Kanton: | VD |
Fallnummer: | Jug/2012/187 |
Instanz: | Tribunal Cantonal |
Abteilung: | Chambre des recours pénale |
Datum: | 29.06.2012 |
Rechtskraft: | - |
Leitsatz/Stichwort: | - |
Schlagwörter : | Banque; Partie; Qualité; Pénal; Recours; Pénale; Plaignante; Recourante; Client; Lésé; Contre; Compte; Infraction; Procédure; Directe; Auprès; Présent; Directement; Personne; Titulaire; Patrimoine; L'art; Document; D'une; Décision; Plainte; Public; était; Dommage; Ministère |
Rechtsnorm: | Art. 115 CPP; Art. 118 CPP; Art. 385 CPP; Art. 390 CPP; Art. 396 CPP; Art. 428 CPP; |
Referenz BGE: | - |
Kommentar zugewiesen: | Spühler, Basler Kommentar zur ZPO, Art. 321 ZPO ; Art. 311 ZPO, 2017 |
Weitere Kommentare: | - |
CHAMBRE DES RECOURS PENALE
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Séance du 29 juin 2012
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Présidence de M. Krieger, président
Juges : M. Abrecht et Mme Byrde
Greffière : Mme Brabis Lehmann
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Art. 115 ss, 393 ss CPP
La Chambre des recours pénale prend séance à huis clos pour statuer sur le recours déposé par C.________ contre l'ordonnance rejetant la requête en déchéance de qualité de partie plaignante de la K.________ rendue le 12 juin 2012 par le Procureur du Ministère public central, division entraide, criminalité économique et informatique.
Elle considère:
En fait :
A. En date du 30 janvier 2009, la K.________ (ci-après: [...]) a déposé une plainte pénale auprès du Juge d’instruction du canton de Vaud. Elle a expliqué que C.________ (ci-après: la recourante) était titulaire d'un compte auprès de la K.________ et que ce dernier était exploitable sous la signature unique de P.________, ressortissant russe. Selon la plainte pénale, le 25 octobre 2000, le compte au nom de la recourante auprès de la K.________ a été crédité de la somme de 1'498'878.38 USD provenant d'une société qui a son siège en Lettonie. En date du 30 octobre 2000, la K.________ aurait reçu une instruction au nom de la recourante, sous la signature de P.________, demandant d'effectuer un transfert de la somme de 1'498'878.00 USD en faveur d'un compte de Z.________ à Jersey auprès de la J.________ à Jersey également. La banque aurait effectué la transaction. Le 6 avril 2001, la K.________ aurait reçu une nouvelle instruction au nom de la recourante, toujours sous la signature de P.________, demandant d'effectuer un transfert de la somme de 6'000 USD en faveur d'un compte d'une société ayant son siège aux Etats-Unis auprès de R.________ en Lettonie. Cette transaction aurait été effectuée par la K.________ le 9 avril 2001 sur la base des instructions reçues.
Par demande en paiement adressée à l'encontre de la K.________ à la Cour civile du canton de Vaud le 15 août 2008, la recourante a indiqué que dans l'un des cas au moins, soit celui du 25 octobre 2000, un ou plusieurs tiers auraient indûment soustraits des avoirs qui se trouvaient auprès de la K.________. Cette soustraction serait intervenue au moyen d'un document intégrant, selon la recourante, une signature falsifiée de son représentant P.________ non-détectée par la K.________. La recourante estime ainsi que la responsabilité de la Banque ou de ses auxiliaires serait ainsi engagée.
Dans sa plainte du 30 janvier 2009, la banque précitée a déclaré se constituer partie civile. Les 6 février et 10 décembre 2009, le Juge d'instruction du canton de Vaud, considérant que la K.________ avait un intérêt civil à la cause, a admis cette dernière en qualité de partie civile.
B. Par courrier du 7 mai 2012, la société recourante a requis la déchéance de la qualité de partie plaignante de la K.________ au motif que, n'ayant pas été touchée directement par la commission d'une infraction, elle n'était qu'indirectement lésée, par ricochet, et qu'elle ne pouvait dès lors pas se prévaloir de la qualité de partie plaignante dans la présente procédure.
La banque précitée s'est déterminée par courrier du 1er juin 2012 et a indiqué être directement lésée, que ce soit au civil ou au pénal, par l'usage des faux. Partant, sa qualité de partie plaignante ne saurait être déniée.
Par décision du 12 juin 2012, le Procureur du Ministère public central, division entraide, criminalité économique et informatique, a rejeté la requête en déchéance de qualité de partie plaignante de la K.________ (I) et a dit que les frais suivaient le sort de la cause au fond (Il).
C. Par acte du 25 juin 2012, C.________ a recouru contre cette décision, concluant, avec suite de frais et dépens, à son annulation en ce sens que la banque susmentionnée n'a pas la qualité de partie plaignante dans la présente procédure, cette qualité devant uniquement être reconnue à la recourante.
En droit :
1. Aux termes de l’art. 393 al. 1 let. a CPP (Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007, RS 312.0), le recours est recevable contre les décisions et les actes de procédure du Ministère public. Le recours doit être adressé par écrit, dans un délai de dix jours dès la notification de la décision attaquée (cf. art. 384 let. b CPP), à l’autorité de recours (art. 396 al. 1 CPP), qui est la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal (art. 13 LVCPP [Loi d'introduction du Code de procédure pénale suisse du 19 mai 2009, RSV 312.01]; art. 80 LOJV [Loi d'organisation judiciaire du 12 décembre 1979, RSV 173.01]). En l’espèce, il y a donc lieu d’entrer en matière sur le recours, qui a été interjeté en temps utile devant l’autorité compétente et satisfait aux conditions de forme posées par l’art. 385 al. 1 CPP.
2. a) La recourante fait valoir que la banque n’a pas la qualité de partie plaignante. Elle soutient que la K.________ n'a pas été touchée directement par une quelconque infraction dès lors que seul son compte bancaire a été frauduleusement débité. Elle ajoute que le patrimoine de la banque n'a pas été atteint. La K.________ devrait donc être déchue de sa qualité de partie plaignante.
b) L’art. 104 al. 1 let. b CPP dispose que la qualité de partie est reconnue à la partie plaignante. Quant à l’art. 118 al. 1 CPP, il définit ce qu’on entend par partie plaignante, à savoir “le lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure pénale comme demandeur au pénal ou au civil”.
Conformément à l’art. 115 al. 1 CPP, est considéré comme lésé toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction. Les droits touchés sont les biens juridiques individuels tels que la vie et l’intégrité corporelle, la propriété, l’honneur, etc. (Message relatif à l’unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 p. 1148). Selon la jurisprudence, seul doit être considéré comme lésé celui qui prétend être atteint, immédiatement et personnellement, dans ses droits protégés par la loi, par la commission d’une infraction (TF 1B_201/2011 du 9 juin 2011 c. 2.1; ATF 126 IV 42 c. 2a; ATF 117 la 135 c. 2a). Ainsi, en cas de délits contre des particuliers, le lésé est le titulaire du bien juridique protégé. Lorsque l’infraction protège en première ligne l’intérêt collectif, les particuliers ne sont considérés comme lésés que si leurs intérêts privés ont été effectivement touchés par les actes en cause, de sorte que leur dommage apparaît comme la conséquence directe de l’acte dénoncé (ATF 129 IV 95 c. 3.1; ATF 123 IV 184 c. 1c; ATF 120 la 220 c. 3). L’atteinte doit par ailleurs revêtir une certaine gravité. A cet égard, la qualification de l’infraction n’est pas déterminante; sont décisifs les effets de celle-ci sur le lésé, lesquels doivent être appréciés de manière objective, et non en fonction de la sensibilité personnelle et subjective de ce dernier (TF 1B_201/2011 du 9 juin 2011 c. 2.1 et les références citées).
L’art. 115 al. 2 CPP ajoute que sont toujours considérées comme des lésés les personnes qui ont qualité pour déposer plainte pénale. Selon le Message, cet alinéa apporte une précision en statuant que les personnes qui ont qualité pour déposer plainte pénale selon l’art. 30 al. 1 CP, en d’autres termes les titulaires des biens juridiques auxquels on a porté atteinte, doivent toujours être considérées comme des lésés (Message relatif à l’unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 p. 1148).
c) Il est unanimement admis par la doctrine et la jurisprudence que l’argent déposé sur un compte bancaire ouvert au nom d’un client devient la propriété de la banque (par mélange); le client ne dispose alors que d’une créance en restitution contre la banque. En versant ou virant de l'argent depuis ce compte à un tiers, la banque transfère son propre argent. Lorsqu'elle le fait en exécution d'un ordre du client ou d'un de ses représentants, elle acquiert une créance en remboursement du montant correspondant en tant que frais faits pour l'exécution régulière du mandat (art. 402 CO). Par contre, lorsqu'elle exécute un ordre de paiement sans ordre du client, notamment un ordre donné par un tiers qui n'y est pas habilité, il ne naît pas, en faveur de la banque, de créance en remboursement à l'encontre du client non impliqué dans l'opération. Le dommage découlant du paiement indu est un dommage de la banque, non du client (TF 4A_54/2009 du 20 avril 2009 c. 1). Le client qui n'a pas, d'une manière ou d'une autre, incité la banque à procéder au transfert indu n'a pas à supporter le dommage qui en résulte, même en l'absence de faute de la banque (TF 4A_54/2009 du 20 avril 2009 c. 1; ATF 132 III 449 c. 2).
Par l’ouverture d’un compte, la banque s’engage vis-à-vis du client à lui restituer, selon les modalités convenues, tout ou partie de l’avoir remis (TF 4A_54/2009 du 20 avril 2009 c. 1; TF 4A_438/2007 du 29 janvier 2008 c. 5.1; ATF 132 III 449 c. 2, JT 2007 1446 et SJ 2006 I 377; TF 6S.709/2000 c. 5.3.2; Gabarski, Qualité de partie plaignante et criminalité économique, quelques questions d’actualité, Revue pénale suisse, t. 130, 2012, pp. 160 à 194, spéc. pp. 189 s.). C'est donc la banque qui supporte le risque d'une prestation exécutée par le débit du compte en faveur d'une personne non autorisée; elle seule subit un dommage, à l'exception du client, car elle est tenue de payer une seconde fois, à son client, le montant concerné (TF 6B_199/2011 et 6B_215/2011 du 10 avril 2012 c. 5.3.5.2; ATF 132 III 499 c. 2). L’exécution par la banque d’un ordre de remettre ou de transférer un montant a donc pour fondement le contrat précité, existant entre la banque et son client, et ce même si l’ordre est donné irrégulièrement ou s’il s’agit d’un faux (ATF 132 III 449 c. 2; ATF 111 II 263 c. 1a); il s’ensuit que si la banque donne un tel ordre sur la base d’un faux document ou sous l’empire d’une astuce ou d’un mensonge, elle lèse directement son propre patrimoine et non celui du client, qui reste titulaire envers elle d’une créance (TF 6B_199/2011 et 6B_215/2011 du 10 avril 2012 c. 5.3.5.1; ATF 132 III 449 c. 2 et 3; ATF 132 III 609 c. 5.3.5 et les références citées; TF 4A_398/2009 du 23 février 2010 c. 5.1.1; Mazzucchelli/Postizzi, in: Niggli/Heer/Wiprächtiger (éd.), Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, Bâle 2011, nn. 56 s. ad art. 115 CPP, pp. 757 s.).
En outre, les délits de faux dans les titres et de faux dans les certificats réprimés aux art. 251 et 252 CP protègent en première ligne la sécurité des transaction et la foi publique dans les documents ayant valeur de preuve (Boog, in: Niggli/Wiprächtiger (éd.), Basler Kommentar, Strafrecht II, 2e éd., Bâle 2007, n. 5 avant l’art. 251 CP, p. 1586; Mazzucchelli/Postizi, op. cit., n. 73 ad art. 115 CPP, p. 762). Lorsque ces délits sont commis au détriment d’une personne, par exemple lorsqu’ils font partie intégrante d’une infraction contre le patrimoine, ils protègent aussi des intérêts particuliers (Mazzucchelli/Postizi, op. et loc. cit. ; ATF 119 la 346 c. 2b).
d) En l’espèce, la K.________ a déposé plainte le 30 janvier 2009, indiquant qu'un ou plusieurs tiers auraient indûment soustraits des avoirs de la recourante qui se trouvaient sur un compte ouvert auprès de la K.________ au moyen de documents intégrants des signatures falsifiées. La qualité de partie plaignante lui a été d’emblée reconnue par le magistrat instructeur. Au vu des principes rappelés ci-dessus (cf. c. 2b et 2c), il n’y a pas de motif de lui dénier maintenant cette qualité, au contraire. En effet, pour les motifs susmentionnés, les manoeuvres frauduleuses dont elle a été la victime, accompagnées de l’usage de faux documents, l’ont conduite à porter directement atteinte à son propre patrimoine. Ainsi, la banque était titulaire du bien juridiquement protégé par les infractions contre le patrimoine dont elle a été vraisemblablement la victime, à première vue une escroquerie et des faux dans les titres; elle était également titulaire du bien juridiquement protégé par l’infraction en lien avec les faux documents, cette dernière ayant servi à commettre l’infraction contre le patrimoine.
Au vu de ce qui précède, la banque a donc la qualité de lésée et, partant, de partie plaignante. C’est donc à bon droit que le Procureur a rejeté la requête en déchéance de qualité de partie plaignante de la K.________.
3. Manifestement mal fondé, le recours doit être rejeté sans autres échanges d’écritures (art. 390 al. 2 CPP) et la décision attaquée confirmée. Les frais de la procédure de recours, par 770 fr. (art. 20 al. 1 TFJP [Tarif des frais judiciaires pénaux du 28 septembre 2010, RSV 312.03.1]), sont mis à la charge de la recourante C.________, qui succombe (art. 428 al. 1 CPP).
Par ces motifs,
la Chambre des recours pénale,
statuant à huis clos,
prononce :
I. Le recours est rejeté.
II. La décision est confirmée.
III. Les frais du présent arrêt, par 770 fr. (sept cent septante francs), sont mis à la charge de C.________.
IV. Le présent arrêt est exécutoire.
Le président : La greffière :
Du
L'arrêt qui précède, dont la rédaction a été approuvée à huis clos, est notifié, par l'envoi d'une copie complète, à:
- M. Benjamin Borsodi, avocat (pour C.________),
- M. Bertrand Demierre, avocat (pour la K.________),
- Ministère public central,
et communiqué à:
- M. le Procureur du Ministère public central, division entraide, criminalité économique et informatique,
par l’envoi de photocopies.
Le présent arrêt peut faire l'objet d'un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral au sens des art. 78 ss LTF (loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral - RS 173.110), cas échéant d'un recours constitutionnel subsidiaire au sens des art. 113 ss LTF. Ces recours doivent être déposés devant le Tribunal fédéral dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète (art.100 al. 1 LTF).
La greffière :
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