquisition. La société A. est titulaire de la relation bancaire dont la documentation doit être transmise à l'autorité requérante. Elle est donc habilitée à recourir.

1.5 Les autres conditions de recevabilité étant remplies, le recours est recevable. Il convient d'entrer en matière.

2.

2.1 Dans un grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner en premier lieu, la société A. se plaint du fait que l'autorité d'exécution aurait doublement violé son droit d'être entendu. Elle invoque d'abord n'avoir reçu qu'une version très caviardée de la demande d'entraide: la quasi-totalité de la section « mécanisme de blanchiment » étant expurgée, elle ne peut comprendre en quoi celui-ci consiste. Par ailleurs, le MP-GE refuse de lui conférer l'accès au dossier. L'autorité d'exécution soutient pour sa part que les versions non soustraites à la recourante ainsi que les pièces auxquelles elle a eu accès lui permettent de comprendre pour quelle raison elle est impliquée dans la procédure d'entraide et dans quel contexte s'inscrit la demande.

2.2 Il convient de relever avant tout que c'est dans le courrier par lequel l'autorité d'exécution a notifié la décision de clôture à la banque B. qu'elle a levé l'interdiction de communiquer qu'elle avait prononcé (act. 1.5).

2.2.1 Or, le droit du particulier de s'exprimer avant qu'une décision le concernant ne soit prise découle de son droit d'être entendu (arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2009.294 , consid. 3.1.1). Il en va de même du droit du particulier de recevoir la décision qui le concerne ( ATF 124 II 124 consid. 2a p. 127; 107 Ib 170 consid. 3 p. 175/176, et les arrêts cités). En application de ce principe et en vertu de l'art. 80 m EIMP , les décisions de l'autorité d'exécution sont notifiées à l'ayant droit domicilié en Suisse (let. a) et à l'ayant droit résidant à l'étranger qui a élu domicile en Suisse (let. b). Selon l'art. 9 OEIMP, la partie qui habite à l'étranger ou son mandataire doit désigner un domicile de notification en Suisse (1 re phr.). A défaut, la notification peut être omise (2 e phr.). Par ailleurs, le détenteur d'informations a le droit, selon
l'art. 80 n EIMP , d'informer son mandant de l'existence de la demande d'entraide, à moins d'une interdiction faite à titre exceptionnel par l'autorité compétente. Lorsque l'autorité compétente s'adresse à une banque pour obtenir les documents nécessaires à l'exécution d'une requête d'entraide judiciaire, elle doit notifier à l'établissement bancaire sa décision d'entrée en matière, puis sa décision de clôture, quel que soit le domicile du titulaire du compte visé. Lorsque le titulaire est domicilié à l'étranger, c'est à la banque qu'il appartient d'informer son client afin de permettre à celui-ci d'élire domicile et d'exercer en temps utile le droit de recours qui lui est reconnu selon les art. 80 h let. b EIMP et 9 a let. a OEIMP (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1A.36/2006 du 29 mai 2006, consid. 3.3; Zimmermann , La coopération judiciaire internationale en matière pénale, 4 e éd., Berne 2014, n ° 319 note 726 ). Lorsque le compte bancaire a été clôturé, on ignore en principe s'il existe encore un devoir de renseigner. Il n'en demeure pas moins que les décisions doivent être notifiées à l'établissement bancaire, détenteur des documents, à charge pour ce dernier de décider s'il entend faire usage de la faculté que lui reconnaît l'art. 80 n EIMP . Le droit dont disposent les parties d'assister à l'exécution de la demande d'entraide dans la mesure où ces actes les touchent directement, ne les exempte pas d'élire un domicile de notification en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 1A.107/2006 du 10 août 2006, consid. 2.5.1; Zimmermann , op. cit., n o 484).

2.2.2 En pareille hypothèse - soit celle dans laquelle le détenteur des documents saisis en exécution d'une demande d'entraide n'a pas élu domicile en Suisse -, le Tribunal fédéral a posé le principe selon lequel l'autorité d'exécution n'a pas à impartir de délai audit détenteur pour faire part de ses éventuelles observations avant que ne soit rendue la décision de clôture (arrêt du Tribunal fédéral 1A.107/2006 du 10 août 2006, consid. 2.5 in fine). En d'autres termes, l'autorité d'exécution n'a pas l'obligation d'interpeller dans ce sens l'établissement bancaire abritant le compte visé par la mesure d'entraide - et dont le titulaire n'a pas élu de domicile en Suisse - avant de notifier sa décision de clôture audit établissement. Il ressort toutefois des considérants du Tribunal fédéral que la règle ainsi posée ne respecte le droit d'être entendu du détenteur que pour autant que l'éventuelle interdiction de communiquer imposée à la banque en début de procédure (art. 80 n al. 1 EIMP ) ait été levée préalablement à la décision de clôture (arrêt cité, ibidem " [...] dopo la revoca del divieto di comunicazione [...]"); il s'agit en effet, d'une part, de garantir à la banque la possibilité d'informer son client de l'existence de la mesure d'entraide dont il fait l'objet, et, d'autre part, de permettre audit client qui entendrait élire domicile en Suisse de se manifester auprès de l'autorité d'exécution avant qu'elle ne rende sa décision de clôture. Dans l'hypothèse où une telle autorité ne lèverait l'interdiction de communiquer qu'au moment de notifier sa décision de clôture à la banque, il peut y avoir atteinte au droit d'être entendu du client domicilié à l'étranger, ce dernier étant en effet privé de toute possibilité d'être informé de la mesure d'entraide le visant - et partant de se manifester - avant le prononcé de clôture.

2.2.3 En l'espèce, il ressort du dossier que l'interdiction de communiquer imposée à la banque abritant les comptes de la recourante a déployé ses effets jusqu'au jour de la notification de la décision de clôture (act. 1.5 et 1.6). Un tel mode de procéder ne respecte pas le droit d'être entendu de la recourante.

2.2.4 Cela étant, même si une violation du droit d'être entendu est commise par l'autorité d'exécution, la procédure de recours devant la Cour des plaintes en permet en principe la réparation. En matière d'entraide internationale une telle réparation entre en ligne de compte afin de respecter les principes de célérité et d'économie procédurale. La jurisprudence a toutefois fixé des limites au-delà desquelles la violation du droit d'être entendu ne peut plus être réparée. Tel est le cas lorsque l'autorité méconnaît systématiquement la portée du droit d'être entendu, se défaussant par là même sur l'autorité de recours (arrêts du Tribunal pénal fédéral RR.2015.278 du 16 décembre 2015, consid. 2.1.3; RR.2015.139 du 16 octobre 2015, consid. 2.5, Zimmermann , op. cit., n o 472). On ne saurait arriver à cette conclusion en l'espèce. S'agissant du cas particulier dans lequel l'interdiction de communiquer a été levée trop tardivement, la jurisprudence considère cependant que pareille violation du droit d'être entendu peut être réparée lorsque la partie lésée a pu participer à la procédure de recours (arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2012.36 du 14 septembre 2012, consid. 2.3.4, entrepris sans succès devant le Tribunal fédéral [arrêt 1C_492/2012 du 9 octobre 2012]; v. également arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2009.294 du 7 octobre 2009, consid. 3.3.2) . En l'espèce, la recourante a pu s'exprimer largement devant l'autorité de recours, laquelle dispose d'un libre pouvoir d'examen.

2.3 Etant donné que la recourante se plaint d'une violation de son droit d'être entendu puisque seule une version caviardée de la demande d'entraide lui a été fournie, il convient toutefois de déterminer si elle a pu se prononcer, dans le cadre de la procédure de recours, en pleine connaissance de cause. La recourante soutient être contrainte de procéder à une reconstruction spéculative du contenu de la demande d'entraide eu égard aux informations restreintes auxquelles elle a eu accès. Par ailleurs, les explications données par le MP-GE dans le cadre du présent recours ne suffisent pas, selon elle, à pallier les atteintes portées à son droit de connaître les tenants et aboutissants de la demande d'entraide.

2.3.1 Le droit d'être entendu, garanti par l'art. 29 al. 2 Cst ., prévoit également l'obligation pour l'autorité d'indiquer dans son prononcé les motifs qui la conduisent à sa décision (arrêt du Tribunal fédéral 1A.95/2002 du 16 juillet 2002, consid. 3.1; cf. pour la jurisprudence relative à l'art. 4 aCst.,
ATF 123 I 31 consid 2c p. 34). Cette garantie tend à donner à la personne touchée les moyens d'apprécier la portée du prononcé et de le contester efficacement, s'il y a lieu, devant une instance supérieure (arrêt du Tribunal fédéral 1A.58/2006 du 12 avril 2006, consid. 2.2). L'objet et la précision des indications à fournir dépendent de la nature de l'affaire et des circonstances particulières du cas; néanmoins, en règle générale, il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs qui l'ont guidée, sans qu'elle soit tenue de discuter de manière détaillée tous les arguments soulevés par les parties ( ATF 112 Ia 107 consid. 2b p. 109; voir aussi ATF 126 I 97 consid. 2b p. 102, 125 II 369 consid. 2c p. 372, 124 II 146 consid. 2a p. 149) ; l'autorité n'est pas davantage astreinte à statuer séparément sur chacune des conclusions qui lui sont présentées (arrêt du Tribunal fédéral 1A.95/2002 du 16 juillet 2002, consid. 3.1) . Elle peut se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige; il suffit que le justiciable puisse apprécier correctement la portée de la décision et l'attaquer à bon escient ( ATF 126 I 15 consid. 2a/aa ; 125 II 369 consid. 2c ; 124 II 146 consid. 2a ; 124 V 180 consid. 1a et les arrêts cités). L'art. 80 b EIMP , quant à lui, permet aux ayants droit de participer à la procédure et de consulter le dossier si la sauvegarde de leurs intérêts l'exige. Les alinéas 2 et 3 de cette disposition posent les conditions de restriction à ce droit. Elles permettent à l'ayant droit, à moins que certains intérêts ne s'y opposent, de consulter le dossier de la procédure, la demande d'entraide et les pièces annexées. La consultation ne s'étend en tout cas qu'aux pièces pertinentes pour l'issue de la cause, soit toutes celles que l'autorité prend en considération pour fonder sa décision; partant il lui est interdit de se référer à des pièces dont les parties n'ont eu aucune connaissance (art. 26 al. 1 let. a , b et c de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative [ PA ; RS 172.021];
ATF 132 II 485 consid. 3.2; 121 I 225 consid. 2a; 119 Ia 139 consid. 2d;
118 Ib 438 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 1A.247/2000 du 27 novembre 2000, consid. 3a; Zimmermann , op. cit., n° 477). Dans le domaine de l'entraide, il s'agit en premier lieu de la demande elle-même et des pièces annexées, puisque c'est sur la base de ces documents que se déterminent l'admissibilité et la mesure de l'entraide ( arrêt du Tribunal fédéral 1A.94/2001 du 25 juin 2001, consid. 2a-b). La consultation de pièces superflues ou qui ne concernent pas le titulaire du droit peut être refusée (arrêts du Tribunal fédéral 1A.149/1999 du 9 septembre 1999, consid. 4b et 1A.40/1994 du
22 juin 1994, consid. 3b; arrêts du Tribunal pénal fédéral RR.2008.144 du
19 août 2008, consid. 3 et RR.2007.14 du 25 avril 2007, consid. 3.2). La limitation de la consultation par les parties des seules pièces pertinentes est en outre conforme à l'obligation de célérité ancrée à l'art. 17 a al. 1 EIMP (voir aussi arrêts du Tribunal pénal fédéral RR.2007.118 du 30 octobre 2007, consid. 3.1.2 et RR.2007.120 du 29 octobre 2007, consid. 3.1.2).

2.3.2 Le Tribunal fédéral admet au surplus la guérison de l'absence de motivation devant l'autorité supérieure lorsque l'autorité intimée justifie sa décision et l'explique dans le mémoire de réponse, et que le recourant a eu la possibilité de présenter un mémoire complémentaire pour prendre position sur les motifs contenus dans la réponse des autorités intimées et qu'il n'en résulte aucun préjudice pour le recourant (ATF 125 I 209 consid. 9a p. 219 et les arrêts cités; Moor , Droit administratif, vol. II, Berne 2011, p. 323 et les arrêts cités; Bovay , Procédure administrative, Berne 2015, p. 286ss). Une réparation du vice procédural, même grave, est également possible lorsque le renvoi à l'autorité inférieure constitue une vaine formalité, provoquant un allongement inutile de la procédure, incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 p. 197; 133 I 201 consid. 2.2 p. 204; décision du Tribunal pénal fédéral BB.2012.192 du 25 avril 2013, consid. 2.5).

2.3.3 En l'espèce la demande d'entraide transmise à la recourante est effectivement en partie caviardée (act. 1.1). Le contexte de l'escroquerie ainsi que le mécanisme de la fraude aux droits de carbone investigués apparaissent quasiment dans leur intégralité. Cela permet à la recourante de comprendre sans autre dans quel complexe de faits s'inscrit la demande d'entraide. En revanche, la partie relative au mécanisme de blanchiment est très largement expurgée. Ainsi, s'agissant du chapitre 2.1, intitulé « suivi des fonds issus de l'escroquerie » , seuls les titres subsistent ( « Fonds versés par Bluenext à la société C. » et « De Hong Kong au virement en Suisse » ). Quant aux développements portant sur les achats d'uvres d'art (chapitre 2.2), des quelques indications qui demeurent, il ressort que de faux documents ont été présentés à la banque D. pour justifier des mouvements financiers affectant les comptes ouverts par certaines sociétés dont les noms ont été censurés. Sous le titre 2.2.2 « présomption d'utilisation du motif 'vente d'uvres d'art' pour justifier les transferts de fonds. » , il est spécifié que les auteurs des infractions ont eu recours à de prétendues cessions d'uvres d'art pour blanchir de l'argent de la fraude. Dans ce contexte, un certain E. aurait bénéficié d'un virement de EUR 380'000.-- pour l'achat d'une uvre de F. La demande d'entraide précise que l'enquête a pour but d'identifier les bénéficiaires de la fraude et de déterminer la destination finale des fonds détournés. Elle requiert dès lors de pouvoir obtenir l'ensemble de la documentation bancaire relative à E. du 1 er janvier 2008 au jour de la demande pour toutes les opérations excédant EUR 10'000.-- (act. 1.1). Il ressort par ailleurs des pièces au dossier, telles que la recourante en a eu connaissance, que suite aux investigations bancaires ordonnées par le MP-GE en exécution de la demande d'entraide, deux versements d'un total de EUR 343'000.-- ont été crédités sur le compte de E. (act. 1.3.1 et 1.3.2) depuis un compte qui s'avère être celui de la recourante. Ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent aisément à cette dernière de comprendre l'objet et le but de la demande d'entraide, les mécanismes de fraude sous enquête, ceux de blanchiment en découlant ainsi que - au vu des versements qu'elle a opérés sur le compte de E., qui est suspecté avoir reçu des virements sous le faux prétexte de la vente d'uvres d'art - la raison pour laquelle des documents la concernant doivent être communiqués à l'autorité requérante. Dans sa réponse, le MP-GE précise au surplus que les deux justificatifs impliquant la recourante, et qui lui ont été soumis, ont à l'évidence été obtenus de la banque abritant le compte bénéficiaire de ces virements. Il a de ce fait répondu à l'interrogation de la recourante portant sur les modalités par lesquelles il avait obtenu les documents de la banque destinataire, ainsi que les raisons pour lesquelles il les a requis (act. 7). Il apparaît sur ce vu que la recourante a eu accès aux éléments du dossier pertinents pour la défense de ses intérêts. Les autres documents du dossier qui se rapportent à des tiers n'apparaissent pas nécessaires pour qu'elle puisse exercer valablement ses droits. Il n'y a ainsi pas de raison qu'elle y ait accès.

2.4 Il s'ensuit que la demande d'entraide même caviardée était suffisante pour permettre à la recourante de comprendre le complexe de faits dans lequel s'inscrit la demande d'entraide et les raisons pour lesquelles elle y est impliquée. L'accès au dossier qui lui a été conféré était suffisant pour qu'elle puisse valablement défendre ses intérêts et se prononcer en toute connaissance de cause dans le cadre de la présente procédure de recours. Cela scelle le sort de ses griefs quant au caviardage de la demande d'entraide et à l'accès au dossier.

2.5 Il convient de relever encore que la décision entreprise était très succinctement motivée, ce qui apparaît contraire aux principes jurisprudentiels développés en la matière ( supra consid. 2.3.1 et 2.3.2; arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2015.54 du 15 septembre 2015, consid. 2.2). Il reste qu'avec les explications fournies par le MP-GE dans sa réponse au recours, les manquements précités peuvent être considérés comme ayant été guéris.

2.6 Dès lors, compte tenu de ce qui précède, les violations du droit d'être entendu commises par l'autorité d'exécution (voir supra consid. 2.2 et 2.5), peuvent - encore - être réparées dans le cadre de la présente procédure de recours. Il en sera toutefois tenu compte lors du calcul de l'émolument judiciaire (v. infra consid. 5).

3.

3.1 La recourante allègue également que la décision entreprise violerait le principe de proportionnalité, le MP-GE ayant choisi de communiquer des pièces allant au-delà de ce que demandait l'autorité requérante. Elle conteste en particulier que la documentation d'ouverture de son compte puisse être transmise alors que la demande d'entraide requiert uniquement les pièces justificatives des opérations passées au débit et au crédit des comptes de E. d'un montant supérieur à EUR 10'000.--. Le MP-GE retient pour sa part que la transmission des documents concernés ne peut en aucune façon être considérée comme une recherche indéterminée de preuves.

3.2 Selon la jurisprudence relative au principe de la proportionnalité, lequel découle de l'art. 63 al. 1 EIMP , la question de savoir si les renseignements demandés sont nécessaires ou simplement utiles à la procédure pénale est en principe laissée à l'appréciation des autorités de poursuite de l'Etat requérant. L'Etat requis ne disposant généralement pas des moyens qui lui permettraient de se prononcer sur l'opportunité de l'administration des preuves acquises au cours de l'instruction étrangère, il ne saurait substituer sur ce point sa propre appréciation à celle des magistrats chargés de l'instruction. La coopération ne peut dès lors être refusée que si les actes requis sont manifestement sans rapport avec l'infraction poursuivie et impropres à faire progresser l'enquête, de sorte que la demande apparaît comme le prétexte à une recherche indéterminée de moyens de preuve
(ATF 122 II 367 consid. 2c; arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2009.33 -36 du 25 juin 2009, consid. 3.1). Le principe de la proportionnalité interdit en outre à l'autorité suisse d'aller au-delà des requêtes qui lui sont adressées et d'accorder à l'Etat requérant plus qu'il n'a demandé. Cela n'empêche pas d'interpréter la demande selon le sens que l'on peut raisonnablement lui donner. Le cas échéant, une interprétation large est admissible s'il est établi que toutes les conditions à l'octroi de l'entraide sont remplies; ce mode de procéder permet aussi d'éviter d'éventuelles demandes complémentaires (ATF 121 II 241 consid. 3a; arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2009.286 -287 du 10 février 2010, consid. 4.1). Sur cette base, peuvent aussi être transmis des renseignements et des documents non mentionnés dans la demande ( TPF 2009 161 consid. 5.2; arrêts du Tribunal pénal fédéral RR.2010.39 du 28 avril 2010, consid. 5.1; RR.2010.8 du 16 avril 2010, consid. 2.2). Le principe de l'utilité potentielle joue, en outre, un rôle crucial dans l'application du principe de la proportionnalité en matière d'entraide pénale internationale. C'est le propre de l'entraide de favoriser la découverte de faits, d'informations et de moyens de preuve, y compris ceux dont l'autorité de poursuite étrangère ne soupçonne pas l'existence. Il ne s'agit pas seulement d'aider l'Etat requérant à prouver des faits révélés par l'enquête qu'il conduit, mais d'en dévoiler d'autres, s'ils existent. Il en découle, pour l'autorité d'exécution, un devoir d'exhaustivité, qui justifie de communiquer tous les éléments qu'elle a réunis, propres à servir l'enquête étrangère, afin d'éclairer dans tous ses aspects les rouages du mécanisme délictueux poursuivi dans l'Etat requérant (arrêts du Tribunal pénal fédéral RR.2010.173 du 13 octobre 2010, consid. 4.2.4/a et RR.2009.320 du 2 février 2010, consid. 4.1; Zimmermann , op. cit., n° 723, p. 748 s.).

3.3 S'agissant des demandes relatives à des informations bancaires, il convient en principe de transmettre tous les documents qui peuvent faire référence aux soupçons exposés dans la demande d'entraide; il doit exister un lien de connexité suffisant entre l'état de fait faisant l'objet de l'enquête pénale menée par les autorités de l'Etat requérant et les documents visés par la remise (ATF 129 II 462 consid. 5.3; arrêts du Tribunal fédéral 1A.189/2006 du 7 février 2007, consid. 3.1; 1A.72/2006 du 13 juillet 2006, consid. 3.1). Les autorités suisses sont tenues, au sens de la procédure d'entraide, d'assister les autorités étrangères dans la recherche de la vérité en exécutant toute mesure présentant un rapport suffisant avec l'enquête pénale à l'étranger. Lorsque la demande vise à éclaircir le cheminement de fonds d'origine délictueuse, il convient en principe d'informer l'Etat requérant de toutes les transactions opérées au nom des personnes et des sociétés et par le biais des comptes impliqués dans l'affaire, même sur une période relativement étendue (ATF 121 II 241 consid. 3c). L'utilité de la documentation bancaire découle du fait que l'autorité requérante peut vouloir vérifier que les agissements qu'elle connaît déjà n'ont pas été précédés ou suivis d'autres actes du même genre (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1A.259/2006 du 26 janvier 2007, consid. 2.2; 1A.75/2006 du 20 juin 2006, consid. 3.2; 1A.79/2005 du 27 avril 2005, consid. 4.2; 1A.59/2005 du 26 avril 2005, consid. 6.2). Certes, il se peut également que les comptes litigieux n'aient pas servi à recevoir le produit d'infractions pénales, ni à opérer des virements illicites ou à blanchir des fonds. L'autorité requérante n'en dispose pas moins d'un intérêt à pouvoir le vérifier elle-même, sur le vu d'une documentation complète, étant rappelé que l'entraide vise non seulement à recueillir des preuves à charge, mais également à décharge (ATF 118 Ib 547 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 1A.88/2006 du 22 juin 2006, consid. 5.3; arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2008.287 du 9 avril 2009, consid. 2.2.4 et la jurisprudence citée).

3.4 En l'espèce, l'Etat requérant a clairement demandé « l'ensemble de la documentation bancaire ainsi que les relevés du/des comptes ouverts au nom de E. auprès de la banque G. ainsi que les pièces justificatives des opérations passées au débit et au crédit de ces comptes d'un montant supérieur à EUR 10'000.-- » . Il a en effet précisé que « son information a pour but d'identifier les bénéficiaires de la fraude et de déterminer la destination finale des fonds détournés » (act. 11, p. 4). C'est dès lors à bon droit que le MP-GE n'entend pas se limiter à communiquer uniquement les deux avis de virement tels que reçus puisque ceux-ci ne permettent pas de distinguer qui a été le donneur d'ordre des deux paiements en cause. En effet, sous le titre « ordering institution » lesdits avis mentionnent uniquement « par un de nos clients » (act. 1.3.1 et 1.3.2) . Par conséquent, adresser à l'autorité requérante les documents d'ouverture du compte de la recourante permet d'établir l'identité du titulaire de la relation bancaire ayant alimenté celle de E. par les deux montants en question, au demeurant largement supérieurs à la limite de EUR 10'000.--. Cette démarche est objectivement propre à faire avancer l'enquête étrangère. Procéder différemment heurterait de surcroît le principe de célérité puisque, ainsi que le relève le MP-GE, il n'y a pas de doute que transmettre à l'autorité requérante un justificatif n'identifiant pas nommément le donneur d'ordre mais comportant uniquement la mention « un client », appellerait inévitablement une demande complémentaire des autorités françaises pour savoir de qui il s'agit.

3.5 La décision attaquée ne viole ainsi pas le principe de proportionnalité. Le grief, mal fondé, est partant privé d'assise.

4. Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté.

5. En règle générale, les frais de procédure comprenant l'émolument d'arrêté, les émoluments de chancellerie et les débours sont mis à la charge de la partie qui succombe (art. 63 al. 1 PA ). Le montant de l'émolument est calculé en fonction de l'ampleur et de la difficulté de la cause, de la façon de procéder des parties, de leur situation financière et des frais de chancellerie (art. 73 al. 2 LOAP ). Il doit en l'occurrence être réduit du fait que l'autorité inférieure a violé le droit d'être entendue de la recourante (v. supra
consid. 2.2 et 2.5). Cette dernière supportera dès lors des frais, réduits au regard des circonstances relatives au respect du droit d'être entendu, qui sont fixés à CHF 2'000.-- (art. 73 al. 2 LOAP et art. 8 al. 3 du règlement du Tribunal pénal fédéral sur les frais, émoluments, dépens et indemnités de la procédure pénale fédérale [RFPPF; RS 173.713.162 ] et art. 63 al. 5 PA). La recourante ayant versé CHF 5'000.-- à titre d'avance de frais, l'émolument du présent arrêt est couvert par celle-ci et la caisse du Tribunal pénal fédéral lui restituera le solde par CHF 3'000.--.


Par ces motifs, la Cour des plaintes prononce:

1. Le recours est rejeté.

2. Un émolument de CHF 2'000.--, couvert par l'avance de frais de CHF 5'000.-- déjà versée est mis à la charge de la recourante. La caisse du Tribunal pénal fédéral restituera à la recourante le solde par CHF 3'000.--.

Bellinzone, le 23 décembre 2015

Au nom de la Cour des plaintes

du Tribunal pénal fédéral

Le président: La greffière :

Distribution

- Me Julie Vaisy, avocate

- Ministère public du canton de Genève

- Office fédéral de la justice, Unité Entraide judiciaire

Indication des voies de recours

Le recours contre une décision en matière d'entraide pénale internationale doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 10 jours qui suivent la notification de l'expédition complète (art. 100 al. 1 et 2 let. b LTF ).

Le recours n'est recevable contre une décision rendue en matière d'entraide pénale internationale que s'il a pour objet une extradition, une saisie, le transfert d'objets ou de valeurs ou la transmission de renseignements concernant le domaine secret et s'il concerne un cas particulièrement important (art. 84 al. 1 LTF ). Un cas est particulièrement important notamment lorsqu'il y a des raisons de supposer que la procédure à l'étranger viole des principes fondamentaux ou comporte d'autres vices graves (art. 84 al. 2 LTF ).

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